CJUE, 8 septembre 2016
CJUE, 8 septembre 2016

Type de juridiction : Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)

Juridiction : CJUE

Thématique : Liens hypertextes vers des œuvres contrefaites

Résumé

La CJUE a reconnu que le placement d’hyperliens vers des œuvres protégées, publiées sans autorisation, ne constitue pas une « communication au public » si l’auteur du lien agit de bonne foi, sans but lucratif et sans connaissance de l’illégalité. En revanche, si l’hyperlien est placé dans un but lucratif, la connaissance de l’illégalité est présumée. Ainsi, la bonne foi est déterminante : un individu ignorant de la contrefaçon ne commet pas d’infraction, tandis que celui qui sait ou doit savoir qu’il renvoie vers une œuvre illégale engage sa responsabilité. La Cour souligne l’importance de l’équilibre entre droits d’auteur et liberté d’expression.

Bonne foi et contrefaçon

La bonne foi en matière de contrefaçon par liens hypertextes semble bien avoir été reconnue par la CJUE. En effet, dans son arrêt du 8 septembre 2016 (affaire C-160/15 GS Media BV / Playboy Enterprises International Inc), les juges européens ont retenu que le placement d’un hyperlien sur un site Internet vers des œuvres protégées par le droit d’auteur et publiées sans l’autorisation de l’auteur sur un autre site Internet ne constitue pas une « communication au public » lorsque la personne qui place ce lien agit sans but lucratif et sans connaître l’illégalité de la publication de ces œuvres. En revanche, si ces hyperliens sont fournis dans un but lucratif, la connaissance du caractère illégal de la publication sur l’autre site Internet, doit être présumée.

Affaire Playboy : volonté délibérée ou bonne foi ?

En 2011, un site de presse populaire a publié un article et un hyperlien renvoyant les lecteurs vers un site australien où des photos (exclusives) d’un modèle de la revue Playboy (Britt Dekker, également présentatrice TV aux Pays Bas). Malgré les sommations de l’éditeur de Playboy le site a refusé de supprimer l’hyperlien en question.

Au-delà d’une protection juridique stricte de la propriété intellectuelle, la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l’harmonisation du droit d’auteur vise aussi à maintenir un juste équilibre entre, d’une part, l’intérêt des titulaires des droits d’auteur et, d’autre part, la protection des intérêts et des droits fondamentaux des utilisateurs d’objets protégés (en particulier leur liberté d’expression et d’information) ainsi que de l’intérêt général.

La  « communication au public » d’une œuvre protégée n’implique pas ipso facto la contrefaçon, cette dernière suppose une appréciation qui doit tenir compte de plusieurs critères et en premier lieu, le caractère délibéré de l’intervention (celle de celui qui publie le lien hypertexte pointant vers une contrefaçon). Ainsi, l’utilisateur réalise un acte de communication lorsqu’il intervient, en pleine connaissance des conséquences de son comportement, pour donner à ses clients accès à une œuvre protégée.

En deuxième lieu, la notion de « public » vise un nombre indéterminé de destinataires potentiels et implique, par ailleurs, un nombre de personnes assez important.

En troisième lieu, le caractère lucratif d’une communication au public est pertinent et à prendre en compte. La Cour a souligné qu’Internet revêt une importance particulière pour la liberté d’expression et d’information et que les hyperliens contribuent à son bon fonctionnement ainsi qu’à l’échange d’opinions et d’informations. En outre, elle admet qu’il peut s’avérer difficile, notamment pour des particuliers qui souhaitent placer de tels liens, de vérifier s’il s’agit d’œuvres protégées et, le cas échéant, si les titulaires des droits d’auteur de ces œuvres ont autorisé leur publication sur Internet.

Eu égard à ces circonstances, la Cour juge a donc jugé que, aux fins de l’appréciation individualisée de l’existence d’une « communication au public », il convient, lorsque le placement d’un hyperlien vers une œuvre librement disponible sur un autre site Internet est effectué par une personne qui, ce faisant, ne poursuit pas un but lucratif, de tenir compte de la circonstance que cette personne ne sait pas et ne peut pas raisonnablement savoir que cette œuvre avait été publiée sur Internet sans l’autorisation du titulaire des droits d’auteur.  En effet, une telle personne n’intervient pas, en règle générale, en pleine connaissance des conséquences de son comportement pour donner à des clients un accès à une œuvre illégalement publiée sur Internet.

Mauvaise foi et connaissance de la contrefaçon

En revanche, lorsqu’il est établi qu’une telle personne savait ou devait savoir que l’hyperlien qu’elle a placé donne accès à une œuvre illégalement publiée, par exemple en raison du fait qu’elle en a été avertie par les titulaires du droit d’auteur, la fourniture de ce lien constitue une « communication au public ». Il en est de même si ce lien permet aux utilisateurs de contourner des mesures de restriction prises par le site où se trouve l’œuvre protégée afin d’en restreindre l’accès par le public à ses seuls abonnés.

Par ailleurs, lorsque le placement d’hyperliens est effectué dans un but lucratif (la recherche principale d’un bénéfice), il peut être attendu de l’auteur d’un tel placement qu’il réalise les vérifications nécessaires pour s’assurer que l’œuvre concernée n’est pas illégalement publiée. En cas de placement de lien payant, il y aura lieu de présumer que ce placement est intervenu en pleine connaissance de la nature protégée de l’œuvre et de l’absence éventuelle d’autorisation de publication sur Internet par le titulaire du droit d’auteur. Cette présomption reste toutefois simple et pourra être renversée.

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