Cour d’appel de Pau, 17 mai 2023, N° RG 22/02257
Cour d’appel de Pau, 17 mai 2023, N° RG 22/02257

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Pau

Résumé

Dans cette affaire, la Cour d’Appel de Pau a annulé le congé donné par Madame V à Monsieur B, justifié par son âge de retraite. Les époux B avaient contesté ce congé, demandant un report et la cession du bail à l’épouse de Monsieur B. Le tribunal paritaire avait validé le congé, mais la Cour a jugé qu’il était invalide en raison d’un motif différent invoqué par le bailleur. Elle a ainsi autorisé la cession du bail, tenant compte de l’implication de l’épouse dans l’exploitation. Madame V a été condamnée aux dépens et à verser une somme aux époux B.

Résumé de l’affaire

Dans cette affaire jugée par la Cour d’Appel de Pau, il s’agit d’une demande formée par le bailleur ou le preneur relative à la poursuite ou au renouvellement du bail. Les parties en présence sont Monsieur et Madame B en tant qu’appelants, et Madame V en tant qu’intimée. Le litige porte sur un congé donné par Madame V à Monsieur B pour le 1er janvier 2023 en raison de son âge de retraite, et sur la demande de cession du bail à l’épouse de Monsieur B. Le tribunal paritaire des baux ruraux de Pau a initialement validé le congé et débouté Monsieur B de ses demandes, mais les époux B ont interjeté appel.

Exposé du litige

Monsieur B a contesté le congé donné par Madame V et a demandé le report de sa date d’effet, ainsi que l’autorisation de céder le bail à son épouse. Le tribunal paritaire des baux ruraux de Pau a validé le congé et débouté Monsieur B de ses demandes, le condamnant aux dépens. Les époux B ont interjeté appel de cette décision.

Motifs de la décision

La Cour d’Appel a statué en faveur des époux B en annulant le congé donné par Madame V et en autorisant la cession du bail à l’épouse de Monsieur B. La Cour a considéré que le congé était invalide car le motif invoqué par le bailleur en cours d’instance était différent de celui mentionné dans le congé initial. De plus, la cession du bail à l’épouse de Monsieur B a été autorisée en raison de sa participation à l’exploitation et de sa capacité à respecter les obligations du contrat. Madame V a été condamnée aux dépens et à verser une somme aux époux B au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


PS/SB

Numéro 23/1714

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 17/05/2023

Dossier : N° RG 22/02257 – N° Portalis DBVV-V-B7G-IJIE

Nature affaire :

Demande formée par le bailleur ou le preneur relative à la poursuite ou au renouvellement du bail

Affaire :

[U] [B], [P] [F] épouse [B]

C/

[W] [J] épouse [V]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 17 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 26 Janvier 2023, devant :

Madame SORONDO, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame SORONDO, en application de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur [U] [B]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Madame [P] [F] épouse [B]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Comparants assistés de Maître BERNAL de la SCP COUDEVYLLE/LABAT/BERNAL, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

Madame [W] [J] épouse [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Non comparante

sur appel de la décision

en date du 05 JUILLET 2022

rendue par le TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE PAU

RG numéro : 21/00007

EXPOSE DU LITIGE

M. [U] [B] s’est vu consentir verbalement le 1er janvier 1987 un bail à ferme portant sur une parcelle sise à [Localité 5], cadastrée section C n° [Cadastre 1], appartenant actuellement à Mme [W] [J] veuve [V] en usufruit et à ses enfants en nue-propriété.

Par acte d’huissier du 23 juin 2021, Mme [V] a donné congé avec refus de renouvellement à M. [B] pour le 1er janvier 2023 au motif qu’il a atteint l’âge de la retraite en matière d’assurance vieillesse des exploitants agricoles.

Par requête reçue au greffe le 21 octobre 2021, M. [B] a saisi le tribunal paritaire des Baux ruraux de Pau en contestation de ce congé et report de sa date d’effet. En cours d’instance, il a demandé d’autoriser la cession du bail à son épouse, Mme [P] [B] née [F], laquelle est intervenue volontairement à l’instance.

Par jugement du 5 juillet 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux de Pau a:

– déclaré valide le congé délivré le 21 juin 2021 à effet du 1er janvier 2023,

– débouté M. [B] de ses demandes,

– condamné M. [B] aux dépens.

Le jugement a été notifié aux parties par lettre recommandée avec avis de réception. Les accusés de réception ne sont pas au dossier.

Les époux [B] en a interjeté appel par lettre recommandée expédiée au greffe de la cour le 29 juillet 2022 et réceptionnée le 1er août 2022.

Selon avis de convocation contenant calendrier de procédure en date du 15 septembre 2022, les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 26 janvier 2023. Mme [J] veuve [V], qui a accusé réception de sa convocation le 17 septembre 2022, n’a pas comparu. Elle a été destinataire des conclusions des appelants.

Selon leurs conclusions transmises par RPVA le 15 novembre 2022, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, les époux [B], appelants, demandent à la cour de’:

– annuler le jugement déféré,

– annuler le congé délivré le 23 juin 2021 à M. [B] à effet du 1er janvier 2023,

– autoriser la cession au bénéfice de Mme [P] [B] née [F] du bail à ferme consenti à M. [B] portant sur la parcelle cadastrée commune de [Localité 5], section C n° [Cadastre 1] d’une superficie de 1 ha 5 a 15 ca,

– débouter Mme [J] veuve [V] de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner Mme [J] veuve [V] à leur payer la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’annulation du jugement

Les époux [B] soutiennent que le congé a été validé en considération, non de son motif, tenant au refus de renouvellement du bail au preneur âgé, mais d’un autre motif, tenant au changement de la destination agricole du bien. Il s’agit cependant là d’un motif de réformation et non d’annulation du jugement.

Sur le congé et la demande d’autorisation de cession du bail

Les époux [B] font valoir que le bailleur ne peut en cours d’instance modifier le motif du congé, et que la cession du bail ne peut être refusée qu’au preneur qui n’a pas respecté ses obligations.

Sur ce,

Aux termes de l’article L.411-47 du code rural et de la pêche maritime, le propriétaire qui entend s’opposer au renouvellement doit notifier congé au preneur, dix-huit mois au moins avant l’expiration du bail, par acte extrajudiciaire.

A peine de nullité, le congé doit :

– mentionner expressément les motifs allégués par le bailleur ;

– indiquer, en cas de congé pour reprise, les nom, prénom, âge, domicile et profession du bénéficiaire ou des bénéficiaires devant exploiter conjointement le bien loué et, éventuellement, pour le cas d’empêchement, d’un bénéficiaire subsidiaire, ainsi que l’habitation ou éventuellement les habitations que devront occuper après la reprise le ou les bénéficiaires du bien repris ;

– reproduire les termes de l’alinéa premier de l’article L.411-54.

La nullité ne sera toutefois pas prononcée si l’omission ou l’inexactitude constatée ne sont pas de nature à induire le preneur en erreur.

Il résulte de ces dispositions que le congé, qui doit être motivé, ne peut être validé pour un motif différent de celui qui a été indiqué. En l’espèce, le congé a été motivé par le refus du renouvellement du bail au preneur ayant atteint l’âge de la retraite retenu en matière d’assurance vieillesse des exploitants agricoles. Il ne peut donc être examiné s’il est valide qu’au regard de ce motif, et non de celui invoqué en cours d’instance par la bailleresse tenant au changement de destination de la parcelle qui serait devenue constructible.

En application de l’article L.411-64 du code rural et de la pêche maritime, lorsque la superficie de l’exploitation mise en valeur par le preneur est supérieure à la surface déterminée en application de l’article L.732-39 du même code, le bailleur peut refuser le renouvellement de la location au preneur ayant atteint l’âge de la retraite retenu en matière d’assurance vieillesse des exploitants agricoles. Le preneur évincé en raison de son âge peut céder son bail à son conjoint, ou au partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité participant à l’exploitation ou à l’un de ses descendants ayant atteint l’âge de la majorité ou ayant été émancipé, dans les conditions prévues à l’article L.411-35.

Suivant l’article L411-35 alinéa 1 du code rural, sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l’article 1717 du code civil, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l’agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d’un pacte civil de solidarité du preneur participant à l’exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l’âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d’agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire.

Il n’est pas discuté que le congé est régulier en la forme et que la condition de fond, liée à l’âge du preneur, est remplie. Le preneur peut demander directement l’autorisation judiciaire de cession sans avoir préalablement sollicité l’accord du bailleur, dès lors que le congé n’a pas encore produit effet. En l’espèce, le premier juge a été saisi d’une demande de cession du bail au conjoint alors que le congé n’avait pas produit effet. Il résulte des pièces produites que Mme [B] est affiliée auprès la MSA en tant que chef d’exploitation depuis le 12 juin 1992 et associée avec son époux du GAEC Maison [Localité 4] au profit duquel la parcelle affermée a été mise à disposition suivant convention en date du 1er avril 2020 communiquée à la bailleresse par lettre recommandée réceptionnée le 27 avril 2020. Il doit être statué sur cette demande de cession au regard de l’intérêt légitime de la bailleresse qui s’apprécie non pas en fonction des projets de cette dernière, de sorte que le caractère constructible de la parcelle retenu par le premier juge est indifférent, mais en fonction de la bonne foi du cédant et de la capacité du cessionnaire à respecter les obligations du contrat. Or, il n’a pas été allégué de manquement de M. [B] à ses obligations ni discuté de la participation effective de son épouse à l’exploitation et de sa capacité à honorer les obligations résultant du bail. Dès lors, la cession du bail doit être autorisée et le congé se trouve privé d’effet et caduque.

Sur les autres demandes

Mme [V], qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’au paiement aux époux [B] d’une somme de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire publiquement et en dernier ressort,

Rejette la demande d’annulation du jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Pau du 5 juillet 2022,

Infirme le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Pau du 5 juillet 2022 en ce qu’il a validé le congé et débouté M. [U] [B] de sa demande de cession du bail à son épouse, Mme [P] [B] née [F], et condamné M. [B] aux dépens,

Statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Autorise la cession par M. [U] [B] au bénéfice de Mme [P] [B] née [F] du bail à ferme portant sur la parcelle sise à [Localité 5] et cadastrée section C n° [Cadastre 1],

Dit le congé du 23 juin 2021 privé d’effet et caduque,

Condamne Mme [W] [J] veuve [V] aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne Mme [W] [J] veuve [V] à payer à M. [U] [B] et Mme [P] [B] née [F] une somme de 1.000’€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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