Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Nancy
→ RésuméLe 4 juin 1995, les parents de Monsieur [Z] ont acquis un immeuble à [Localité 16]. En 2018, Monsieur [Z] a souhaité acheter quatre parcelles agricoles de Madame [S], mais la SAFER a exercé son droit de préemption le 4 février 2019, attribuant les parcelles à Monsieur [Y]. Suite à une assignation en justice, le tribunal a annulé la préemption le 20 février 2023, condamnant la SAFER et Monsieur [Y] à verser 2000 euros à Monsieur [Z]. Cependant, la cour d’appel a infirmé ce jugement, validant la décision de la SAFER et entraînant des conséquences financières pour Monsieur [Z].
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Le 4 juin 1995, les parents de Monsieur [I] [Z] ont acheté un immeuble à Madame [S] à [Localité 16]. En 2018, Monsieur [Z] a voulu acquérir quatre parcelles agricoles de Madame [S], situées en amont de l’immeuble familial. Le 22 octobre 2018, Monsieur [Y] a déclaré une activité d’élevage à la chambre d’agriculture. Le 20 décembre 2018, un notaire a régularisé la vente des parcelles à Monsieur [Z] pour 2365 euros. Le 21 janvier 2019, la DRAAF a donné un avis favorable à Monsieur [Y]. Le 4 février 2019, la SAFER a exercé son droit de préemption sur les parcelles. Le 25 mars 2019, la SAFER a attribué les parcelles à Monsieur [Y]. Le 22 juillet 2019, la SAFER a informé d’une atteinte potentielle à l’alimentation en eau potable de l’immeuble de Monsieur [Z]. Le 20 août 2019, Monsieur [Z] a assigné Monsieur [Y] et la SAFER devant le tribunal. Le 20 février 2023, le tribunal a annulé la décision de préemption de la SAFER et a condamné Monsieur [Y] et la SAFER à verser 2000 euros à Monsieur [Z]. La SAFER a fait appel le 17 mars 2023, demandant l’infirmation du jugement. Monsieur [Y] a également demandé l’infirmation de la décision. Monsieur [Z] a demandé la confirmation du jugement de première instance. La cour d’appel a finalement infirmé le jugement, déclaré régulière la notification de la préemption, constaté la légalité de la décision de la SAFER, débouté Monsieur [Z] de ses demandes, et condamné Monsieur [Z] à verser des sommes à Monsieur [Y] et à la SAFER.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Nancy
RG n°
23/00561
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2024 DU 16 SEPTEMBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/00561 – N° Portalis DBVR-V-B7H-FEOO
Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire d’EPINAL,
R.G.n° 19/01577, en date du 20 février 2023,
APPELANTE :
Société SAFER GRAND EST, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 4]
Représentée par Me Julien JACQUEMIN de la SELARL AVOCATLOR, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉS :
Monsieur [T] [Y]
né le 30 Janvier 1985 à [Localité 18] (88)
domicilié [Adresse 10]
Représenté par Me Ludovic VIAL de la SELARL SENTINELLE AVOCATS, avocat au barreau d’EPINAL
Monsieur [I] [Z]
domicilié [Adresse 19] (ALLEMAGNE)
Représenté par Me Farida AYADI de la SCP EST AVOCATS, avocat au barreau d’EPINAL
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 06 Mai 2024, en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, chargée du rapport,
Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,
Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Isabelle FOURNIER ;
A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 1er Juillet 2024, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Puis, à cette date, le délibéré a été prorogé au 16 Septembre 2024.
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 16 Septembre 2024, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
Le 4 juin 1995, les parents de Monsieur [I] [Z] ont acquis de Madame [S] un immeuble situé sur la commune de [Localité 16] au [Adresse 2], comportant les parcelles cadastrées Section A, n°[Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9].
Dans le prolongement de cette vente, courant 2018, Monsieur [Z] a souhaité faire l’acquisition de quatre parcelles de terres agricoles appartenant à la même vendeuse, Madame [S], et situées en amont de l’immeuble familial et comportant une source, celles-ci étant cadastrées :
– lieudit [Localité 15], section A n° [Cadastre 1] surface 44a 65 ca,
– lieudit [Localité 15], Section A n° [Cadastre 11] surface 38a 90 ca,
– lieudit [Localité 15], Section A n° [Cadastre 12] surface 11a 90 ca,
– lieudit [Localité 15], Section A n° [Cadastre 13] surface 22a 80 ca.
Le 22 octobre 2018, Monsieur [Y], frigoriste, a déclaré à la chambre d’agriculture des Vosges la création d’une entreprise d’élevage d’ovins et de caprins à titre d’activité secondaire à effet au 1er novembre 2018.
Le 20 décembre 2018, Maître [B] [A] à [Localité 14], a régularisé une information déclarative relative aux cessions à titre onéreux de biens mobiliers et/ou immobiliers ruraux concernant la vente par Madame [S] à Monsieur [Z] des dites parcelles moyennant la somme de 2365 euros.
Le 21 janvier 2019, le commissaire du Gouvernement de l’Agriculture pour la DRAAF GRAEST a émis un avis favorable à la demande d’intervention de Monsieur [Y].
Selon courrier en date du 4 février 2019, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) du Grand-Est a informé le notaire chargé de la vente de l’exercice de son droit de préemption sur les parcelles objet de la vente.
Par courrier du 25 mars 2019, 1a SAFER du Grand-Est a informé Monsieur [Y] de l’attribution à son profit des parcelles litigieuses sur propositions du comité technique départemental des Vosges réuni le 20 mars 2019.
Par courrier du 22 juillet 2019, la SAFER Grand-Est a informé les parties d’une rencontre nécessaire compte tenu de la prise de connaissance de l’atteinte potentielle à l’alimentation en eau potable de l’immeuble des époux [Z], élément ignoré lors de l’instruction du dossier.
Par acte d’huissier reçu au greffe le 20 août 2019, Monsieur [Z] a fait assigner Monsieur [Y] et la SAFER Grand-Est devant le tribunal de grande instance d’Épinal.
Les parties ont été invitées à participer à une réunion d’information sur la médiation par courrier du 1er octobre 2019.
Par jugement contradictoire du 20 février 2023, le tribunal judiciaire d’Épinal a :
– déclaré recevable l’action de Monsieur [Z],
– annulé la décision de préemption de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural Grand-Est du 4 février 2019 et la proposition du comité technique du 20 mars 2019 relative à l’attribution des parcelles litigieuses à Monsieur [Y],
– condamné in solidum Monsieur [Y] et la SAFER Grand-Est à payer à Monsieur [Z] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné solidairement Monsieur [Y] et la SAFER Grand-Est aux dépens.
Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que l’action de Monsieur [Z] était recevable dès lors qu’il justifiait de la formalité de publication de son assignation du 5 août 2019 au service de la publicité foncière et de l’enregistrement d’Épinal.
Par ailleurs, le tribunal a constaté que Monsieur [Z] faisait état dans le formulaire intitulé ‘ Information déclarative relative aux cessions à titre onéreux pour des biens immobiliers et/ou immobiliers ruraux’, d’une adresse en France de telle sorte que la notification de la décision de la SAFER lui avait été régulièrement faite par courrier recommandé à l’adresse indiquée.
Toutefois, le tribunal a relevé que la SAFER et Monsieur [Y] ne justifiaient pas d’une des deux caractéristiques imposées par la consolidation d’exploitations afin de permettre à celles-ci d’atteindre une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles et l’amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes. En effet, s’ils démontraient que Monsieur [Y] possédait une surface agricole suffisante, ils ne justifiaient pas de la réalité de la préexistence d’une exploitation agricole sérieuse. Le tribunal a donc annulé la décision de préemption de la SAFER.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 17 mars 2023, la SAFER Grand-Est a relevé appel de ce jugement.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 4 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAFER Grand-Est demande à la cour, sur le fondement des articles L.143-1 et suivants du code rural, de :
– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Épinal le 20 février 2023, dans toutes ses dispositions et notamment en ce qu’il a :
* annulé la décision de préemption de la SAFER Grand-Est du 4 février 2019 ainsi que la proposition du comité technique du 20 mars 2019 relative à l’attribution des parcelles litigieuses à Monsieur [Y],
* l’a condamnée à payer à Monsieur [Z] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
* l’a condamnée aux dépens,
Et statuant à nouveau,
– déclarer régulière la notification de la décision de préemption à Monsieur [Z], acquéreur évincé,
– constater la régularité et la légalité de la décision de préemption de la SAFER Grand-Est du 4 février 2019 portant sur les parcelles suivantes :
* lieudit [Localité 15], section A n° [Cadastre 1] surface 44a 65 ca,
* lieudit [Localité 15], Section A n° [Cadastre 11] surface 38a 90 ca,
* lieudit [Localité 15], Section A n° [Cadastre 12] surface 11a 90 ca,
* lieudit [Localité 15], Section A n° [Cadastre 13] surface 22a 80 ca,
– débouter Monsieur [Z] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner Monsieur [Z] à payer à la SAFER Grand-Est la somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de première instance et d’appel.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 3 août 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [Y] demande à la cour, sur le fondement des articles L. 143-1 et suivants du code rural, de :
– infirmer la décision déférée,
Et ainsi statuer à nouveau,
– constater la régularité et la légalité de la décision de préemption de la SAFER Grand-Est du 4 février 2019 portant sur les parcelles suivantes :
* lieudit [Localité 15], section A n° [Cadastre 1] surface 44a 65 ca,
* lieudit [Localité 15], Section A n° [Cadastre 11] surface 38a 90 ca,
* lieudit [Localité 15], Section A n° [Cadastre 12] surface 11a 90 ca,
* lieudit [Localité 15], Section A n° [Cadastre 13] surface 22a 80 ca,
– condamner Monsieur [Z] à lui payer la somme de 5000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à cette même somme pour les frais de première instance et enfin aux entiers dépens recouvrés conformément à l’article 699 au profit de Maître Vial.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 28 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [Z] demande à la cour de :
– déclarer les appels par la SAFER Grand-Est et Monsieur [Y] recevables mais mal fondés,
– confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,
– condamner Monsieur [Y] et la SAFER Grand-Est in solidum au versement d’un montant de 2000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Monsieur [Y] et la SAFER Grand-Est in solidum aux entiers frais et dépens de la procédure d’appel,
– débouter Monsieur [Y] et la SAFER Grand-Est de toute demande ou prétention contraire.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 9 avril 2024.
L’audience de plaidoirie a été fixée le 6 mai 2024 et le délibéré au 1er juillet 2024 prorogé au 16 septembre 2024.
Vu les dernières conclusions déposées par la SAFER Grand-Est le 4 avril 2024, par Monsieur [Y] le 3 août 2023 et par Monsieur [Z] le 28 mars 2024 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l’article 455 du code de procédure civile ;
Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 9 avril 2024 ;
Sur la régularité de la procédure de préemption par la SAFER
Monsieur [Z] fait valoir que la décision de la SAFER ne lui a pas été régulièrement notifiée en raison d’une erreur commise dans le formulaire déclaratif du notaire, désignant la résidence de ses parents comme sa résidence principale ; il estime en outre, avoir un intérêt à agir en dépit de la vente du bien situé sur la propriété familiale pour défendre un droit de propriété qui lui revient ;
En réponse la SAFER affirme qu’il résulte des dispositions du code rural relatives à la procédure de préemption, que le refus de la lettre ou le non retrait par l’acquéreur évincé n’empêche pas la notification d’être valablement intervenue ; la condition de remise à la personne n’est pas prescrite par la loi et la date de la notification par voie postale est, à l’égard de la SAFER qui y procède, celle de l’expédition (Cass. 3ème Civ. 15 juin 2005, pourvoi n°04-10.701) ;
Monsieur [Y] fait valoir que la décision de la SAFER a été régulièrement notifiée à Monsieur [Z] et ce, indépendamment du fait que le pli soit revenu à la SAFER avec la mention ‘ pli avisé et non réclamé’ ;
Aux termes de l’article R.143-6 du code rural et de la pêche maritime, ‘ (…) La décision de préemption (…) est notifiée également à l’acquéreur évincé, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, dans un délai de quinze jours à compter de la date de reception de la notification faite au notaire’ ;
En l’espèce, le formulaire portant déclaration de la vente amiable de parcelles de terrains entre Madame [S] [E] et Monsieur [I] [Z], renseigné le 20 decembre 2018 par Maître [A], notaire à [Localité 14], mentionne l’adresse de [Adresse 2] à [Localité 16] pour l’acquéreur ; la notification du droit de préemption de la SAFER ayant été faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception le 4 février 2019 à cette adresse, sera déclarée régulière, l’adresse mentionnée devant être considérée comme valable, le pli étant revenu ‘non réclamé’ ;
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé à cet égard ;
Sur la motivation du droit de préemption
A l’appui de son recours, la SAFER fait valoir que le juge ne peut procéder en pareille espèce, qu’à un contrôle de légalité et non d’opportunité de la préemption ; il se doit de vérifier que sa décision est motivée au regard des objectifs poursuivis, par les dispositions du code rural ; ainsi la vérification ne porte que sur l’existence formelle d’un visa et d’un renvoi au texte ainsi que sur l’apport de données réelles et concrètes permettant de mettre en relief la poursuite de l’objectif mené par la SAFER ;
En l’espèce, l’appelante motive sa décision en rappelant que les parcelles détenues et exploitées par Monsieur [Y] sont contigües à celles préemptées et rappelle que le fait que l’exploitation des parcelles ne constitue pas l’activité principale de Monsieur [Y] n’est pas un élément déterminant ; enfin elle souligne le développement du cheptel de Monsieur [Y] depuis 2019 pour justifier de la pertinence de sa décision ;
En revanche elle considère que la contestation de Monsieur [Z], qui n’est pas agriculteur, n’a aucune visée agricole puisqu’il souhaite acquérir les parcelles litigieuses uniquement dans un objectif individualiste pour « protéger sa source » ;
Monsieur [Z] pour sa part avance que Monsieur [Y] ne démontre pas la réalité de ses affirmations et allègue qu’il est en réalité intéressé par la source d’eau potable présente sur la parcelle ; il considère ainsi que l’exercice du droit de préemption ne correspond pas à un motif d’intérêt général au sens de l’article L 143-2 du code rural et de la pêche maritime ;
Enfin, il rappelle que la vente présentait un caractère à motivation éminemment personnel et excluait l’exercice du droit de préemption de la SAFER dès lors que Madame [S] souhaitait que l’alimentation en eau de l’immeuble qu’elle avait initialement vendu aux époux [Z] soit assurée par un retour des parcelles porteuses de la source à l’immeuble, conformément à l’état d’origine et que sans cette motivation, elle n’aurait pas mis en vente ce bien ;
Aux termes de l’article L. 143-1 du code rural et de pêche maritime ‘Il est institué au profit des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural un droit de préemption en cas d’aliénation à titre onéreux de biens immobiliers à usage agricole et de biens mobiliers qui leur sont attachés ou de terrains nus à vocation agricole, sous réserve du I de l’article L. 143-7.
Sont considérés comme à vocation agricole, pour l’application du présent article, les terrains situés soit dans une zone agricole protégée créée en application de l’article L. 112-2 du présent code, soit à l’intérieur d’un périmètre délimité en application de l’article L. 113-16 du code de l’urbanisme, soit dans une zone agricole ou une zone naturelle et forestière délimitée par un document d’urbanisme. En l’absence d’un document d’urbanisme, sont également regardés comme terrains à vocation agricole les terrains situés dans les secteurs ou parties non encore urbanisés des communes, à l’exclusion des bois et forêts (…)’.
L’article L 143-6 du même code ajoute que’la société d’aménagement foncier et d’établissement rural qui exerce le droit de préemption notifie au notaire chargé d’instrumenter par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1366 et 1367 du code civil sa décision signée par le président de son conseil d’administration ou par toute personne régulièrement habilitée à cet effet. La décision de préemption indique l’identification cadastrale des biens concernés et leur prix d’acquisition. Elle précise en outre en quoi la préemption répond à l’un ou à plusieurs des objectifs prévus par les dispositions de l’article L. 143-2. (‘)’
L’article L. 143-2 du même code précise que ‘l’exercice de ce droit a pour objet, dans le cadre des objectifs définis à l’article L. 143-1 I : (‘)
2° La consolidation d’exploitations afin de permettre à celles-ci d’atteindre une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles et l’amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes, dans les conditions prévues à l’article L. 331-2’ ;
Enfin l’article L 143-3 du même code énonce que ‘à peine de nullité, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural doit justifier sa décision de préemption par référence explicite et motivée à l’un ou à plusieurs des objectifs ci-dessus définis, et la porter à la connaissance des intéressés (‘)’ ;
La SAFER a notifié le 4 février 2019 à Monsieur [Z] sa décision motivée comme suit :
‘Le Schema Directeur Régional des Exploitations Agricoles (SDREA) de Lorraine prévoit que l’une des orientations de la politique des structures vise à améliorer les conditions d’exploitation en évitant le démantèlement des exploitations viables ou en contribuant aux aménagements parcellaires. En outre, la SDEA indique la nécessité de prendre en compte la situation de la pluri activité qui contribue au dynamisme du territoire de la montagne vosgienne.
Au cas particulier nous avons pu identifier un jeune agriculteur qui s’est installé, à titre secondaire, en élevage ovin fin 2018. Cette structure exploite près d’un hectare à proximité des parcelles vendues. Cette surface supplémentaire permettrait de consolider cette exploitation de montagne qui dispose d’une surface bien inférieure à la dimension économique viable fixée par le SDREA et ceci sans préjuger des choix qui pourraient intervenir au regard des éventuelles candidatures qui se présenteraient après accomplissement des formalités légales de la publicité’ ;
Il y a lieu de relever qu’il résulte des termes de cette notification, que la SAFER a énoncé le cas dans lequel sa démarche se situe, soit celui de l’article L. 143-2 .2° susvisé, conformément aux dispositions de l’article L. 143-3 du même code ;
Il sera rappelé s’agissant de la situation factuelle, que selon acte de vente du 4 juin 2015, Madame [X] née [S] [E] avait vendu à Monsieur [M] [Z] et Monsieur [F] [O], une maison d’habitation sise à ‘[Localité 15]’, cadastrée section A n° [Cadastre 6] et [Cadastre 7], un bâtiment à usage de remise situé de l’autre côté de la route lieudit ‘[Localité 15]’, cadastré section A n°[Cadastre 8] et [Cadastre 9] ainsi qu’un terrain de 18 ares ‘[Localité 17]’, cadastré section A n°[Cadastre 5] aux droits desquels venait Monsieur [I] [Z] ;
L’adresse de cette maison est le [Adresse 2] à [Localité 16], celle de Monsieur et Madame [Y] est le [Adresse 3] dans la même commune ; il résulte des écritures de l’intimé qu’il n’est plus propriétaire de l’immeuble sis au n° 11 ;
La présente vente en litige portait sur des parcelles appartenant à Madame [E] [S] née [X] sur le même ban communal ; ces terrains ne sont pas contigus des deux maisons sus énoncées ; de plus, la commune de [Localité 16] justifie de la mise en place d’un réseau communal d’eau, à compter de décembre 2020 ; enfin il n’est pas justifié de la situation de la source évoquée par chacune des parties, dont il a été débattu devant la SAFER dans le cadre de l’instruction du dossier de Monsieur [T] [Y] ;
De plus dans sa décision notifiée le 4 février 2019, la SAFER caractérise les éléments factuels fondant l’exercice de son droit de préemption, en indiquant qu’il est destiné à un jeune agriculteur installé à titre secondaire fin 2018, en élevage ovin, qui exploite un hectare environ à proximité des parcelles vendues ;
Il est justifié de la réalité de ces éléments par la production par Monsieur [Y] du certificat d’inscription au Répertoire des Entreprises et des Etablissements en date du 1er novembre 2018, dans le cadre d’une création d’entreprise (pièces 1 et 2 intimé) – cette activité relevant du régime agricole de la MSA (pièce 6 intimé) – ainsi que du plan cadastral démontrant les parcelles qu’il exploite ainsi que celles qu’il souhaite exploiter (pièce 4 appelante) ;
Il est constant que la SAFER a donné une suite positive à la fiche de candidature, déposée auprès d’elle le 5 janvier 2019 par Monsieur [Y] [T], concernant les parcelles sises à [Localité 16], section A n° [Cadastre 1], [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 13] d’une surface de 1 ha 1825, motivée par son exploitation des parcelles de ses parents limitrophes de celles objet de la vente en litige (pièce 3 intimés) ;
En effet, après avis favorables des Commissaires du Gouvernement ayant relevé une exploitation actuelle de 3 ha pour 5 brebis (pièces 2 et 3 appelante) et notification de sa volonté d’exercer son droit de préemption auprès du notaire chargé de la vente (pièce 4 appelante), elle a acquis les biens concernés le 5 février 2019 pour un prix de 2365 euros (pièce 6 appelante) puis notifié à Monsieur [Y] l’attribution à son profit des terres le 25 mars 2019, sous condition de pérenniser l’activité agricole durant 15 années (pièce 10 appelante) ;
Enfin et de manière complémentaire, Monsieur [Y] justifie de l’exécution de ces conditions par la production du registre parcellaire le concernant daté du 11 mai 2021 (pièce 21 intimé) ainsi que par celle d’un contrat de location de terrains communaux signé le 20 mai 2020 pour 13 parcelles toutes situées en section A sur le même ban communal (pièce 20 intimé), ce qui lui a permis d’accroître la surface des pâtures à sa disposition (pièce 23 intimé) ;
En conséquence, ces éléments démontrent que lors de sa candidature le 5 janvier 2019, Monsieur [T] [Y] exploitait des terres appartenant à ses parents pour un troupeau d’ovins de 5 têtes, dont il souhaitait l’agrandissement à 20 brebis et que la SAFER a exercé son droit de préemption sur les quatre parcelles limitrophes, objet de la vente, dans ce but ; celui-ci est conforme aux dispositions de l’article L 143-2. 2° visées dans sa décision, soit celles de ‘consolider cette exploitation de montagne qui dispose d’une surface bien inférieure à la dimension économique viable (…)’ ;
Aussi la SAFER a préempté à l’occasion de la vente en faveur de Monsieur [Z], son droit ayant été exercé conformément aux textes et conditions qui le régissent ;
Dès lors le jugement déféré, qui a annulé la décision de la SAFER portant droit de préemption, en la motivant par l’absence de justification de la préexistence d’une exploitation agricole réelle et sérieuse sera infirmé, cette condition ne résultant pas des textes applicables et n’étant en tout état de cause pas contestable au cas d’espèce ;
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Monsieur [Z] succombant dans ses prétentions, le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la SAFER et Monsieur [Y] aux dépens ainsi qu’au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Monsieur [Z], partie perdante, devra supporter les dépens de première instance et d’appel ; en outre il sera condamné à payer à Monsieur [Y] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à la SAFER celle de 1000 euros ; en revanche Monsieur [Z] sera débouté de sa propre demande de ce chef.
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare régulière la notification de la décision de préemption de la SAFER à Monsieur [I] [Z] du 4 février 2019 ;
Constate la régularité et la légalité de la décision de préemption de la SAFER Grand Est du 4 février 2019, portant sur les quatre parcelles situées sur le ban de la commune de [Localité 16], ‘[Localité 15]’, section A, numéros [Cadastre 1], [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 13] ;
Déboute Monsieur [I] [Z] de l’intégralité de ses demandes ;
Condamne Monsieur [I] [Z] à payer à Monsieur [T] [Y] la somme de 2000 euros (DEUX MILLE EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [I] [Z] à payer à la SAFER Grand Est la somme de 1000 euros (MILLE EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Monsieur [I] [Z] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [I] [Z] aux entiers dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-
Minute en dix pages.
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