→ RésuméL’accès aux services de Google, tels que YouTube et Ads, constitue une relation commerciale établie. La rupture de cette relation, sans préavis, peut être considérée comme abusive. Dans le cas de France-Soir, la suspension de son accès à YouTube a été précédée de trois avertissements sur une année, respectant ainsi le préavis. France-Soir a tenté de prouver que Google avait enfreint les règles de concurrence en désindexant ses contenus, mais la juridiction a statué que Google avait le droit de ne pas référencer un site si celui-ci ne respectait pas ses conditions. |
L’accès aux services de Google (Youtube, Ads ou autres à l’exclusion du déréférencement de son moteur de recherche) sur la durée est qualifiable de relation commerciale établie. En conséquence, la rupture abusive par l’une ou l’autre des parties, sans préavis, peut être qualifiée d’abusive.
Préavis respecté
Dans l’affaire soumise concernant l’exclusion du titre de presse France Soir par Youtube, un large préavis lui a été accordé puisqu’il a fait l’objet de trois avertissements en un an avant que la suspension ne devienne effective.
France-Soir a soutenu en vain que Google, en désindexant ses articles d’Actu, ses vidéos de Youtube et en supprimant son accès à Ad, s’était rendue coupable de pratiques restrictives de concurrence, pratiques prohibées par les alinéas 1 1o et 1 2o et Il de l’article L.442-1 du commerce.
Existence d’une relation contractuelle
Le Règlement UE Platform to Business 8 du 20 juin 2019, dans les deux premiers paragraphes de son considérant 26, édicte que « En l’absence de relation contractuelle entre les fournisseurs de moteurs de recherche en ligne et les utilisateurs de site d’entreprise, les critères de classement des sites internet devraient être facilement accessible sur le moteur de recherche; contrairement aux fournisseurs de services d’intermédiation en ligne, les fournisseurs de moteurs de recherche ne peuvent être tenus d’informer directement un site internet de son déclassement ou de son déréférencement car il n’existe aucune relation contractuelle entre les parties » ;
Cependant, l’Autorité de la Concurrence dans sa décision du 9 avril 2020, prise sur le fondement de l’article 15 de la directive du 17 avril 2019 sur les droits voisins, décision confirmée par la Cour appel de Paris le 7 octobre 2020, a défini les relations existantes entre Google et les éditeurs de site de presse comme caractéristique de ce que ces derniers « avaient consenti l’octroi d’une licence à titre gratuit » ;
D’ailleurs la loi du 24 juillet 2019, transposant en droit français la Directive précité sur les Droits Voisins, codifiée aux articles L.218- 1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, a édicté que « l’autorisation de l’éditeur de presse est requise avant toute reproduction d’une publication de presse sous une forme numérique par un service de communication au public en ligne » (article L.218-2) et l’article L.218-3 a prévu que « les droits peuvent être cédés ou faire l’objet d’une licence» ;
Il n’y a donc pas contradiction entre le Règlement P to B et l’interprétation de la Directive sur les droits voisins par l’Autorité de la Concurrence, conformée par la Cour d’appel de Paris ; que le considérant 26 du Règlement , qui n’est d’ailleurs que l’exposé des motifs de celui-ci, vise la généralité des référencements et classements de site internet et notamment tous les sites marchands alors que la Directive édicte une règle spéciale ne s’appliquant qu’à la seule catégorie très spécifique des éditeurs de presse, catégorie définie par la loi du 1er août 1986 ( portant réforme du régime juridique de la presse).
Pour cette catégorie très particulière de site internet, la Directive a créé un droit à leur bénéfice de pouvoir vendre l’utilisation de leurs articles aux fournisseurs de moteurs de recherche ; il s’ensuit nécessairement qu’une négociation doit s’engager pour aboutir à la publication ou non d’un article et qu’il importe peu que son résultat soit un prix nul (cas de la reproduction gratuite par Google) :
En effet un tel résultat est bien la concrétisation d’un accord sur la chose et le prix, définition même du rapport contractuel.
Pour autant, comme dans toute relation contractuelle, l’autre partie, en l’occurrence Google est parfaitement en droit de refuser de référencer un site, soit parce qu’il ne correspond pas à son objet et à sa politique commerciale, soit parce qu’il ne respecte pas ses règles, soit parce que le prix demandé ne lui convient pas.
Ainsi, comme dans toute relation contractuelle pour la cession de l’usage d’un produit marchand ou pour l’obtention d’un service, France-Soir était libre de refuser son référencement, si les conditions à satisfaire par ses articles pour être publiés ou le prix (en l’espèce nul), ne lui convenaient pas et Google était libre de ne pas référencer le site de cette dernière si l’objet, en l’espèce des articles, étaient non conforme à son image, ou si le prix, cas du refus de gratuité, ne lui convenait pas ;
Il en résulte que, en tout cas depuis l’entrée en vigueur le 24 octobre 2019 de la loi sur les Droits Voisins, il existe nécessairement entre les fournisseurs de moteurs de recherche et les éditeurs de presse, lorsque leurs articles ou vidéos sont référencés sur les moteurs de recherche, une relation contractuelle et ce même dans le cas où l’éditeur a consenti à ne pas demander une rémunération pour la reproduction de ses articles.
Rupture brutale de relation commerciale établie
L’article L.442-1-II du code de commerce édicte que «les dispositions du présent article ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations » ;
En l’espèce la seule obligation de France-Soir était de respecter les Règles de Google et cette dernière les avait, de manière grave et répétée, violées.
Au surplus, en ce qui concerne le service «Actu», le Règlement UE P to B prend acte de l’impossibilité du préavis pour les moteurs de recherche et édicte que « les moteurs de recherche en ligne ne peuvent être tenus d’informer directement une entité d’un déréférencement ».
La juridiction a donc débouté France-Soir Groupe et Shopper Union France de leurs demandes sur le fondement de l’articles L.442-1 du code de commerce.
Laisser un commentaire