Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris
Thématique : Cotisations retraite des artistes : quérable ou portable ?
→ RésuméMadame [D], auteur dramatique, conteste les appels de cotisations de l’IRCEC pour 2017, 2018 et 2019, demandant un taux réduit. Bien que la commission de recours amiable ait partiellement accepté sa demande pour 2019, l’IRCEC refuse les autres années, arguant que sa demande d’exonération est tardive. Madame [D] soutient que l’IRCEC a commis une erreur en ne l’affiliant pas malgré des revenus supérieurs au seuil d’affiliation. Le tribunal, après examen, conclut que même si l’IRCEC a fauté, cela ne l’exonère pas de ses obligations de cotisation, et déboute Madame [D] de toutes ses demandes.
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Par ailleurs, les cotisations de retraites étant portables et non quérables, il appartient à l’artiste, à réception des courriers de l’IRCEC lui indiquant qu’il n’était redevable d’aucune cotisation dès lors que ses revenus étaient inférieurs au seuil d’affiliation au RAAP (dont le montant est précisé sur chacun des courriers versés), d’entreprendre les démarches nécessaires afin de corriger cette information et de déclarer ses revenus réels afin de procéder au règlement de ses cotisations de retraite dans les délais règlementaires.
Dès lors qu’un artiste-auteur perçoit des revenus d’auteur supérieurs au seuil d’affiliation, il doit obligatoirement cotiser au RAAP et, d’autre part, que les droits à prestations sont déterminés par les cotisations acquittées par les affiliés à ce régime.
Il résulte des dispositions des articles L. 382-1, L. 382-12 et L. 644-1 du code de la sécurité sociale que les artistes auteurs sont rattachés au régime général de la sécurité social dans le cadre duquel ils cotisaient jusqu’en 2019 auprès de l’AGESSA et depuis 2020, auprès de l’URSSAF pour leur retraite de base et relèvent, de manière obligatoire, pour leur retraite complémentaire, d’un des trois régimes complémentaires d’assurance vieillesse gérés par l’IRCEC, dont le régime de droit commun dénommé le régime des artistes-auteurs professionnels (RAAP) qui s’applique indépendamment du secteur de création artistique du professionnel.
En vertu des articles 1et 2 du décret n° 62-420 du 11 avril 1962 applicable au RAAP, les personnes affiliées à l’IRCEC sont tenues au versement d’une cotisation destinée à financer le régime d’assurance vieillesse complémentaire des artistes et auteurs professionnels dont le montant est calculé en pourcentage des revenus de la dernière année écoulée.
La cotisation porte attribution d’un nombre de points égal à son montant divisé par un coefficient de référence fixé par décret sur proposition du conseil d’administration.
L’affiliation à ce régime est cependant conditionnée à la perception, au cours de la dernière année civile, d’un montant de revenus de droits d’auteur atteignant un seuil, dit seuil d’affiliation, fixé à 900 fois la valeur horaire brute du salaire minimum de croissance en vigueur le 1er janvier de l’année civile considérée.
Résumé de l’affaire
Les points essentiels
Motifs de la décision
Sur le moyen tiré de l’absence de saisine préalable de la CRA,
Aux termes de l’article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, « Les réclamations relevant de l’article L. 142-4 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil, du conseil d’administration ou de l’instance régionale de chaque organisme.
Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation. »
L’étendue de la saisine de la commission de recours amiable d’un organisme de sécurité sociale se détermine au regard du contenu de la lettre de réclamation et non de celui de la décision ultérieure de cette commission.
En l’espèce, il est constant que Madame [O] [D] n’a pas sollicité auprès de la CRA la reconstitution de ses droits à titre gratuit. Pour autant, dans son courrier à la commission du 5 novembre 2020, Madame [D] écrit, commentant le mail que lui a adressé l’IRCEC le 19 octobre 2020 : « il est, en effet, mentionné que, de 1991 à 1995 et de 1997 à 2016, mes droits d’auteurs étaient inférieurs au seuil. Cela est erroné : à partir de 1989, et pendant plus de 20 ans (et non 10 comme je vous l’ai indiqué dans mon courrier du 12 février 2020), je n’ai pas eu d’appel de cotisation de la part de l’IRCEC, alors que mes droits d’auteurs étaient supérieurs au seuil et que je cotisais à l’AGESSA pour la retraite. Or, les deux cotisations [retraite de base (AGESSA) et retraite complémentaire] étant dissociables, j’aurais dû cotiser à l’IRCEC. »
S’il est exact, comme le soutient l’IRCEC, que ce défaut d’affiliation n’est invoqué par Madame [O] [D] qu’au soutient de sa demande d’exonération du paiement des cotisations 2017, 2018, 2019, il n’en demeure pas moins que cette question a été soumise à la CRA.
La demande est donc recevable.
Sur le fond
Il résulte des dispositions des articles L. 382-1, L. 382-12 et L. 644-1 du code de la sécurité sociale que les artistes auteurs sont rattachés au régime général de la sécurité social dans le cadre duquel ils cotisaient jusqu’en 2019 auprès de l’AGESSA et depuis 2020, auprès de l’URSSAF pour leur retraite de base et relèvent, de manière obligatoire, pour leur retraite complémentaire, d’un des trois régimes complémentaires d’assurance vieillesse gérés par l’IRCEC, dont le régime de droit commun dénommé le régime des artistes-auteurs professionnels (RAAP) qui s’applique indépendamment du secteur de création artistique du professionnel.
En vertu des articles 1et 2 du décret n° 62-420 du 11 avril 1962 applicable au RAAP, les personnes affiliées à l’IRCEC sont tenues au versement d’une cotisation destinée à financer le régime d’assurance vieillesse complémentaire des artistes et auteurs professionnels dont le montant est calculé en pourcentage des revenus de la dernière année écoulée.
La cotisation porte attribution d’un nombre de points égal à son montant divisé par un coefficient de référence fixé par décret sur proposition du conseil d’administration.
L’affiliation à ce régime est cependant conditionnée à la perception, au cours de la dernière année civile, d’un montant de revenus de droits d’auteur atteignant un seuil, dit seuil d’affiliation, fixé à 900 fois la valeur horaire brute du salaire minimum de croissance en vigueur le 1er janvier de l’année civile considérée.
Il résulte des textes précités, d’une part, que, dès lors qu’un artiste-auteur perçoit des revenus d’auteur supérieurs au seuil d’affiliation, il doit obligatoirement cotiser au RAAP et, d’autre part, que les droits à prestations sont déterminés par les cotisations acquittées par les affiliés à ce régime.
Il découle de ce qui précède qu’à supposer même que l’absence d’affiliation résulte d’une faute de l’IRCEC comme l’intéressée l’invoque, il reste qu’un tel manquement se résout en allocation de dommages-intérêts mais ne saurait être de nature, ni à l’exonérer du paiement des cotisations dues au titre des années 2017, 2018 et 2019 dès lors qu’il n’est pas contesté que ses revenus d’auteur 2016, 2017 et 2018 étaient supérieurs au seuil d’affiliation à l’IRCEC, ni à lui conférer de droit à voir valider des trimestres d’assurance et points du régime complémentaire du RAAP, dès lors qu’une telle validation de droits suppose d’avoir corrélativement cotisé, dans les conditions rappelées par les textes sus mentionnés, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Par ailleurs, les cotisations de retraites étant portables et non quérables, il appartenait à Madame [D], à réception des courriers de l’IRCEC lui indiquant qu’elle n’était redevable d’aucune cotisation dès lors que ses revenus étaient inférieurs au seuil d’affiliation au RAAP (dont le montant est précisé sur chacun des courriers versés), d’entreprendre les démarches nécessaires afin de corriger cette information et de déclarer ses revenus réels afin de procéder au règlement de ses cotisations de retraite dans les délais règlementaires.
Contrairement au cas d’espèce qu’elle invoque et ayant fait l’objet du jugement du pôle social de Versailles du 4 mars 2020, Madame [D] était parfaitement informée et consciente de son obligation de cotisation à l’IRCEC à raison de la nature de ses revenus, du fait qu’elle ne versait aucune cotisation et du motif de cette absence de cotisation. Elle était donc parfaitement en mesure d’agir, ce qu’elle n’a pas fait pendant plus de 20 ans comme elle l’indique elle-même.
Madame [D], sera donc déboutée de sa demande de reconstitution de ses droits pour la période de 1991 à 2017, de sa demande d’exonération du paiement des cotisations au RAAP pour 2017, 2018 et 2019 et de sa demande d’expertise.
Sur les mesures accessoires
Madame [D] est condamnée au paiement des entiers dépens sur le fondement des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile applicable en vertu du paragraphe II de l’article R.142-1-A du code de la sécurité sociale.
– Madame [O] [D] est condamnée au paiement des dépens de l’instance
Réglementation applicable
– Code de procédure civile
Article R. 142-1 du code de la sécurité sociale:
« Les réclamations relevant de l’article L. 142-4 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil, du conseil d’administration ou de l’instance régionale de chaque organisme. Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation. »
Article 696 du code de procédure civile:
« Les dépens sont constitués par les frais taxés et les honoraires d’avocat. Ils sont supportés par la partie succombante, sauf accord des parties ou décision spéciale du juge. »
Décret n° 62-420 du 11 avril 1962:
Article 1: « Les personnes affiliées à l’IRCEC sont tenues au versement d’une cotisation destinée à financer le régime d’assurance vieillesse complémentaire des artistes et auteurs professionnels dont le montant est calculé en pourcentage des revenus de la dernière année écoulée. »
Article 2: « La cotisation porte attribution d’un nombre de points égal à son montant divisé par un coefficient de référence fixé par décret sur proposition du conseil d’administration. »
Article L. 382-1 du code de la sécurité sociale:
« Les artistes auteurs sont rattachés au régime général de la sécurité sociale dans le cadre duquel ils cotisaient jusqu’en 2019 auprès de l’AGESSA et depuis 2020, auprès de l’URSSAF pour leur retraite de base et relèvent, de manière obligatoire, pour leur retraite complémentaire, d’un des trois régimes complémentaires d’assurance vieillesse gérés par l’IRCEC. »
Article L. 382-12 du code de la sécurité sociale:
« Les droits à prestations des artistes auteurs sont déterminés par les cotisations acquittées par les affiliés au régime complémentaire du RAAP. »
Article L. 644-1 du code de la sécurité sociale:
« Les artistes auteurs doivent obligatoirement cotiser au RAAP dès lors qu’ils perçoivent des revenus d’auteur supérieurs au seuil d’affiliation. »
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