Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Pau
→ RésuméLa SAS Établissements PEDEFER a engagé une procédure judiciaire contre Monsieur [H] pour le non-paiement de dix factures totalisant 18 841,89 euros. Le tribunal de Tarbes a débouté la SAS, estimant qu’elle n’avait pas prouvé l’existence d’une obligation contractuelle. En appel, la cour a constaté des relations commerciales suivies, malgré l’absence de documents écrits. Elle a infirmé le jugement de première instance, condamnant Monsieur [H] à payer les sommes dues et à verser 2 000 euros à la SAS au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les dépens ont été mis à sa charge.
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BR/CD
Numéro 23/03100
COUR D’APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 26/09/2023
Dossier : N° RG 22/00320 – N° Portalis DBVV-V-B7G-IDND
Nature affaire :
Demande en paiement du prix ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix
Affaire :
SAS ETABLISSEMENT PEDEFER
C/
[H] [C]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 26 Septembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
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APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 19 Juin 2023, devant :
Madame REHM, magistrate honoraire chargée du rapport,
assistée de Madame HAUGUEL, greffière présente à l’appel des causes,
Madame [K], en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame FAURE, Présidente
Madame ROSA-SCHALL, Conseillère
Madame REHM, magistrate honoraire
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
SAS ETABLISSEMENTS PEDEFER
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée et assistée de Maître DABAN, avocat au barreau de PAU
INTIME :
Monsieur [H] [C]
né le 10 août 1979 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté et assisté de Maître ARCAUTE, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 25 NOVEMBRE 2021
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TARBES
RG numéro : 19/00025
EXPOSE DU LITIGE
La SAS Établissements PEDEFER dont le siège social est à [Localité 3] (64) exerce une activité de commerce de céréales, de semences et d’aliments pour le bétail.
Elle a émis entre le 13 janvier 2017 et le 07 juillet 2017, dix factures pour un montant total de 18 841,89 euros à destination de Monsieur [H] [C] qui exerce la profession d’agriculteur à titre individuel dans la culture des céréales et l’exploitation de vaches laitières à [Localité 4] (65).
Ces factures étant demeurées impayées, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 27 novembre 2017, la SAS Établissements PEDEFER a adressé à Monsieur [H] [C] une mise en demeure d’avoir à régler une somme totale de 20 031,17 euros au titre du principal et des intérêts de retard.
En l’absence de paiement, elle a saisi la société Sud-Ouest Recouvrement qui a tout aussi vainement adressé à Monsieur [H] [C] une mise en demeure en date du 14 février 2018 d’avoir à payer une somme totale de 20 946,09 euros.
Le 04 avril 2018, la SAS Établissements PEDEFER a déposé une requête devant le président du tribunal de grande instance de Tarbes, aux fins d’obtenir une ordonnance d’injonction de payer la somme de 22 948,99 euros à l’encontre de Monsieur [H] [C].
Cette requête a été rejetée par ordonnance en date du 08 novembre 2018 au motif que les justificatifs de l’obligation n’avaient pas été fournis.
Par exploit du 26 décembre 2018, la SAS Établissements PEDEFER a fait assigner Monsieur [H] [C] devant le tribunal de grande instance de Tarbes, devenu tribunal judiciaire depuis le 1er janvier 2020, devant lequel elle a sollicité sa condamnation, sur le fondement des articles 1103, 1104, 1111, 1113, 1120, 1164, 1172, 1193, 1231-1, 1231-6 et 1353 du code civil ainsi que de l’article L 441-10 II du code de commerce, à lui payer les sommes suivantes :
– 18 841,89 euros au titre des factures impayées sur la période du 13 janvier au 07 juillet 2017,
– 1 342,59 euros au titre des intérêts légaux de retard à compter du 14 février 2018,
– 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, en ce compris les frais de requête et d’huissier de justice.
Par jugement contradictoire du 25 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Tarbes a :
– débouté la SAS Établissements PEDEFER de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de Monsieur [H] [C],
– condamné la SAS Établissements PEDEFER à payer à Monsieur [H] [C] une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SAS Établissements PEDEFER aux dépens,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Le premier juge a considéré que si l’usage en matière agricole, autorise les parties en cas de relations d’affaires suivies, à conclure verbalement des ventes d’aliments ou de produits agricoles, il ne dispense pas pour autant le demandeur de rapporter la preuve par tous moyens de l’existence de l’obligation invoquée à l’encontre du débiteur et il a estimé qu’en l’absence de bons de commandes ou de bons de livraison signés, le seul fait pour Monsieur [C] de ne pas avoir contesté les factures émises, ne pouvait suffire à fonder la créance contractuelle dont la SAS Établissements PEDEFER demande l’exécution et a donc rejeté ses demandes.
Par déclaration du 1er février 2022, la SAS Établissements PEDEFER a relevé appel de cette décision, en sollicitant la réformation de l’intégralité du jugement entrepris.
Une ordonnance d’injonction de rencontrer un médiateur en date du 10 août 2022 a été transmise aux parties et à leurs conseils mais aucun accord n’a pu aboutir, Monsieur [H] [C] ayant refusé la médiation.
Le 07 décembre 2022, le conseil de l’appelante a sollicité la fixation du dossier.
Par avis du 20 décembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a informé les parties que cette affaire était fixée à l’audience du 19 juin 2023, la clôture intervenant le 17 mai 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 1er mai 2022, la SAS Établissements PEDEFER demande à la cour, sur le fondement des articles 1103,1104, 1111, 1113, 1120, 1164, 1172, 1193, 1231-1, 1231-6 et 1353 du code civil ainsi que de l’article L 441-10 II du code de commerce, de :
– réformer le jugement du tribunal judiciaire de Tarbes du 25 novembre 2021,
Statuer à nouveau et :
– condamner Monsieur [C] à payer à la SAS Établissements PEDEFER la somme de 18 841,89 euros au titre des factures impayées sur la période du 13 janvier au 07 juillet 2017,
– le condamner à lui payer la somme de 1 342,59 euros au titre des intérêts légaux de retard à compter du 14 février 2018,
– le condamner à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en application de l’article 1231-1 du code civil,
– le condamner à lui payer la somme de 2 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, en ce compris les frais de requête et d’huissier de justice,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir en application de l’article 515 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 29 juillet 2022, Monsieur [H] [C] demande à la cour de :
– débouter la SAS Établissements PEDEFER de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Tarbes en date du 25 novembre 2021 en ce qu’il a débouté la société PEDEFER de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de Monsieur [H] [C] ainsi que la condamnation de cette société à lui payer une indemnité de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Établissements PEDEFER à porter et payer à Monsieur [H] [C] la somme de 1 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner en tous les dépens.
L’ordonnance de clôture a été fixée au 17 mai 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1°) Sur la demande principale
Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
L’article 1359 du même code dispose que ‘L’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique.
Il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit établissant un acte juridique, même si la somme ou la valeur n’excède pas ce montant, que par un autre écrit sous signature privée ou authentique.
Celui dont la créance excède le seuil mentionné au premier alinéa ne peut pas être dispensé de la preuve par écrit en restreignant sa demande.
Il en est de même de celui dont la demande, même inférieure à ce montant, porte sur le solde ou sur une partie d’une créance supérieure à ce montant.’
L’article 1360 du même code stipule que ‘Les règles prévues à l’article précédent reçoivent exception en cas d’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, s’il est d’usage de ne pas établir un écrit, ou lorsque l’écrit a été perdu par force majeure.’
Selon le décret n° 80-533 du 15 juillet 1980, la somme ou la valeur visée à l’article 1359 du code civil est fixée à 1 500 euros.
En l’espèce, la SAS Établissements PEDEFER fait valoir qu’elle livre régulièrement des marchandises commandées par Monsieur [H] [C] mais que celui-ci n’a pas honoré le paiement de dix factures pour la période comprise entre le 13 janvier 2017 et le 07 juillet 2017.
Les commandes litigieuses invoquées portent essentiellement sur des ventes d’aliments pour bétail entre une société commerciale et un exploitant agricole.
Monsieur [H] [C] soutient qu’il s’agit de factures qui ne correspondent à aucune commande et qui ne sont accompagnées d’aucuns bons de livraison en l’absence de production de bons de commande ou de livraison signés par lui.
Usant de son pouvoir souverain d’appréciation de l’impossibilité morale de se procurer une preuve littérale de l’acte juridique, résultant de l’usage en matière agricole qui autorise les parties à conclure verbalement des ventes de semences et de produits phytosanitaires, la cour d’appel estime que ces commandes par un exploitant agricole à une société commerciale peuvent être faites par téléphone et ne pas être concrétisées par un écrit daté et signé par le client.
Il convient de relever qu’outre les factures litigieuses, la SAS Établissements PEDEFER produit plusieurs autres factures émises entre le 11 mars 2016 et le 31 décembre 2016 ainsi que des factures émises entre le 21 octobre 2017 et le 18 mai 2018 qui ont toutes été honorées par Monsieur [H] [C], précision faite que si jusqu’au 21 octobre 2017 il était indiqué sur les factures que le paiement se faisait par chèque, à partir du 21 octobre 2017 il est précisé que le paiement est effectué par prélèvement bancaire.
La SAS Établissements PEDEFER rapporte ainsi la preuve de l’existence de relations d’affaires suivies entre les parties, produisant aux débats des dizaines de factures afférentes à la livraison d’aliments pour bétails sur une période de plus de deux ans et elle établit même que les usages entre les parties se sont modifiés après les incidents de paiement, le paiement se faisant désormais par prélèvements bancaires, attestant ainsi du suivi de leurs relations commerciales alors que, par ailleurs, non seulement Monsieur [H] [C] ne conteste pas avoir été livré des produits concernés par la SAS Établissements PEDEFER mais il explique dans ses écritures avoir sollicité la SAS Établissements PEDEFER pour l’aider à nourrir ses bovins avec une nouvelle machine de façon automatisée en lui reprochant de ne pas avoir attiré son attention sur la réalité de ses besoins qu’elle avait largement surestimés ; il lui reproche également d’avoir unilatéralement modifié, sans son accord, le prix de vente des marchandises comme cela ressort des factures litigieuses.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la preuve de l’existence d’une créance de la SAS Établissements PEDEFER à l’égard de Monsieur [H] [C] est rapportée.
Monsieur [H] [C] ne peut sérieusement soutenir n’avoir jamais donné son accord sur les modifications du prix de vente des marchandises alors qu’en sa qualité d’exploitant agricole il ne peut ignorer que le coût des céréales varie selon le prix du marché que la SAS Établissements PEDEFER ne fait qu’appliquer.
En l’absence de preuve de libération de sa dette par Monsieur [H] [C], il convient de faire droit à la demande en paiement formée par l’appelante, Monsieur [H] [C] étant condamné à payer à la SAS Établissements PEDEFER la somme principale de 18 841,89 euros au titre des factures impayées sur la période du 13 janvier 2017 au 07 juillet 2017.
Dans le corps de ses écritures, la SAS Établissements PEDEFER sollicite la condamnation de Monsieur [H] [C] à lui payer la somme de 1 342,59 euros au titre des intérêts contractuels en faisant valoir que ce taux apparaît sur les factures émises dans les conditions générales de vente figurant au recto de chaque facture dans une clause intitulée ‘Pénalités de retard’ ; dans le dispositif elle sollicite cette même somme au titre des intérêts légaux de retard à compter du 14 février 2018, ce qui est manifestement une erreur matérielle, le montant sollicité correspondant aux intérêts conventionnels et non aux intérêts légaux.
En l’absence de contrat signé par Monsieur [H] [C], l’usage invoqué ci-dessus ne peut fonder une demande de paiement d’intérêts à un taux conventionnel et ce d’autant plus que, contrairement à ce qui est indiqué par l’appelante, les conditions générales de vente ne figurent pas au verso des factures produites aux débats ; la demande de ce chef sera donc rejetée.
2°) Sur la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur [H] [C]
Subsidiairement, Monsieur [H] [C] sollicite dans les motifs de ses écritures la condamnation de la SAS Établissements PEDEFER à lui payer la somme de 21 184,48 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son devoir d’information.
Cette demande n’est pas reprise dans le dispositif de ses conclusions.
En application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour est saisie par le dispositif des dernières conclusions des parties et ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
La cour n’a donc pas à statuer sur cette demande.
3°) Sur les demandes annexes
Le jugement de première instance sera infirmé en ce qui concerne les condamnations au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Monsieur [H] [C] sera condamné à payer à la SAS Établissements PEDEFER la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et sera débouté de sa demande formulée à ce titre.
Monsieur [H] [C] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.
Il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision comme cela est sollicité par la SAS Établissements PEDEFER, le pourvoi en cassation n’empêchant pas l’exécution de la décision attaquée conformément aux dispositions de l’article L.111-11 du code des procédures civiles d’exécution ; cette demande est donc sans objet.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
Condamne Monsieur [H] [C] à payer à la SAS Établissements PEDEFER la somme de 18 841,89 euros au titre des factures impayées sur la période du 13 janvier 2017 au 07 juillet 2017,
Déboute la SAS Établissements PEDEFER de sa demande au titre des intérêts conventionnels,
Condamne Monsieur [H] [C] à payer à la SAS Établissements PEDEFER la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute Monsieur [H] [C] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [H] [C] aux dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Carole DEBON Caroline FAURE
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