Cour d’appel de Dijon, 24 septembre 2024, RG n° 22/00989
Cour d’appel de Dijon, 24 septembre 2024, RG n° 22/00989

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Dijon

Résumé

Le 23 juin 2020, les époux [F] [G] et [A] [Y] ont annoncé leur intention de vendre des parcelles à M. [W] [H] pour 65 000 euros. La Safer a exercé son droit de préemption le 14 août 2020, proposant d’acheter pour 42 000 euros. Contestant cette décision, les époux [G] ont assigné la Safer en justice. Le tribunal de Mâcon a validé la vente à 42 000 euros, décision confirmée par la cour d’appel. Les époux [G] ont été condamnés aux dépens, la cour ayant jugé que la Safer avait respecté toutes les procédures requises.

Le 23 juin 2020, les époux [F] [G] / [A] [Y] ont informé la Safer Bourgogne Franche Comté de la vente de parcelles cadastrées à M. [W] [H] pour 65 000 euros. Le 14 août 2020, la Safer a exercé son droit de préemption, proposant d’acheter les parcelles pour 42 000 euros. Les époux [G] ont demandé des documents relatifs à cette préemption, mais sans succès. Le 12 février 2021, ils ont assigné la Safer en justice pour contester la décision de préemption. Le tribunal judiciaire de Mâcon a rendu un jugement le 27 juin 2022, déclarant la vente entre les époux [G] et la Safer parfaite pour 42 000 euros et déboutant les époux de leurs demandes. Les époux [G] ont interjeté appel le 1er août 2022, contestant toutes les dispositions du jugement. La Safer a demandé la confirmation du jugement en appel. La cour a confirmé le jugement en toutes ses dispositions et a condamné les époux [G] aux dépens d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 septembre 2024
Cour d’appel de Dijon
RG n°
22/00989
[F] [G]

[A] [Y] épouse [G]

C/

SAFER BOURGOGNE FRANCHE-COMTE

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

1ère chambre civile

ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2024

N° RG 22/00989 – N° Portalis DBVF-V-B7G-GAF7

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : jugement du 27 juin 2022,

rendu par le tribunal judiciaire de Mâcon – RG : 21/00176

APPELANTS :

Monsieur [F] [P] [C] [G]

né le 02 Avril 1960 à [Localité 7] (42)

Madame [A] [R] [Y] épouse [G]

née le 20 Mai 1955 à [Localité 10] (71)

domiciliés tous deux : [Adresse 8]

assistés de Me Vincent BARDET, membre de la SELARL BARDET LHOMME, avocat au barreau de l’AIN, plaidant, et représentés par Me Jean-Baptiste REYNAUD, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE, postulant

INTIMÉE :

S.A. SOCIETE D’AMENAGEMENT FONCIER ET D’ETABLISSEMENT RURAL (SAFER) BOURGOGNE FRANCHE-COMTE représentée par son Directeur Général en exercice domicilié au siège :

[Adresse 1]

[Localité 2]

assistée de Me Thibaud NEVERS, membre de la SELAS LEGI CONSEILS BOUGOGNE, avocat au barreau de DIJON, plaidant, et représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, postulant, vestiaire : 126

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 juin 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

Bénédicte KUENTZ, Conseiller,

Après rapport fait à l’audience par l’un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 24 Septembre 2024,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant déclaration d’intention d’aliéner du 23 juin 2020, émise par l’étude de Maître [Z] [T], la Safer Bourgogne Franche Comté a été informée de la vente par les époux [F] [G] / [A] [Y] au profit de M. [W] [H], des parcelles cadastrées sur la commune de [Localité 9] (71) en section D n°[Cadastre 3] et [Cadastre 4] et sur la commune de [Localité 11] (71) en section A n°[Cadastre 5] et [Cadastre 6], d’une superficie totale de 13ha 16a 37ca, le tout au prix de 65 000,00 euros.

Le 14 août 2020, la Safer Bourgogne Franche Comté a exercé son droit de préemption avec révision de prix, se proposant d’acquérir l’ensemble au prix de 42 000,00 euros, en application de l’article L.143-10 du code rural et de la pêche maritime.

Le 12 novembre 2020, par l’intermédiaire de leur conseil, les époux [G] ont vainement réclamé à la Safer Bourgogne Franche Comté, la copie de l’accord des deux commissaires du gouvernement concernant la préemption ainsi que le justificatif de la délégation de signature du président du conseil d’administration à Mme [L], responsable juridique opérationnelle ayant régularisé la décision d’exercice du droit de préemption.

Par acte du 12 février 2021, les époux [G] ont assigné la Safer Bourgogne Franche Comté aux fins essentiellement de voir juger irrégulière sa décision de préemption avec révision de prix.

Par jugement du 27 juin 2022, le tribunal judiciaire de Mâcon a :

– débouté les époux [G] de l’intégralité de leurs demandes,

– déclaré parfaite la vente des parcelles cadastrées sur la commune de [Localité 9] (71) en section D n°[Cadastre 3] et [Cadastre 4] et sur la commune de [Localité 11] (71) en section A n°[Cadastre 5] et [Cadastre 6], d’une superficie totale de 13ha 16a 37ca, entre les époux [G] et la Safer Bourgogne Franche Comté, pour un montant de 42 000 euros,

– dit que le jugement vaut acte de vente entre les parties desdites parcelles audit prix,

– ordonné la publication du jugement, valant acte de vente, au service de la publicité foncière territorialement compétent, par la partie la plus diligente,

– condamné in solidum les époux [G] à verser à la Safer Bourgogne Franche Comté une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum les époux [G] aux entiers dépens de l’instance, que la SELAS Legi Conseils Bourgogne pourra faire recouvrer conformément aux dispositions prévues à l’article 699 du code de procedure civile ;

– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.

Par déclaration du 1er août 2022, les époux [G] ont interjeté appel de ce jugement, dont ils critiquent expressément toutes les dispositions.

Aux termes du dispositif de leurs conclusions n°2, notifiées le 24 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions, les époux [G] demandent à la cour d’infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et statuant à nouveau au visa des articles L.143-10, R.141-10, R.141-6 et R.143-12 du code rural de :

– juger que la Safer Bourgogne Franche Comté n’a pas porté à la connaissance des vendeurs sa décision de préemption avec révision de prix, dans les formes prévues par les textes,

– juger que le document qu’ils ont reçu ne comporte aucune délégation de signature, ni justificatif de l’accord préalable des commissaires du gouvernement ;

– juger que la Safer Bourgogne Franche Comté n’a pas obtenu l’accord des commissaires du gouvernement préalablement à l’exercice de son droit de préemption,

– juger irrégulière la décision de préemption avec révision de prix de la Safer Bourgogne Franche Comté,

– prononcer la nullité de la décision de préemption avec révision de prix de la Safer Bourgogne Franche Comté du 14 août 2020,

– débouter la Safer Bourgogne Franche Comté de sa demande reconventionnelle.

– condamner la Safer Bourgogne Franche Comté à leur verser une somme de 4 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la ‘défenderesse’ aux entiers dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Aux termes du dispositif de ses conclusions n°2, notifiées le 16 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens développés au soutien de ses prétentions, la Safer Bourgogne Franche Comté demande à la cour, au visa des articles L.143-10, R.143-12 et R.143-6 du code rural et de la pêche maritime, de :

– confirmer le jugement déféré en l’ensemble de ses dispositions,

Y ajoutant,

– débouter les époux [G] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– condamner in solidum les époux [G] à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum les époux [G] aux entiers dépens de l’instance, que Maître Claire Gerbay pourra faire recouvrer conformément aux dispositions prévues à l’article 699 du code de procédure civile.

La clôture est intervenue le 16 mai 2024.

MOTIVATION

A titre liminaire, la cour indique qu’elle ne tient aucun compte des conclusions n°3 qui figurent dans le dossier des appelants, lesquelles n’ont jamais été remises à la cour et notifiées à l’intimée avant la clôture.

Il résulte des articles L. 143-10 et R. 143-6 et R.143-12 du code rural et de la pêche maritime que lorsque la SAFER déclare vouloir faire usage de son droit de préemption mais estime que le prix et les conditions d’aliénation sont exagérés, notamment en fonction des prix pratiqués dans la région pour des immeubles de même ordre, elle adresse au notaire du vendeur, une offre d’achat établie à ses propres conditions qui doit notamment comporter l’indication de l’accord exprès des commissaires du gouvernement et doit être signée par le président de son conseil d’administration ou par toute personne régulièrement habilitée à cet effet.

Les époux [G] prétendent que l’offre notifiée par la SAFER le 14 août 2020 est irrégulière. Au soutien de cette prétention, ils développent deux moyens : l’un tenant aux accords préalables exprès des commissaires du gouvernement, l’autre tenant à la signature de l’offre.

‘ Sur la signature de l’offre par Mme [X] [L], responsable juridique de la SAFER Bourgogne Franche Comté

Il ressort des pièces produites aux débats que :

– lors de sa séance du 7 juin 2017, le conseil d’administration de la SAFER a délégué le pouvoir nécessaire pour instruire, décider et mettre en oeuvre, après accords des commissaires du gouvernement, l’exercice du droit de préemption notamment à son directeur général délégué, M. [J] [O], avec faculté pour lui de subdéléguer ces pouvoirs,

– par décision du 28 novembre 2018, M. [J] [O] a subdélégué ce pouvoir à Mme [X] [L].

La cour rappelle que l’exercice d’un pouvoir se manifeste par la signature des décisions prises en vertu de celui-ci et qu’une délégation de pouvoir emporte donc nécessairement délégation de signature.

Les époux [G] font valoir que le pouvoir d’exercer le droit de préemption n’appartient pas au conseil d’administration de la SAFER mais au président du conseil d’administration de la SAFER et qu’en conséquence, la délégation de pouvoir par le conseil d’administration au directeur général délégué et par voie de conséquence, la subdélégation de pouvoir à Mme [L] sont nulles.

Leur argumentation est exclusivement fondée sur l’article R.143-6 selon lequel l’offre devait être signée par le président du conseil d’administration ou par toute personne régulièrement habilitée à cet effet. Elle procède manifestement d’une confusion entre pouvoir et signature, étant rappelé que la SAFER est une société anonyme et que conformément aux articles L.225-35 et suivants du code de commerce, son conseil d’administration a le pouvoir d’exercer le droit de préemption, pouvoir qu’il peut déléguer notamment à son directeur général délégué en application de l’article L.225-56 du même code.

Ce premier moyen n’est donc pas fondé.

‘ Sur l’accord exprès préalable des commissaires du gouvernement

Les époux [G] soutiennent en premier lieu que les accords des commissaires du gouvernement doivent être joints à la notification de la décision de préemption.

La cour rappelle que selon les dispositions de l’article R.143-12 du code rural et de la pêche maritime, la notification de la décision doit seulement comporter ‘l’indication’ de ces accords. L’argumentation des appelants revient manifestement à ajouter à ce texte et ne peut pas prospérer.

Il est certain que la SAFER doit obtenir l’accord exprès des commissaires du gouvernement avant de notifier sa décision.

Par opposition à un accord tacite qui se déduit d’une attitude ou d’un silence, un accord exprès est celui qui est effectivement et positivement donné par la personne dont il est attendu. Cet accord exprès peut revêtir plusieurs formes, étant observé que les dispositions du code rural et de la pêche maritime n’exigent aucune forme particulière.

Il ressort des pièces 7 et 9 de l’intimée que l’accord des commissaires du gouvernement prend habituellement la forme d’un visa daté, sur une fiche navette émise par la SAFER. Cette fiche navette a été complétée par le ‘commissaire du gouvernement agriculture’le 29 juillet 2020 (pièce 7 de la SAFER), alors qu’elle ne l’a été par le ‘commissaire du gouvernement finances’ que le 18 août 2020 (pièce 9 de la SAFER).

Ainsi, les époux [G] soutiennent en second lieu que la SAFER ne disposait pas de l’accord exprès du ‘commissaire du gouvernement finances’ lors de la notification du 14 août 2020.

Toutefois, il ressort des pièces du dossier que :

– par courriel du 13 août 2020, à 9h35, la SAFER interrogeait les services du ‘commissaire du gouvernement finances’ afin de connaître sa position sur la préemption envisagée avec révision de prix,

– par courriel du même jour à 11h21, ces services répondaient à la SAFER que le dossier, dont il était rappelé qu’il concernait des parcelles d’une valeur globale de 42 000 euros, avait été ‘signé’ le 4 août 2020 et que le ‘bordereau ad hoc’, soit la fiche navette, lui serait transmis au retour de Mme [U], probablement en vacances à cette période de l’année.

Dans ces circonstances, la cour, à l’instar du premier juge, retient qu’il est établi que le ‘commissaire du gouvernement finances’ avait donné son accord exprès avant le 14 août 2020, ce d’autant que Mme [U] certifie dans une attestation circonstanciée produite par la SAFER en pièce 10 de son dossier, avoir rendu un avis favorable au projet le 4 août 2020 et atteste que l’avis transmis le 18 août 2020, finalement signé par la commissaire du gouvernement adjointe, n’est qu’une ‘confirmation’ de l’avis favorable rendu par ses soins le 4 août 2020.

Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient de confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :

– débouté les époux [G] de leur demande

– et consécutivement, par application de l’article L.143-10 du code rural et de la pêche maritime et eu égard à l’attitude des époux [G] qui n’ont, dans les six mois de la notification de la décision de la SAFER, ni fait savoir qu’ils acceptaient son offre, ni retiré le bien de la vente, ni saisi le tribunal pour demander une révision du prix proposé par la SAFER, considéré que la vente était parfaite au profit de la SAFER pour le prix de 42 000 euros.

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, les époux [G] doivent supporter les dépens de première instance et d’appel, le conseil de la SAFER pouvant prétendre au bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

Les conditions d’application de l’article 700 du code de procédure civile ne sont donc réunies qu’en faveur de la SAFER. En considération de l’équité, au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés tant en première instance qu’en cause d’appel, la cour n’entend pas lui allouer une somme supérieure à celle de 1 000 euros que le premier juge lui a accordée.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne in solidum les époux [G] [G] / [A] [Y] aux dépens d’appel, Maître Claire Gerbay étant autorisée à recouvrer directement à leur encontre ceux dont elle a fait l’avance sans en avoir reçu provision,

Dit n’y avoir lieu à aucune application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Le Greffier, Le Président,


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