Cour d’appel de Montpellier, 17 octobre 2024, RG n° 23/06316
Cour d’appel de Montpellier, 17 octobre 2024, RG n° 23/06316

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Montpellier

Résumé

En mars 2018, M. [N] [L] et Mme [C] [L] ont tenté de dénoncer un prêt accordé à M. [W] [D], mais leur lettre est revenue avec la mention « destinataire inconnu ». Cette situation a permis à M. [O] [B] d’occuper les parcelles sans droit, constatée en août 2020. En octobre 2023, le tribunal a ordonné son expulsion et condamné M. [O] [B] à verser des dommages et intérêts. Ce dernier a interjeté appel, contestant la régularité de la signification. La cour d’appel a déclaré l’appel irrecevable, confirmant la décision de première instance et condamnant M. [O] [B] à des frais supplémentaires.

M. [N] [L] et Mme [C] [L] veuve [G] sont propriétaires indivis de parcelles agricoles à [Localité 12]. En novembre 2006, ils ont consenti un prêt à usage de ces parcelles à M. [W] [D] pour un an, avec tacite reconduction. En mars 2018, ils ont dénoncé ce prêt, mais la lettre est revenue avec la mention « destinataire inconnu ». En août 2020, un constat a révélé que M. [O] [B] occupait les parcelles. En octobre 2023, le tribunal a ordonné son expulsion, le déclarant occupant sans droit ni titre, et a condamné M. [O] [B] à verser des dommages et intérêts. M. [O] [B] a interjeté appel, contestant la régularité de la signification de l’ordonnance et affirmant avoir des droits sur les parcelles. Les consorts [L] ont demandé l’irrecevabilité de l’appel et la confirmation de la décision de première instance. La cour a déclaré l’appel irrecevable et a condamné M. [O] [B] à payer des frais supplémentaires.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 octobre 2024
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
23/06316
ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 17 OCTOBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 23/06316 – N° Portalis DBVK-V-B7H-QCCS

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du 18 OCTOBRE 2023

PRESIDENT DU TJ DE PERPIGNAN

N° RG 23/00263

APPELANT :

Monsieur [O] [B]

[Adresse 16]

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représenté par Me Célia VILANOVA SAINGERY, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Monsieur [N] [L]

né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 13] MAROC

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame [C] [L] veuve [G]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me MASSOT substituant Me SAGARD, avocat au barreau des Pyrénées Orientales

Ordonnance de clôture du 27 Août 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Septembre 2024,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre

Madame Nelly CARLIER, Conseillère

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Salvatore SAMBITO

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Mme Michelle TORRECILLAS, Présidente de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.

*

* *

FAITS, PROCEDURE – PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

M. [N] [L] et Mme [C] [L] veuve [G] sont propriétaires indivis de parcelles en nature de terres agricoles, situées sur le territoire de la commune de [Localité 12], cadastrées, notamment, section AY [Cadastre 9] et [Cadastre 10].

Par un acte sous seing privé en date du 10 novembre 2006, ils ont, représentés par leur père, consenti un prêt à usage de la parcelle AY [Cadastre 9] et du puits situé sur la parcelle AY [Cadastre 10], à M. [W] [D], pour une durée d’une année avec tacite reconduction, sous réserve d’une dénonciation adressée par lettre recommandée avec avis de réception trois mois au moins avant la ‘n de la période.

Ils ont dénoncé ce prêt à usage par lettre recommandée avec avis de réception en date du 18 mars 2018, revenu avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse ».

Un procès-verbal de constat en date du 28 août 2020, constatant que les parcelles ont été investies par un tiers, M. [O] [B], a été signifié à ce dernier par acte d’huissier en date du 20 novembre 2020, avec sommation de quitter immédiatement les lieux.

Saisi par acte d’huissier en date du 7 avril 2023 délivré par les consorts [L], le président du tribunal judiciaire de Perpignan, statuant en référé, a, par une ordonnance en date du 18 octobre 2023 :

– constaté que M. [O] [B] est occupant sans droit, ni titre des parcelles de M. [N] [L] et Mme [S] [L] veuve [G] cadastrées commune de [Localité 12] section AY N° [Cadastre 9] et [Cadastre 10];

– ordonné son expulsion et de l’ensemble de ses aménagements, et animaux, et toute forme d’occupation de son chef, sans délai, et sous astreinte de 100 euros par jour de retard après expiration d’un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision, et jusqu’à parfaite libération des lieux ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

– condamné M. [O] [B] à payer à M. [N] [L] et Mme [C] [L] veuve [G] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [O] [B] aux dépens de l’instance, qui comprendront le coût du procès-verbal de constat du 28 août 2020 et sa dénonce du 20 novembre 2020, et a remboursé à M. [N] [L] et Mme [C] [L] veuve [G] tout frais de recouvrement qu’ils seraient contraints de supporter, notamment en application du décret n° 2016-230 du 26 février 2016 relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel de l ‘accès au droit et à la justice, et relatif à la détermination du droit proportionnel de recouvrement ou d’encaissement mis à la charge des créanciers.

Par déclaration en date du 22 décembre 2023, M. [B] a relevé appel de cette ordonnance.

Par des dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 mai 2024, M. [B] demande à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, 1875 et suivants du code civil, L. 412-3 et 412-4 du code des procédures civiles d’exécution, 528, 675, 677, 689 et 656 du code de procédure civile, de :

– à titre liminaire, juger que la signification en date du 24 octobre 2023 n’a pas fait courir le délai d’appel,

– déclarer recevable son appel,

– écarter sinon, rejeter tout moyen d’irrecevabilité,

– en conséquence, annuler, sinon infirmer ou encore réformer la décision entreprise,

– statuant à nouveau, à titre principal, juger n’y avoir lieu à référé,

– ordonner l’irrecevabilité de l’action en référé en présence d’une contestation sérieuse,

– ordonner l’irrecevabilité de l’action en référé en l’absence de trouble manifestement illicite motivé et vérifié

– se déclarer incompétente pour statuer en référé sur la présente action,

– à titre subsidiaire, en cas de confirmation de l’ordonnance du chef de l’expulsion,

– le décharger de l’astreinte, au besoin, l’annuler,

– lui accorder un délai de grâce d’un an, à défaut, du minimum de trois mois.

– en toutes hypothèses, condamner in solidum les consorts [L] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

– débouter les consorts [L] de l’ensemble de leurs prétentions.

Au soutien de son appel, il fait valoir que :

– la signification de l’ordonnance le 24 octobre 2023 est irrégulière, car effectuée à une mauvaise adresse, car ce n’est pas sa résidence principale ; le délai d’appel n’a pas couru à compter de cette date,

– seule la signification du 8 décembre 2023 est régulière,

– les attestations produites sont authentiques, il justifie de ses droits sur les parcelles, il est devenu emprunteur dans le cadre du prêt à usage,

– il a cru que M. [D] était le réel propriétaire, l’acte de dénonciation, revenu « destinataire inconnu », est inefficace,

– il justifie d’un besoin actuel de bénéficier du prêt à usage,

– il n’y a pas d’occupation sans droit, ni titre et, donc, pas de trouble manifestement illicite.

Par des dernières conclusions communiquées par voie électronique le 22 février 2024, les consort [L] demandent à la cour, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, de :

– juger irrecevable l’appel interjeté par M. [B].

– subsidiairement, confirmer la décision de première instance en toutes ses dispositions,

– y ajoutant, condamner M. [B] à payer aux concluants la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– le condamner aux dépens de l’instance, qui comprendront le coût du procès-verbal de constat du 28 août 2020 et de sa dénonce du 20 novembre 2020, et à rembourser aux requérants tout frais de recouvrement qu’ils seraient contraints de supporter.

Ils exposent en substance que :

– l’appelant utilise deux adresses à son gré, la première signification est régulière, la seconde n’a pas fait courir un nouveau délai

– les attestations produites sont incohérentes entre elles ; elles ne justifient d’aucun droit sur les parcelles et leur sont inopposables,

– aucune apparence ne peut lui bénéficier, en l’absence de tout élément lui laissant penser qu’il disposait de droits sur les parcelles.

Il est renvoyé, pour l’exposé exhaustif des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est en date du 27 août 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

1- sur la recevabilité de l’appel

Selon l’article 490 du code de procédure civile, l’ordonnance de référé peut être frappée d’appel à moins qu’elle n’émane du premier président de la cour d’appel ou qu’elle n’ait été rendue en dernier ressort en raison du montant ou de l’objet de la demande.

L’ordonnance rendue en dernier ressort par défaut est susceptible d’opposition.

Le délai d’appel ou d’opposition est de quinze jours.

Aux termes de l’article 528 de ce code, le délai à l’expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, à moins que ce délai n’ait commencé à courir, en vertu de la loi, dès la date du jugement.

Le délai court même à l’encontre de celui qui notifie.

Le régime des nullités des actes de commissaire de justice obéit aux dispositions de l’article 114 de ce même code selon lesquelles aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

Selon l’article 654 de ce code, la signification doit être faite à personne. Ce n’est, précise l’article 655, que si la notification à personne s’avère impossible que le commissaire de justice peut recourir aux autres modes de signification et l’acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence, à charge pour lui de relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification.

Lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, le commissaire de justice, en application de l’article 659, dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.

Le procès-verbal de constat, en date du 28 août 2020, visant à décrire l’état des parcelles prêtées, a été signifié à M. [B] à l’adresse, située [Adresse 11] à [Localité 14], qui avait été déclarée, par l’épouse de celui-ci, téléphoniquement, à l’huissier de justice. Cette signification a donné lieu à un procès-verbal de recherches infructueuses le 19 novembre 2020, aux termes duquel l’huissier instrumentaire, qui s’est transporté sur les lieux, indique que M. [B] ne s’y trouve pas et que ses recherches auprès du voisinage, de la mairie, de l’annuaire électronique et du registre du commerce et des sociétés sont restées vaines.

La lettre recommandée avec avis de réception, adressée concomitamment à M. [B] en application de l’article 659, est revenue avec la mention « défaut d’accès ou d’adressage ».

M. [B] a été assigné devant le premier juge à une autre adresse, située [Adresse 7] à [Localité 14]. Cette signification a été effectuée par dépôt de l’acte à l’étude, le nom de M. [B] figurant sur la boîte aux lettres et l’interphone.

Celui-ci a comparu devant le premier juge, représenté par un avocat, devant lequel il a soutenu que l’acte du 19 novembre 2020, signifié à la première adresse, connue des consorts [L] ([Adresse 11]), était nul, à défaut pour l’huissier d’avoir pris contact téléphonique avec lui pour effectuer une signification « à personne, voire à domicile », mais n’a nullement fait valoir que cette adresse était erronée ou correspondait à un logement inoccupé.

Il en résulte que M. [B] dispose de deux adresses postales, dans la même commune, susceptibles de permettre la remise d’un acte devant lui être signifié, ce que ce dernier confirme, se bornant à exposer que l’adresse, située au [Adresse 11], n’est pas sa résidence principale.

La signification de l’ordonnance de référé a été effectuée le 24 octobre 2023, à l’adresse, située au [Adresse 11] par une remise à étude. Le procès-verbal de signification mentionne que l’huissier de justice s’est déplacé à cette adresse, à laquelle ne trouvant personne, il a vérifié la certitude du domicile par le biais d’une confirmation du voisinage et d’une confirmation du facteur rencontré sur les lieux.

La vérification de la réalité du domicile ne doit pas être formelle, l’huissier devant s’assurer, au jour de la signification, que le destinataire demeure bien à l’adresse indiquée, ce qu’attestent les diligences décrites ci-dessus s’agissant, en l’espèce, d’une adresse réelle, actuelle et, au demeurant, géographiquement proche de l’adresse (située [Adresse 7]), qui correspondrait à une résidence principale.

Au demeurant, la seconde signification, suite à la demande expresse du conseil de M. [B] (qui démontre que la première avait été efficiente), n’a été effectuée, le 8 décembre 2023, à l’adresse, située [Adresse 7], par une remise à personne qu’à l’occasion de la venue de ce dernier à l’étude du commissaire de justice.

En conséquence, la signification à l’adresse, situé [Adresse 11] à [Localité 14], est régulière et l’appel formé le 22 décembre 2023, après l’expiration du délai de quinze jours, est irrecevable comme étant tardif.

2- sur les autres demandes

M . [B], qui succombe, sera condamné aux dépens d’appel, et à verser en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Déclare l’appel irrecevable ;

Condamne M. [O] [B] à payer à M. [N] [L] et Mme [S] [L] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [O] [B] aux dépens d’appel.

le greffier le président


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