Cour d’appel de metz, 13 avril 2023, RG 20/02338
Cour d’appel de metz, 13 avril 2023, RG 20/02338

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Metz

Résumé

En juin 2008, la commune d'[Localité 6] a signé un bail à ferme avec M. [I], mais en raison de fermages impayés, elle a engagé une procédure judiciaire en mars 2017. Après un redressement judiciaire de M. [I] en juillet 2017, le tribunal a statué en mars 2018 qu’il n’y avait plus de relations contractuelles. En novembre 2020, le tribunal paritaire a débouté la commune, reconnaissant un bail verbal et condamnant celle-ci à verser des frais à M. [I]. En appel, la cour a confirmé ce jugement, rejetant la demande d’expulsion et d’indemnités d’occupation.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

R.G. N° RG 20/02338 – N° Portalis DBVS-V-B7E-FMVT

Minute n° 23/00138

[Adresse 9]

C/

[I]

Jugement Au fond, origine Tribunal paritaire des baux ruraux de THIONVILLE, décision attaquée en date du 24 Novembre 2020, enregistrée sous le n° 51-18-3

COUR D’APPEL DE METZ

3ème CHAMBRE – Baux Ruraux

ARRÊT DU 13 AVRIL 2023

APPELANTE :

LA COMMUNE D'[Localité 6], représentée par son maire en exercice

[Adresse 13]

[Localité 6]

Non comparante, représentée par Me Valérie DAVIDSON, avocat au barreau de METZ

INTIMÉ :

Monsieur [L] [I]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Non comparant, représenté par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat postulant au barreau de METZ et Me Estelle CIMARELLI, avocat plaidant au barreau de THIONVILLE

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 10 Novembre 2022 tenue par M. MICHEL, Magistrat rapporteur qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré pour l’arrêt être rendu le 26 janvier 2023, prorogé au 13 avril 2023.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme GUIMARAES

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre

ASSESSEURS : Monsieur MICHEL, Conseiller

Madame BASTIDE, Conseiller

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 4520 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de chambre et par Madame PELSER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 12 juin 2008, la commune d'[Localité 6] a consenti à M. [L] [I] un bail à ferme à effet du 1er janvier 2007 d’une durée de 9 ans sur des parcelles ayant pour références cadastrales :

‘ section [Cadastre 1] parcelle 2 lieu-dit [Localité 10]

‘ section 6 parcelle [Cadastre 3] lieu-dit [Localité 14]

‘ section 6 parcelle [Cadastre 5] A

‘ section 6 parcelle [Cadastre 4] lieu-dit [Localité 14]

‘ section 4 parcelle [Cadastre 2] lieu-dit [Localité 11]

Au motif que les fermages n’étaient pas réglés, par requête enregistrée au greffe le 16 mars 2017, la commune d'[Localité 6] a fait convoquer M. [I] devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Thionville aux fins de voir prononcer la résiliation du bail à ferme et condamner le preneur au paiement de l’arriéré de fermages pour les années 2014 à 2016.

M. [I] ayant fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire par jugement du 7 juillet 2017, la commune a fait citer son mandataire judiciaire, la SELARL Gangloff et Nardi, par acte du 22 décembre 2017.

Par jugement du 19 mars 2018, le tribunal paritaire des baux ruraux de Thionville a débouté la commune d'[Localité 6] de l’ensemble de ses demandes.

Dans sa motivation, il a relevé que le bail à ferme du 12 juin 2008 excluait la tacite reconduction, qu’il prévoyait la nécessité de conclure un nouveau bail le cas échéant à l’issue de la période de 9 ans et en a déduit qu’il n’existait plus de relations contractuelles entre les parties.

Par requête enregistrée au greffe le 21 juin 2018, la commune d'[Localité 6] a fait convoquer M. [I] devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Thionville et au dernier état de la procédure, elle a demandé au tribunal de :

– condamner M. [I] à lui payer la somme de 7.609,87 euros correspondant aux loyers impayés depuis l’année 2018, sauf à parfaire

– ordonner l’expulsion de M. [I] et de tous occupants de son chef, des lieux loués sis :

‘ section [Cadastre 1] parcelle 2 lieu-dit [Localité 10]

‘ section 6 parcelle [Cadastre 3] lieu-dit [Localité 14]

‘ section 6 parcelle [Cadastre 5] A

‘ section 6 parcelle [Cadastre 4] lieu-dit [Localité 14]

‘ section 4 parcelle [Cadastre 2] lieu-dit [Localité 11]

– condamner M. [I] à lui payer la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens

M. [I] a demandé au tribunal de constater l’existence d’un bail verbal le liant à la commune d'[Localité 6] depuis le 31 décembre 2015, de débouter celle-ci de ses prétentions et de la condamner à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 24 novembre 2020, le tribunal paritaire des baux ruraux de Thionville a débouté la commune d'[Localité 6] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée à verser à M. [I] la somme de 700 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Le tribunal a souligné à titre liminaire que son jugement du 19 mars 2018 a seulement constaté l’absence de relations contractuelles entre les parties à la date à laquelle il a été rendu mais qu’il ne s’est pas prononcé sur la période postérieure.

Il a relevé que les pièces produites attestaient de virements effectués par M. [I] ou pour son compte, à la Trésorerie d’Audun le Tiche au titre de taxes et loyers en juillet 2017, octobre 2018 et novembre 2019, que la commune d'[Localité 6] ne démontrait pas que la totalité de ces paiements correspondait au paiement des arriérés de la période de 2015 à 2017 comme elle le soutenait, et qu’aucun élément ne permettait d’affirmer qu’elle n’avait pas perçu les différents virements. Il a constaté que ni M. [I], ni la commune d'[Localité 6] ne contestaient une exploitation des terres et que la preuve du règlement du fermage était rapportée, ajoutant que la commune sollicitait dans ses dernières écritures le paiement de ‘loyers’. Il en a déduit l’existence d’un bail verbal postérieurement au 19 mars 2018 et dit qu’en conséquence, la demande d’expulsion fondée sur le fait que M. [I] se maintenait sur site en l’absence de relations contractuelles entre les parties, ne pouvait qu’être rejetée. Il a estimé par ailleurs que la commune d'[Localité 6] qui ne fournissait ni décompte, ni explication sur les virements reçus en 2018 et 2019, ne pouvait solliciter le paiement des loyers depuis 2018.

Par deux déclarations déposées au greffe de la cour le 22 décembre 2020, la commune d'[Localité 6] a formé appel de chacune des dispositions de ce jugement.

A l’audience du 10 novembre 2022, la commune d'[Localité 6] représentée par son avocat, s’est référée à ses conclusions déposées le 22 juin 2022. Elle demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de :

– juger que M. [I] est occupant sans droit, ni titre des parcelles cadastrées comme suit :

‘ section [Cadastre 1] parcelle 2 lieu-dit [Localité 10]

‘ section 6 parcelle [Cadastre 3] lieu-dit [Localité 14]

‘ section 6 parcelle [Cadastre 5] A

‘ section 6 parcelle [Cadastre 4] lieu-dit [Localité 14]

‘ section 4 parcelle [Cadastre 2] lieu-dit [Localité 11]

– prononcer l’expulsion de M. [I] et de tous occupants de son chef des parcelles sous peine d’une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l’arrêt à intervenir au besoin avec le concours de la force publique

– condamner M. [I] à lui payer la somme de 9.312 euros au titre des indemnités d’occupation des parcelles lui appartenant pour les années 2019, 2020 et 2021 avec intérêts de droit à compter de l’arrêt à intervenir

– débouter M. [I] de toutes ses prétentions

– le condamner à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’appelante rappelle que la location de biens ruraux soumis au statut du fermage d’une collectivité morale de droit public obéit aux dispositions d’ordre public de l’article L.411-15 du code rural et de la pêche maritime. Elle soutient que le tribunal ne pouvait juger de l’existence d’un nouveau bail au profit de M. [I] après avoir constaté que le précédent n’existait plus, sans respecter l’ordre de priorité d’ordre public instauré par ce texte dont la violation a été sanctionnée à plusieurs reprises par la Cour de cassation qui a notamment déclaré nul un bail consenti par une personne morale de droit public sans respecter la priorité réservée aux exploitants de la commune.

Elle conteste l’existence d’un nouveau bail consenti à M. [I] à compter du 1er janvier 2016 en indiquant que ce bail ne peut être considéré comme le renouvellement tacite du précédent, le jugement du 19 mars 2018 ayant exclu la tacite reconduction. Elle prétend que l’occupation des lieux par l’intimé et ses versements à la trésorerie d'[Localité 8] ne peuvent pas non plus entraîner la constitution d’un nouveau bail, que les différents courriers qu’elle a adressés à M. [I] pour lui réclamer le versement des fermages concernaient les sommes dues jusqu’au terme du bail ayant pris fin le 31 décembre 2015 et qu’elle n’a émis aucun titre de recette pour les paiements effectués ultérieurement par l’intimé directement auprès de la trésorerie, en particulier les 31 octobre 2018 et 22 février 2019. Elle précise que la facture qu’elle a adressée à M. [I] pour le ‘loyer’ de l’année 2016 ne peut valoir reconnaissance d’un bail rural, dès lors qu’à cette date, antérieure au jugement du 19 mars 2018, elle pouvait considérer que le bail arrivé à terme avait fait l’objet d’une tacite reconduction. Elle ajoute que quelle que soit la terminologie employée, la somme réclamée devait être considérée comme une indemnité d’occupation et non un loyer.

La commune d'[Localité 6] soutient que M. [I] se prévaut à tort de l’existence d’un nouveau bail au motif qu’il a signé en qualité d’exploitant le bail emphytéotique qu’elle a consenti le 25 avril 2017 à la SEPE [Adresse 12] pour l’implantation de deux éoliennes sur l’un des terrains litigieux, précisant qu’à l’époque, le jugement du 19 mars 2018 constatant qu’il n’existait plus de rapport contractuel entre les parties n’avait pas encore été rendu. Elle ajoute que contrairement à ce que soutient l’intimé, son but n’est pas de récupérer l’intégralité des redevances et que la SEPE [Adresse 12] qui a eu connaissance du litige, l’a informée qu’elle ne lui paierait pas sa part de redevance pour l’année 2019.

Elle prétend par ailleurs que si M. [I] s’est acquitté de sommes auprès du Trésor Public qui les a encaissées sans qu’elle ait émis de titre de recette, ces paiements ne lui sont pas opposables, qu’après le jugement du 19 mars 2018, l’intimé est devenu occupant sans droit ni titre, qu’en l’absence de nouveau bail consenti dans les conditions de l’article L.411-15 du code rural toute somme versée doit être considérée comme une indemnité d’occupation et qu’au surplus, en l’absence de titre de titre de recette, aucun fondement juridique ne permet de les qualifier de fermage.

M. [I] a été représenté à l’audience par son avocat qui a repris oralement les conclusions déposées le 28 avril 2022 aux termes desquelles il demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et condamner la commune d'[Localité 6] à lui payer la somme de 3.000 euros ainsi qu’aux dépens.

Il expose qu’il continue à occuper et à cultiver les terres depuis le 31 décembre 2015, date d’arrivée à échéance du contrat de bail à ferme, sans aucune opposition de la commune qui a attendu 15 mois pour saisir le tribunal d’une demande en résiliation. Il rappelle que la validité d’un bail verbal est reconnue par l’article L.411-4 du code rural, qu’il est établi pour la même durée que le bail écrit, soit au minimum 9 ans et qu’en l’espèce le bail à ferme a continué à être exécuté à titre onéreux.

Il soutient que par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 juin 2016, la commune d'[Localité 6] lui a demandé de régler les montants des baux ruraux des années 2014 à 2016 sous peine de résiliation du bail rural les liant, qu’elle a réitéré sa démarche dans les mêmes termes par lettre du 12 décembre 2016, que ces fermages ont été acquittés comme l’a relevé le tribunal dans son jugement du 19 mars 2018 et que ceux des périodes postérieures ont également été payés auprès de la trésorerie d’Audun-le-Tiche, la commune acceptant les règlements et continuant à émettre des factures. Il prétend que l’appelante ne peut soutenir qu’ils n’ont plus de relations contractuelles depuis le mois de décembre 2015 alors qu’elle s’est engagée avec lui au mois d’avril 2017 en concluant en tant que bailleur un bail emphytéotique avec la SEPE [Adresse 12] en qualité de preneur et lui-même en qualité d’exploitant, dans le cadre de l’installation de deux éoliennes sur les terrains qu’elle lui loue. Il ajoute que sa part de redevance est conservée depuis 2020 par la SEPE [Adresse 12] jusqu’au prononcé d’une décision définitive et que le but de la commune est de récupérer l’intégralité des redevances.

L’intimé fait valoir que la commune d'[Localité 6] ne peut se prévaloir de sa propre turpitude en reprochant au tribunal de ne pas avoir respecté à sa place la procédure préalable d’appel à candidature qu’elle n’a manifestement pas mise en oeuvre dès la conclusion du bail à ferme sous seing privé du 12 juin 2008. Il ajoute avoir connu des difficultés de règlement du fait de son placement en redressement judiciaire, que la procédure a été clôturée le 1er juin 2019 parce qu’il disposait des sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers et acquitter les frais et les dettes afférents à la procédure et qu’il a pu régler ses arriérés à la commune d'[Localité 6]. Il indique qu’il justifie de l’exploitation des terres louées, qu’il effectue ses déclarations PAC, règle ses impôts à la commune, achète des semences et des engrais, paie ses cotisations et que son expulsion aurait pour effet de le priver d’une partie de son outil de travail, soit environ le quart de son exploitation.

Sur les paiements effectués, il expose avoir effectué le 6 juillet 2017 un règlement de 6.137,30 euros au titre des fermages des années 2015 et 2016 pour le bail, les cotisations et taxes conformément au calcul des taxes et cotisations figurant sur la facture de l’année 2016, le 31 octobre 2018 un paiement de la même somme pour les années 2017 et 2018 calculée sur la base des factures anciennes faute d’avoir reçu de la part de la commune les nouvelles factures et le 14 novembre 2019 un virement de 2.334,14 euros. Il souligne que ces sommes ont été encaissées pendant plusieurs années et qu’elles n’ont jamais été remboursées. Il ajoute justifier du règlement des fermages et taxes au titre des années 2020 et 2021 et observe qu’à hauteur de cour la commune d'[Localité 6] ne conteste pas qu’il exploite les terres.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la jonction

En liminaire il convient d’ordonner pour une bonne administration de la justice, la jonction des deux procédures d’appel RG 20/2338 et 20/2345 sous le RG 20/2338.

Sur la demande d’expulsion

L’article L.411-1 du code rural et de la pêche maritime dispose que toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole est régie par le statut du fermage.

En l’espèce, il est constaté qu’aux termes de leurs conclusions, les parties ne remettent pas en cause la motivation du jugement définitif rendu le 19 mars 2018 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Thionville, selon laquelle le bail à ferme conclu entre les parties le 12 juin 2008 n’a pu donner lieu à une tacite reconduction et s’est achevé le 31 décembre 2015.

Il appartient à M. [I], qui se prévaut de la qualité de preneur, de démontrer qu’un nouveau bail a été conclu depuis lors. Il résulte des pièces et des débats que l’intimé occupe actuellement les parcelles qui faisaient l’objet de la location initiale, les éléments figurant au dossier attestent également qu’il les exploite. En effet, indépendamment de l’absence de contestation par la commune d'[Localité 6] de cette exploitation relevée par le premier juge, il apparaît d’une part que la déclaration auprès de la Mutuelle Sociale Agricole effectuée par M. [I] des surfaces qu’il met en valeur comprend notamment celle des parcelles litigieuses, d’autre part qu’au moins une partie d’entre elles figurent dans sa déclaration afférente à la Politique Agricole Commune, et enfin que le 25 avril 2017, l’appelante a conclu un bail emphytéotique qui porte sur l’un de ces terrains avec la SEPE [Adresse 12] et l’intimé pour l’installation de deux éoliennes. La souscription avec M. [I] de cette location comportant notamment le paiement à son profit d’une redevance, atteste que le terrain est à sa disposition et qu’il en est ‘l’exploitant’ expressément désigné comme tel dans l’acte. Il n’est ni justifié, ni même allégué qu’en suite du jugement du 19 mars 2018, relevant l’absence de relations contractuelles entre les parties dans ses motifs, la commune d'[Localité 6] a remis en cause la validité du bail emphytéotique notamment au motif que M. [I] n’est pas l’exploitant de la parcelle.

Le caractère onéreux de la mise à disposition est par ailleurs démontré par les documents figurant au dossier. Il apparaît en effet que la commune d'[Localité 6] a continué de réclamer à M. [I] des fermages, en particulier le ‘montant des baux ruraux’ des années 2014 et 2016 par deux lettres recommandées en date des 21 juin et 12 décembre 2016. Le fait qu’à l’époque l’échéance de 2016 n’était pas encore à terme ne permet pas de l’exclure de la réclamation comme le soutient l’appelante, étant observé que les termes de ces courriers ne comportent rien de tel et que la commune a aussi émis une facture de ‘loyer bail à ferme’ au titre de l’année 2016. En tout état de cause, après le jugement du 19 mars 2018 et dans le cadre de la présente procédure, la commune a expressément réclamé le paiement de loyers. Comme l’a pertinnement relevé le premier juge, en première instance, dans ses dernières écritures, la commune d'[Localité 6] a sollicité la condamnation de M. [I] au paiement de la somme de ‘7.609,87 euros correspondant aux loyers impayés depuis l’année 2018″. Aucun élément ne permet de considérer que l’emploi du terme ‘loyer’ procéderait d’une erreur de terminologie et il est relevé au contraire que cette dénomination est utilisée tant dans les motifs que le dispositif des conclusions sans évoquer l’indemnisation d’un préjudice quelconque et que le montant des sommes réclamées n’est pas autrement expliqué ou détaillé que par celui des fermages.

Il est par ailleurs établi que ces loyers ont toujours été honorés depuis 2018. M. [I] justifie ainsi avoir effectué le 31 octobre 2018 un virement de 6.137,30 euros au titre de ‘loyer baux ruraux-taxe 17/18″, le 14 novembre 2019 un virement de 2.434,14 euros au titre des ‘taxe-loyer baux ruraux 2019’, le 5 novembre 2021 un virement de 3.093,35 euros intitulé ‘bail 70323 et taxes 7388 année 2020″ et le même jour un virement du même montant pour l’année 2021. Le fait qu’à compter de l’année 2017, ces règlements ont été effectués sans émission d’un titre de recette n’est pas de nature à occulter la réalité d’une mise à disposition à titre onéreux, dès lors qu’ils ont été effectivement encaissés par le Trésor Public sans la moindre réserve et qu’il n’est ni justifié, ni même allégué que l’un quelconque d’entre eux a été remboursé à l’intéressé.

Il s’ensuit que la preuve de la mise à disposition à titre onéreux des parcelles litigieuses en vue de leur exploitation par M. [I] au sens de l’article L.411-1 est rapportée.

C’est en vain que la commune d'[Localité 6] reproche au premier juge d’avoir admis l’existence d’un nouveau bail sans qu’aient été mises en oeuvre les règles de priorité d’ordre public prévues par l’article L.411-15 du code rural et de la pêche maritime. C’est en effet à la commune qu’il appartient d’appliquer cette priorité et elle ne peut valablement se prévaloir du non respect de l’une de ses obligations pour contester la régularité d’un bail à ferme qu’elle a elle-même consenti, étant en outre relevé que si l’appelante soutient que le bail serait entaché de nullité en raison de cette irrégularité, elle ne forme aucune demande de nullité au dispositif de ses conclusions, ni oralement lors de l’audience, de sorte que la cour n’est saisie d’aucune demande tendant à prononcer une telle nullité.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que c’est à juste titre que le premier juge a débouté la commune d'[Localité 6] de sa demande d’expulsion et le jugement est confirmé.

Sur l’indemnité d’occupation

L’existence d’un bail à ferme induit l’obligation de payer un loyer conformément aux dispositions de l’article 1728 du code civil. La commune d'[Localité 6] ne peut donc valablement solliciter la condamnation du preneur au paiement d’une indemnité d’occupation. En outre, il résulte des précédents développements que M. [I] justifie s’être acquitté du montant des fermages des années 2019, 2020 et 2021. L’appelante est donc déboutée de sa demande tendant à la condamnation de l’intimé au paiement de la somme de 9.312 euros.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.

La commune d'[Localité 6], partie perdante, est condamnée aux dépens d’appel. Elle est outre condamnée à payer à M. [I] la somme de 1.200 euros en application de l’article 700 code de procédure civile en sus de la somme mise à sa charge par le premier juge sur le même fondement et déboutée de ce chef de demande.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ORDONNE la jonction des procédures enrôlées sous les numéros RG 20/2338 et RG 20/2345 sous le numéro RG 20/2338 ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE la commune d'[Localité 6] de sa demande de condamnation de M. [L] [I] à lui verser la somme de 9.312 euros à titre d’indemnité d’occupation et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la commune d'[Localité 6] à payer à M. [L] [I] la somme de 1.200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la commune d'[Localité 6] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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