Cour d’appel de Montpellier, 08 novembre 2023, N° RG 21/01253
Cour d’appel de Montpellier, 08 novembre 2023, N° RG 21/01253

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Montpellier

Résumé

M. [G] [R] a été engagé par la SAS RAGT Semences en tant que directeur des ventes en 2010. Licencié pour faute grave en mai 2018, il a contesté cette décision devant le conseil de prud’hommes, qui a confirmé le licenciement en février 2021. M. [R] a interjeté appel, demandant la requalification de son licenciement et des indemnités. La SAS RAGT Semences a soutenu que le licenciement était justifié par des comportements inappropriés de M. [R]. La cour d’appel a finalement jugé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, ordonnant des indemnités pour préavis et licenciement.

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 08 NOVEMBRE 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/01253 – N° Portalis DBVK-V-B7F-O4MZ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 05 FEVRIER 2021

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE RODEZ N° RG F 20/00053

APPELANT :

Monsieur [G] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Sarah MASOTTA de la SELARL ALTEO, avocat au barreau de MONTPELLIER

Assisté et représenté par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER-JEROME PRIVAT-THOMAS AUTRIC, avocat au barreau d’AVIGNON

INTIMEE :

S.A.S. RAGT SEMENCES

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe GARCIA de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Michel JOLLY de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE

Ordonnance de clôture du 30 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 SEPTEMBRE 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Par lettre d’embauche du 1er juillet 2010, M. [G] [R] a été engagé par la SAS RAGT Semences dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à effet au 23 août 2010 avec convention de forfait, en qualité de directeur des ventes, statut cadre, aux fonctions de « directeur commercial et marketing France Maïs et Oléagineux », moyennant une rémunération mensuelle de 6200€ brut.

La convention collective nationale de la meunerie devenue la convention collective nationale des métiers de la transformation des grains du 9 novembre 2016 est applicable.

Le salarié a par la suite bénéficié de promotions :

– par avenant du 15 mai 2013 à effet au 1er juillet 2013 : chef de service occupant la fonction de directeur commercial Marketing France multi espèces, moyennant une rémunération mensuelle de 7 508,61 € brut,

– par avenant du 30 juin 2017 à effet au 1er juillet 2017 : directeur commercial occupant la fonction de directeur commercial France et Europe du sud sur les marchés France, Espagne-Portugal et Italie, moyennant une rémunération mensuelle de 7 954,12 € brut, avec majoration de 454,52 € brut au 1er janvier 2018.

Par lettre du 12 avril 2018, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, fixé le 2 mai 2018, et l’a dispensé de travailler sans prononcer de mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 7 mai 2018 complétée à la demande du salarié par lettre du 2 juin 2018, l’employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Par requête enregistrée le 12 juillet 2018, estimant que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse et présentait un caractère vexatoire, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Rodez.

Par jugement du 5 février 2021, le conseil de prud’hommes a statué comme suit s’agissant du bien-fondé du licenciement :

« En l’espèce, la lettre de licenciement expose de manière précise les manquements reprochés à Monsieur [R] :

– utilisation de méthodes de management portant atteinte à l’ambiance de travail et à la santé de ces collaborateurs

– modes de communication irrespectueux

– violence verbale et propos injurieux

En conséquence, le licenciement de Monsieur [R] repose sur une faute grave »

et a

– débouté M. [G] [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– dit qu’il n’y avait pas lieu à accorder un dédommagement des parts détenues au sein de la société RAGT Semences,

– débouté la SA RAGT Semences de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamné M. [G] [R] aux éventuels dépens.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 25 février 2021, le salarié a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie de RPVA le 27 janvier 2023, M. [G] [R] demande à la Cour, au visa des articles L.1235-1 et L. 1332-4 du code du travail et des dispositions de la convention collective nationale de la meunerie, de

– recevoir son appel et le dire bien fondé en la forme et au fond ;

– réformer le jugement ;

A titre principal, de dire et juger que son licenciement verbal est sans cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire, de dire et juger que son licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société RAGT Semences à lui payer les sommes suivantes :

* 104 440 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 39 164 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ,

* 3 916,40 € à titre de congés payés y afférents,

* 47 025 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement (article 56 de la CCN de la meunerie),

* 39 785 € à titre de dommages intérêts en lien avec les fonctions exercées sur la filiale en Italie,

* 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie de RPVA le 30 janvier 2023, la SAS RAGT Semences demande à la Cour de

– confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions ;

– rejeter toute demande adverse comme irrecevable ou mal fondée;

– débouter M. [G] [R] de l’intégralité de ses demandes ;

– condamner M. [G] [R] à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– le condamner aux entiers dépens.

Pour l’exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 30 janvier 2023.

MOTIFS

Sur le licenciement verbal.

L’article 9 du code de procédure civile dispose qu’ « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

En l’espèce, le salarié fait valoir que son licenciement lui a été notifié verbalement par téléphone le 7 mai 2018, qu’il le prouve par la retranscription officielle de la conversation téléphonique enregistrée par ses soins, qu’il n’a reçu la lettre de licenciement que le 11 mai 2018 et en déduit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L’employeur relève le caractère illicite des moyens de preuve produits aux débats, la conversation téléphonique ayant été enregistrée à l’insu de l’interlocuteur du salarié et rétorque que la lettre de licenciement avait été signée et expédiée avant ladite conversation, le supérieur hiérarchique devant partir en voyage aux Etats-Unis ce même jour et ayant pris la peine d’appeler le salarié avant de quitter le territoire national.

La lecture de la retranscription de la conversation téléphonique établit que celle-ci a été enregistrée à l’insu du directeur général délégué.

Mais la production de cet enregistrement par le salarié apparaît indispensable à l’exercice de son droit à la preuve pour tenter de démontrer l’existence d’un licenciement verbal et l’atteinte au respect de la vie privée de son interlocuteur apparaît strictement proportionnée au but poursuivi, les propos tenus étant exclusivement liés à la rupture du contrat de travail.

Dès lors, cette pièce ne sera pas écartée des débats.

Certes, le salarié établit avoir adressé le 7 mai 2018 à 9h31 à la direction un courriel aux termes duquel il s’étonnait de la décision de le licencier pour faute grave annoncée le matin même par téléphone par le directeur général délégué, M. [C] [W], et il verse aux débats le procès-verbal de constat du 11 mai 2018 dressé par Maître [M] [C], huissier de justice, retranscrivant cet entretien téléphonique enregistré au moyen d’un dictaphone, dont il résulte que son supérieur hiérarchique, alors à l’aéroport, lui a bien annoncé par téléphone le 7 mai 2018 à 9h06 minutes la rupture de son contrat de travail pour faute grave.

Mais, d’une part, le salarié produit également en pièce n°10 la lettre de licenciement du 7 mai 2018 signée par M. [C] [W] ainsi que l’enveloppe l’ayant contenue revêtue du tampon de la poste mentionnant la date d’envoi, soit le 7 mai 2018.

D’autre part, l’employeur verse aux débats le plan de vol du supérieur hiérarchique établissant que celui-ci devait quitter la France pour [Localité 4] et embarquer à bord d’un avion à l’aéroport de [Localité 6] le 7 mai 2018, le départ étant prévu à 10h35.

Il résulte de ces élémentS que la rupture du contrat de travail – qui se situe à la date à laquelle l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin, c’est-à-dire au jour de l’envoi de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant la rupture – est intervenue le 7 mai 2018, jour de l’appel téléphonique passé nécessairement après la signature de la lettre et son expédition.

Dès lors, le salarié ne rapporte pas la preuve d’un licenciement verbal.

Le jugement n’a pas statué sur ce point. Ce moyen n’est pas fondé.

Sur le licenciement pour faute grave.

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l’employeur débiteur qui prétend en être libéré.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c’est au regard des motifs qui y sont énoncés que s’apprécie le bien-fondé du licenciement. Les motifs énoncés peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l’employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié.

En l’espèce, alors que l’employeur soutient que le comportement du salarié constitue une faute grave, celui-ci conteste les faits reprochés, estimant qu’ils relèvent de l’insuffisance professionnelle et non de la faute et que la véritable raison de son licenciement est un motif d’ordre économique.

La lettre de licenciement est rédigée comme suit :

« (…)

Début avril 2018, après avoir été formellement interpellé par deux de vos plus proches collaborateurs se partageant le rôle de Chef des ventes Hybrides France, nous avons été informés des modalités d’organisation et d’animation de vos réunions stratégiques commerciales impliquant notamment en date du 28 mars 2018, un horaire continu de 8h à 21h30 avec 10 minutes de pause déjeuner afin d’animer une réunion pendant 13h30 dans un cadre volontairement tendu.

Suite à cette interpellation conduisant actuellement l’un des deux collaborateurs à remettre en cause son maintien dans l’entreprise, et contacts avec plusieurs membres de vos équipes afin d’éclairer la situation, nous avons découvert de nombreuses dérives dans votre comportement et relations au sein des équipes.

Ces dérives se traduisent notamment par certains comportements ou propos tenus durant les réunions d’équipes ou en entretien, à caractère vexatoire, menaçant, mettant en situation d’angoisse permanente les collaborateurs directs voire les collègues d’autres équipes, tels que :

– commencer les réunions sans saluer aucun des collaborateurs,

– demander à vos collaborateurs d’identifier les personnes au sein de leur équipe qui seront licenciées demain en commençant par s’y inclure eux-mêmes,

– tenir un entretien individuel en conduisant votre voiture tout en dénigrant le collaborateur assis à côté qui doit lire et prendre connaissance en direct sur son ordinateur de vos commentaires sur son activité durant l’année,

– avoir en réunion, des épisodes de colère et violence verbale comprenant des propos injurieux.

Ces dérives comportementales ont également été partagées par vos collègues directs, personnel administratif et autres interlocuteurs au sein du groupe.

Nous faisons là le constat que vous avez des relations avec vos collaborateurs et collègues en totale contradiction avec nos valeurs d’entreprise prônant le respect des personnes, l’épanouissement des collaborateurs et le succès de l’entreprise.

Ceci alors que votre comportement a déjà fait l’objet précédemment de recadrages informels notamment lors d’un entretien en août 2017 avec M. [B] [X], Président du Directoire, suite à des alertes de collaborateurs quittant notre entreprise et après analyse du taux de rotation au sein de votre équipe. Votre attitude relationnelle a également fait obstacle en 2017 à une évolution de votre périmètre d’activité.

Or, les faits découverts au cours des dernières semaines en raison des remontées de vos collaborateurs, nous amènent à une situation qui se poursuit, se dégrade en caractérisant un grave manquement à vos missions de direction et de respect de notre cadre de référence.

Votre comportement a également des conséquences dans vos échanges avec nos clients susceptibles de nuire à la qualité de nos relations commerciales.

Ce climat ne peut perdurer, nuisant au management des équipes et au développement commercial de nos activités.

En effet, votre comportement est extrêmement perturbant pour les collaborateurs et a instauré au sein de vos équipes un climat oppressant nuisant au bon fonctionnement de la direction commerciale se traduisant par des situations de mal être inacceptables.

En tant que garant de la bonne organisation du travail et de la santé des salariés, nous ne pouvons le tolérer.

Cette tension extrême associée à un manque de considération conduit nos collaborateurs à craindre de proposer ou d’entreprendre de peur de se faire rabrouer ou dénigrer de manière vexatoire. Cela est totalement contraire à l’émulation générale attendue au sein d’une direction commerciale que vous devriez pourtant favoriser. Pire, elle produit les effets contraires à la dynamique positive attendue pour nos activités actuellement en baisse.

Le préjudice associé à l’ensemble de ces manquements est grave pour l’ensemble du groupe impliquant une fragilisation de nos équipes, des relations avec nos clients, le tout constituant clairement un manquement à vos missions.

Ceci alors que vous devez pourtant faire preuve d’exemplarité en toutes circonstances puisque vous véhiculez l’image de la Société à travers le poste clé de Directeur Commercial.

Nous vous avons présenté et détaillé l’ensemble de ces griefs lors de notre entretien du 2 mai. Aucune des explications fournies n’a été de nature à expliquer ou justifier les faits évoqués, démontrant même votre incapacité à remettre en question votre comportement que vous expliquez d’ailleurs par un trait de caractère et un « management très exigeant ».

Aussi, compte tenu de la gravité des faits, votre maintien dans l’entreprise, même temporaire s’avère impossible. En conséquence, nous vous informons par la présente de notre décision de vous licencier pour faute grave.

Cette décision, prise au terme du délai de réflexion post entretien pendant lequel vous avez été dispensé d’activité, est privative de préavis et d’indemnité et prend effet immédiatement. (…) ».

La lettre du 2 juin 2018 apporte à la demande du salarié les précisions suivantes :

« (…)

La lettre qui vous a été adressée, illustrant à travers des exemples bien précis, mais non moins révélateurs, le comportement déplacé et irrespectueux vous étant reproché, se veut donc l’écho de problèmes répétés totalement contraires au maintien d’un climat propice au management des équipes et au développement commercial de nos activités ; à savoir :

– des modalités d’accueil, d’organisation et d’animation de vos réunions et entretiens contribuant à un environnement de travail oppressant,

– des propos à caractère vexatoire, menaçant et angoissant vis-à-vis de vos collaborateurs directs (chefs des ventes, équipe commerciale, assistantes) et collègues de travail (notamment équipe financière) se traduisant par des situations de mal-être,

– des pratiques managériales sans grande considération des individus nuisant à la recherche d’une dynamique positive pourtant attendue pour nos activités actuellement en baisse.

Tous ces problèmes ayant été caractérisés début avril 2018 après contact avec plusieurs collaborateurs, la reproduction de situations identiques démontre finalement votre incapacité à vous remettre en question (expliqué selon votre propre aveu par un trait de votre caractère et un « management très exigeant ») et les écueils rencontrés comme :

– excès de colère, manque de respect et mise sous pression voire mépris vis-à-vis de vos collaborateurs directs au cours par exemple, en sus de la réunion du 28 mars 2018 qui fut l’élément déclencheur, de la réunion du 22 janvier 2018 sur la préparation stratégique M/T/S, celle du 15 janvier 2018 des chefs de ventes France ou encore lors du bilan sur les commandes le 20 décembre dernier,

– problématiques avec d’autres collaborateurs, ayant du quitter l’entreprise, trouvant manifestement leur source, au moins pour partie, dans votre comportement déplacé, lors des départs non exhaustifs de Monsieur [V], de Madame [H] ou encore de Madame [I] qui furent accompagnés de propos peu élogieux à votre égard,

– rejet de certains collaborateurs clé, comme vos homologues, Messieurs [L] et [Y], par rapport à votre mode de fonctionnement plus axé sur votre personne que sur l’intérêt collectif,

– climat de confiance rompu, au-delà de vos équipes, jusqu’à la direction générale comme en témoigne le retour en arrière sur l’évolution de votre périmètre d’activité lors de la dernière réorganisation,

– comportement contre-productif voire dénigrant dans les relations avec certains clients dont Area, Axéréal ou encore Gruel Fayer, en interférence avec vos collaborateurs, nécessairement nuisible à l’image de marque RAGT dont vous deviez être garant de par vos fonctions et positionnement dans l’organisation ; ce qui a d’ailleurs conduit à limiter vos rencontres avec eux, et qui, dans une relation commerciale, n’est ni optimum ni très lisible avec des négociations reposant donc majoritairement sur les ingénieurs d’affaires.

Ainsi, votre comportement, contraire tant au cadre de référence RAGT (valeurs d’entreprise prônant le respect des personnes, l’épanouissement des collaborateurs et le succès de l’entreprise) qu’à vos missions de direction (exemplarité, bonne organisation du travail et garant de la santé des salariés), est également néfaste aux relations commerciales avec nos clients, surtout dans un contexte de dynamique commerciale en déclin ; ce qui ne nous a pas permis de poursuivre notre collaboration.

Au final, l’ensemble des éléments développés dans la lettre de licenciement, reprécisés à votre demande bien que se suffisant à eux-mêmes, caractérisent donc bien une faute grave, motif de votre licenciement. (…) ».

L’employeur reproche en substance au salarié un management inadapté et articule les griefs suivants :

– avoir imposé à ses collaborateurs une réunion le 28 mars 2018 de 8h00 à 21h30 dans un climat tendu avec seulement 10 minutes de pause,

– avoir eu un comportement inadapté dans les réunions tenues antérieurement, du fait de propos vexatoires, menaçants, injurieux, de ses colères et de son incorrection vis-à-vis des collaborateurs qu’il ne salue pas ; comportement ayant entraîné des démissions et ayant été renouvelé malgré des recadrages par la direction,

– avoir dénigré la clientèle et avoir un comportement inadapté à l’égard de celle-ci.

Il verse aux débats les pièces suivantes :

– l’extrait d’un échange de courriels du 14 février 2012 d’une part, entre le salarié et M. [U] [P] relatif à une demande de deux jours de congé isolés au cours d’une même semaine puis à un congé parental, son épouse étant au terme de sa grossesse, et d’autre part, entre le salarié et un membre de la direction, aux termes duquel l’appelant demande si légalement le congé paternité peut être refusé,

– les lettres de démission de deux salariés : M. [S] indique vouloir être pilote de ligne, M. [U] [P] demande le 10 janvier 2012 à avancer la date de son départ effectif,

– les attestations régulières de quatre collaborateurs :

* M. [J] [L] précise avoir refusé en 2017 un poste proposé par M. [B] [X], président du directoire, qui impliquait de travailler sous la direction du salarié, en raison du comportement de celui-ci envers ses collègues de travail, contraires aux valeurs de l’entreprise (« peu respectueux envers ses subordonnés, cassant, management par la force et la crainte »),

* M. [T] [F] indique essentiellement que lors des réunions, le salarié a attaqué personnellement les collaborateurs du fait de commandes insuffisantes (le 20 décembre 2017), s’est mis en colère et a fait des pressions psychologiques ainsi que des menaces si de nouvelles commandes n’étaient pas enregistrées (le 22 janvier 2018) et qu’il a mené une réunion de 13h30 avec une seule pause de 10 minutes dans un climat d’extrême tension (le 28 mars 2018),

* M. [D] [Z] évoque les propos tenus par le salarié lors de réunions, tels par exemple « vous ne comprenez rien, vous êtes tous des nuls », « vous n’êtes pas à la hauteur », « la direction n’est pas à la hauteur », « les clients sont tous des cons » et ajoute avoir dénoncé ce comportement en avril 2018 auprès de M. [C] [W],

* M. [E] [O] évoque des propos similaires tenus par le salarié à l’occasion d’un appel téléphonique en fin d’année 2017 et précise en avoir parlé à son supérieur hiérarchique, lequel en a référé à la direction,

– l’attestation régulière de M. [B] [X], président du directoire, datée du 8 octobre 2019 et produite pour la première fois en cause d’appel, lequel affirme avoir le 29 août 2017 recadré le salarié verbalement sur son comportement inadapté.

Ainsi, que le relève l’appelant, ce dernier témoignage tardif émanant directement de l’employeur ne présente pas les garanties suffisantes d’objectivité requises et sera écarté des débats.

Le grief lié au mauvais comportement du salarié envers la clientèle n’est pas étayé et doit être écarté, de même que les propos menaçants envers ses collaborateurs, non précisés.

En revanche, les propos insultants et agressifs, le manque de respect à l’égard de ses collègues de travail en 2018 sont établis et constituent une faute. En l’absence de toute preuve de recadrage de la part de la direction pourtant informée de ce comportement dès la fin de l’année 2017, cette faute ne présente pas le caractère de gravité allégué et constitue une faute simple.

Le salarié qui produit deux attestations rédigées par des ex-collaborateurs ayant travaillé avec lui à des périodes antérieures aux faits reprochés (2012 s’agissant de M. [U] [P] et jusqu’en juillet 2017 s’agissant de M. [K] [S]) ne suffisent pas à contredire les témoignages ci-dessus analysés.

De même, les allégations du salarié selon lesquelles son licenciement procèderait en réalité d’une volonté d’économie déguisée, non étayées, s’avèrent de surcroît contredites par d’une part, le courriel du 25 septembre 2018 relatif à la nouvelle organisation commerciale versé aux débats par l’employeur établissant que le salarié a été remplacé par M. [N] [A] au poste de directeur commercial France et que la gestion en direct des filiales espagnoles et italiennes a été assurée par M. [C] [W] dans l’attente du recrutement du directeur général adjoint et d’autre part, l’extrait du rapport annuel 2020-2021 relatif aux effectifs du groupe dont il résulte que l’entreprise a recruté de nombreux collaborateurs postérieurement au licenciement, passant de 861 en 2018-2019 à 891 en 2019-2020.

Dès lors, le licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse qui ouvre droit au versement de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité compensatrice de préavis et de son accessoire.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit fondé le licenciement pour faute grave.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture.

L’article 56.2 de la convention collective dans sa rédaction applicable au cas d’espèce stipule que le salaire de référence pour les cadres servant au calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement est le montant du dernier mois d’activité.

L’article 56.1 précise le calcul de l’indemnité conventionnelle, soit pour un cadre ayant 7 ans d’ancienneté, 5/15ème de mois de l’entrée dans l’entreprise à la cinquième année d’ancienneté puis 7/15ème de mois à compter de la sixième année jusqu’à la dixième année d’ancienneté.

Compte tenu de l’ancienneté du salarié à la date du licenciement (7ans 10 mois 6 jours), du nombre de salariés habituellement employés (au moins 11 salariés), de sa rémunération mensuelle brut (13 627,64 €) et du salaire du dernier mois d’activité (8 703,06 €) et des limites des demandes des parties, il convient de fixer les sommes suivantes au profit du salarié :

– 39 164 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (3 mois),

– 3 916,40 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférents,

– 37 944 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement.

Sur les dommages et intérêts au titre de la rupture des fonctions en Italie et des parts détenues par la société.

L’appelant ne présente pas d’explication particulière relative à sa demande de dommages et intérêts du fait de la rupture de ses fonctions en Italie et des parts détenues par la société. Sa demande sera rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Les demandes accessoires.

L’employeur sera tenu des dépens de première instance et d’appel.

Il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement du 5 février 2021 du conseil de prud’hommes de Rodez en ce qu’il a débouté M. [G] [R] de ses demandes pécuniaires au titre de la rupture abusive et au titre de la cessation de ses fonctions en Italie et des parts détenues par la société ;

L’INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que la procédure de licenciement de M. [G] [R] est régulière et qu’il n’a pas commis de faute grave ;

DIT que le licenciement de M. [G] [R] est justifié par une cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SAS RAGT Semences à payer à M. [G] [R] les sommes suivantes :

– 39 164 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,,

– 3 916,40 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférents,

– 37 944 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS RAGT Semences aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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