Cour d’Appel de Riom, 28 juin 2022, N° RG 19/02113
Cour d’Appel de Riom, 28 juin 2022, N° RG 19/02113

Type de juridiction : Cour d’Appel

Juridiction : Cour d’Appel de Riom

Résumé

La Cour d’Appel de Riom a statué le 28 juin 2022 sur un litige entre un organisme de retraite agricole et une femme concernant un trop-perçu de pension. L’organisme réclamait 4 761,85 euros pour la période de mars à novembre 2015. Après un rejet de la commission de recours amiable, le tribunal de grande instance d’Aurillac avait donné raison à la femme. Cependant, en appel, la Cour a jugé qu’elle avait repris une activité agricole, rendant indue la perception de sa pension. Elle a ordonné le remboursement et rejeté la demande de dommages-intérêts, confirmant ainsi la décision de l’organisme.

La Cour d’Appel de Riom a rendu un arrêt le 28 juin 2022 dans une affaire opposant un organisme de retraite agricole à une femme. L’organisme réclamait un trop-perçu de 4 761,85 euros au titre de la retraite de la femme pour la période de mars à novembre 2015. La femme avait saisi la commission de recours amiable, qui avait rejeté sa demande. Le tribunal de grande instance d’Aurillac avait ensuite débouté l’organisme de ses demandes et condamné celui-ci à rembourser la femme. L’organisme a interjeté appel. La Cour d’Appel a finalement donné raison à l’organisme, condamnant la femme à rembourser la somme indûment perçue. Elle a également rejeté la demande de la femme de dommages-intérêts et a condamné celle-ci aux dépens.



28 JUIN 2022 Arrêt n° FD/SB/NS Dossier N° RG 19/02113 – N° Portalis DBVU-V-B7D-FJ7Q Organisme [5] / [D] [Y] Arrêt rendu ce VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors du délibéré de : M. Christophe RUIN, Président Mme Karine VALLEE, Conseiller Mme Frédérique DALLE, Conseiller En présence de Mme Séverine BOUDRY, Greffier lors des débats et du prononcé ENTRE : Organisme [5] [Adresse 2] [Localité 3] Représenté par Me Héléna VERT de la SCP BLANC-BARBIER-VERT-REMEDEM & ASSOCIÉS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND APPELANT ET : Mme [D] [Y] [Adresse 8] [Localité 1] Représentée par Me Elise MARNAT de la SELARL LEXAVOUE , avocat au barreau de CLERMONT FERRAND suppleant Me Jean Antoine MOINS de la SCP MOINS, avocat au barreau d’AURILLAC et Me Stéphane JUILLARD de la SCP MOINS, avocat au barreau D’AURILLAC INTIMEE Mme DALLE, Conseiller en son rapport, après avoir entendu, à l’audience publique du 16 Mai 2022, tenue en application de l’article 945-1 du code de procédure civile, sans qu’ils ne s’y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile. FAITS ET PROCÉDURE La [5] ([5]) [5], en suite d’un contrôle effectué le 21 octobre 2015, a notifié à Madame [D] [Y] un trop perçu à hauteur de 4.761,85 euros au titre de sa retraite de non-salariée agricole pour la période du 1er mars 2015 au 30 novembre 2015. Par courrier daté du 28 avril 2016, Madame [D] [Y] a saisi la commission de recours amiable de la [5] aux fins de remise totale de l’indu à hauteur de 4.761,85 euros. Par décision en date du 1er juillet 2016, la commission de recours amiable de la caisse a rejeté la demande de Madame [Y] au motif qu’elle aurait occupé une activité d’exploitante agricole sur la période considérée. Par requête expédiée le 14 novembre 2018, reçue le lendemain par le greffe de la juridiction, la [5] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du CANTAL, section agricole, d’une demande tendant à voir condamner Madame [D] [Y] à lui rembourser la somme de 748,10 euros au titre du solde de l’indu de pension de vieillesse de non-salariée agricole pour la période du 1er mars au 30 novembre 2015. Par jugement contradictoire en date du 1er octobre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance d’AURILLAC, auquel a été transféré sans formalités à compter du 1er janvier 2019 le contentieux relevant jusqu’à cette date de la compétence d’attribution du tribunal des affaires de sécurité sociale du CANTAL, a : – reçu le recours de la [5] ; – dit que la [5] a fait une application erronée des textes en vigueur et a injustement retenu des sommes au titre d’un indu non justifié juridiquement ; que Madame [Y] a agi dans l’urgence sans pour autant qu’il y ait lieu à considérer qu’elle s’était positionnée en qualité d’exploitante agricole. En conséquence – débouté la [5] de l’ensemble de ses demandes ; – reconventionnellement, enjoint la [5] à rétablir Madame [Y] dans ses droits à prestations vieillesse à hauteur de la somme retenue pour un montant de 4.761,85 euros et condamné la [5] à lui reverser ladite somme ; – condamné la [5] à verser à Madame [Y] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; – rejeté le surplus des demandes. Par déclaration reçue au greffe de la cour le 31 octobre 2019, la [5] a interjeté appel de ce jugement notifié à sa personne morale le 7 octobre 2019 . PRÉTENTIONS DES PARTIES Par ses dernières écritures notifiées le 9 mai 2022, oralement reprises, la [5] demande à la cour de : – réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré. Statuant à nouveau – juger qu’elle a fait une juste et stricte application de la législation applicable, en affiliant Madame [Y] en qualité de cotisante solidaire ; – condamner Madame [Y] à lui verser la somme de 4.761, 85 euros au titre de l’indu retraite pour la période de mars 2015 à novembre 2015 ; – condamner Madame [Y] à lui verser la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés tant en première instance qu’en cause d’appel. La [5], qui considère bien fondée l’affiliation de Madame [D] [Y] en qualité de cotisante solidaire pour la période du 1er mars au 30 novembre 2015, fait principalement valoir que celle-ci a repris l’exploitation agricole donnée à bail à ferme à son fils en raison de son départ anticipé, et qu’eu égard à la taille de la surface exploitée, elle ne pouvait bénéficier du versement de sa retraite personnelle de non salariée agricole. Par ses dernières écritures notifiées le 3 janvier 2022, oralement reprises, Madame [D] [Y] demande à la cour de : – écarter et rejeter toutes conclusions contraires ; – juger irrecevable et mal fondé 1’appel interjeté par la [5] ; – confirmer le jugement rendu par le pôle social d'[Localité 4] le 1er octobre 2019, sauf en sa disposition relative au rejet des dommages intérêts qu’elle sollicite. Statuant à nouveau – condamner la [5] à lui payer la somme de 1.000 euros à titre des dommages intérêts en réparation de son préjudice moral lié aux retenues arbitraires opérées par l’organisme social ; – débouter la [5] de toutes ses demandes, fins et conclusions ; – confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions ; – condamner la [5] à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la présente procédure, outre la somme de 1.000 euros accordée par le pôle social d'[Localité 4]. Madame [D] [Y], qui conteste le bien fondé de l’indu de pension de retraite réclamé par la caisse, objecte qu’à raison du départ précipité de son fils de l’exploitation, elle a été contrainte de pourvoir à l’entretien du cheptel et des parcelles durant la durée du préavis, soit jusqu’au 31 décembre 2015. Elle considère de la sorte avoir assuré la pérennité de l’exploitation agricole à raison d’un cas de force majeure, et en déduit que c’est à tort que l’appelante considère cette gestion comme s’inscrivant dans le cadre d’une reprise d’activité. Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties, oralement soutenues à l’audience, pour l’exposé de leurs moyens. MOTIFS – Sur le bien fondé de l’indu de pension de vieillesse : Aux termes de l’article 1302 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, ‘ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution’. L’article 1302-1 du même code précise ainsi que ‘celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu’. Par ailleurs, l’article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable à la présente cause, dispose notamment que : « Le régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles est applicable aux personnes non salariées occupées aux activités ou dans les exploitations, entreprises ou établissements énumérés ci-dessous : 1° Exploitations de culture et d’élevage de quelque nature qu’elles soient, exploitations de dressage, d’entraînement, haras ainsi qu’établissements de toute nature dirigés par l’exploitant agricole en vue de la transformation, du conditionnement et de la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l’acte de production, ou structures d’accueil touristique, précisées par décret, situées sur l’exploitation ou dans les locaux de celle-ci, notamment d’hébergement et de restauration. [‘]». L’article L. 722-4 du même code prévoit que sont notamment assujettis au régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles, les chefs d’exploitation ou d’entreprise mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 722-1 sous réserve qu’ils dirigent une exploitation ou une entreprise d’une importance au moins égale ou équivalente à celle définie à l’article L. 722-5, à l’exception des personnes exerçant la profession d’exploitant forestier négociant en bois achetant des coupes en vue de la revente du bois dans des conditions telles que cette activité comporte inscription au registre du commerce ou paiement d’une contribution économique territoriale en tant que commerçant. Sont assimilées en outre à des chefs d’entreprise les personnes exerçant en qualité de non salariées l’activité mentionnée au 5° de l’article L. 722-1. L’article L. 722-5 précise à cet égard que l’importance minimale de l’exploitation ou de l’entreprise agricole requise pour que leurs dirigeants soient considérés comme chef d’exploitation au titre des activités mentionnées à l’article L. 722-1 précité, est déterminé par l’activité minimale d’assujettissement, laquelle est atteinte lorsqu’est remplie une des conditions suivantes : * La superficie mise en valeur est au moins égale à la surface minimale d’assujettissement mentionnée à l’article L. 722-5-1 compte tenu, s’il y a lieu, des coefficients d’équivalence applicables aux productions agricoles spécialisées ; * le temps de travail nécessaire à la conduite de l’activité est, dans le cas où l’activité ne peut être appréciée selon la condition mentionnée au 1°, au moins égale à 1 200 heures par an ; * le revenu professionnel de la personne est au moins égal à l’assiette forfaitaire, mentionnée à l’article L. 731-16, applicable à la cotisation d’assurance vieillesse prévue au 1° de l’article L. 731-42, lorsque cette personne met en valeur une exploitation ou une entreprise agricole dont l’importance est supérieure au minimum prévu à l’article L. 731-23 et qu’elle n’a pas fait valoir ses droits à la retraite. Cette condition est réputée remplie lorsque le revenu professionnel diminue mais reste au moins supérieur à l’assiette forfaitaire précitée minorée de 20%. Conformément aux dispositions de l’article L. 722-5-1 du code rural et de la pêche maritime, ‘la surface minimale d’assujettissement est fixée par arrêté préfectoral, sur proposition de la caisse de mutualité sociale agricole compétente. Sa valeur peut varier selon les régions naturelles ou les territoires infra-départementaux et selon les types de production, à l’exception des productions hors sol. La surface minimale d’assujettissement en polyculture-élevage ne peut être inférieure de plus de 30% à la surface minimale d’assujettissement nationale, sauf dans les zones de montagne ou défavorisées ou la limite inférieure peut atteindre 65% ; la surface minimale d’assujettissement nationale est fixée par arrêté du ministre chargé de l’agriculture. Pour les productions hors sol, un arrêté du ministre chargé de l’agriculture fixe les coefficients d’équivalence applicables uniformément à l’ensemble du territoire, sur la base de la surface minimale d’assujettissement nationale prévue au deuxième alinéa’. L’article L. 731-23 du même code prévoit cependant que, ‘sous réserve du 3° du I de l’article L. 722-5, les personnes qui dirigent une exploitation ou une entreprise agricole dont l’importance est inférieure à celle définie à l’article L. 722-5 et supérieure à un minimum fixé par décret ont à leur charge une cotisation de solidarité calculée en pourcentage de leurs revenus professionnels définis à l’article L. 731-14, afférents à l’année précédant celle au titre de laquelle la cotisation est due. Ces revenus professionnels proviennent de l’ensemble des activités agricoles exercées au cours de l’année de référence, y compris lorsque l’une de ces activités a cessé au cours de ladite année. A défaut de revenu, la cotisation de solidarité est déterminée sur la base d’une assiette forfaitaire provisoire déterminées dans des conditions fixées par décret. Cette assiette forfaitaire est régularisée lorsque les revenus sont connus. Le taux de la cotisation est fixé par décret. Les articles L. 725-12-1 et L. 731-14-1 sont applicables aux personnes mentionnées au présent article. Les personnes mentionnées au présent article cessent d’être redevables de cette cotisation dès lors qu’elles remplissent les conditions mentionnées au 3° du I de l’article L. 722-5 ». L’article D. 731-34 du code rural et de la pêche maritime précise par ailleurs que l’importance minimale de l’exploitation ou de l’entreprise agricole requise pour que leurs dirigeants soient redevables de la cotisation de solidarité mentionnée à l’article L. 731-23 est fixée à ¿ de la surface minimale d’assujettissement mentionnée à l’article L. 722-5-1, compte tenu, s’il y a lieu, des coefficients d’équivalence applicables aux productions agricoles spécialisées’. L’article L. 732-39 du même code dispose enfin que ‘ Le service d’une pension de retraite, prenant effet postérieurement au 1er janvier 1986, liquidée par le régime d’assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles et dont l’entrée en jouissance intervient à compter d’un âge fixé par voie réglementaire, est subordonné à la cessation définitive de l’activité non salariée agricole. Le service d’une pension de retraite liquidée par le régime d’assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles est suspendu dès lors que l’assuré reprend une activité non salariée agricole. Les dispositions des alinéas précédents ne sont pas applicables aux assurés ayant obtenu, avant le 1er janvier 1986, le service d’une pension de vieillesse liquidée postérieurement au 31 mars 1983 dans un des régimes énumérés au premier alinéa de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale ou d’une pension de vieillesse liquidée postérieurement au 30 juin 1984 dans un régime d’assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales. (…) L’arrêté mentionné à l’article L. 722-5-1 détermine, dans la limite maximale des deux cinquièmes de la surface minimale d’assujettissement, la superficie dont un agriculteur est autorisé à poursuivre l’exploitation ou la mise en valeur sans que cela fasse obstacle au service des prestations d’assurance vieillesse liquidées par un régime obligatoire. » Il est constant en l’espèce que les consorts [Y] ont donné à bail à ferme à leur fils, Monsieur [W] [Y], suivant un contrat en date du 12 juin 2005, l’ensemble de leur exploitation agricole pour une surface de 11ha et 48 ca, celle-ci comprenant notamment des parcelles ainsi qu’un cheptel de bovins. Il n’est de même pas contesté qu’à compter de 2005, Madame [Y] a fait valoir ses droits à retraite, en suite de quoi elle a obtenu le versement d’une pension de vieillesse de non-salariée agricole. Les parties s’accordent en outre sur les circonstances du départ de l’exploitation de Monsieur [W] [Y], et plus spécialement le motif médical (dépression) qui en est à l’origine, outre un caractère prématuré et immédiat, dès lors que le départ du preneur est intervenu avant même la réalisation d’un quelconque préavis. Elles s’opposent en revanche sur les conséquences devant être tirées de ce départ quant au statut de Madame [Y] et subséquemment quant à ses droits aux prestations de vieillesse qui lui ont été servies sur la période du 1er mars au 30 novembre 2015. La [5] considère pour sa part que Madame [Y] a, en suite du départ anticipé de son fils, repris l’exploitation de l’activité agricole, objet du bail à ferme résilié prématurément par le preneur. Elle en déduit qu’au regard de la taille de l’exploitation, elle devait en conséquence être affiliée en qualité de cotisante solidaire, statut nécessairement exclusif de la perception d’une pension de retraite de non-salariée agricole dont elle a pourtant bénéficié sur la même période. Madame [Y] conteste quant à elle toute reprise d’exploitation agricole et, subséquemment, le bien fondé de son affiliation en qualité de cotisante de solidarité auprès de la [5] , et objecte avoir simplement pourvu à l’entretien du cheptel laissé à l’abandon par son fils en suite de son départ anticipé de l’exploitation qu’il avait prise à bail. La cour constate en effet que Monsieur [W] [Y], preneur, a fait délivré à la bailleresse, par acte d’huissier en date du 30 mars 2015, un congé avec effet au 31 décembre suivant pour motif médical (dépression). Les pièces de la procédure démontrent toutefois que Monsieur [W] [Y] a cessé toute exploitation agricole dès le 28 février 2015, ce qu’il a par ailleurs reconnu devant le contrôleur de la caisse dans le cadre du contrôle externe réalisé par la [5] sur la période du 21 octobre au 10 décembre 2015. Il s’infère en outre de la lecture du document de fin de contrôle établi le 10 décembre 2015, que Madame [Y] a vendu, sans que la preuve contraire ne soit rapportée, une partie du cheptel objet du bail à ferme, laquelle vente a donné lieu à une remise de chèque d’un montant de 28.286,98 euros en date du 11 mars 2015 émanant de la [6], soit à une date antérieure à la signification par Monsieur [W] [Y] de son congé. En procédant de la sorte à la vente d’une partie du cheptel, objet du bail à ferme qui avait été consenti à son fils, Madame [Y] a manifestement excédé le cadre de la seule urgence d’entretien des bovins dont elle excipe pour justifier de l’absence de reprise d’activité agricole dès lors qu’il n’est ni justifié ni même allégué que leur cession à titre onéreux ait été induite par l’état de santé ou l’âge avancé des bovins. Elle apparaît à cet égard mal fondée à exciper de ce que la vente aurait seulement porté sur le cheptel de souche dès lors qu’aucun élément probant ne vient objectiver cette affirmation. En tout état de cause, le cheptel de souche, en tant que composante du bail à ferme régularisé entre les parties, ne pouvait pas être cédé par l’intimée avant le 31 décembre 2015 (date de prise d’effet du congé délivré par Monsieur [W] [Y]), que ce soit à titre onéreux ou à titre gratuit, sans l’autorisation expresse du preneur, ce que reconnaît au demeurant Madame [D] [Y] au terme de ses écritures d’appel lors qu’elle explique en page 5 que Monsieur [W] [Y] demeurait toujours exploitant des terres mentionnées dans le contrat de bail à ferme malgré son départ précipité jusqu’au 31 décembre 2015. Il importe en effet de préciser qu’en tant qu’objet du contrat de bail à ferme, le fonds de bétail se trouve remis au preneur, une telle circonstance impliquant que, s’il doit certes pourvoir seul à leur entretien et à leurs soins, il profite en revanche seul, en contrepartie, des laitages, du fumier et du travail des animaux donnés à cheptel, la laine et le croît étant cependant partagés avec le bailleur. Pour assurer au preneur ces bénéfices, l’article 1812 du code civil prévoit que ‘le preneur ne peut disposer d’aucune bête du troupeau, soit du fonds, soit du croît, sans le consentement du bailleur, qui ne peut lui-même en disposer sans le consentement du preneur’. Il s’ensuit que s’il est indéniable que le preneur doit assurer au cheptel des soins raisonnables, Madame [Y] ne peut sérieusement arguer de cette circonstance pour critiquer son affiliation en qualité de cotisante solidaire dès lors qu’il apparaît qu’elle a cédé le cheptel de souche avant même qu’elle ne soit informée expressément du départ de son fils de l’exploitation familiale, aucun élément ne démontrant qu’à la date de sa cession effective elle ait acquis la certitude de ce que Monsieur [W] [Y] lui délivrerait congé et n’exécuterait pas le préavis indiqué. Il ressort par ailleurs que Madame [Y] a modifié l’identité du propriétaire du cheptel composant l’exploitation objet du bail à ferme consenti à son fils, le contrôleur ayant en effet pu relever que Madame [Y] apparaissait désormais propriétaire dudit cheptel, la notification d’immatriculation faisant mention d’une installation au 12 février 2015. La cour constate en outre que Madame [Y], si elle a certes conservé le registre des bovins, a néanmoins barré le nom de son fils pour faire apparaître en lieu et place le sien, le contrôleur ayant relevé que cette pratique aurait été validée par le [7]. Il échet encore de souligner que, si Madame [Y] soutient que les travaux de fenaison sur l’exploitation agricole ont été réalisés par une connaissance de la famille et qu’un paiement de l’ordre de ‘800 ou 900 euros’ a été réalisé en sa faveur, la cour ne retrouve toutefois aucun élément probant qui viendrait étayer les allégations tenues par la cotisante devant le contrôleur de la caisse. Il ressort ainsi de l’ensemble de ces constatations que Madame [Y] a, au cours de la période comprise entre février 2015 et le 31 décembre suivant (date de l’effectivité du congé délivré par le preneur), exercé un pouvoir de direction et d’administration sur les éléments composant le bail à ferme, excédant le seul entretien du cheptel et de l’exploitation, qu’elle ne pouvait légitimement exercer sans contrevenir aux obligations lui incombant en qualité de bailleur et sans porter atteinte aux droits du preneur. Elle apparaît à cet égard mal fondée à exciper de l’impossibilité matérielle dans laquelle elle se trouvait jusqu’au 31 décembre 2015 de céder les éléments composant l’exploitation agricole pour justifier de sa direction et de son administration effectives, dès lors que l’abandon de l’exploitation par le preneur, ainsi que le défaut d’entretien et de soins du cheptel, constituent des causes de résiliation anticipée du contrat de bail à ferme par le bailleur, et qu’il n’est justifié, ni même allégué, d’une quelconque démarche, notamment judiciaire, qui aurait été entreprise par Madame [Y] à ces fins. La cour relève par ailleurs que la [5] a fait part à Madame [Y] de la possibilité de solliciter une dérogation afin de pouvoir temporairement poursuivre l’exploitation agricole détenue à bail par son fils tout en conservant le bénéfice de sa pension de retraite de non salarié agricole, de même qu’elle lui a indiqué la possibilité de conserver une parcelle dite de subsistance sans que cela ne vienne amputer ses prestations d’assurance vieillesse liquidées par un régime obligatoire. Or, Madame [Y], qui ne conteste pas avoir été destinataire de ces informations, ne justifie toutefois d’aucune réponse ou suite qui leur auraient été données et qui lui auraient permis de continuer d’exploiter, soit en totalité mais nécessairement temporairement, soit de manière réduite à la parcelle de subsistance mais sans limitation de durée, les biens objets du bail à ferme consenti à son fils. Il appert enfin que Madame [Y] a été affiliée en qualité de cotisante solidaire pour l’exploitation agricole sus-visée, certes au titre de l’année 2015 litigieuse (de mars à décembre), mais également en 2016, soit à une date postérieure à la prise d’effet du congé délivré par Monsieur [W] [Y], étant précisé qu’elle a ensuite cédé à titre onéreux une partie des terres agricoles pour ne conserver qu’une superficie de 4 ha, 18a, 53ca, soit n’excédant pas la limite de la parcelle de subsistance. Or, la poursuite par la cotisante de l’exploitation agricole à une date où elle avait légalement retrouvé l’entière disposition des biens et animaux composant le bail à ferme, et ce alors même qu’elle aurait pu en toute légitimité se séparer des terres et du cheptel, renforce l’évidence d’une reprise effective d’activité dès lors que celle-ci ne s’est pas limitée à un temps où l’activité agricole de l’intimée aurait pu être justifiée uniquement par l’urgence liée aux nécessités d’entretien et de soins des bovins mais s’est au contraire poursuivie durant plusieurs années. Au vu de l’ensemble de ces considérations, il appert que Madame [Y] a outrepassé le cadre de la simple gestion d’affaires qu’aurait induite notamment la nécessité de pourvoir à l’entretien et aux soins du cheptel, en reprenant à son compte l’exploitation agricole objet du bail à ferme, mais surtout en tirant profit, notamment financier, de ces différentes composantes, en sorte qu’elle avait nécessairement, contrairement à ce qu’on pu retenir les premiers juges, la qualité de chef d’exploitation sur la période considérée. A cet égard, il n’est pas contesté que la surface minimale d’assujettissement au régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles demeure fixée, dans le département du CANTAL, à 10,5 hectares, la parcelle de subsistance qu’un exploitant retraité est autorisé à continuer d’exploiter ne devant quant à elle pas excéder 4,20 hectares. Il est de même constant qu’en suite d’une réévaluation, la surface de parcelles à vocation agricole de Madame [Y] a été fixée à 9,79 hectares, soit un chiffre inférieur au seuil minimal d’assujettissement précité mais supérieur à la surface que ne doit pas excéder la superficie de l’exploitation pour que les parcelles soient qualifiées de subsistance. En conséquence, par application des dispositions de l’article L. 731-23 du code rural et de la pêche maritime, Madame [D] [Y], qui exploitait sur la période litigieuse une exploitation agricole dont l’importance est inférieure à celle définie à l’article L. 722-5 et supérieure à la parcelle dite de subsistance, devait avoir à sa charge une cotisation de solidarité calculée en fonction de ses revenus professionnels définis à l’article L. 731-14 du même code, en sorte que c’est à bon droit que la [5] a affilié l’intimée au titre de la cotisation de solidarité pour la période de mars à novembre 2015. Aussi, dès lors que Madame [D] [Y] doit être considérée comme ayant repris de manière effective une activité non salariée agricole sur la période considérée ayant donné lieu à son affiliation en qualité de cotisante solidaire auprès de la [5], elle ne pouvait dans le même temps percevoir sa pension de retraite, étant rappelé que par application des dispositions de l’article L. 732-39 du code rural et de la pêche maritime précité, le service d’une pension de retraite liquidée par le régime d’assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles cesse en cas de reprise d’activité agricole. Il s’ensuit que c’est de manière nécessairement indue que Madame [Y] a continué de percevoir sa pension de retraite de non salariée agricole de mars à novembre 2015, l’un des statuts étant strictement exclusif de l’autre. Il s’infère en conséquence des attendus qui précèdent que c’est à bon droit que la [5] a procédé à l’affiliation de Madame [Y] en qualité de cotisante solidaire sur la période considérée et poursuit aujourd’hui le recouvrement des montants versés indûment à la cotisante au titre du régime vieillesse. Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a débouté la [5] de sa demande de répétition d’indu et l’a condamnée reconventionnellement à rétablir la cotisante dans ses droits à prestations vieillesse à hauteur de la somme retenue pour un montant de 4.761,85 euros et statuant à nouveau, condamne Madame [D] [Y] à verser à la [5] la somme de 4.761,85 euros au titre de l’indu de pension de retraite de non-salariée agricole pour la période de mars à novembre 2015. – Sur les dépens et les frais irrépétibles d’instance : Le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions sur les frais irrépétibles et statuant à nouveau, dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et y ajoutant, condamne Madame [D] [Y] aux dépens de première instance et fait droit en conséquence à la demande de condamnation de ce chef formulée en cause d’appel par la [5]. Au regard de la solution apportée au présent litige, Madame [D] [Y], qui succombe intégralement, sera en outre condamnée aux entiers dépens d’appel, ce qui exclut qu’il soit fait droit à la demande qu’elle formule sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Enfin, pour des raisons tirées de l’équité, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ce qui exclut également qu’il soit fait droit à la demande formulée par la [5] sur ce même fondement. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, – Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la [5] à verser à Madame [D] [Y] la somme de 4.761,85 euros au titre de l’indu de retraite de non-salariée agricole afférent à la période de mars à novembre 2015 et statuant à nouveau, condamne Madame [D] [Y] à restituer à la [5] la somme de 4.761,85 euros indûment perçue ; – Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la [5] à payer à Madame [D] une indemnité de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau, dit n’y avoir lieu à application de ce texte ; Y ajoutant, – Condamne Madame [D] [Y] aux dépens de première instance ; – Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; – Condamne Madame [D] [Y] aux dépens d’appel; – Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an. Le Greffier, Le Président, S. BOUDRY C. RUIN  


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