Attention aux encarts publicitaires proposant d’investir (dans des vignes ou autres valeurs mobilières) ceux-ci doivent respecter la réglementation prévue par le code monétaire et financier et être annulés pour objet illicite. L’article 2 d) du règlement (UE) n° 2017/1129 du 14 juin 2017 définit l’« offre au public de valeurs mobilières » par une communication adressée sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit à des personnes et présentant une information suffisante sur les conditions de l’offre et sur les titres à offrir de manière à mettre un investisseur en mesure de décider d’acheter ou souscrire ces valeurs mobilières.
Or, l’article L.411-1 du code monétaire et financier dispose qu’il est interdit aux personnes ou entités n’y ayant pas été autorisées par la loi de procéder à une offre au public, au sens du règlement (UE) n° 2017/1129 du 14 juin 2017, de titres financiers ou de parts sociales, à peine de nullité des contrats conclus ou des titres ou parts sociales émis. Il leur est également interdit, à peine des mêmes nullités, d’émettre des titres négociables. L’article L.411-1 du code monétaire et financier précise que, par dérogation à cet article, l’offre de titres financiers ou de parts sociales qui s’adresse exclusivement à un cercle restreint d’investisseur et dont le nombre est inférieur à 150 personnes (fixé par décret) est autorisée. En la cause, les encarts publicitaires sont de nature à mettre un investisseur en mesure de se décider à acheter des titres financiers. Ainsi, il apparait donc que l’encart publicitaire présente les caractéristiques d’une offre au public de valeur mobilière au sens de l’article 2 d) du règlement (UE) n° 2017/1129 du 14 juin 2017. Il importe peu que le support (éditeur de presse) soit un professionnel de la publicité, connaissant à la fois les règles en vigueur ainsi que les risques liés à l’encart publicitaire qu’il a réalisé. En effet, la nullité pour cause de but illicite est une nullité d’ordre public et doit être ordonnée en tout état de cause. En conséquence, les devis publicitaires ont été annulés compte tenu de leur but illicite Il résulte de l’article 1178 du code civil que le contrat annulé n’est censé n’avoir jamais existé et que les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 du même code. A ce titre, l’article 1352 du code civil dispose que la restitution d’une chose autre que d’une somme d’argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible en valeur, estimée au jour de la restitution. Plus précisément, l’article 1352-8 du code civil prévoit que « La restitution d’une prestation de service a lieu en valeur. Celle-ci est appréciée à la date à laquelle elle a été fournir ». La nullité d’un contrat doit avoir pour effet de replacer les parties dans leur situation d’origine, antérieure au contrat. Ainsi, s’il y a lieu d’estimer en valeur la prestation fournie, cette estimation ne doit pas prendre en compte le bénéfice réalisé L’article 1162 du code civil prévoit que le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni pas ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties. Or, le contenu licite du contrat est une condition nécessaire à la validité du contrat. En application de l’article 1178 du code civil, un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. |
Résumé de l’affaire : Le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] a engagé la SAS GROUPE PROFESSION SANTE pour publier des annonces dans des journaux destinés aux professionnels de la santé, signant deux devis en février et mars 2022. Le 27 avril 2022, le groupement a demandé l’annulation du contrat. En réponse, la SAS a émis des factures pour un total de 13 190,40 euros. Le 24 janvier 2023, un tribunal a ordonné au groupement de payer cette somme, mais le 28 août 2023, le groupement a fait opposition à l’injonction. La SAS a demandé au tribunal de condamner le groupement à payer la somme due, tandis que le groupement a demandé la nullité des devis, arguant que les publicités constituaient une offre au public de titres financiers, ce qui était illégal. Le tribunal a finalement prononcé la nullité des devis, condamnant le groupement à restituer la somme due à la SAS, tout en déboutant les autres demandes des parties.
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Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de validité d’un contrat selon le Code civil ?La validité d’un contrat est régie par plusieurs articles du Code civil, notamment les articles 1162 et 1178. L’article 1162 stipule que « le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties ». Cela signifie qu’un contrat dont l’objet ou le but est illicite est nul. De plus, l’article 1178 précise qu’un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. Ces conditions incluent le consentement des parties, la capacité à contracter, un objet licite et un but licite. Ainsi, si un contrat est jugé contraire à l’ordre public, il sera annulé, et les parties devront être remises dans leur situation antérieure. Quelles sont les conséquences de la nullité d’un contrat selon le Code civil ?La nullité d’un contrat entraîne des conséquences spécifiques, régies par les articles 1178 et 1352 du Code civil. L’article 1178 dispose qu’un contrat annulé est censé n’avoir jamais existé. Cela signifie que les parties doivent être remises dans leur situation d’origine, comme si le contrat n’avait jamais été conclu. L’article 1352 précise que la restitution d’une chose autre qu’une somme d’argent doit se faire en nature ou, si cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution. En ce qui concerne les prestations de service, l’article 1352-8 indique que « la restitution d’une prestation de service a lieu en valeur ». Ainsi, dans le cas d’une prestation de service annulée, la partie qui a fourni le service peut demander une restitution correspondant à la valeur de la prestation fournie. Quelles sont les implications de l’article L.411-1 du Code monétaire et financier sur les offres au public de titres financiers ?L’article L.411-1 du Code monétaire et financier stipule qu’il est interdit aux personnes ou entités non autorisées par la loi de procéder à une offre au public de titres financiers. Cette interdiction vise à protéger les investisseurs en s’assurant que seules les entités dûment habilitées peuvent proposer des titres au public. En cas de non-respect de cette règle, les contrats conclus ou les titres émis sont nuls. L’article précise également qu’une offre de titres financiers ou de parts sociales s’adressant exclusivement à un cercle restreint d’investisseurs, inférieur à 150 personnes, est autorisée. Ainsi, si une société civile, comme le Groupement Foncier Viticole, procède à une offre au public sans autorisation, cela peut entraîner la nullité des contrats liés à cette offre. Comment se détermine la notion d’offre au public de valeurs mobilières selon le règlement (UE) n° 2017/1129 ?Le règlement (UE) n° 2017/1129 définit l’« offre au public de valeurs mobilières » comme une communication adressée à des personnes, présentant une information suffisante sur les conditions de l’offre et sur les titres à offrir. Cette définition implique que pour qu’une communication soit qualifiée d’offre au public, elle doit répondre à deux conditions cumulatives : 1. Le nombre de destinataires doit être supérieur à 150 personnes. Ainsi, si une annonce publicitaire ne fournit pas d’informations claires et suffisantes sur les titres proposés, elle peut ne pas être considérée comme une offre au public, ce qui pourrait avoir des conséquences sur sa validité. Quelles sont les implications de la nullité des devis sur les demandes de paiement ?La nullité des devis a des implications directes sur les demandes de paiement. En vertu de l’article 1178 du Code civil, un contrat annulé est censé n’avoir jamais existé, ce qui signifie que les parties ne peuvent pas exiger l’exécution des obligations contractuelles. Dans le cas présent, si les devis sont annulés en raison de leur caractère illicite, la SAS GROUPE PROFESSION SANTE ne peut pas exiger le paiement des sommes stipulées dans ces devis. Cependant, l’article 1352 du Code civil prévoit que la restitution doit avoir lieu en valeur, ce qui signifie que la partie qui a fourni une prestation peut demander une compensation correspondant à la valeur de cette prestation. Ainsi, même si les devis sont annulés, la SAS GROUPE PROFESSION SANTE peut demander une restitution pour la valeur des services fournis, estimée à 13 190,40 euros dans ce cas. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Tribunal judiciaire du Mans
RG n°
23/02455
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DU MANS
Première Chambre
Jugement du 26 Septembre 2024
N° RG 23/02455 – N° Portalis DB2N-W-B7H-H4B7
DEMANDERESSE
S.A.S. GROUPE PROFESSION SANTE, prise en la personne de son représentant légal
immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 530 330 174
dont le siège social est situé [Adresse 1]
représentée par Maître Benoît JOUSSE, membre de la SELARL LACROIX JOUSSE BOURDON, avocat au Barreau du MANS
DEFENDERESSE
GROUPEMENT FONCIER VITICOLE DU [Adresse 4],, prise en la personne de son représentant légal
immatriculée au RCS de LE MANS sous le n° 894 415 264
dont le siège social est situé “[Adresse 3]
représentée par Maître François ROUXEL, avocat au Barreau du MANS
COMPOSITION DU TRIBUNAL
PRESIDENT : Marie-Michèle BELLET,
Statuant comme Juge Unique en application de l’article L.212-2 du code de l’organisation judiciaire.
Les avocats constitués ont été régulièrement avisés de l’attribution du juge unique en application de l’article 765 du code de procédure civile, sans que la demande de renvoi ait été formulée dans les conditions prévues par l’article 766 du même code.
GREFFIER : Patricia BERNICOT
DÉBATS A l’audience publique du 25 juin 2024
A l’issue de celle-ci, le Président a fait savoir aux parties que le jugement serait rendu le 26 septembre 2024 par sa mise à disposition au greffe de la juridiction.
Jugement du 26 Septembre 2024
– prononcé publiquement par Marie-Michèle BELLET, par sa mise à disposition au greffe
– en premier ressort
– contradictoire
– signé par le président et Patricia BERNICOT, greffier, à qui la minute du jugement été remise.
copie exécutoire à Maître Benoît JOUSSE de la SELARL LACROIX JOUSSE BOURDON – 37, Maître François ROUXEL – 30 le
N° RG 23/02455 – N° Portalis DB2N-W-B7H-H4B7
FAITS ET PROCEDURE
Le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] est une société civile, propriétaire de vignobles situés sur la commune de [Localité 5] (72).
Dans le but de valoriser son activité et associer de nouveaux investisseurs à son capital, le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] a sollicité la SAS GROUPE PROFESSION SANTE afin de faire paraitre des annonces publicitaires dans les journaux à destination des professions médicales : Le Quotidien du médecin et Le Quotidien du pharmacien.
Le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] a signé deux devis : un premier devis du 4 février 2022 d’un montant de 8 400 euros et un second devis signé le 28 mars 2022 d’un montant de 22 276,80 euros.
Suivant un courrier du 27 avril 2022, le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] a demandé l’annulation du contrat.
Suite à ce courrier, la SAS GROUPE PROFESSION SANTE a édité des factures correspondant aux annonces qui avait préalablement fait l’objet d’une parution dans les deux quotidiens, pour un montant total de 13 190,40 euros.
Par une ordonnance d’injonction de payer en date du 24 janvier 2023, signifiée le 30 mars 2023 à étude, le Président du Tribunal Judiciaire du MANS a enjoint le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] à payer à la SAS GROUPE PROFESSION SANTE la somme de 13 190,40 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2022 outre 5,25 euros au titre des frais accessoires et 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 28 août 2023, par déclaration de son conseil, le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] a fait opposition à l’injonction de payer.
La clôture est intervenue le 16 mai 2024 par ordonnance du juge de la mise en état du même jour.
PRETENTIONS ET MOYENS
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 13 mars 2024, la SAS GROUPE PROFESSION SANTE demande au tribunal de :
Condamner le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] à lui verser la somme de 13 190,40 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2022 ;Condamner le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] à lui verser la somme de 5,25 euros au titre des frais accessoires ; Condamner le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] aux entiers dépens ; Condamner le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Au soutien de sa demande en paiement, et pour s’opposer aux moyens tirés de la nullité des devis, la SAS GROUPE PROFESSION SANTE fait valoir, en premier lieu, que le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] utilise des manœuvres pour tenter d’échapper au paiement des prestations commerciales commandées et accomplies. La SAS GROUPE PROFESSION SANTE souligne un contexte d’opposition systématique au paiement des prestations commandées dans le cadre de ces encarts publicitaires. A cet égard, elle relève qu’un an après avoir été averti d’une éventuelle difficulté liée à ses encarts publicitaires dans d’autres magazines, le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] n’a pas hésité à contracter en février et en mars 2022 avec la concluante en utilisant un encart publicitaire strictement identique à celui critiqué par l’autorité administrative.
N° RG 23/02455 – N° Portalis DB2N-W-B7H-H4B7
Pour s’opposer toujours à la demande de nullité des devis, la SAS GROUPE PROFESSION SANTE estime, dans un second temps, que contrairement à ce qui est indiqué par le défendeur, l’encart publicitaire n’est pas concerné par la réglementation prévue par le code monétaire et financier. Elle fait, en effet, valoir que l’encart n’indique aucun élément concernant les modalités juridiques de l’offre d’acquisition de titres (modalités d’acquisition, montant du titre, droits et obligations attachées à celui-ci, modalités de transmission…) et que les seuls éléments en lien avec les titres proposés sont obscurs tandis que l’élément concernant la rentabilité (« -4,80% minimum ») est insuffisant pour considérer qu’il permet à un investisseur de se déterminer à acquérir des titres.
Par ailleurs, toujours en soutien de sa demande en paiement, la SAS GROUPE PROFESSION SANTE fait valoir que le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] est un professionnel de la publicité avec une parfaite connaissance des règles en matière de promotion de l’acquisition de titres financiers, connaissant donc les risques liés à la rédaction de son encart publicitaire. Elle remarque en ce sens que cela ne l’a pas empêché, après avoir reçu une lettre de l’Autorité des marchés financiers l’interrogeant sur ses pratiques, de poursuivre ses campagnes de publicité dans la presse.
Enfin, dans le cas où les devis seraient annulés, elle observe que la restitution des prestations de publication de l’encart publicitaire doit être estimée en valeur. Par conséquent, elle sollicite une restitution à hauteur de 13 190,40 euros outre les intérêts légaux.
Aux termes de ses dernières conclusions, le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] demande au tribunal de :
Prononcer la nullité des devis signés en date du 4 février 2022 et du 18 mars 2022 ; Dire n’y avoir lieu à restitutions ; Condamner la SAS GROUPE PROFESSION SANTE aux entiers dépens ; Condamner la SAS GROUPE PROFESSION SANTE à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Au soutien de sa demande de nullité des devis et de rejet des demandes de la demanderesse, le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] fait valoir, au visa de l’article 2 d) du règlement UE 2017/1129 du 14 juin 2017, que les publicités diffusées par la SAS GROUPE PROFESSION SANTE doivent être qualifiées d’offres au public de titres financiers, au motif que les deux conditions cumulatives données par le règlement sont réunies. D’une part et s’agissant du nombre de destinataires des publicités, les magazines Le quotidien du médecin et Le quotidien du pharmacien sont édités à l’échelle nationale, et touchant donc plus de 150 personnes. D’autre part, s’agissant de la seconde condition tenant aux « informations financières suffisantes », il observe que les publicités concernées comportaient des informations sur le projet financier, sur le mode de financement mis en place, les aspects fiscaux de l’opération et la promesse de rentabilité. Le défendeur souligne que dans un litige concernant les mêmes publicités, diffusées dans un autre support et pour le compte d’un autre groupement viticole, la juridiction de proximité du MANS a retenu la qualification d’offres au public de titres financiers. Or, le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] rappelle, qu’en tant que société civile, qu’elle a interdiction de se livrer à de l’offre au public de ses titres financiers puisqu’elle n’y est pas autorisée par la loi. Ainsi, en application de l’article 1162 du code civil, le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] soutient que les publicités diffusées sont illicites car contraire à l’ordre public des marchés financiers.
S’agissant des conséquences de la nullité des devis susmentionnées, et au soutien de sa demande de non-lieu à restitution, le défendeur observe que les devis annulés n’ont aucune valeur, leur but étant d’attirer des investisseurs au capital du groupement foncier viticole, par l’émission ou l’acquisition de parts sociales. Il fait valoir, au visa de l’article L.411-1 du code monétaire et financier disposant que toute émission ou cession de parts procédant d’une offre au public de titres financiers, est nulle, faute pour la société émettrice ou cédante d’avoir été légalement autorisée à effectuer une telle offre. Par conséquent, le groupement foncier estime que la publicité d’une opération juridiquement nulle ne peut avoir de valeur et que la nullité ne peut donc pas donner lieu à restitution.
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Sur la demande de nullité des devis sollicitée par le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4]
Pour s’opposer à la demande en paiement sollicitée par la SAS GROUPE PROFESSION SANTE, le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] demande la nullité des deux devis conclus et signés le 4 février et le 18 mars 2022 s’agissant des annonces publicitaires.
Il convient donc de déterminer en premier lieu si, comme le soutient le défendeur, les devis sont contraires à l’ordre public et doivent donc être annulés.
L’article 1162 du code civil prévoit que le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni pas ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties. Or, le contenu licite du contrat est une condition nécessaire à la validité du contrat.
En application de l’article 1178 du code civil, un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul.
L’article 2 d) du règlement (UE) n° 2017/1129 du 14 juin 2017 définit l’« offre au public de valeurs mobilières » par une communication adressée sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit à des personnes et présentant une information suffisante sur les conditions de l’offre et sur les titres à offrir de manière à mettre un investisseur en mesure de décider d’acheter ou souscrire ces valeurs mobilières.
Or, l’article L.411-1 du code monétaire et financier dispose qu’il est interdit aux personnes ou entités n’y ayant pas été autorisées par la loi de procéder à une offre au public, au sens du règlement (UE) n° 2017/1129 du 14 juin 2017, de titres financiers ou de parts sociales, à peine de nullité des contrats conclus ou des titres ou parts sociales émis. Il leur est également interdit, à peine des mêmes nullités, d’émettre des titres négociables.
L’article L.411-1 du code monétaire et financier précise que, par dérogation à cet article, l’offre de titres financiers ou de parts sociales qui s’adresse exclusivement à un cercle restreint d’investisseur et dont le nombre est inférieur à 150 personnes (fixé par décret) est autorisée.
En l’espèce, s’agissant dans un premier temps de savoir si l’encart publicitaire constitue une offre au public de valeur, la SAS GROUPE PROFESSION SANTE ne conteste pas le caractère non restreint mais fait valoir que la condition tenant au fait que l’information était suffisante pour que les investisseurs se décident à investir.
Sur ce point, il ressort de l’encart publicitaire litigieux qu’il propose aux destinataires d’investir dans des titres mobiliers en indiquant en grosse police le nom de la société dans laquelle ils doivent investir (« [Adresse 2] »). Plusieurs éléments permettent pour les potentiels intéressés d’avoir des informations sur l’investissement.
Tout d’abord, l’encart publicitaire mentionne la rentabilité qui est « assurée de 4,8 minimum ». Contrairement à ce que soutient la SAS GROUPE PROFESSION SANTE, cette information apparait suffisante, garantissant une rentabilité minimum pour les potentiels investisseurs.
En outre, d’autres éléments sont apportés par l’encart publicitaire, à savoir les intérêts fiscaux (« 75% d’exonération d’impôt sur succession », « pas de droit de mutation ») ou encore le nombre de places restant à pourvoir (« Plus que 10 places disponibles ») ainsi que les avantages d’un tel investissement (« un accès privilégié à l’espace évènementiel », « prime de nouveau GFV », « et bien d’autres valeurs »).
Enfin, il figure dans chacun des encarts publicitaires le numéro de téléphone et l’adresse mail à contacter dans le cas où des personnes seraient intéressées tandis que le dossier évoqué dans la publicité semble être un dossier de souscription.
Outre les caractéristiques précises des annonces publicitaires, il ressort de la lettre envoyée le 27 avril 2022 par le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] à la SAS GROUPE PROFESSION SANTE que le même encart publicitaire publié dans d’autres magasines a toujours entrainé des souscriptions d’investisseurs.
N° RG 23/02455 – N° Portalis DB2N-W-B7H-H4B7
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que ces encarts publicitaires sont de nature à mettre un investisseur en mesure de se décider à acheter des titres financiers. Ainsi, il apparait donc que l’encart publicitaire présente les caractéristiques d’une offre au public de valeur mobilière au sens de l’article 2 d) du règlement (UE) n° 2017/1129 du 14 juin 2017.
Il importe peu que le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] soit un professionnel de la publicité, connaissant à la fois les règles en vigueur ainsi que les risques liés à l’encart publicitaire qu’il a réalisé. En effet, la nullité pour cause de but illicite est une nullité d’ordre public et doit être ordonnée en tout état de cause.
En conséquence, les devis datant du 4 février et du 28 mars seront annulés compte tenu de leur but illicite tandis que la demande en paiement de la SAS GROUPE PROFESSION SANTE sera rejetée.
Sur les conséquences de la nullité des devis
Il résulte de l’article 1178 du code civil que le contrat annulé n’est censé n’avoir jamais existé et que les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 du même code.
A ce titre, l’article 1352 du code civil dispose que la restitution d’une chose autre que d’une somme d’argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible en valeur, estimée au jour de la restitution.
Plus précisément, l’article 1352-8 du code civil prévoit que « La restitution d’une prestation de service a lieu en valeur. Celle-ci est appréciée à la date à laquelle elle a été fournir ».
En l’espèce, les devis étant annulés, il y a lieu de se pencher sur le jeu des restitutions. La restitution de la chose est impossible puisqu’il s’agit d’une prestation de service consistant à la publication d’encart publicitaire ayant déjà eu lieu.
Le moyen soutenu par le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] selon lequel la publicité d’une opération juridiquement nulle ne peut avoir de valeur est inopérant notamment compte tenu du fait qu’il se trouve à l’origine de l’illicéité de ces publications lesquelles ont engendré un coût pour son co-contractant.
Par conséquent, il convient de réaliser une estimation en valeur, par équivalence en fonction de la prestation fournie.
A cet égard, la SAS GROUPE PROFESSION SANTE fait valoir, en cas de nullité, que la restitution doit correspondre à la valeur de la prestation en tenant compte de la valeur réelle de celle-ci, à savoir la somme facturée et non réglée par le défendeur : 13 190,40 euros (2 880 euros au titre de la première facture et 10 310,40 euros au titre de la seconde facture).
La nullité d’un contrat doit avoir pour effet de replacer les parties dans leur situation d’origine, antérieure au contrat. Ainsi, s’il y a lieu d’estimer en valeur la prestation fournie, cette estimation ne doit pas prendre en compte le bénéfice réalisé par la SAS GROUPE PROFESSION SANTE dans cette entreprise de publication de publicité. A cet égard, peu importe que la cette dernière ne soit pas à l’origine de l’encart publicitaire et que le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] ait demandé ces publications en connaissance de cause.
Or, outre le fait que le non paiement des factures a engendré des frais au journal, il convient de relever que la SAS GROUPE PROFESSION SANTE a publié les encarts publiciaires. Cette situation lui a donc engendré un coût, mais l’a également empêché de proposer une autre annonce à un autre co-contractant sur le même espace lequel aurait vraisemblablement réglé sa prestation.
Il s’ensuit que le montant de la prestation de 13 190,40 euros doit lui être restitué afin de la replacer dans la situation initiale.
Dès lors, le groupement foncier sera condamné au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jugement.
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Sur les frais du procès
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La SAS GROUPE PROFESSION SANTE, partie perdante, sera condamnée aux dépens de l’instance et il ne sera donc pas fait droit à sa demande de paiement des frais accessoires de 5,25 euros.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Il n’apparaît pas manifestement inéquitable, au regard des circonstances de l’espèce du litige, que le défendeur voit rejeter sa demande de paiement d’une indemnité au titre des frais irrépétibles.
Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
PRONONCE la nullité des devis en date du 4 février 2022 et du 28 mars 2022 émis par la SAS GROUPE PROFESSION SANTE et signé par le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] ;
CONDAMNE le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] à restituer en valeur à la SAS GROUPE PROFESSION SANTE la somme de 13 190,40 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jugement ;
DEBOUTE les parties de plus amples demandes ;
CONDAMNE la SAS GROUPE PROFESSION SANTE aux dépens de l’instance avec rejet de sa demande de paiement des frais accessoires de 5,25 euros ;
DEBOUTE le Groupement Foncier Viticole du [Adresse 4] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
La Greffière, La Présidente,
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