Cour d’appel de Caen, 14 février 2019
Cour d’appel de Caen, 14 février 2019

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Caen

Thématique : Marque, dénomination sociale et nom de domaine

Résumé

L’utilisation du nom commercial « Soccer Indoor » par la société M-Y, en tant que nom de domaine, constitue un acte de concurrence déloyale. En effet, ce nom avait été antérieurement utilisé par la société Sportinland, exerçant dans le même secteur et la même zone géographique. Cette situation crée un risque de confusion pour le consommateur moyen. Les juges n’ont pas à se prononcer sur l’originalité du nom commercial, car cela n’est pas une condition pour établir la concurrence déloyale. Par conséquent, la cour confirme l’ordonnance du tribunal de commerce, condamnant M-Y à cesser l’utilisation de ce nom et à transférer le domaine.

L’utilisation d’un nom commercial (« Soccer indoor ») dans un nom de domaine qui porte atteinte à la fonction d’identification ou de publicité du nom commercial antérieurement utilisé par un concurrent exerçant dans un même secteur d’activité et sur une même zone géographique, constitue un acte de concurrence déloyale. Tel est le cas en l’espèce de l’utilisation comme nom de domaine par la société X du nom commercial ‘Soccer indoor’ utilisé antérieurement par la société Sportinland.

Par ailleurs, l’usage par la société du nom commercial utilisé antérieurement et depuis le début de son activité le 22 mai 2013 par la société Sportinland exerçant dans le même secteur d’activité et la même zone géographique crée un risque de confusion dans l’esprit d’un client d’attention moyenne et constitue un acte de concurrence déloyale.

En la matière, les juges n’ont pas à se prononcer sur le caractère original ou distinctif de l’enseigne et du nom commercial litigieux dès lors que celui-ci n’est pas une condition du succès de l’action en concurrence déloyale mais seulement un critère éventuel d’appréciation de la faute et du risque de confusion.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Cour d’appel de Caen

2ème chambre civile

14 février 2019

RG n° 18/02286

ORIGINE : DECISION en date du 11 Juillet 2018 du Président du TC de CAEN –

APPELANTE :

SASU M-Y

N° SIRET : 812 180 560

[…] l’avenir

[…]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Hélène LEFEBVRE, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

SAS SPORTINLAND

N° SIRET : 793 174 129

[…]

Zone d’activités commerciales de la Delle

[…]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de la SELARL THILL-LANGEARD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme BRIAND, Président de chambre, rédacteur,

Mme HEIJMEIJER, Conseiller,

Mme GOUARIN, Conseiller,

DÉBATS : A l’audience publique du 13 décembre 2018

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement le 14 février 2019 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour et signé par Mme BRIAND, président, et Mme LE GALL, greffier

EXPOSE DU LITIGE

Par acte d’huissier du 20 juin 2018, la société Sportinland qui exerce une activité de football en salle à Démouville sous l’enseigne ‘Soccer Indoor’, a fait assigner en référé la société M-Y devant le Président du tribunal de commerce de Caen, afin qu’elle soit condamnée, sous astreinte, à cesser d’utiliser l’expression ‘Soccer Indoor’ sur l’ensemble des éléments de communication à destination du public, le nom de domaine www.soccerindoor.fr et à lui transférer ce nom de domaine.

Par ordonnance de référé en date du 11 juillet 2018, le Président du tribunal de commerce de Caen a débouté la société M-Y de l’ensemble de ses demandes, l’a condamnée à cesser d’utiliser l’expression ‘Soccer Indoor’ sur l’ensemble des éléments de communication à destination du public, et notamment sur son panneau publicitaire extérieur apposé sur son entrepôt et visible de la voie publique, ainsi que sur les réseaux sociaux, à cesser d’utiliser le nom de domaine ‘www.soccerindoor.fr’ et à transférer celui-ci à la société Sportinland, a assorti ces condamnations d’astreintes de 50 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 20 jours partant de la signification de la décision, ladite astreinte courant pendant un délai de quatre mois à l’issue duquel elle sera liquidée, le cas échéant, par le juge de l’exécution, a condamné la société M-Y à payer à la société Sportinland la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens et a débouté la société Sportinland de ses autres demandes.

La société M-Y a relevé appel de cette décision par déclaration du 23 juillet 2018.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 13 novembre 2018 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens développés, la société M-Y demande à la cour, au visa des articles 873 du code de procédure civile,1240 du code civil,L.120-1 et suivants du code de la consommation et 700 du code de procédure civile, de :

Recevoir la société M-Y en son appel et faisant droit,

Infirmer dans son ensemble l’ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal de commerce de Caen le 11 juillet 2018 (RG 18/005366),

Déclarer la société M-Y fondée dans ses demandes,

Débouter la société Sportinland de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et en conséquence,

Dire et juger que le signe ‘Soccer Indoor’ est descriptif et non distinctif et ne peut légitimement constituer une antériorité opposable, devant rester à la libre disposition de tous,

En conséquence,

Condamner la société Sportinland à verser à la société M-Y une somme de 3 000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,

Condamner la société Sportinland à payer la somme de 8 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 10 septembre 2018 auxquelles il convient de se reporter, la société Sportinland a demandé à la cour de :

Confirmer la décision entreprise sur l’ensemble des mesures d’interdiction prononcées à l’encontre de la société M-Y,

En conséquence, vu les dispositions de l’article 873 du code de procédure civile,1240 du code civil, L.120-1 et suivants du code de la consommation,

Condamner la société M-Y à cesser d’utiliser l’expression ‘Soccer Indoor’ sur l’ensemble des éléments de communication à destination du public et notamment sur son panneau publicitaire extérieur apposé sur son entrepôt et visible de la voie publique, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de la présente décision à intervenir,

Condamner la société M-Y à cesser d’utiliser le nom de domaine ‘www.soccerindoor.fr’, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de la présente décision à intervenir,

Condamner la société M-Y à transférer le nom de domaine ‘www.soccerindoor.fr’, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de la présente décision à intervenir,

Condamner la société M-Y à transférer le nom de domaine ‘www.soccerindoor.fr’ à la société Sportinland, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de la présente décision à intervenir,

Condamner la société M-Y à cesser d’utiliser l’expression ‘Soccer Indoor’ sur les réseaux sociaux à son profit, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision,

Condamner la société M-Y à publier la décision à intervenir sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du prononcé de la présente décision à intervenir,

A titre reconventionnel, vu les préjudices subis par la société Sportinland,

Condamner la société M-Y à verser à titre provisionnel à la société Sportinland la somme de 15 000 € en réparation du préjudice subi du fait des agissements de concurrence déloyale qu’elle a commis à son encontre,la somme de 5 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 05 décembre 2018.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon son extrait Kbis la société Sportinland qui exploite une activité de football en salle à Démouville (14 840) sous l’enseigne ‘Soccer Indoor’, exerce l’activité de ‘foot en salle (soccer indoor)et autres dérivés jeux de balles’, depuis le 22 mai 2013 , sous le nom commercial ‘Soccer indoor’ et sous l’enseigne ‘Soccer indoor’.

Selon son extrait Kbis la SASU M-Y a pour activité ‘la pratique d’activités sportives en salle, exploitation d’un club house incluant une restauration rapide, vente de boissons’ qu’elle exerce depuis le 17 juillet 2015 à Carpiquet (14650) et a pour nom commercial et pour enseigne l’expression M-Y.

Les deux sociétés sont en situation de concurrence dans un même secteur d’activité et sur une même zone géographique dans la périphérie de Caen.

Il ressort du procès verbal établi le 14 mai 2018 par maître X, huissier de justice associée à

Caen, que la société M-Y utilisait le nom commercial ‘Soccer Indoor’ sur son bâtiment, sur le réseau social ‘Facebook’ et sur le référencement ‘Google’, et qu’elle utilisait également le nom de domaine ‘www.soccerindoor.fr’ qui dirige les demandes des clients directement sur son site Internet.

L’usage par la société M-Y du nom commercial utilisé antérieurement et depuis le début de son activité le 22 mai 2013 par la société Sportinland exerçant dans le même secteur d’activité et la même zone géographique crée un risque de confusion dans l’esprit d’un client d’attention moyenne et constitue un acte de concurrence déloyale de la part de la société M-Y.

Les éléments précédemment retenus suffisant à caractériser l’acte de concurrence déloyale la cour n’a pas à se prononcer sur le caractère original ou distinctif de l’enseigne et du nom commercial litigieux dès lors que celui-ci n’est pas une condition du succès de l’action en concurrence déloyale mais seulement un critère éventuel d’appréciation de la faute et du risque de confusion.

Les moyens développés sur ce point par la société M-Y sont dès lors inopérants.

De même l’utilisation d’un nom commercial dans un nom de domaine qui porte atteinte à la fonction d’identification ou de publicité du nom commercial antérieurement utilisé par un concurrent exerçant dans un même secteur d’activité et sur une même zone géographique, constitue un acte de concurrence déloyale.

Tel est le cas en l’espèce de l’utilisation comme nom de domaine par la société M-Y du nom commercial ‘Soccer indoor’ utilisé antérieurement par la société Sportinland.

Par conséquent l’ordonnance déférée doit être confirmée en ce qu’elle a condamné la société M-Y à cesser d’utiliser l’expression ‘Soccer Indoor’ sur l’ensemble des éléments de communication à destination du public, et notamment sur son panneau publicitaire extérieur apposé sur son entrepôt et visible de la voie publique, ainsi que sur les réseaux sociaux, à cesser d’utiliser le nom de domaine ‘www.soccerindoor.fr’ et à transférer celui-ci à la société Sportinland, a assorti ces condamnations d’astreintes de 50 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 20 jours partant de la signification de la décision, ladite astreinte courant pendant un délai de quatre mois à l’issue duquel elle sera liquidée, le cas échéant, par le juge de l’exécution.

Si le principe du préjudice généré par l’acte de concurrence déloyale n’est pas sérieusement contestable il incombe néanmoins à la partie qui en demande réparation, de produire à la juridiction saisie les éléments d’appréciation nécessaires à sa liquidation.

La société Sportinland ne produisant aucun de ces éléments, l’ordonnance déférée sera confirmée en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 15 000 €.

Ses dispositions déboutant la société Sportinland de sa demande de publication de la décision et la société M-Y de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que celles relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront également confirmées.

Partie perdante la société M-Y doit être déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamnée aux dépens de la procédure d’appel.

Il serait inéquitable de laisser la charge de ses frais irrépétibles à la société Sportinland à laquelle la société M-Y doit être condamnée à payer la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance rendue le juge des référés du tribunal de commerce de Caen le 11 juillet 2018 dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société M-Y aux dépens de la procédure d’appel,

Condamne la société M-Y à payer à la société Sportinland la somme de 5000 € au titre des frais irrépétibles,

Déboute la société M-Y de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon