Airbnb : saisine de la CJUE

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Airbnb : saisine de la CJUE

L’Essentiel : La saisine de la CJUE par la Cour de cassation soulève des questions déterminantes sur la légalité des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation. Ces dispositions, jugées non conformes à la directive 2006/123/CE, pourraient constituer une atteinte à la libre prestation de services. La directive s’applique aux services de logements saisonniers, et la location meublée, même non professionnelle, est incluse. Si la réglementation française est qualifiée de régime d’autorisation, elle doit respecter des conditions strictes, notamment l’absence de discrimination et la justification par un intérêt général impérieux.

Atteinte disproportionnée à la libre prestation de services ?

Les attaques judiciaires multipliées contre les propriétaires de meublés mis en location saisonnière semblaient avoir mis à mal et le droit de propriété et la libre prestation de services. Plusieurs condamnés à des peines d’amendes et à une injonction de retour de leur local à l’usage d’habitation, ont obtenu des juges suprêmes, la saisine de la CJUE. Par plusieurs décisions, la Cour de cassation vient de soumettre à la CJUE, la question préjudicielle de savoir si l’objectif poursuivi par le législateur, tenant notamment à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location, constitue une raison impérieuse d’intérêt général au sens de la jurisprudence européenne, notamment en ce qu’elle pourrait constituer un objectif de politique sociale reconnu comme telle par celle-ci.

Légalité des articles L. 631-7 et L. 651-2 et s. du code de la construction et de l’habitation

Le moyen tiré de la violation du principe de primauté du droit de l’Union européenne en raison de la non-conformité des dispositions des articles L. 631-7, alinéa 6, et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation à la directive 2006/123/CE, lequel ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit a été jugé parfaitement recevable.

Périmètre de la Directive services

La Directive 2006/123/UCE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur est pleinement applicable aux services de logements saisonniers meublés. Celle-ci s’applique à tous les services fournis par les prestataires ayant leur établissement dans un Etat membre. La notion de « service » est définie  comme toute activité économique non salariée, exercée normalement contre rémunération par un prestataire.  Si la directive prévoit un certain nombre de matières et d’activités exclues de son champ d’application, l’activité de location meublée de courte durée ne figure pas parmi les matières et activités exclues.

Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence de la CJUE (arrêt du 30 janvier 2018, C-630/15 et C-631/16) que la liberté d’établissement des prestataires, s’appliquent à une situation dont tous les éléments pertinents se cantonnent à l’intérieur d’un seul Etat membre. Il en résulte que l’absence d’élément d’extranéité ne fait pas obstacle à l’applicabilité de la directive.

Le contrat de bail se caractérise par la mise à disposition à titre onéreux d’un bien.  Dès lors, la question se pose en premier lieu de savoir si la location, même à titre non professionnel, de manière répétée et pour de courtes durées, d’un local meublé à usage d’habitation ne constituant pas la résidence principale du loueur, à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, en contrepartie du paiement d’un prix, constitue un service fourni par un prestataire ayant son établissement dans un Etat membre.

Dans l’affirmative, la question se pose alors de savoir si une réglementation nationale telle que celle prévue par l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, laquelle s’ajoute au régime déclaratif prévu par l’article L. 324-1-1 du code du tourisme pour la location de meublés de tourisme, constitue, en ce qu’elle subordonne à autorisation le changement d’usage du local proposé à la location dans certaines zones géographiques, un régime d’autorisation de l’activité ou seulement une exigence (régime distinct).

Conséquences de la qualification de régime d’autorisation

Si la réglementation française est constitutive d’un régime d’autorisation au sens de la directive, la France ne peut subordonner l’accès à une activité de service et son exercice à un régime d’autorisation que si les conditions suivantes sont réunies : i) le régime d’autorisation n’est pas discriminatoire à l’égard du prestataire visé ; ii) la nécessité d’un régime d’autorisation est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général ; iii) l’objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle.

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Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les implications des attaques judiciaires contre les propriétaires de meublés de location saisonnière ?

Les attaques judiciaires contre les propriétaires de meublés de location saisonnière ont soulevé des questions importantes concernant le droit de propriété et la libre prestation de services. Ces actions ont conduit à des condamnations, incluant des amendes et des injonctions de retour des locaux à un usage d’habitation.

Ces décisions ont été contestées devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui a été saisie par la Cour de cassation. La question centrale est de savoir si les objectifs du législateur, notamment la lutte contre la pénurie de logements, peuvent être considérés comme une raison impérieuse d’intérêt général selon la jurisprudence européenne.

Quelle est la légalité des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ?

Les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ont été contestés pour leur conformité avec le droit de l’Union européenne. Le moyen de contestation repose sur le principe de primauté du droit de l’Union, affirmant que ces articles ne respectent pas la directive 2006/123/CE.

La Cour a jugé que cette contestation était recevable, car elle repose sur des considérations de droit pur, sans dépendre des faits établis par les juges du fond. Cela souligne l’importance de la conformité des législations nationales avec les directives européennes.

Comment la Directive 2006/123/CE s’applique-t-elle aux services de logements saisonniers ?

La Directive 2006/123/CE, adoptée le 12 décembre 2006, s’applique pleinement aux services de logements saisonniers meublés. Elle couvre tous les services fournis par des prestataires établis dans un État membre de l’Union européenne.

La directive définit un « service » comme toute activité économique non salariée, exercée normalement contre rémunération. Il est important de noter que la location meublée de courte durée n’est pas exclue de son champ d’application, ce qui renforce la protection des droits des prestataires dans ce secteur.

Quelles sont les implications de la qualification d’un régime d’autorisation pour la location meublée ?

Si la réglementation française est considérée comme un régime d’autorisation au sens de la directive, cela impose certaines conditions à la France. En effet, l’accès à une activité de service ne peut être subordonné à un régime d’autorisation que si plusieurs critères sont respectés.

Ces critères incluent l’absence de discrimination à l’égard des prestataires, la justification de la nécessité d’un régime d’autorisation par une raison impérieuse d’intérêt général, et la démonstration que l’objectif poursuivi ne peut être atteint par des mesures moins contraignantes.

Cela signifie que la réglementation doit être soigneusement conçue pour respecter les droits des prestataires tout en répondant aux besoins de la société.


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