Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Dijon
→ RésuméL’affaire oppose M. [F] [C] à M. [U] [E] concernant la résiliation d’un bail rural. M. [C] a demandé cette résiliation pour retards de paiement et manque d’information sur la gestion des terres, mais le tribunal a rejeté sa demande. En appel, la cour a confirmé cette décision, jugeant les arguments de M. [C] insuffisants. Concernant le congé pour reprise, la cour a décidé de surseoir à statuer, attendant une autorisation d’exploiter de la juridiction administrative. Le bail a été prorogé jusqu’à la fin de l’année culturale en cours.
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Résumé de l’affaire
L’affaire concerne un litige entre M. [F] [C] et M. [U] [E] concernant la résiliation d’un bail rural et un congé pour reprise. M. [C] a demandé la résiliation du bail pour divers motifs, notamment le défaut d’information sur la gestion des terres et des retards de paiement du fermage. Le tribunal paritaire des baux ruraux a débouté M. [C] de sa demande de résiliation. M. [C] a fait appel de cette décision.
Sur la résiliation du bail
La cour a confirmé la décision du tribunal de débouter M. [C] de sa demande de résiliation du bail. La cour a jugé que les arguments avancés par M. [C] n’étaient pas suffisants pour justifier la résiliation du bail.
Sur la validité du congé pour reprise
La cour a décidé de surseoir à statuer sur la question de la validité du congé pour reprise en attendant une décision de la juridiction administrative concernant une autorisation d’exploiter. La cour a également réservé les dépens et les demandes liées à l’article 700 du code de procédure civile.
En conclusion, la cour a confirmé la décision du tribunal concernant la résiliation du bail et a reporté sa décision sur la validité du congé pour reprise en attendant une décision de la juridiction administrative.
LC/IC
[F] [C]
C/
[U] [E]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
2ème chambre civile
ARRÊT DU 08 JUIN 2023
N° RG 22/00634 – N° Portalis DBVF-V-B7G-F6N2
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 11 mai 2022,
rendue par le tribunal paritaire des baux ruraux de [Localité 12] – RG : 51-21-0003
APPELANT :
Monsieur [F] [C]
né le 6 octobre 1977 à [Localité 12] (52)
domicilié :
[Adresse 1]
[Localité 6]
non comparant, représenté par Me Christian BENOIT, membre de la SELARL CHRISTIAN BENOIT, avocat au barreau de HAUTE-MARNE, substitué par Me Cécile JOULLAIN, avocat au barreau de PARIS
assisté de Me Laura DESDOITS VENTURI, avocat au barreau de HAUTE-MARNE
INTIMÉ :
Monsieur [U] [E]
né le 22 Juillet 1973 à [Localité 10]
[Adresse 4]
[Localité 6]
non comparant, représenté par Me Charles Eloi MERGER, avocat au barreau de HAUTE-MARNE substitué par Me Thibaud NEVERS, avocat au barrreau de DIJON, vestiaire : 31
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 06 avril 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, Président,
Sophie DUMURGIER, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller, qui a fait le rapport sur désignation du Président,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 08 Juin 2023,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par acte authentique du 13 juin 1996, M. [T] [E] a consenti un bail rural à M. [U] [E] pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 1996 concernant les parcelles suivantes :
‘ Sur la commune de [Localité 7] (51) :
– ZE [Cadastre 2]« [Localité 11] » d’une contenance de 7ha 10a ;
– ZE [Cadastre 5] « [Localité 11] » d’une contenance de 4ha 69a 20 ca ;
‘ Sur la commune de [Localité 8] (52), ZK [Cadastre 3] «[Localité 9] » d’une contenance de 14 ha 58a 50 ca.
M. [F] [C] vient désormais aux droits de M. [T] [E].
Par acte d’huissier du 22 juin 2021, M. [F] [C] a fait délivrer un congé à M. [U] [E] aux fins de reprise pour exploitation personnelle pour le 31 décembre 2022.
Par requête déposée au greffe du tribunal de proximité de Saint-Dizier le 26 juillet 2021, M. [U] [E] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de [Localité 12] aux fins de voir déclarer le congé nul et de nul effet, à titre subsidiaire voir prononcer une éventuelle mesure d’expertise pour dresser les comptes de sortie entre les parties.
L’affaire a été appelée a l’audience de conciliation du 20 octobre 2021. Aucune conciliation n’a pu être constatée entre les parties et le dossier a été renvoyé à l’audience de jugement.
M. [U] [E] demandait au tribunal notamment de :
– Dire et juger que le congé délivré le 22 juin 2021 est nul et de nul effet ;
– Débouter M. [F] [C] de sa demande de résiliation de bail et de l’ensemble de ses demandes ;
– Subsidiairement, prononcer le sursis à statuer dans l’attente de l’éventuelle obtention par M. [F] [C] d’une autorisation d’exploiter dé’nitive.
M. [F] [C] demandait au tribunal notamment de :
– A titre principal,
– Résilier aux torts exclusifs de M. [E] le bail liant les parties en date du 13 juin 1996 portant sur les terres agricoles situées à [Localité 7],
– A titre subsidiaire,
– Débouter M. [U] [E] de l’intégralité de ses demandes, fins, conclusions,
– Valider le congé délivré le 22 juin 2021pour reprise personnelle,
– Ordonner au besoin l’expulsion de M. [U] [E] des terres objet du congé pour la date du 31 décembre 2022.
Par jugement rendu le 11 mai 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint Dizier a :
– Débouté M. [F] [C] de sa demande de résiliation du bail,
– Prononcé la nullité du congé aux ‘ns de reprise émanant de M. [F] [C] délivré par Maître [O] [V], huissier de justice, le 22 juin 2021 à M. [U] [E],
– Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– Condamné M. [F] [C] aux dépens de la procédure,
– Condamné M. [F] [C] à payer la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– Rappelé que l’exécution provisoire est de droit a titre provisoire.
M. [C] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 23 mai 2022.
Au terme de ses conclusions notifiées par voie électronique le 28 octobre 2022, qu’il a développées oralement, M. [C] demande à la cour, au visa des articles L 411-31, L 411-35 et L 411-37 et L 411-46 et suivants du code rural, de :
– Réformer partiellement le jugement rendu par le tribunal paritaire de baux ruraux de Saint Dizier du 11 mai 2022,
Y faisant droit et statuant à nouveau,
A titre principal,
– Résilier aux torts exclusifs de M. [E] le bail liant les parties en date du 13 juin 1996 portant sur les terres agricoles situées à [Localité 7] cadastrees ZE n°[Cadastre 2] lieudit « [Localité 11] » d’une contenance de 7 ha 10a, section ZE n° [Cadastre 5] lieudit « [Localité 11] » d’une contenance de 4 ha 69 a et 20 ca et sur la commune de [Localité 8] cadastrées section ZK N° [Cadastre 3] lieudit « [Localité 9] » pour une contenance de 14 ha 58 a 50 ca,
A titre subsidiaire,
– Débouter M. [U] [E] de l’intégralite de ses demandes, ‘ns et conclusions,
– Valider le congé délivré le 22 juin 2021 par Maître [V], huissier de justice à [Localité 12] (52), au titre de différentes terres agricoles situées à [Localité 7] cadastrées ZE n°[Cadastre 2] lieudit « [Localité 11] » d’une contenance de 7 ha 10 a, section ZE n° [Cadastre 5] lieudit « [Localité 11] » d’une contenance de 4 ha 69 a et 20 ca et sur la commune de [Localité 8] cadastrées section ZK N° [Cadastre 3] lieudit « [Localité 9] » pour une contenance de 14 ha 58 a 50 ca, données à bail suivant acte reçu par Me [K], notaire à [Localité 10] (52), en date du 13 juin 1996, pour reprise personnelle,
En conséquence,
– Ordonner au besoin l’expulsion de M. [U] [E] des terres objet du congé pour la date du 31 décembre 2022,
– Assortir d’ores et déjà l’expulsion éventuelle, si M. [E] se maintenait dans les lieux, d’une astreinte de 150 euros par jour de retard,
En tout état,
– Condamner M. [E] au paiement d’une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
– Condamner M. [E] aux entiers dépens.
Au terme de ses conclusions d’intimée notifiées par voie électronique le 26 août 2022, qu’il a développées oralement, M. [U] [E] demande à la cour, au visa des articles L411-35, L411-37, L411-31, L411-58, L411-59, de :
– Débouter M. [F] [C] de l’ensemble de ses demandes,
– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Dizier en date du 11 mai 2022,
– Condamner M. [F] [C] à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
Subsidiairement,
Vu la requête introductive d’instance devant le tribunal administratif de Chalons en Champagne,
– Prononcer le sursis à statuer dans l’attente d’une décision définitive quant à l’autorisation implicite administrative d’exploiter,
– Condamner M. [F] [C] aux dépens.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé de leur moyens.
SUR CE LA COUR,
Sur la résiliation du bail
Pour obtenir la résiliation du bail, M. [C] soutient d’abord que le preneur ne l’a nullement informé du transfert de gestion des terres au profit du Gaec de la Marchande, estimant que le courrier produit par ce dernier en date du 29 mars 2012 ne saurait régulariser une situation antérieure illégale, précisant que ce manquement l’a induit en erreur, raison pour laquelle le congé a été délivré à M. [E] personnellement.
Or, comme le soutient M. [E], l’article L323-14 du code rural et de la pêche maritime qui permet au preneur, membre d’un GAEC, de faire exploiter par le groupement tout ou partie des biens dont il est locataire n’impose aucun délai pour en informer le bailleur ni ne sanctionne le défaut d’information de sorte que le moyen de M. [C] fondé sur le défaut d’information quant à l’exploitation des parcelles par le GAEC est inopérant.
En revanche, les dispositions de l’article L411-37 du code rural et de la pêche maritime qui prévoient que le preneur, associé d’une société à objet principalement agricole, peut mettre à la disposition de celle-ci tout ou partie des biens dont il est locataire pour une durée ne pouvant excéder celle du bail, conditionnent cette faculté à l’information du bailleur par lettre recommandée dans les deux mois qui suivent la mise à disposition.
Toutefois, le bail ne peut être résilié que si l’information n’a pas été communiquée dans un délai d’un an après mise en demeure par le bailleur, la résiliation n’étant pas encourue si les omissions ou irrégularités constatées n’ont pas été de nature à induire le bailleur en erreur.
En l’espèce, ainsi que les premiers juges l’ont relevé, MM. [N] [E] et [H] [E], alors bailleurs, ont signé un document intitulé « information de modifications sociétaires » daté du 29 mars 2012 au terme duquel M. [U] [E] les informe de la mise à disposition des parcelles ZE [Cadastre 2] et ZE [Cadastre 5] sur la commune de [Localité 7] et ZK [Cadastre 3] sur la commune de [Localité 8] au profit de l’EARL de la Marchande dont M. [U] [E] est associé exploitant à compter du 1er avril 2012. Ils en ont justement déduit que le preneur avait informé les bailleurs de la mise à disposition des parcelles au profit de l’EARL de la Marchande et qu’il n’y avait pas lieu de prononcer la résiliation du bail de ce chef.
M. [C] soutient encore que le bail doit être résilié pour deux défauts de paiement du fermage après une mise en demeure restée infructueuse pendant trois mois, précisant que M. [E] paie systématiquement le fermage avec retard.
Dès lors que l’article L411-31 du code rural et de la pêche maritime ne permet au bailleur de demander la résiliation du bail que s’il justifie de deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance, c’est de manière parfaitement légitime que les premiers juges, après avoir relevé que la seule mise en demeure produite en date du 8 mars 2021 ne visait qu’un impayé pour le seul fermage de 2020, qui a été en outre régularisé avant les huit jours prévus à la mise en demeure, ont refusé de prononcer la résiliation du bail à ferme pour ce motif.
Le jugement déféré doit, en conséquence, être confirmé en ce qu’il a débouté M. [F] [C] de sa demande de résiliation de bail.
Sur la validité du congé pour reprise
En application de l’article L411-59 du code rural et de la pêche maritime, « le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l’exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans soit à titre individuel, soit au sein d’une société dotée de la personnalité morale, soit au sein d’une société en participation dont les statuts sont établis par un écrit ayant acquis date certaine. Il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l’exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation. Il doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir.
Le bénéficiaire de la reprise doit occuper lui-même les bâtiments d’habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l’exploitation directe.
Le bénéficiaire de la reprise devra justifier par tous moyens qu’il satisfait aux obligations qui lui incombent en application des deux alinéas précédents et qu’il répond aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle visées à l’article 188-2 du présent code ».
L’article L411-58 du même code prévoit que « si la reprise est subordonnée à une autorisation en application des dispositions du titre III du livre III relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles, le tribunal paritaire peut, à la demande d’une des parties ou d’office, surseoir à statuer dans l’attente de l’obtention d’une autorisation définitive.
Toutefois, le sursis à statuer est de droit si l’autorisation a été suspendue dans le cadre d’une procédure de référé.
Lorsque le sursis à statuer a été ordonné, le bail en cours est prorogé de plein droit jusqu’à la fin de l’année culturale pendant laquelle l’autorisation devient définitive. Si celle-ci intervient dans les deux derniers mois de l’année culturale en cours, le bail est prorogé de plein droit jusqu’à la fin de l’année culturale suivante. »
En l’espèce, il convient de relever que M. [C] a obtenu une autorisation implicite d’exploiter en application de l’article L331-6 du code rural et de la pêche maritime.
Cette autorisation a fait l’objet d’une requête en annulation devant le tribunal administratif de Chalons en Champagne.
Ce recours à l’encontre de l’autorisation d’exploiter justifie que la cour sursoit à statuer sur la question de la validité du congé dans l’attente de l’issue de la procédure devant la juridiction administrative.
Il convient, dans cette attente, de réserver les dépens et de surseoir sur les demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, par arrêt mixte,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [C] de sa demande de résiliation du bail à ferme liant les parties,
Sursoit à statuer sur la question de la validité du congé dans l’attente d’une décision définitive de la juridiction administrative, saisie d’une demande d’annulation de l’autorisation implicite d’exploiter les parcelles litigieuses accordée à M. [C],
Rappelle que le bail en cours est prorogé de plein droit jusqu’à la fin de l’année culturale pendant laquelle l’autorisation devient définitive et que si celle-ci intervient dans les deux derniers mois de l’année culturale en cours, le bail est prorogé de plein droit jusqu’à la fin de l’année culturale suivante,
Réserve les dépens et surseoit sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,
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