Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Nîmes
→ RésuméM. [V] [D] a été engagé par la SCEA Ile de Miemar en 2001, et son contrat a été transféré à Utopie Islande en 2014. Après un arrêt de travail, un médecin a déclaré son inaptitude, entraînant une demande de régularisation. En janvier 2020, M. [V] [D] a saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir des indemnités. Le jugement de décembre 2020 a condamné M. [I] [F] à verser plusieurs sommes. En appel, M. [I] [F] a contesté le jugement, mais la cour a confirmé la décision, condamnant également M. [I] [F] aux frais de procédure.
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M. [V] [D] a été engagé en tant que salarié agricole par la SCEA Ile de Miemar, puis son contrat a été transféré à l’exploitation Utopie Islande gérée par M. [I] [F]. Suite à un arrêt de travail et à un avis d’inaptitude, M. [V] [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes pour obtenir le paiement de diverses sommes. Le conseil de prud’hommes a condamné M. [I] [F] à verser des sommes à M. [V] [D], mais M. [I] [F] a interjeté appel. La cour d’appel de Nîmes a confirmé en partie le jugement du conseil de prud’hommes, en condamnant M. [I] [F] à payer à M. [V] [D] des rappels de salaires, une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de licenciement et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. M. [I] [F] a également été condamné à payer des frais de procédure à M. [V] [D].
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ARRÊT N° N° RG 21/00143 – N° Portalis DBVH-V-B7F-H457 MS/EB CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NIMES 08 janvier 2020 RG :F 20/00021 [F] C/ [D] Grosse délivrée le à COUR D’APPEL DE NÎMES CHAMBRE CIVILE 5ème chambre sociale PH ARRÊT DU 04 AVRIL 2023 Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NIMES en date du 08 Janvier 2020, N°F 20/00021 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président Madame Leila REMILI, Conseillère M. Michel SORIANO, Conseiller GREFFIER : Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision DÉBATS : A l’audience publique du 19 Janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 04 Avril 2023. Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel. APPELANT : Monsieur [I] [F] gérant de l’exploitation agricole UTOPIA ISLANDE né le 20 Novembre 1990 à [Localité 5] [Adresse 1] [Localité 2] Représenté par Me Sandy TESTUD de la SELARL VALLIS AVOCATS, avocat au barreau D’AVIGNON INTIMÉ : Monsieur [V] [D] [Adresse 3] [Adresse 3] [Localité 4] Représenté par Me Vincent REYMOND de la SELARL REYMOND KRIEF & GORDON, avocat au barreau D’AVIGNON ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 05 Janvier 2023 ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 04 Avril 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS M. [V] [D] a été engagé à compter du 1er octobre 2001, suivant contrat à durée indéterminée en qualité de salarié agricole de niveau 1 coefficient 115, par la SCEA Ile de Miemar. Par avenant du 1er décembre 2014, le contrat de travail de M. [V] [D] a été transféré, avec conservation de son ancienneté, au sein de l’exploitation dénommée Utopie Islande, gérée par M. [I] [F]. M. [V] [D] a été placé en arrêt de travail. Suite à deux visites médicales, des 2 octobre 2018 et 23 octobre 2018, le médecin du travail concluait à l’inaptitude de M. [D] en précisant que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Le 14 décembre 2018, M. [V] [D] a sollicité une régularisation de sa situation auprès de M. [I] [F]. Par requête du 13 janvier 2020, M. [V] [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes en condamnation de M. [I] [F] au paiement de diverses sommes à caractère salarial et indemnitaire. Par jugement du 8 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Nîmes a : – condamné M. [I] [F] gérant de la société Utopia island à payer à M. [V] [D] les sommes suivantes : – 22.243,00 euros au titre du rappel de salaires du 23 novembre 2018 au 08 janvier 2020, – 24.809,00 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, – 3.422,00 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, – 342,00 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés, – 8.804,00 euros au titre de l’indemnité de licenciement, – 750,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, – et de remettre à M. [V] [D] sous astreinte fixée à 50,00 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision, les documents suivants : – bulletins de paie du 23 novembre 2018 au 08 janvier 2020, – l’attestation pôle emploi, – le certificat de travail. Par acte du 8 janvier 2021, M. [I] [F] a régulièrement interjeté appel de cette décision. Aux termes de ses dernières conclusions en date du 8 avril 2021, M. [I] [F] demande à la cour de : – recevoir M. [I] [F] en son appel, – le déclarer bien fondé, – infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Nîmes, Statuant de nouveau, À titre principal, – dire et juger que M. [V] [D] a eu un comportement fautif en n’informant pas son employeur de ce que ses arrêts maladie se terminaient en août 2017, – constater que le salarié a abandonné son poste, – prononcer le licenciement de M. [V] [D] pour faute grave, – débouter intégralement M. [V] [D] de ses demandes indemnitaires, – infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné M. [I] [F] à verser à M. [V] [D] la somme de 22.243,00 euros au titre de rappel de salaire injustifiés, – débouter M. [V] [D] de sa demande de rappel de salaires du 23 novembre 2018 au 20 janvier 2020 – condamner M. [V] [D] à payer à M. [I] [F] la somme de 2.000 euros au titre des dispositions prévues à l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens et frais d’instance, À titre subsidiaire, si le licenciement pour faute grave ne devait pas être retenu, – ramener à plus juste proportion les demandes indemnitaires allouées à M. [V] [D] compte tenu de son comportement fautif, – prononcer le licenciement de M. [V] [D] pour cause réelle et sérieuse et limiter son indemnisation aux indemnités légales de rupture, – débouter M. [V] [D] des deux indemnités de licenciement qui lui ont été irrégulièrement allouées par le conseil de prud’hommes, – débouter M. [V] [D] de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, – condamner M. [V] [D] à payer à M. [I] [F] la somme de 2.000 euros au titre des dispositions prévues à l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens et frais d’instance. M. [I] [F] soutient que : – Sur le licenciement et la faute du salarié – Le salarié n’informera jamais son employeur de ce que l’Assurance Maladie MSA cessera de lui accorder des arrêts maladie, et donc le versement de ses indemnités journalières, à compter du mois d’août 2017. – Le salarié doit reprendre le travail à l’issue de son arrêt maladie. – Entre la cessation de ses indemnités journalières en août 2017 et son avis d’inaptitude le 23 octobre 2018, le salarié ne réclamera jamais rien à son employeur. Il ne se manifestera plus auprès de lui et ne reviendra jamais plus travailler. – Il ne pouvait le convoquer à la moindre visite de reprise, ignorant la situation de son salarié. – L’abandon de poste de M. [D] est constitutif d’un manquement du salarié, dont le licenciement serait parfaitement justifié. – Le salarié a commis un manquement en ne se représentant plus jamais à son poste de travail sans justificatif, et en n’informant pas son employeur. Il a incontestablement manqué à son devoir de loyauté. – Sur le rappel de salaires – Le salarié est en faute et ne saurait obtenir le paiement des salaires revendiqués. En l’état de ses dernières écritures en date du 8 juillet 2021, M. [V] [D] a demandé de : – recevoir M. [V] [D] dans ses conclusions, les disant bien fondées, – débouter M. [I] [F] de toutes ses demandes, fns et conclusions, En conséquence, – confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nîmes dans toutes ses dispositions, – condamner M. [I] [F] à payer à M. [V] [D] la somme de 2.500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, – le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Vincent Raymond. M. [V] [D] fait valoir que : – L’avis d’inaptitude du 23 octobre 2018 précise que son état de santé fait obstacle à tout reclassement. Pourtant, l’employeur n’a entrepris aucune démarche pour régulariser sa situation. Il n’a pas jugé utile de lui verser son salaire à compter du 24 novembre 2018, pas plus qu’il n’a jugé utile de le licencier. – L’employeur ne démontre pas les manquements qu’il lui reproche. – Il n’a jamais abandonné son poste. Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures. Par ordonnance en date du 25 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 5 janvier 2023 à 16 heures et fixé l’examen de l’affaire à l’audience du 19 janvier 2023. MOTIFS Sur le ‘licenciement’ et la faute du salarié L’employeur sollicite de voir prononcer le licenciement pour faute grave, et subsidiairement pour cause réelle et sérieuse du salarié sans qu’aucune procédure de rupture n’ait été engagée, sa demande s’apparentant à une demande de résiliation judiciaire, laquelle ne peut être invoquée que par les salariés. En effet, il appartient à l’employeur, s’il estime que le salarié ne respecte pas ses obligations, d’user de son pouvoir disciplinaire et de prononcer le licenciement de l’intéressé. Par ailleurs, le dossier du salarié comporte les éléments suivants : – une attestation de suivi individuel de l’état de santé du 2 octobre 2018, dont les conclusions sont les suivantes : ‘Ne peut pas occuper son poste actuellement. Une étude de poste est nécessaire et sera effectuée à la date concordée avec l’employeur. Une inaptitude est envisageable.’ – un avis d’inaptitude du 23 octobre 2018, le médecin concluant que ‘l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.’ Il résulte des dispositions de l’article L1226-11 du code du travail que ‘lorsque, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Ces dispositions s’appliquent également en cas d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise constatée par le médecin du travail.’ Il n’est pas contesté que l’employeur n’a ni licencié le salarié ni repris le paiement des salaires. M. [F] justifie sa décision au motif qu’il n’a eu aucune nouvelle de M. [D] depuis l’arrêt de travail initial, sans démontrer son allégation. Pour autant, l’absence d’information de l’employeur ne peut jamais constituer une démission. En cas d’absence du salarié non justifiée, il appartient à l’employeur d’utiliser les ressources du droit disciplinaire ou de mettre en ‘uvre une procédure de licenciement. M. [F] soutient que le salarié s’est rendu coupable d’un abandon de poste, mais sans en tirer aucune conséquence disciplinaire. La cour relève encore que l’employeur reconnaît avoir reçu l’avis d’inaptitude du salarié, mais n’a procédé à aucune démarche, estimant que M. [D] avait abandonné son poste de travail depuis plus d’un an. Il en résulte que les parties étaient toujours liées par un contrat de travail à la date de la saisine du conseil de prud’hommes par le salarié, justifiant ainsi le paiement des salaires du 23 novembre 2018 au 8 janvier 2020 à hauteur de 22104,32 euros bruts, le jugement étant réformé sur le quantum. Concernant la rupture du contrat de travail, il été indiqué supra que l’employeur ne pouvait pas solliciter de voir prononcer le licenciement du salarié par le conseil de prud’hommes. Cependant, la demande ainsi présentée s’analyse en une manifestation de la volonté de l’employeur de rompre le contrat de travail, valant licenciement, lequel est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, les présents motifs étant substitués à ceux des premiers juges. En conséquence, M. [D] est fondé à recevoir les sommes suivantes, sur la base de la convention collective applicable prévoyant un taux horaire de 10,41 euros bruts à compter du 1er janvier 2019 : – 3157,76 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 315,78 euros bruts pour les congés payés afférents, le jugement étant réformé sur le quantum, – 8332,97 euros à titre d’indemnité de licenciement (laquelle ne peut se confondre avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse), le jugement étant réformé sur le quantum. En application des dispositions de l’article L1253-3 du code du travail, M. [D] peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, eu égard à son ancienneté, comprise entre 3 et 14,5 mois de salaire. La cour relève à ce titre que le salarié ne développe aucune argumentation sur sa situation personnelle et professionnelle depuis la rupture du contrat de travail et ne produit aucune pièce démontrant la réalité d’un préjudice supérieur au minimum prévu par l’article L1235-3 susvisé. Le salarié sera dans ces circonstances indemnisé à hauteur de la somme de 4736,64 euros à ce titre, le jugement étant réformé sur le quantum. La confirmation du jugement sera ordonnée en ce qui concerne la remise des documents de fin de contrat au salarié. Sur les demandes accessoires L’employeur sera condamné au paiement de la somme de 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Les dépens d’appel seront laissés à la charge de l’appelant. PAR CES MOTIFS LA COUR, Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort, Confirme le jugement rendu le 08 décembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Nîmes sauf sur le quantum des sommes accordées à M. [V] [D] au titre de la rupture du contrat de travail, Et statuant à nouveau à ce titre, Condamne M. [I] [F] à payer à M. [V] [D] les sommes suivantes : – 22104,32 euros bruts à titre de rappel de salaires du 23 novembre 2018 au 8 janvier 2020, – 3157,76 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 315,78 euros bruts pour les congés payés afférents, – 8332,97 euros à titre d’indemnité de licenciement, – 4736,64 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s’agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu’ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus ; Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt infirmatif tient lieu de titre afin d’obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l’exécution provisoire ; Condamne M. [I] [F] à payer à M. [V] [D] la somme de 800,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, Condamne M. [I] [F] aux dépens d’appel, Arrêt signé par le président et par la greffiere. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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