Cour d’appel de rennes, 28 février 2023, N° RG 20/04367
Cour d’appel de rennes, 28 février 2023, N° RG 20/04367

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Rennes

Résumé

M. [U] [D], agriculteur, a conclu un compromis de vente le 17 mars 2016 avec M. [F] [J], sous condition suspensive de non-exercice du droit de préemption par la SAFER Bretagne. Cette dernière a exercé son droit le 30 juin 2016, mais M. [D] a contesté la vente, évoquant un bail rural verbal. Le tribunal judiciaire de Brest a jugé la préemption régulière, ordonnant à la SAFER de verser 95 000 € à M. [D]. Ce dernier a interjeté appel, mais la cour d’appel a confirmé le jugement, rejetant ses arguments et le condamnant aux dépens.



1ère Chambre ARRÊT N°57/2023 N° RG 20/04367 – N° Portalis DBVL-V-B7E-Q5HJ M. [U] [A] C/ S.A. SAFER BRETAGNE Copie exécutoire délivrée le : à : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE RENNES ARRÊT DU 28 FEVRIER 2023 COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre, Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre, Assesseur :Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère, GREFFIER : Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l’audience publique du 13 décembre 2022 tenue en double rapporteur avec l’accord des parties, par Mme Aline DELIÈRE, présidente de chambre, et Mme Véronique VEILLARD, présidente de chambre entendue en son rapport, ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 28 février 2023 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 14 février 2023 à l’issue des débats **** APPELANT : Monsieur [U] [A] né le 08 Juin 1969 à [Localité 15] [Adresse 16] [Adresse 16] Représenté par Me Florence MULLER de la SELARL AUDREN & MULLER, avocat au barreau de BREST INTIMÉE : La SAFER BRETAGNE (Société Bretonne d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural dite SAFER BRETAGNE), SA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège [Adresse 8] [Adresse 8] Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES Représentée par Me Camille BELLEIN de la SELARL BELLEIN-CROGUENNEC-GASSIN, Plaidant, avocat au barreau de BREST FAITS ET PROCÉDURE Par acte sous seing privé du 17 mars 2016 passé en l’office notarial de maître [S], notaire associé à [Localité 12], M. [U] [D], agriculteur et propriétaire de terres agricoles, concluait avec M. [F] [J] un compromis de vente portant sur diverses parcelles de terre avec un hangar en bois sous éverite situées d’une part, à [Localité 17] au lieudit Forsquilly et cadastrées section [Cadastre 11], [Cadastre 1], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 9] et d’autre part, à [Localité 13] au lieudit [Localité 14] et cadastrées section [Cadastre 19], [Cadastre 20], [Cadastre 10], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], le tout pour une contenance de 18 ha 98 a 80 ca et moyennant un prix de 95.000 €. Le compromis était signé sous la condition suspensive du non-exercice par la Safer de son droit de préemption. Il y était précisé que l’acquéreur entrerait en jouissance à la signature de l’acte notarié et que les biens seraient libres de location et d’occupation au plus tard la veille à midi du jour fixé pour la réalisation, la date butoir de réitération de la vente étant fixée au 15 juin 2016. Aucun bail rural en cours n’était mentionné. Le 28 avril 2016, maître [S] renseignait le formulaire de cession à titre onéreux de biens immobiliers et le notifiait à la Safer qui le recevait le 2 mai 2016. Par lettre recommandée avec AR du 30 juin 2016 reçue le 2 juillet 2016 par maître [S], la Safer Bretagne l’informait de l’exercice de son droit de préemption sur les parcelles vendues. Elle avait obtenu l’accord du commissaire du Gouvernement pour l’acquisition desdites parcelles par lettres des 13 et 28 juin 2016. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 juillet 2016, la Safer informait M. [J] de l’exercice de la préemption sur lesdits biens. Deux avis de préemption simple étaient envoyés pour affichage aux communes de [Localité 17] et d'[Localité 13]. Par courrier du 9 août 2016, M. [D] informait la Safer de ce que ‘contrairement à ce qui [était] écrit dans le compromis de vente’, un bail rural grevait les biens au profit du Gaec Roz Avel dont il était co-gérant avec M. et Mme [M] et [H] [D] et qui entendait maintenir son activité sur les terres litigieuses. Par courrier du 29 décembre 2016, M. [D] écrivait au directeur départemental des territoires et de la mer qu’il avait fait savoir oralement à la Safer qu’il avait changé d’avis et qu’il ne pensait pas qu’un compromis de vente l’engageait définitivement. Par courrier en réponse du 3 mars 2017, la Safer Bretagne indiquait à M. [D] qu’elle estimait la vente parfaite et lui demandait de venir la réitérer par acte notarié. Un premier rendez-vous pour signature chez maître [S] était fixé pour le 13 juin 2017, resté sans suite. Un deuxième rendez-vous était fixé le 17 avril 2018 auquel M. [D] se présentait en refusant de signer la vente. Le 17 avril 2018, maître [S] établissait un procès-verbal de carence. Par acte d’huissier délivré le 14 août 2018, la Safer Bretagne faisait assigner M. [D] en vente parfaite devant le tribunal de grande instance de Brest (devenu tribunal judiciaire à compter du 1er janvier 2020). Par jugement du 1er juillet 2020, le tribunal judiciaire de Brest a : – déclaré régulière la préemption de la Safer Bretagne sur les biens litigieux et l’en a déclaré propriétaire, – enjoint à la Safer Bretagne de libérer le prix de 95.000 € entre les mains de M. [D] au plus tard quinze jours après que le jugement aura acquis son caractère définitif, – dit qu’à compter de la délivrance effective des fonds, le jugement vaudra vente et titre de propriété au bénéfice de la Safer Bretagne, – ordonné la publication du jugement au service de la publicité foncière, – condamné M. [D] à payer à la Safer Bretagne la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles, – condamné M. [D] aux dépens de l’instance, – rejeté la demande de la Safer Bretagne relative aux frais d’huissier de l’article R. 444-55 du code de commerce, – rejeté la demande d’exécution provisoire. M. [D] a interjeté appel par déclaration du 15 septembre 2020, sauf des dispositions relatives aux frais d’huissier et à l’exécution provisoire. PRÉTENTIONS ET MOYENS M. [D] expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 11 juin 2021 auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 alinéa 1 du code de procédure civile. Il demande à la cour de : – infirmer le jugement dans ses dispositions relatives à la préemption, – le confirmer dans ses dispositions ayant rejeté la demande de la Safer Bretagne relative aux frais d’huissier de l’article R. 444-55 du code de commerce, – débouter la Safer Bretagne de l’ensemble de ses demandes, – condamner la Safer Bretagne à lui verser la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles, – condamner la Safer Bretagne aux dépens. Il soutient qu’avec M. [J], ils ont renoncé d’un commun accord au projet de vente, qu’il n’est dès lors plus consentant à vendre ses parcelles, que les biens font l’objet d’un bail rural verbal au profit du Gaec Roz Avel, auquel participe M. [G] [I], jeune agriculteur de 27 ans, que le formulaire de cession est donc inexact en retenant l’absence de bail en cour, que la situation économique et financière de l’exploitation s’est grandement améliorée et développe une activité bovine et culturale sur une surface de 140 ha, que le droit de propriété est absolu et qu’une convention de mise à disposition a été conclue le 1er janvier 2018 avec le Gaec Roz Avel. Il ajoute qu’en ne lui ayant pas adressé personnellement son intention de préempter et en l’ayant adressée seulement au notaire, la Safer Bretagne est censée y avoir renoncé, outre qu’elle ne justifie pas avoir respecté le délai de deux mois pour préempter dans la mesure où les copies des accusés de réception sont illisibles, que la préemption est donc nulle et de nul effet. Il soutient encore que le projet de la Safer conduirait à expulser un jeune agriculteur de 27 ans, ce qui est contraire aux objectifs d’une préemption tels qu’ils sont imposés par l’article L. 143-2 du code rural et de la pêche maritime. La Safer Bretagne expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 12 mars 2021 auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 alinéa 1 du code de procédure civile. Elle demande à la cour de : – confirmer le jugement dans ses dispositions relatives à la préemption, aux dépens et aux frais irrépétibles, – l’infirmer en ce qu’il a rejeté sa demande au titre des frais d’huissier de l’article 444-55 du code de commerce, – statuant de nouveau, condamner M. [D] au paiement du droit proportionnel dû à l’huissier de justice chargé de l’exécution de jugement en application des articles 10 et A 12 du décret 96-1080 du 12 décembre 1996 modifié par le décret n° 2001-212 du 8 mars 2001, – le condamner à lui régler une somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles d’appel. Elle soutient que la notification adressée à la Safer vaut offre de vente aux prix et conditions qui y sont contenus, qu’elle a préempté le 30 juin 2016, soit dans le délai de 2 mois de la réception le 2 mai 2016 de la notification faite par le notaire, son courrier ayant été adressé au domicile élu en l’étude de maître [S], que la vente est parfaite par l’acceptation de l’offre, indépendamment de la régularisation de l’acte de vente dans le délai de deux mois, que M. [D], qui n’a pas en son temps introduit d’action en nullité, ne peut renoncer à son projet initial de vente, qu’il ne prouve pas la renonciation des signataires avant la survenue de la préemption, que l’existence d’un bail rural porté à sa connaissance postérieurement ne lui est pas opposable. Elle ajoute que le juge vérifie seulement que l’exercice de la préemption est conforme aux objectifs fixés par l’article L. 143-2 du code rural et en aucun cas son opportunité. MOTIFS DE L’ARRÊT À titre liminaire, il convient de rappeler que l’office de la cour d’appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de ‘constater’, ‘dire’ ou ‘dire et juger’ qui ne constituent pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile mais la reprise des moyens censés les fonder. 1) Sur la demande principale de la Safer Bretagne en réalisation forcée de la vente 1.1) Sur la régularité formelle de la préemption par la Safer Bretagne En application de l’article L. 143-8 du code rural, le droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural s’exerce dans les conditions prévues par les articles L. 412-8 à L. 412-11 et le troisième alinéa de l’article L. 412-12. Aux termes de l’article L. 412-8 du code rural, ‘Après avoir été informé par le propriétaire de son intention de vendre, le notaire chargé d’instrumenter doit faire connaître au preneur bénéficiaire du droit de préemption par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte d’huissier de justice, le prix, les charges, les conditions et les modalités de la vente projetée, ainsi que, dans l’hypothèse prévue au dernier alinéa du présent article, les nom et domicile de la personne qui se propose d’acquérir. Cette communication vaut offre de vente aux prix et conditions qui y sont contenus. Les dispositions de l’article 1589, alinéa 1er du code civil sont applicables à l’offre ainsi faite. Le preneur dispose d’un délai de deux mois à compter de la réception de la lettre recommandée ou de l’acte d’huissier pour faire connaître, dans les mêmes formes, au propriétaire vendeur, son refus ou son acceptation de l’offre aux charges et conditions communiqués avec indication des nom et domicile de la personne qui exerce le droit de préemption. Sa réponse doit être parvenue au bailleur dans le délai de deux mois ci-dessus visé, à peine de forclusion, son silence équivalant à une renonciation au droit de préemption. En cas de préemption, celui qui l’exerce bénéficie alors d’un délai de deux mois à compter de la date d’envoi de sa réponse au propriétaire vendeur pour réaliser l’acte de vente authentique, passé ce délai, sa déclaration de préemption sera nulle de plein droit, quinze jours après une mise en demeure à lui faite par acte d’huissier de justice et restée sans effet.’ L’article R. 143-6 du code rural dans sa version applicable du 1er janvier au 1er octobre 2016 précise que ‘La société d’aménagement foncier et d’établissement rural qui exerce le droit de préemption notifie au notaire chargé d’instrumenter par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1316-1 et 1316-4 du code civil sa décision signée par le président de son conseil d’administration ou par toute personne régulièrement habilitée à cet effet. La décision de préemption indique l’identification cadastrale des biens concernés et leur prix d’acquisition. Elle précise en outre en quoi la préemption répond à l’un ou à plusieurs des objectifs prévus par les dispositions de l’article L. 143-2. Cette décision ainsi motivée est notifiée également à l’acquéreur évincé, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, dans un délai de quinze jours à compter de la date de réception de la notification faite au notaire. Une analyse de cette décision est adressée dans le même délai au maire de la commune intéressée en vue de son affichage en mairie pendant quinze jours. L’accomplissement de cette formalité est certifié par le maire qui adresse à cette fin un certificat d’affichage à la société d’aménagement foncier et d’établissement rural.’. Enfin, en application de l’article 1589 alinéa 1erdu code civil, ‘la promesse de vente vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix’ et l’article 1315 devenu 1353 du code civil dispose que ‘C’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver.’ En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que : – le compromis de vente signé le 17 mars 2016 ne comportait aucune mention d’un bail rural, ni aucune identification d’un éventuel preneur d’un bail rural, – le formulaire d’information renseigné le 28 avril 2016 par le notaire, qui ne mentionne pas l’existence d’un bail, n’est pas, contrairement aux allégations de M. [D], inexact puisque reprenant les indications du compromis de vente ne mentionnant aucun bail rural, – M. [D] ne soutient du reste pas qu’il avait, préalablement à la signature du compromis le 17 mars 2016, informé le notaire de l’existence d’un quelconque bail rural en cours, – l’inexistence d’un bail rural en cours au moment de ce compromis sera confirmée par l’absence de toute notification par le notaire d’un droit de préemption à un preneur en place, – M. [D] qui a confirmé dans ses conclusions d’une part l’existence d’un bail rural mais en précisant finalement que celui-ci était ‘verbal’ au profit du Gaec Roz Avel et a, d’autre part, allégué pour en justifier le paiement des avis d’imposition de taxes foncières par ledit Gaec, ne produit curieusement pas ces avis de taxes foncières. Ainsi, M. [D] échoue à établir l’existence d’un quelconque bail rural en cours au moment de la signature du compromis de vente et au moment de la notification de la vente à la Safer ou encore lors de la préemption exercée par celle-ci. M. [D] invoque encore une renonciation conjointe avec M. [J], acquéreur, au projet de vente des parcelles agricoles. Toutefois, il ne produit là encore aucun document écrit de renonciation qui serait en outre intervenue avant la notification de la vente à la Safer. Au contraire, M. [J] a bien été destinataire de la décision de préemption par la Safer qui la lui a notifiée par courrier du 4 juillet 2016 reçu le 5 juillet 2016 ainsi qu’en atteste l’accusé de réception dûment signé par son destinataire. C’est encore de manière régulière que la Safer a notifié le 30 juin 2016 non pas au vendeur mais au notaire instrumentaire, qui l’a reçu le 2 juillet 2016, l’exercice de son droit de préemption et ce dans le délai de deux mois imparti ayant commencé à courir le 3 mai 2016 et ayant expiré le lundi 4 juillet 2016. Les accusés de réception sont de ce point de vue parfaitement lisibles quant à leurs dates respectives, contrairement aux allégations de M. [D]. Et, outre que le compromis de vente avait retenu que les parties avaient fait élection de domicile en l’étude de maître [S], notaire, la Safer n’avait pas l’obligation d’adresser sa préemption au domicile du vendeur puisque l’article R. 143-6 ci-dessus rappelé institue le notaire chargé d’instrumenter comme étant le destinataire de ladite notification. Il n’y a donc aucune renonciation à son droit de préemption de la part de la Safer. En vérité, les circonstances dans lesquelles M. [D] a été amené à signer ce compromis de vente le 17 mars 2016 ne sont pas explicitées, hormis par la teneur de l’attestation du 22 décembre 2020 de M. [W] [C], responsable du pôle ‘expertise PME’ à Cerfrance Finistère, qui fait état de ‘fortes difficultés économiques et financières’ lorsque M. [D] propriétaire a décidé de céder une partie de son foncier. Les circonstances ayant conduit M. [D] à changer d’avis dès août 2016 et à vouloir se maintenir sur ses terres, ainsi qu’il l’écrit dans ses deux courriers des 9 août 2016 et 19 décembre 2016 adressés à la Safer, ne sont pas non plus explicitées si ce n’est que M. [D] écrit dans le second courrier ‘Je n’ai jamais pensé qu’un compromis de vente m’engageait définitivement’. Sous le bénéfice de ces observations, c’est à juste titre que le premier juge a retenu que la Safer a exercé son droit de préemption conformément aux formes et délais légalement fixés. 1.2) Sur la légalité de la préemption par la Safer Bretagne L’article L. 143-2 du code rural dispose que ‘L’exercice [du] droit [de préemption] a pour objet, dans le cadre des objectifs définis à l’article L. 1 : 1° L’installation, la réinstallation ou le maintien des agriculteurs, 2° La consolidation d’exploitations afin de permettre à celles-ci d’atteindre une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles et l’amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes, dans les conditions prévues à l’article L. 331-2, 3° La préservation de l’équilibre des exploitations lorsqu’il est compromis par l’emprise de travaux d’intérêt public, 4° La sauvegarde du caractère familial de l’exploitation, 5° La lutte contre la spéculation foncière, 6° La conservation d’exploitations viables existantes lorsqu’elle est compromise par la cession séparée des terres et de bâtiments d’habitation ou d’exploitation, 7° La mise en valeur et la protection de la forêt ainsi que l’amélioration des structures sylvicoles dans le cadre des conventions passées avec l’Etat, 8° La protection de l’environnement, principalement par la mise en ‘uvre de pratiques agricoles adaptées, dans le cadre de stratégies définies par l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics ou approuvées par ces personnes publiques en application du présent code ou du code de l’environnement, 9° Dans les conditions prévues par la section 3 du chapitre III du titre Ier du livre Ier du code de l’urbanisme, la protection et la mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains’. Il est de jurisprudence constante que toute Safer qui fait usage de la prérogative de préemption doit justifier sa décision par référence explicite et motivée à l’un ou à plusieurs des objectifs définis à l’article L. 143-2 du code rural et en énonçant une ou plusieurs données concrètes permettant de vérifier la réalité de l’objectif poursuivi au regard des exigences légales. Autrement dit, pour être suffisante au regard des exigences légales, la motivation de la préemption doit être circonstanciée et être justifiée par des considérations de fait propres au dossier en cause, en suggérant par exemple des exploitations locales susceptibles de bénéficier de l’exercice de la préemption sans toutefois dévoiler trop précisément le nom du candidat qui sera retenu sauf à encourir la nullité de la rétrocession. L’office du juge consiste donc à rechercher si la motivation retenue en considération des circonstances propres au dossier comporte des données suffisamment concrètes pour valider la conformité de la préemption. Le juge n’a en revanche pas à en apprécier l’opportunité en comparant les hypothèses de rétrocession. La légalité d’une décision de préemption s’apprécie au jour où elle a été prise. En l’espèce, dans son courrier de préemption du 30 juin 2016, la Safer de Bretagne motive sa volonté de préempter les parcelles objet du compromis de vente dans les termes suivants : ‘Objectif 1 : L’installation, la réinstallation ou le maintien des agriculteurs’. Dans une commune à forte activité agricole où les demandes d’installation en agriculture et d’aménagements parcellaires des exploitations agricoles sont nombreuses mais peuvent difficilement être satisfaites compte tenu de l’étroitesse du marché foncier agricole, une intervention de la Safer permettra l’installation d’un des nombreux jeunes agriculteurs du secteur des biens en vente, l’un par exemple actuellement salarié agricole et qui souhaite s’associer dans le cadre familial au sein d’une exploitation agricole ayant son siège d’exploitation au lieu-dit ‘[Localité 18]’ en [Localité 13], spécialisée en production laitière. Cette orientation ne peut être considérée comme définitive, d’autres candidatures étant susceptibles de se manifester après accomplissement des formalités réglementaires de publicité avant rétrocession prévues par l’article R. 142-3 du code rural.’ Ainsi la Safer classe son projet de préemption dans l’objectif n° 1 d’installation, de la réinstallation ou de maintien des agriculteurs. Elle rappelle l’existence des tensions sur le marché du foncier agricole du territoire concerné compte tenu de son étroitesse ainsi que la nécessité d’installer un des nombreux jeunes agriculteurs en attente d’une exploitation agricole dans le même secteur, en citant l’exemple d’un salarié agricole souhaitant s’associer dans le cadre familial au sein d’une exploitation agricole ayant son siège d’exploitation au lieu-dit ‘[Localité 18]’ en [Localité 13], spécialisée en production laitière et en rappelant que d’autres candidatures sont susceptibles de se faire connaître pendant le processus de rétrocession. Cette motivation se réfère bien à l’un des objectifs fixés par l’article L. 143- 2 du code rural et elle comporte des données suffisamment concrètes pour situer la préemption dans un projet d’installation d’un jeune agriculteur du secteur dans une exploitation laitière sans exclure d’autres candidatures possibles. Par ailleurs, au 30 juin 2016, jour de la décision de préemption, M. [G] [I], âgé de 27 ans, n’avait pas intégré le Gaec de M. [D], ce qu’il ne fera que bien plus tard en février 2018 et alors que la demande judiciaire de vente parfaite était en cours et que M. [D] ne s’était pas rendu au rendez-vous du 13 juin 2017 pour la réitération de la vente. Au surplus, cet état de fait est postérieur à la décision de préemption du 30 juin 2016 qui n’a pas pour conséquence d’évincer M. [I] du Gaec de Roz Avel. Il est par conséquent inopérant à en invalider la motivation. L’amélioration de la situation économique et financière de l’exploitation qui développe une activité bovine et culturale sur une surface de 140 ha n’est pas de nature à remettre en cause la légalité de la préemption avec laquelle elle n’est pas incompatible dès lors qu’elle poursuit l’objectif de permettre l’installation d’un des nombreux jeunes agriculteurs du secteur des biens en vente où il n’est pas contesté que le marché foncier agricole est tendu. Aussi, la cour considère que la motivation de préemption constitue bien une motivation suffisante au regard des exigences de légalité de l’article L. 143-2 du code rural. Sous le bénéfice de l’ensemble de ces observations, eu égard au caractère régulier et motivé de la préemption et au fait que M. [D] était tenu par les ternes de l’offre régulièrement faite à la Safer par le notaire qu’il avait chargé de vendre ses terres, la vente ne peut, en application de l’article 1589 du code civil, qu’être déclarée parfaite ainsi que l’a retenu le premier juge. Le jugement sera confirmé sur ce point. 2) Sur les demandes accessoires 2.1) Sur les dépens Succombant, M. [D] supportera les dépens d’appel. Le jugement sera confirmé s’agissant des dépens de première instance. La Safer Bretagne demande la condamnation de M. [D] à lui payer le droit proportionnel dû à l’huissier de justice chargé de l’exécution de la décision, ce par application des articles 10 et A 12 du décret 96-1080 du 12 décembre 1996 modifié par le décret n° 2001-212 du 8 mars 2001. Or, aucune disposition ne permet de transférer cette charge au débiteur. Il n’y a donc pas lieu d’y faire droit. 2.2) Sur les frais irrépétibles Enfin, eu égard aux circonstances de l’affaire, il n’est pas inéquitable de condamner M. [D] à payer à la Safer Bretagne la somme de 1.000 € au titre des frais irrépétibles exposés par elle dans la présente instance et qui ne sont pas compris dans les dépens. Le jugement sera confirmé s’agissant des frais irrépétibles de première instance tandis que les demandes de M. [D] de ce chef seront rejetées. PAR CES MOTIFS La cour, Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Quimper du 1er juillet 2020, Condamne M. [U] [D] aux dépens d’appel, Condamne M. [U] [D] à payer à la Safer Bretagne la somme de 1.000 € au titre des frais irrépétibles d’appel, Rejette le surplus des demandes. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE  


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon