Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Reims
→ RésuméMonsieur [Y] [O] et son épouse, ainsi que Madame [A] [C], ont signé un bail rural avec Monsieur [J] [L] en 1996. Après le décès de Madame [A] [C], les époux [O] ont transféré certaines parcelles à leur fille. En 2018, ils ont donné congé à Monsieur [J] [L] pour permettre à leur petit-fils d’exploiter les terres. Contestant ce congé, Monsieur [J] [L] a saisi le tribunal, qui a validé le congé en juin 2023. En appel, la cour a confirmé cette décision, ordonnant à Monsieur [J] [L] de libérer les lieux et de payer des frais aux intimées.
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Monsieur [Y] [O], son épouse Madame [S] [E] et Madame [A] [C] veuve [O] ont signé un bail rural à long terme avec Monsieur [J] [L] le 19 juillet 1996, portant sur plusieurs parcelles. Après le décès de Madame [A] [C] en 2001, les époux [O] ont donné la nue-propriété de certaines parcelles à leur fille en 2005. En 2018, ils ont donné congé à Monsieur [J] [L] pour reprise des terres par leur petit-fils, Monsieur [U] [I]. Monsieur [J] [L] a contesté ces congés devant le tribunal paritaire des baux ruraux, qui a rendu un jugement le 30 juin 2023, validant le congé et ordonnant à Monsieur [J] [L] de libérer les lieux. Ce dernier a fait appel de cette décision le 3 août 2023. Les parties ont présenté leurs conclusions devant la cour, demandant respectivement l’infirmation ou la confirmation du jugement de première instance.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Reims
RG n°
23/01350
du 18/09/2024
N° RG 23/01350 – N° Portalis DBVQ-V-B7H-FMCW
IF/ACH
Formule exécutoire le :
18/09/2024
à :
– MAYOLET
– BUE
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 18 septembre 2024
APPELANT :
d’une décision rendue le 30 juin 2023 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de CHARLEVILLE-MEZIERES (n° 51-19-10)
Monsieur [J] [W] [N] [L]
[Adresse 5]
[Localité 13]
représenté par la SCP MAYOLET, avocats au barreau des Ardennes
INTIMÉES :
Madame [S] [T] [E] VEUVE [O]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Maître BUE Vincent, avocat au barreau de Lille
Madame [V] [M] [O] VEUVE [B]
[Adresse 4]
[Localité 13]
représentée par Maître BUE Vincent, avocat au barreau de Lille
DÉBATS :
A l’audience publique du 12 juin 2024 Madame Isabelle FALEUR, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, a entendu les plaidoiries en application de l’article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées, et en a rendu compte à la cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Monsieur François MÉLIN, président
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseillère
Madame Isabelle FALEUR, conseillère
GREFFIER lors des débats :
Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Suivant acte notarié en date du 19 juillet 1996, Monsieur [Y] [O], son épouse Madame [S] [E] et Madame [A] [C] veuve [O] ont consenti à Monsieur [J] [L] pour une durée de 24 années à compter du 31 octobre 1996 un bail rural à long terme portant sur huit parcelles situées commune de [Localité 13] et cadastrées comme suit :
– 7ha 73a 83 ca à prendre dans la parcelle cadastrée [Cadastre 19], lieudit « [Localité 11] » pour 21 ha 25 a 50 ca
et le tiers indivis des parcelles ci-après :
– une parcelle de terre cadastrée [Cadastre 20], lieudit [Localité 7] pour 11 ha 78 a 50 ca
– une parcelle de pâture cadastrée [Cadastre 21], lieudit [Localité 10] pour 2ha 71a 80ca
– une parcelle de terre cadastrée [Cadastre 14] lieudit [Localité 9] pour 30 a 60 ca
– une parcelle de terre cadastrée [Cadastre 15], lieudit [Localité 9] pour l ha 65 a 20 ca
– une parcelle de terre cadastrée [Cadastre 16], lieudit [Localité 9] pour 47 a
– une parcelle de terre cadastrée [Cadastre 17], lieudit [Localité 9] pour 2 ha 39 a 90 ca
– une parcelle de terre cadastrée [Cadastre 18], lieudit « [Localité 8] » pour 5 ha 81a 30 ca,
Madame [A] [C] veuve [O] est décédée le 19 février 2001.
Le 30 mai 2005, les époux [O] ont fait donation de la nue-propriété des parcelles cadastrées [Cadastre 19] et [Cadastre 20] à leur fille [V] [O] épouse [B].
Par acte d’huissier du 24 octobre 2018, Monsieur [Y] [O], Madame [S] [E] épouse [O] et Madame [V] [O] épouse [B] ont donné congé à Monsieur [J] [L] pour le 30 octobre 2020 portant sur l’ensemble des parcelles louées, pour reprise par leur petit-fils et fils, Monsieur [U] [I].
Par acte d’huissier du 24 avril 2019, Monsieur [Y] [O], Madame [S] [E] épouse [O] et Madame [V] [O] épouse [B] ont fait délivrer à Monsieur [J] [L] un avenir sur congé reprise délivré le 24 octobre 2018, précisant le lieu du siège de l’exploitation de Monsieur [U] [I].
Par requêtes reçues au greffe le 25 février 2019 et 23 août 2019, Monsieur [J] [L] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Charleville-Mézières aux fins de contestation desdits congés.
Les instances ont été enrôlées sous les numéros de rôle 51-19-10 et 51-19-17.
Monsieur [Y] [O] est décédé le 26 novembre 2020.
A l’audience du tribunal paritaire des baux ruraux de Charleville-Mézières, qui s’est tenue le 27 mai 2022, Monsieur [J] [L] a demandé au tribunal :
– d’annuler les congés signifiés les 24 octobre 2018 et 24 avril 2019 ;
– de dire n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
– de condamner les défendeurs à lui payer une somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles ;
– de condamner les défendeurs aux dépens ;
Madame [S] [O] née [E] et Madame [V] [O] épouse [B] ont demandé au tribunal :
– d’ordonner la jonction des instances enrôlées sous les numéros 51-19-10 et 51-19-17 ;
– de valider le congé de reprise en date du 24 avril 2019 à effet au 30 octobre 2020 portant sur l’ensemble des parcelles, pour reprise au profit d'[U] [I];
– d’ordonner l’expulsion de Monsieur [J] [L] et de toute personne morale ou physique de son chef, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification de la décision, au besoin avec le concours de la force publique ;
– de condamner Monsieur [J] [L] à leur payer une indemnité d’occupation mensuelle d’un triple fermage jusqu’à libération complète des lieux ;
– d’ordonner l’exécution provisoire ;
– de condamner Monsieur [J] [L] à leur payer 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
– de condamner Monsieur [J] [L] aux dépens ;
Par jugement du 30 juin 2023, le tribunal paritaire des baux ruraux de Charleville-Mézières a :
– débouté Monsieur [J] [L] de l’ensemble de ses demandes ;
– validé le congé délivré le 24 avril 2019 pour une date d’effet au 30 octobre 2020 portant sur les parcelles données à bail ;
– dit que Monsieur [J] [L] était tenu de libérer les lieux dans le mois de la notification du jugement, et qu’à défaut il pourrait y être contraint avec l’assistance de la force publique ;
– dit n’y avoir lieu à prononcer une astreinte ;
– condamné Monsieur [J] [L] à payer à Madame [S] [O] née [E] et à Madame [V] [O] épouse [B] une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du fermage qui aurait été dû à défaut de résiliation du bail, à compter du 31 octobre 2020 jusqu’à libération complète des lieux, avec intérêts au taux légal à compter du jugement pour les mensualités déjà échues et à compter de chaque échéance mensuelle pour le surplus ;
– condamné Monsieur [J] [L] aux dépens ;
– condamné Monsieur [J] [L] à payer à Madame [S] [O] née [E] et Madame [V] [O] épouse [B] la somme de 700 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté les demandes plus amples ;
– ordonné l’exécution provisoire du jugement ;
Monsieur [J] [L] a formé appel le 3 août 2023 portant sur toutes les dispositions du jugement de première instance.
L’affaire a été appelée et plaidée à l’audience du 12 juin 2024 et mise en délibéré au 18 septembre 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 10 juin 2024 soutenues oralement à l’audience et auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Monsieur [J] [L] demande à la cour :
D’INFIRMER le jugement du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de Charleville-Mézières du 30 juin 2023 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
D’ANNULER les congés délivrés les 24 octobre 2018 et 24 avril 2019 ;
DE CONDAMNER Madame [S] [O] née [E] et Madame [V] [O] épouse [B] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, outre une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d’appel ;
DE CONDAMNER Madame [S] [O] née [E] et Madame [V] [O] épouse [B] aux entiers dépens de première instance et d’appel ;
Aux termes de leurs conclusions notifiées par RPVA le 11 juin 2024 soutenues oralement à l’audience et auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de leurs moyens, Madame [S] [O] née [E] et Madame [V] [O] épouse [B] demandent à la cour :
Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,
DE CONFIRMER le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Charleville-Mézières en date du 30 juin n° RG 51-19-10 en ce qu’il :
– a débouté Monsieur [J] [L] de l’ensemble de ses demandes ;
– a validé le congé lui ayant été délivré le 24 avril 2019 à la requête de Monsieur [Y] [O], de Madame [S] [O] née [E] et de Madame [V] [O] épouse [B] pour une date d’effet au 30 octobre 2020, portant :
. d’une part, sur 7 ha 73 a 83 ca à prendre dans la parcelle sise à [Localité 13] section [Cadastre 19] lieudit [Localité 11] d’une surface de 21 ha 25 a 50 ca.
. d’autre part, sur le tiers indivis des parcelles ci-après cadastrées même commune:
Section [Cadastre 20] lieudit [Localité 7] d’une surface de 11 ha 78 a 50 ca
Section [Cadastre 22] lieudit [Localité 10] d’une surface de 2ha 71a 80 ca
Section [Cadastre 14] lieudit [Localité 9] d’une surface de 30a 60ca
Section [Cadastre 15] lieudit [Localité 9] d’une surface de 1 ha 65 a 20 ca
Section [Cadastre 16] lieudit [Localité 9] d’une surface de 47 a
Section [Cadastre 17] lieudit [Localité 9] d’une surface de 2 ha 39 a 90 ca
Section [Cadastre 18] lieudit [Localité 8] d’une surface de 5ha 81a 30ca ;
– dit que que Monsieur [J] [L] est tenu de libérer les lieux dans le mois de la notification du jugement et qu’à défaut de libération volontaire dans ce délai, il pourra y être contraint, au besoin avec l’assistance de la force publique ;
– dit n’y avoir lieu de prononcer une astreinte ;
– condamné Monsieur [J] [L] à leur payer une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du fermage qui aurait été dû à défaut de résiliation du bail, ce à compter du 31 octobre 2020 et jusqu’à libération complète des lieux, avec intérêts au taux légal à compter du jugement pour les mensualités déjà échues, et à compter de chaque échéance mensuelle pour le surplus ;
– condamné Monsieur [J] [L] aux dépens, ainsi qu’à leur payer la somme de 700 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté les demandes les plus amples ;
– ordonné l’exécution provisoire ;
Y ajoutant en cause d’appel,
DE CONDAMNER Monsieur [J] [L] aux dépens d’appel, ainsi qu’à leur payer la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Sur la demande d’annulation du congé du 24 octobre 2018:
Monsieur [J] [L] fait valoir que le jugement de première instance doit être infirmé en ce qu’il a rejeté sa demande d’annulation du congé du 24 octobre 2018. Il soutient que c’est de façon erronée que les premiers juges ont considéré que les bailleurs étaient, par la délivrance du second congé du 24 avril 2019, réputés avoir renoncé au congé signifié le 24 octobre 2018.
Il affirme qu’à défaut de renonciation expresse, la délivrance d’un second congé ne peut valoir présomption de renonciation au premier.
Madame [S] [O] née [E] et Madame [V] [O] épouse [B] répondent que, d’un point de vue formel, les congés ont été délivrés l’un et l’autre 18 mois avant l’échéance contractuelle et que le tribunal paritaire des baux ruraux a justement apprécié la validité du congé réitéré en retenant que ce dernier acte valait à lui seul congé pour avoir été notifié 18 mois au moins avant l’expiration du bail, que les bailleurs étaient réputés avoir renoncé au premier congé et que toutes les prétentions formulées à l’encontre dudit congé se trouvaient de ce fait sans objet et devaient être rejetées.
Le congé rural délivré le 24 avril 2019 à Monsieur [J] [L] porte la mention « avenir sur congé reprise délivré le 24 octobre 2018 ».
La comparaison des deux congés démontre qu’ils sont identiques à l’exception d’une mention : l’acte d’huissier délivré le 24 avril 2019 mentionne en plus le lieu du siège de l’exploitation de Monsieur [U] [I], fixé au numéro [Adresse 2].
C’est à raison que le premier juge a considéré que Madame [S] [O] née [E] et Madame [V] [O] épouse [B] avaient renoncé au congé délivré le 24 octobre 2018 en faisant délivrer un second congé, dans les délais légaux, qui porte la mention « avenir sur congé-reprise délivré le 24 octobre 2018 » et de ce fait remplace le congé délivré le 24 octobre 2018.
Le jugement de première instance sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation du congé délivré le 24 octobre 2018 à Monsieur [J] [L].
Sur la forme du congé du 24 avril 2019:
Monsieur [J] [L] soutient que le congé est irrégulier dès lors qu’il ne précise pas si le bénéficiaire de la reprise exploitera sous forme individuelle ou sociétaire.
Madame [S] [O] née [E] et Madame [V] [O] épouse [B] répondent que le congé est clair et indique que Monsieur [U] [I] exploitera à titre individuel.
Aux termes de l’article L 411-47 du code rural et de la pêche maritime, le propriétaire qui entend s’opposer au renouvellement doit notifier congé au preneur, dix-huit mois au moins avant l’expiration du bail, par acte extrajudiciaire. A peine de nullité, le congé doit :
-mentionner expressément les motifs allégués par le bailleur ;
-indiquer, en cas de congé pour reprise, les nom, prénom, âge, domicile et profession du bénéficiaire ou des bénéficiaires devant exploiter conjointement le bien loué et, éventuellement, pour le cas d’empêchement, d’un bénéficiaire subsidiaire, ainsi que l’habitation ou éventuellement les habitations que devront occuper après la reprise le ou les bénéficiaires du bien repris ;
-reproduire les termes de l’alinéa premier de l’article L. 411-54.
La nullité ne sera toutefois pas prononcée si l’omission ou l’inexactitude constatée ne sont pas de nature à induire le preneur en erreur.
La régularité d’un congé s’apprécie à la date de sa délivrance.
Il résulte de la combinaison des articles L 411-47 et L 411-59 du code rural et de la pêche maritime que, lorsque le bien objet de la reprise est destiné à être exploité par mise à la disposition d’une société, le congé doit mentionner cette circonstance.
Le congé délivré le 24 avril 2019 mentionne : « (…) Monsieur [U] ([F], [K], [Y]) [I] s’engage, à partir de la reprise, à se consacrer exclusivement et personnellement dans le cadre d’une première installation à l’exploitation des biens repris pendant neuf ans au moins et ce en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation (…) »
Au vu de cette mention, c’est à raison que le tribunal des baux ruraux de Charleville-Mézières a considéré qu’il se déduisait sans ambiguïté des termes mêmes du congé que l’exploitation par Monsieur [U] [I] se ferait à titre individuel, sans mise à disposition d’une société.
Sur les conditions de fond du congé du 24 avril 2019:
Monsieur [J] [L] soutient que Monsieur [U] [I] ne justifie pas avoir acquis du matériel d’exploitation, qu’il ne bénéficie d’aucun concours bancaire mais d’un simple prêt familial, que la surface de la partie de haut-vent qui lui est prêtée pour entreposer son matériel est particulièrement limitée et que le recours à une convention de prêt démontre le caractère précaire de l’exploitation projetée.
Monsieur [J] [L] ajoute que l’étude du CERFRANCE laisse apparaître que l’exploitation serait difficilement rentable, dépendante essentiellement des cours des céréales et des primes PAC dont l’avenir est incertain.
Il souligne que dans la mesure où il n’est pas justifié des informations fournies à l’administration, la réponse de la direction départementale des territoires, selon laquelle l’opération de reprise n’est pas soumise à autorisation ni à déclaration, ne peut fonder la décision de la cour qui doit procéder elle-même à l’étude de la situation au regard des règles relatives au contrôle des structures.
Il soutient enfin que Monsieur [U] [I] est à ce jour directeur commercial au sein de la société Inter-Business et qu’il est directeur général de la société TNE Renov, ce qui démontre l’absence de volonter d’exploiter.
Madame [S] [O] née [E] et Madame [V] [O] épouse [B] soutiennent que Monsieur [U] [I] remplit toutes les conditions posées par les dispositions de l’article L 411-59 du code rural et de la pêche maritime.
Elles font valoir :
– qu’il dispose d’un diplôme agricole baccalauréat professionnel « analyse et conduite de systèmes d’exploitation- systèmes à dominante cultures » et d’un BEPA « travaux agricoles et conduites d’engins », diplômes qui répondent à l’exigence de capacité agricole requise par l’article R 331-2 du code rural et de la pêche maritime,
– que Monsieur [U] [I] est domicilié à proximité du siège de l’exploitation et des parcelles avec une distance d’environ 10 km et que le 13 novembre 2019 il a signé un acte notarié de prêt à usage avec l’EARL Morant portant sur un espace de stockage pour produits et matériels agricoles d’une superficie de 138 m²,
– qu’à la date d’effet du congé reprise, soit le 30 octobre 2020, Monsieur [U] [I] avait cessé toute activité professionnelle non agricole ; qu’il a dû reprendre une activité salariée en raison de l’impossibilité matérielle d’attendre l’issue judiciaire en raison des nombreuses prorogations du délibéré du tribunal paritaire des baux ruraux,
– que le centre de gestion a établi pour Monsieur [U] [I] un projet économique d’installation, qu’il dispose du matériel nécessaire à la bonne exploitation des parcelles ayant acquis, le 28 août 2020, un tracteur et disposant, pour la date d’effet du congé, des fonds nécéssaires pour acquérir d’autres matériels,
– que le préfet de la région Grand est a notifié le 16 mars 2020 à Monsieur [U] [I] que l’opération n’était pas soumise à autorisation préalable d’exploiter,
Aux termes de l’article L 411-58 du code rural et de la pêche maritime, le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail s’il veut reprendre le bien loué pour lui-même ou au profit de son conjoint, du partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité, ou d’un descendant majeur ou mineur émancipé.
Lorsque les terres sont destinées à être exploitées dès leur reprise dans le cadre d’une société et si l’opération est soumise à autorisation, celle-ci doit être obtenue par la société.
L’article L 411-59 du code rural et de la pêche maritime dispose que le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l’exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans soit à titre individuel, soit au sein d’une société dotée de la personnalité morale, soit au sein d’une société en participation dont les statuts sont établis par un écrit ayant acquis date certaine. Il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l’exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation. Il doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir.
Le bénéficiaire de la reprise doit occuper lui-même les bâtiments d’habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l’exploitation directe.
Le bénéficiaire de la reprise doit justifier par tous moyens qu’il satisfait aux obligations qui lui incombent en application des deux alinéas précédents et qu’il répond aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle mentionnées aux articles L. 331-2 à L. 331-5 ou qu’il a bénéficié d’une autorisation d’exploiter en application de ces dispositions.
Aux termes de l’article R 331-2 I. du code rural et de la pêche maritime, satisfait aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle mentionnées au 3° du I de l’article L. 331-2 le candidat à l’installation, à l’agrandissement ou à la réunion d’exploitations agricoles qui justifie, à la date de l’opération :
1° Soit de la possession d’un des diplômes ou certificats requis pour l’octroi des aides à l’installation visées aux articles D. 343-4 et D. 343-4-1 ;
2° Soit de cinq ans minimum d’expérience professionnelle acquise sur une surface égale au tiers de la surface agricole utile régionale moyenne, en qualité d’exploitant, d’aide familiale, d’associé exploitant, de salarié d’exploitation agricole ou de collaborateur d’exploitation au sens de l’article L. 321-5. La durée d’expérience professionnelle doit avoir été acquise au cours des quinze années précédant la date effective de l’opération en cause.
Il résulte de la jurisprudence constante de la cour de cassation que les conditions de fond du congé s’apprécient à la date à laquelle il doit produire effet et non à la date de sa délivrance.
En l’espèce les conditions de fond du congé doivent être appréciées à la date du 30 octobre 2020.
Il est établi que Monsieur [U] [I], titulaire d’un baccalauréat professionnel « analyse et conduite de systèmes d’exploitation- systèmes à dominante cultures » et d’un BEPA « travaux agricoles et conduites d’engins », possède les diplômes qui répondent à l’exigence de capacité agricole requise par l’article R 331-2 du code rural et de la pêche maritime.
Il justifie d’un domicile situé [Adresse 1] situé à 10 km de l’exploitation avec, à proximité, à [Localité 12], un espace de stockage dédié de 12 m x 11,50 m aux fins de stockage de produits et matériels agricoles, reçu par prêt à usage notarié en date du 13 novembre 2019 pour une durée d’un an renouvelable d’année en année par tacite reconduction.
S’agissant du matériel nécessaire à l’exploitation, Monsieur [U] [I] a acquis un tracteur le 28 août 2020 et dispose de fonds sur ses divers comptes bancaires à hauteur de 38 000 euros.
Madame [S] [O] née [E] et Madame [V] [O] épouse [B] justifient que le 4 mars 2020, Monsieur [U] [I] a déposé une demande d’autorisation administrative d’exploiter auprès de l’autorité préfectorale et produisent le récapitulatif de saisie numérique du dossier qui démontre, contrairement à ce qu’affirme Monsieur [J] [L], que toutes les informations nécessaires à la décision de l’administration ont été communiquées.
Le 16 mars 2020, le préfet de la région [Localité 6] a notifié à Monsieur [U] [I] que l’opération envisagée n’était pas soumise à autorisation d’exploiter.
Par ailleurs, Monsieur [J] [L] qui affirme que la cour n’est pas tenue par l’appréciation de l’administration et qu’elle doit procéder elle-même à l’étude de la situation ne fait valoir aucun moyen et ne justifie d’aucun cas particulier au regard des dispositions de l’article L 331-2 du code rural et de la pêche maritime qui détaille les opérations ( installations, agrandissements ou réunions d’exploitations agricoles au bénéfice d’une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales) soumises à autorisation préalable de l’administration.
Enfin, ainsi que l’a relevé le premier juge, l’opération n’est pas soumise à autorisation d’exploiter s’agissant d’une installation sur une exploitation d’une superficie qui demeure en deça du seuil prévu par le schéma directeur régional des exploitations agricoles de champagne-ardennes du 22 décembre 2015, alors applicable, étant souligné que Monsieur [J] [L] n’invoque ni un démembrement de son exploitation ni une diminution de sa superficie en deçà du seuil prévu par le schéma directeur.
Il est établi que Monsieur [U] [I] a démissionné le 29 juillet 2020 du poste de commercial qu’il occupait au sein de la société InterBusiness pour se consacrer à son projet d’installation agricole.
Le 17 mars 2020, l’administration préfectorale a agréé son plan de professionnalisation personnalisé.
Il est établi par le contrat à durée indéterminée qui est produit aux débats que le 6 juin 2023, Monsieur [U] [I] a été embauché en qualité de directeur opérationnel de la société InterBusiness, dont sa mère est gérante.
Il est par ailleurs directeur général de la société TNE RENOV société par actions simplifiée, au capital de 1000 euros, qu’il a créée.
Madame [S] [O] née [E] et Madame [V] [O] épouse [B] expliquent que, compte tenu de la durée de la procédure devant le tribunal paritaire des baux ruraux, Monsieur [U] [I] a été contraint de reprendre une activité professionnelle salariée et non-agricole.
C’est à raison qu’elles affirment que les conditions de fond du congé doivent être appréciées à la date du 30 octobre 2020 et qu’à cette date Monsieur [U] [I] n’avait aucune aucune activité professionnelle.
Il est ainsi établi que Monsieur [U] [I] remplit les conditions prévues par l’article L 411-59 du code rural et de la pêche maritime.
Le jugement de première instance sera donc confirmé en ce qu’il a validé le congé délivré à Monsieur [J] [L] le 24 avril 2019 pour une date d’effet au 30 octobre 2020 portant sur les parcelles suivantes situées à [Localité 13]:
– 7ha 73a 83 ca à prendre dans la parcelle cadastrée [Cadastre 19], lieudit « [Localité 11] » pour 21 ha 25 a 50 ca,
et le tiers indivis des parcelles ci-après :
– une parcelle de terre cadastrée [Cadastre 20], lieudit [Localité 7] pour 11 ha 78 a 50 ca,
– une parcelle de pâture cadastrée [Cadastre 21], lieudit [Localité 10] pour 2ha 71a 80ca,
– une parcelle de terre cadastrée [Cadastre 14] lieudit [Localité 9] pour 30 a 60 ca,
– une parcelle de terre cadastrée [Cadastre 15], lieudit [Localité 9] pour l ha 65 a 20 ca,
– une parcelle de terre cadastrée [Cadastre 16], lieudit [Localité 9] pour 47 a,
– une parcelle de terre cadastrée [Cadastre 17], lieudit [Localité 9] pour 2 ha 39 a 90 ca,
– une parcelle de terre cadastrée [Cadastre 18], lieudit « [Localité 8] » pour 5 ha 81a 30 ca.
Il sera également confirmé en ce qu’il a dit qu’à défaut de libérer les lieux dans le mois de la notification du jugement, Monsieur [J] [L] pourrait y être contraint au besoin avec l’assistance de la force publique, dit n’y avoir lieu de prononcer une astreinte et condamné Monsieur [J] [L] à payer à Madame [S] [O] née [E] et à Madame [V] [O] épouse [B] une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du fermage qui aurait été dû à défaut de résiliation du bail, ce à compter du 31 octobre 2020 et jusqu’à libération complète des lieux, avec intérêts au taux légal à compter du jugement pour les mensualités déjà échues, et à compter de chaque échéance mensuelle pour le surplus.
Sur les autres demandes:
La solution donnée au litige commande de confirmer le jugement de première instance en ses dispositions portant sur les frais irrépétibles et les dépens.
Partie qui succombe à hauteur d’appel, Monsieur [J] [L] est condamné à payer à Madame [S] [O] née [E] et Madame [V] [O] épouse [B] ensemble une somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles en appel.
Il est débouté de sa demande à ce titre et condamné aux dépens de la procédure d’appel.
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi
CONFIRME le jugement de première instance en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE Monsieur [J] [L] à payer à Madame [S] [O] née [E] et à Madame [V] [O] épouse [B] ensemble une somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles en appel ;
DEBOUTE Monsieur [J] [L] de sa demande au titre des frais irrépétibles en appel ;
CONDAMNE Monsieur [J] [L] aux dépens de la procédure d’appel.
La Greffière Le Président
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