Tribunal judiciaire de Paris, 18 mai 2016
Tribunal judiciaire de Paris, 18 mai 2016

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Diffamation d’une société sur Facebook

Résumé

La diffamation sur Facebook est soumise aux mêmes règles que celles applicables dans d’autres contextes. Dans une affaire, un créateur a accusé une société de « copier » son produit, les allumettes parfumées, ce qui a été jugé diffamatoire. Selon la loi, une allégation qui porte atteinte à l’honneur d’une personne ou d’une société est considérée comme diffamation, même si elle est formulée de manière insinuante. De plus, la défense de bonne foi n’a pas été retenue, car l’auteur n’a pas démontré qu’il agissait sans animosité personnelle. Les propos, bien que publiés sur un compte privé, ont été jugés accessibles au public.

Conditions de la diffamation

La prudence des propos s’applique également sur Facebook avec ou sans accès au mur de l’abonné fautif. Après avoir collaboré avec une manufacture de cire, un créateur a mis en ligne sur sa page Facebook les propos suivants : « I created the perfumed matches !!! And now What ?! Cire Trudon is copying me  Assholes » (« J’ai créé les allumettes parfumées!!! Et maintenant quoi?! Cire Trudon me copie …!!! Connards »).

L’article 29, alinéa 1er, de la loi sur la liberté de la presse définit la diffamation comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé » ledit fait devant être suffisamment précis pour pouvoir faire, sans difficulté, l’objet du débat sur la preuve de sa vérité organisé par les articles 35, 55 et 56 de la loi;  ce délit, qui est caractérisé même si l’imputation est formulée sous une forme déguisée, dubitative ou par voie d’insinuations, se distingue ainsi de l’expression d’appréciations subjectives et de l’injure, que l’alinéa deux du même article 29 définit comme « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ».

Imputations de contrefaçon

En l’espèce, les propos incriminés imputent expressément à la société d’avoir « copié » le produit qu’il avait créé, soit les allumettes parfumées, en méconnaissances de son «droit », ainsi qu’il l’affirme à un de ses interlocuteurs qui l’interrogeait sur ce point et ainsi que cela résulte de l’affirmation selon laquelle «son avocat du droit des marques se fait un plaisir a les attaquer ».  Cette imputation est suffisamment précise et contraire à l’honneur et à la considération de la société. Le caractère diffamatoire des propos a donc été retenu.

Question de la bonne foi

L’auteur des propos diffamatoires peut s’exonérer de toute responsabilité en justifiant de sa bonne foi et notamment en établissant qu’il poursuivait, en rendant publics les propos incriminés, un but légitime exclusif de toute animosité personnelle, qu’il a conservé dans l’expression une suffisante prudence et qu’il s’est appuyé sur une enquête sérieuse ; ces critères s’apprécient différemment selon le genre de l’écrit en cause et la qualité de la personne qui s’y exprime, une plus grande rigueur étant de mise s’agissant d’un professionnel de l’information, tel un journaliste, en raison notamment de sa qualité et du crédit qui s’y attache, tandis qu’une plus grande liberté de ton est accordée à celui qui n’est pas professionnel de l’information et est personnellement impliqué dans les faits qu’il évoque.  En  l’occurrence, la bonne foi n’a pas été admise.

Facebook : diffamation publique ou privée ?

La personne condamnée a fait valoir sans succès que les propos incriminés ont été mis en ligne sur la partie privée de son compte Facebook qui n’est accessible qu’à ses « amis » agréés par lui et que ce n’est qu’au moyen d’un procédé déloyal que l’huissier a pu dresser son constat, en permettant qu’une stagiaire avocat se fasse agréer en cette qualité d’ « amie ».

Cependant, le défendeur ne connaissait en aucune façon la stagiaire qui a néanmoins pu être agréée et prendre connaissance des propos incriminés ; ainsi cet agrément pour accéder à la partie de ce compte où les propos incriminés ont été mis en ligne, apparaît comme purement formel, sans aucune restriction quant aux liens d’amitié ou d’intérêt pouvant exister entre le titulaire du compte Facebook et ceux qui sont autorisés à consulter la partie de ce compte contenant les propos litigieux. Le nombre important de ces personnes, plus de 3 000, et le caractère purement formel de l’agrément permettent de considérer que les propos incriminés ont été publiquement diffusés. Aucune déloyauté de l’huissier, qui s’est borné à procéder à un constat matériel des faits sans intervenir personnellement, n’était caractérisée. La diffamation envers particulier était donc bien publique.

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