Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Poitiers
→ RésuméMme [E] [Z] a interjeté appel d’un jugement concernant la succession de ses parents, contestando la créance de salaire différé de M. [I] [B]. En appel, la cour a infirmé la créance initiale, la fixant à 27.155,89 euros, et a condamné M. [I] [B] à verser 3.500 euros à Mme [E] [Z] pour les frais irrépétibles. Le litige porte sur le travail non rémunéré de M. [I] [B] dans l’exploitation familiale entre 1968 et 1978, période durant laquelle il revendique une créance. La cour a reconnu son travail, mais a limité la créance à une période précise.
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Mme [E] [Z] a interjeté appel d’un jugement du tribunal judiciaire de La Roche-Sur-Yon concernant la succession de ses parents, [E] [RI] [C] [H] et M. [I] [CF] [P] [B]. Le jugement a ordonné des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession, désigné un notaire pour ces opérations, fixé une créance de salaire différé de 80.815,26 euros en faveur de M. [I] [B], et débouté Mme [E] [Z] de sa demande de réintégration d’une partie de la maison dans l’actif successoral. En appel, Mme [E] [Z] conteste la créance de salaire différé et demande une réformation du jugement. M. [I] [B] demande la confirmation de la décision initiale. La cour a infirmé la décision sur la créance de salaire différé, la fixant à 27.155,89 euros, et a statué sur les dépens, condamnant M. [I] [B] à verser 3.500 euros à Mme [E] [Z] au titre des frais irrépétibles.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
23/01100
N° RG 23/01100 – N° Portalis DBV5-V-B7H-GZM5
[B]
C/
[B]
[B]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
4ème Chambre Civile
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/01100 – N° Portalis DBV5-V-B7H-GZM5
Décision déférée à la Cour : jugement du 28 mars 2023 rendu par le tribunal judiciaire de LA ROCHE-SUR-YON.
APPELANTE :
Madame [E] [F] [OO] [B] épouse [Z]
née le [Date naissance 18] 1950 à [Localité 37]
[Adresse 17]
[Localité 30]
ayant pour avocat Me Yves-Noël GENTY de la SELARL CABINET D’AVOCATS GENTY, avocat au barreau des SABLES D’OLONNE
INTIMES :
Monsieur [I] [X] [G] [O] [B]
né le [Date naissance 26] 1954 à [Localité 37]
[Adresse 20]
[Localité 37]
ayant pour avocat postulant Me Marie COLOMBEAU, avocat au barreau de POITIERS
ayant pour avocat plaidant Me Julie HOUDUSSE de la SELARL H2C, avocat au barreau d’ANGERS
Madame [V] [U] [D] [B] épouse [FT]
née le [Date naissance 13] 1952 à [Localité 37]
[Adresse 24]
[Localité 23]
Défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 26 Juin 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Denys BAILLARD, Président
Madame Marie-Béatrice THIERCELIN, Conseillère
Madame Véronique PETEREAU, Conseillère, qui a présenté son rapport
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Diane MADRANGE,
ARRÊT :
– REPUTE CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
EXPOSE DU LITIGE
Dans des conditions de régularité, de forme et de délai non discutées, Mme [E] [Z] née [B] a interjeté appel le 11 mai 2023 d’un jugement rendu le 28 mars 2023 par le tribunal judiciaire de La Roche-Sur-Yon ayant notamment :
– ordonné les opérations judiciaires de comptes, liquidation et partage de la succession d'[E] [RI] [C] [H] épouse [B], née le [Date naissance 19] 1928 à [Localité 37] (Maine et Loire) décédée le [Date décès 15] 2011 à [Localité 34] et de M. [I] [CF] [P] [B], son époux, né le [Date naissance 14] 1926 à [Localité 37] et décédé le [Date décès 11] 2016 ;
– désigné Me [J], Notaire à [Localité 35] (85) pour y procéder et désigné Mme [A], vice-président, pour surveiller lesdites opérations ;
– donner mission habituelle au Notaire pour parvenir au partage ;
– fixé la créance de salaire différé de M. [I] [B], intimé, à la somme de 80.815,26 euros ;
– débouté Mme [E] [Z] née [B], appelante, de sa demande de réintégration dans l’actif successoral de la partie ouest de la maison d’habitation actuellement cadastrée parcelle [Cadastre 8] ;
– sursis à statuer sur la valeur des parcelles cadastrées B [Cadastre 5], B [Cadastre 6], B [Cadastre 25] et B [Cadastre 10] ;
– réservé les autres demandes et dépens de l’instance ;
– ordonné l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;
– dit qu’à défaut d’acte de partage amiable, l’affaire sera rappelée sur rapport du juge commis en application des dispositions de l’article 1373 du Code de procédure civile ;
L’appelante conclut, à titre principal, à la réformation de la décision entreprise en ce qu’il a reconnu le droit à une créance de salaire différé de 80.815, 26 euros au profit de M. [I] [B] et débouter ce dernier de sa demande de créance de salaire différé et, à titre subsidiaire, si une créance de salaire différé était cependant consacrée, juger qu’elle ne s’appliquerait que sur la période antérieure à 1975 (service militaire non compris) soit du 7 février 1972 au 31 janvier 1974, pour un montant de 27.155,89 euros ;
En tout état de cause,
– Condamner M. [I] [B] à verser à Mme [E] [Z] née [B] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Dire que les dépens de première instance et d’appel seront compris dans les frais privilégiés de partage dont distraction au profit de la Selarl Cabinet d’avocats Genty, avocat aux offres de droit.
L’intimé, M. [I] [B], demande à la cour de déclarer l’appelante irrecevable en tout cas mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions et l’en débouter, et conclut à la confirmation de la décision déférée en toutes ses dispositions et juger que la créance de salaire différé due par l’indivision successorale à M. [I] [B], fils, sera fixée à la somme de 80.815,26 euros, somme à parfaire pour tenir compte de l’évolution du Smic, condamner Mme [E] [Z] à lui payer par application de l’article 700 du Code de procédure civile, la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel, en ceux compris les frais de la mesure expertise comptable.
Vu les dernières conclusions de l’appelante en date du 8 août 2023 ;
Vu les dernières conclusions de l’intimé en date du 13 mai 2024 ;
Mme [V] [B] épouse [FT] n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 mai 2024.
M. [I] [B], né le [Date naissance 14] 1926, s’est marié avec Mme [E] [H], née le [Date naissance 19] 1928, sous le régime de la communauté légale le [Date mariage 16] 1949.
Trois enfants sont nés de cette union, [E] épouse [Z], née le [Date naissance 18] 1950, [V] épouse [FT], née le [Date naissance 13] 1952 et [I], né le [Date naissance 26] 1954.
Les époux [B] ont fait donation en avancement d’hoirie à leur fils, [I], le [Date naissance 19] 1997 de la nue-propriété :
– de la partie de la maison d’habitation du couple et de terrains autour cadastrés b [Cadastre 31] pour 311 m² et b [Cadastre 32] pour 848 m² ; un plan de division de cet immeuble établi par M. [K], géomètre-expert le 14 mai 1981 est annexé audit acte ;
– d’une seconde maison sur un terrain cadastré b n°[Cadastre 2] pour 355 m² ;
– d’une grange, écurie et hangar sur un terrain cadastré b [Cadastre 28] pour 776 m² et le douzième d’une parcelle à usage de chemin cadastrée b [Cadastre 29] ;
– de cinq parcelles de terres b [Cadastre 4] (1ha74a30ca), b [Cadastre 21] (2ha22a85ca), b [Cadastre 22] (45a75ca), b [Cadastre 27] (19a88ca) et b [Cadastre 1] (78a96ca).
Ces biens sont évalués dans l’acte pour leur valeur donnée en nue-propriété à 59.500 francs soit 31.500 francs pour M. [B] et 28.000 francs pour Mme [B].
Le 3 mars 2005, M. et Mme [B] ainsi que leur fils, [I], ont vendu les immeubles bâtis b [Cadastre 2] et b [Cadastre 3] ainsi que leurs droits dans l’indivision du chemin b [Cadastre 29] pour un prix de 55.000 euros. La vente a été ventilée entre les parents usufruitiers à hauteur de 16.500 euros et le fils nu-propriétaire à hauteur de 38.500 euros.
Mme [E] [H] est décédée le [Date décès 15] 2011. Elle avait fait donation à son époux, dernier vivant. A la suite de ce décès, les héritiers n’ont établi aucun partage de la succession.
M. [I] [B] est décédé à [Localité 34] (Vendée) le [Date décès 12] 2016.
Le 28 septembre 2016, les trois enfants ont vendu une partie de la maison d’habitation du défunt cadastrée b [Cadastre 7] et b [Cadastre 9].
Une déclaration de succession a été établie et signée par les trois enfants héritiers le 10 janvier 2017.
Le 24 janvier 2019, M. [I] [B] a revendiqué auprès de ses deux s’urs et auprès du notaire, Maître [L], une créance de salaire différé pour son travail d’aide familial auprès de son père, exploitant agricole, pour la période du 1er janvier 1968 au 31 décembre 1978.
Par acte du 8 juin 2020, il a attrait devant le tribunal judiciaire de la Roche-sur-Yon, ses deux soeurs, Mme [V] [FT] et Mme [E] [Z] aux fins que soit ordonnée l’ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession de leur père, [I] [B] décédé le [Date décès 11] 2016.
L’appelante fait valoir que :
– si l’inscription de leur frère auprès de la MSA et les deux attestations qu’il joint au dossier permettent d’établir sa participation effective depuis ses 18 ans et hors période de service militaire à l’exploitation familiale, ces pièces ne permettent aucunement de démontrer que cette participation a été effectuée gratuitement ;
– au contraire, le relevé de compte MSA de l’intimé montre un changement manifeste de statut à compter du 1er janvier 1976 puisqu’à cette date, la MSA lui accorde quatre trimestres annuels pris en compte pour le calcul de la retraite, alors qu’auparavant aucun trimestre n’était pris en compte, à l’exception de la période de service militaire ; ce relevé de carrière n’apporte en réalité aucune preuve de l’absence de contrepartie économique mais indique tout au contraire que l’intéressé a bénéficié au 1er janvier 1976 d’un changement de statut qui lui permet de se voir gratifier de quatre trimestres par an pour le calcul de sa retraite ;
– l’attestation de l’ex-femme de l’intimé est purement mensongère ;
– le bilan de la société [B], non immatriculée et qui est donc nécessairement une société créée de fait ou en participation, établi par un expert en 1991 porte sur la période de 1975 à 1985 ; ainsi, à partir de 1975 jusqu’en 1985, date du départ en retraite de son père, M. [I] [B] faisait nécessairement partie de la société puisque si tel n’avait pas été le cas, le bilan aurait été établi pour la période de 1979 à 1985 et non dès 1975 ; il importe peu que le comptable note des prélèvements des associés sur le compte société à partir de 1979 pour M. [B], père, et à partir de 1980, pour M. [B], fils ; il faut juste constater que la société [B] existait juridiquement à compter de 1975 puisque le bilan porte expressément sur la période 1975-1985 ; les associés partageaient nécessairement les bénéfices et contribuaient aux pertes ;
– en reprenant l’exploitation familiale de son père, sans aucune contrepartie de paiement, cette reprise sans bourse déliée de l’intégralité du fonds agricole de son père, pourrait présenter à l’évidence, un caractère rémunératoire dans la mesure où une libéralité pure et simple ne peut qu’être écartée ; le frère a donc bénéficié, à la retraite de son père, d’une libéralité non déclarée très substantielle puisque celui-ci a, en réalité, reçu de façon gratuite la totalité de l’actif, matériels, bétails, stocks et ce, alors même qu’il appartient au demandeur de démontrer qu’il n’a reçu aucune rémunération pour sa collaboration ni qu’il n’a été associé aux bénéfices et aux pertes de l’exploitation comme il en résulte d’un arrêt de principe de la Cour de Cassation du 4 janvier 2017, n°15, 2915 ; de ce point de vue, l’inscription auprès de la MSA est parfaitement insuffisante ainsi qu’en a jugé la Cour de Cassation (Cas. Civ. 1ère, 13 avril 2016, n°15-17316).
L’intimé fait valoir que :
– dès l’âge de 14 ans, le concluant a été orienté vers une Maison Familiale Rurale pour suivre une formation en alternance, en vue de l’obtention d’un brevet d’apprentissage agricole ; bien que préférant la mécanique, étant le seul garçon de la fratrie, il a dû suivre sans ciller la voix de son père, agriculteur, pour lui succéder, étant rappelé qu’à l’époque, la majorité était à 21 ans ; très jeune, il a donc participé directement et effectivement à la mise en valeur de l’exploitation agricole que dirigeait son père ; à compter du 7 février 1972 et jusqu’au 31 décembre 1978, il a travaillé sur l’exploitation agricole, aux côtés de son père, à l’exception de la période comprise entre le 1er février 1974 et le 31 janvier 1975, au cours de laquelle il a effectué son service militaire ; il a repris son activité d’aide familial agricole dans l’exploitation de ses parents à compter de la date de sa libération du Service Miliaire, soit le 31 janvier 1975 ; il démontre qu’il a travaillé avec ses parents dès l’âge de 14 ans (1968) jusqu’à son départ au service militaire à l’âge de 20 ans (en 1974), puis de nouveau, de février 1975 jusqu’au 31 décembre 1978 ; à la fin de son service militaire, il a beaucoup hésité à revenir sur la ferme mais sans un sou en poche ni aucune autre formation que celle reçue à la MFR, il est revenu à la ferme de ses parents pour y être nourri, logé et blanchi ; jusqu’au 31 décembre 1978, il a été déclaré comme aide familial ; les relevés de compte et la reconstitution de carrière établis par la Mutualité Sociale Agricole (MSA) entre 1968 et 1978, démontrent qu’aucun salaire n’a été enregistré à son nom, alors qu’il était identifié comme ‘MF participant travaux’ ou encore ‘non salarié agricole aide familial’.Ces périodes pendant lesquelles M. [B] avait le statut ‘d’aide familial non salarié’ comptent dans la validation de trimestres acquis pour le calcul de la retraite, y compris à l’égard des autres régimes de retraite (articles L351-1 et R 351-4 du code de la sécurité sociale) mais cela ne signifie nullement que l’aidant a perçu des revenus ;
– M. [B], fort heureusement, a pu valider 4 trimestres cotisés par an entre 1976 et 1978, pour sa retraite, malgré l’absence de revenu ;
– M. [B] n’a jamais perçu aucun salaire, n’a disposé d’aucun compte bancaire à cette époque ; il percevait seulement un peu d’argent de poche pour sortir le dimanche ; il s’agit de virements faits par M. [I] [B] père ou fils, sur le compte de la société à leur compte personnel (c’est-à-dire sur les comptes courants d’associés ouverts au sein de l’exploitation) et non d’un virement fait par la société au profit des associés en rémunération de leur travail ; en effet, les consorts [B] étaient régulièrement contraints d’effectuer des apports en comptes courants d’associés pour renflouer la société, apports réalisés du côté du concluant, notamment au moyen du prêt jeune agriculteur ainsi qu’en atteste l’ex épouse, Mme [R] [S] ;
– Mme [Z] tente malicieusement de tromper la religion de la juridiction de céans pour empêcher la reconnaissance au profit de M. [I] [B] d’une créance de salaire différé résultant du travail bénévole par lui assuré entre 1972 et 1974 puis entre 1975 et 1978.
* * *
Sur l’existence d’une créance de salaire différé
Au titre de l’article L.321-13 du code rural, ‘les descendants d’un exploitant agricole qui, âgés de plus de dix-huit ans, participent directement et effectivement à l’exploitation sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d’un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement cl’une soulte à la charge des cohéritiers.
Le taux annuel du salaire sera égal, pour chacune des années de participation, à la valeur des deux tiers de la somme correspondant à 2 080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur soit au jour du partage consécutif au décès de l’exploitant, soit au plus tard à la date du règlement de la créance, si ce règlement intervient du vivant de l’exploitant’.
Conformément aux articles 9 du code de procédure civile et 1354 du code civil, la charge de la preuve incombe au descendant demandeur.
M. [B] doit donc démontrer, d’une part, qu’il participait directement et effectivement à l’exploitation agricole de son père et, d’autre part, qu’il n’était ni associé aux bénéfices ni aux pertes et qu’il n’a pas reçu de salaire en argent en contrepartie de sa collaboration.
Concernant la participation de M. [B] à l’activité et l’exploitation agricole de son père
En l’espèce, M. [B] qui soutient avoir travaillé sur l’exploitation agricole, aux côtés de son père, lors de cette période produit aux débats :
– une attestation de M. [G] [H] qui atteste que M. [B] travaillait sur l’exploitation de son père, [I] [B] depuis 1968.
– une attestation de M. [I] [N] qui atteste également de cette activité de M. [B] sur l’exploitation de son père et ce, depuis 1968 ;
– une attestation de M. [T] [M] qui certifie avoir constaté la participation effective et directe de M. [B] lors des moissons concernant les céréales sur la période de l’année 1972 jusqu’en 1990, en particulier, livraison du blé au moulin, avec tracteur et remorque ;
– une attestation de M. [Y] qui certifie avoir constaté la participation directe et effective de M. [B] à l’exploitation agricole de son père du 7 février 1972 au 31 décembre 1978 ;
– une attestation de M. [W] [JH] qui certifie avoir constaté la participation directe et effective de M. [B] à l’exploitation agricole du 7 février 1972 au 31 décembre 1978 ;
– un certificat en original, en date du 12 mars 1975, délivré par le maire de la commune concernée, soit [Localité 37], dans lequel celui-ci indique que M. [I] [B] a repris son activité d’aide familial agricole dans l’exploitation de ses parents, M. et Mme [B], et ce, depuis sa libération du service militaire.
L’ensemble de ces attestations suffisent à établir que M. [B] a effectivement travaillé au sein de l’exploitation agricole de son père à compter de 1968, mais à cette date il avait moins de 18 ans et ne peut donc pas revendiquer une quelconque créance. Il est en revanche en droit de réclamer cette créance à compter du 7 février 1972.
M. [B] sollicite cette somme jusqu’au 31 décembre 1978, en excluant la période comprise entre 1er février 1974 et jusqu’au 31 janvier 1975, lors de laquelle il effectuait son service militaire.
Il convient de souligner que l’appelante ne conteste pas d’ailleurs ce point.
Cette condition est donc remplie.
Concernant le caractère non rémunéré de cette activité
En l’espèce, afin de démontrer qu’il n’a pas été associé ni aux bénéfices ni aux pertes et qu’il n’a pas reçu de salaire en argent en contrepartie de sa collaboration, ce qui est une preuve difficile à rapporter puisqu’elle est négative, M. [B] produit :
– l’attestation en date du 2 avril 2021 de son épouse de l’époque, de laquelle il a divorcé, qui certifie avoir vécu à la ferme à partir de 1980 et confirme que de 1980 à 1987, M. [B] n’a perçu ‘aucune rémunération de l’exploitation agricole même s’il était en société avec son père. M. [B] m’avait informé que je devais travailler à l’extérieur de l’exploitation car il n’ était pas possible de dégager un second revenu sur l’exploitation pour M. [I] [B]. Par contre M. et Mme [B] [I], Père, percevaient sur leur compte personnel crédit agricole le revenu mensuel de la collecte de lait fait par la laiterie [33] de [Localité 36] ‘ ; il ressort de cette attestation que, dès 1980, date à laquelle elle est arrivée à la ferme, son époux était associé avec son père. Elle n’indique pas ce qu’il en est avant cette date puisqu’elle ne connaît pas la situation antérieure ;
– une attestation de la MSA du Maine et Loire certifiant que M. [B] a validé 4 trimestres par an au titre d’une activité ‘aide familial’ non salarié agricole de 1976 à 1978 et qu’il n’a pas eu d’activité de salarié agricole de 1976 à 1978 ;
– une reconstitution de carrière établie par la MSA dans laquelle il apparaît que du 7 février 1972, date à laquelle il peut revendiquer une créance, au 31 janvier 1974, il est inscrit au régime non salarié agricole et il a le statut de ‘Membre de la famille – participant aux travaux’ (Pièce 6). Il s’agit de la période antérieure au service militaire ; en 1976 et jusqu’au 31/12/1978, son statut est ‘aide familial’ ; ensuite, il a le statut de ‘CE ordinaire’ de 1979 à 1980, puis membre de société de 1983 à 1985 ;
– un bilan de compte de la ‘société [B]’ rédigé par un expert agricole et foncier sur la période de 1975 à 1985 qui fait figurer les virements effectués de M. [B], père, sur le compte société à son compte personnel mais aussi les virements effectués de M. [I] [B] sur le compte société à son compte personnel.
M. [B] soutient qu’en ce qui concerne ce bilan comptable, il existe une erreur de plume et que la période concernée n’est pas de 1975-1985 comme indiqué dans l’intitulé du titre, mais de 1979-1985. Pour M. [B], l’erreur de plume est démontrée par le fait que les premiers virements figurant sur ce bilan ne débutent qu’en 1979 et non avant. Or, on ne saurait déduire une erreur matérielle sur la base de ce seul élément puisqu’il se peut qu’en réalité, aucun mouvement de fonds n’ait été effectué entre le compte de la société et les comptes personnels des associés pendant les toutes premières années notamment si la société n’était pas bénéficiaire.
Au regard de ce bilan comptable qui mentionne donc une période de compte à compter de 1975, il convient de présumer qu’à compter de cette date, M. [B] était associé avec son père de cette société ‘[B]’. Or, que la société ait été ou non bénéficiaire, que M. [B] ait ou non obtenu une rétribution pour son activité, il n’en demeure pas moins qu’en tant associé, il était, avec son père, associé aux bénéfices et aux pertes de la société [B].
M. [B] qui conteste cette date de création de la société, soutenant une erreur de plume ne démontre pas que la société a été créée plus tard comme il le soutient.
En conséquence, M. [B] étant associé aux pertes et aux profits à compter de cette date ; il ne pouvait donc revendiquer aucune créance de salaire différé.
Dès lors, la seule période durant laquelle M. [B] n’a pas été rémunéré demeure celle antérieure à son service militaire, lorsqu’il était encore âgé de 21 ans, date de la majorité, soit celle comprise entre le 7 février 1972 et le 31 janvier 1974 pour une créance de 27.155,89 euros.
La décision déférée sera donc infirmée de ce chef.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
Tant les dépens de première instance que ceux en cause d’appel, ils seront compris dans les frais privilégiés de partage.
Il convient en revanche de condamner M. [I] [B] à verser à Mme [E] [Z] née [B] la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
LA COUR
Au fond,
Statuant dans les limites de l’appel,
Infirme la décision déférée en ce qu’elle a dit et jugé que la créance de salaire différé due par l’indivision successorale à M. [B] sera fixée à la somme de 80.815, 26 euros, somme à parfaire pour tenir compte de l’évolution du SMIC et en ce qu’elle a réservé les dépens de l’instance ;
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Fixe la créance de salaire différé due par l’indivision successorale à M. [I] [B] à la somme de 27.155,89 euros, somme à parfaire pour tenir compte de l’évolution du SMIC,
Dit que les dépens de première instance seront compris dans les frais privilégiés de partage,
Y ajoutant,
Dit que les dépens en cause d’appel seront compris dans les frais privilégiés de partage,
Condamne M. [I] [B] à verser à Mme [E] [Z] née [B] la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Denys BAILLARD, Président et par Diane MADRANGE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
D. MADRANGE D. BAILLARD
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