L’Essentiel : La cour d’appel a ordonné à Twitter International de fournir, dans un délai de deux mois, des documents relatifs aux moyens mis en œuvre pour lutter contre la diffusion de contenus illicites, notamment l’apologie des crimes contre l’humanité et l’incitation à la haine raciale. Les informations communiquées par Twitter ont été jugées insuffisantes, ne répondant pas aux exigences de l’arrêt. La société n’a pas fourni de données précises sur le nombre de signalements ou les moyens humains engagés, ce qui a conduit à la radiation de son pourvoi. La décision souligne l’importance de la transparence dans la lutte contre les contenus haineux en ligne.
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Twitter International condamnéeLa cour d’appel a ordonné, par arrêt confirmatif, à la société Twitter International Unlimited Company de communiquer aux demanderesses et aux intervenants volontaires dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, sur la période écoulée entre la date de délivrance de l’assignation soit le 18 mai 2020 et celle du prononcé de la présente ordonnance : – tout document administratif, contractuel, technique, ou commercial relatif aux moyens matériels et humains mis en oeuvre dans le cadre du service Twitter pour lutter contre la diffusion des infractions d’apologie de crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle, l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine, – le nombre, la localisation, la nationalité, la langue des personnes affectées au traitement des signalements provenant des utilisateurs de la plate-forme française de ses services de communication au public en ligne, – le nombre de signalements provenant des utilisateurs de la plate-forme Française de ses services, en matière d’apologie des crimes contre l’humanité et d’incitation à la haine raciale, les critères et le nombre des retraits subséquents, – le nombre d’informations transmises aux autorités publiques compétentes, en particulier au Parquet, en application de l’article 6-1.7 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) au titre de l’apologie des crimes contre l’humanité et de l’incitation à la haine raciale.
Obligation d’exécution confirméeLa société Twitter international Unlimited Company ne saurait s’exonérer de son obligation d’exécution de l’arrêt au seul motif que le pourvoi porterait notamment sur la détermination du périmètre de l’obligation de communication et que l’exécution de la condamnation aurait pour conséquence de vider le pourvoi de sens, dès lors que, s’agissant des informations communiquées entrant sans contestation dans le périmètre de l’obligation légale, il peut être constaté leur insuffisance au regard des exigences de l’arrêt.
En effet, la lettre du conseil de la société Twitter International Unlimited Company ne peut être considérée satisfaisante, au regard de l’exigence de production, aux termes de l’arrêt, de documents administratif, contractuel, technique, ou commercial internes à l’entreprise, relatifs aux moyens matériels et humains mis en oeuvre dans le cadre du service Twitter pour lutter contre la diffusion des infractions d’apologie de crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle, l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine.
Par ailleurs, le document fourni sous la forme de support de présentation sans indication de son ou de ses destinataires ne peut répondre aux exigences définies dans l’arrêt, en ce qu’il contient des informations générales, imprécises, parcellaires et insuffisantes ainsi que des données chiffrées dont on ne sait si elles concernent le monde entier ou seulement la France, en tout cas non corroborées par des documents internes concernant la plateforme française sur la période concernée du 18 mai 2020 au 9 juillet 2021.
Insuffisance des informations communiquées par Twitter
Cette insuffisance peut être constatée : – s’agissant des signalements, faute de chiffres sur leur nombre en provenance des utilisateurs de la plate-forme française et sur celui des retraits subséquents, – s’agissant de la justification des moyens matériels et humains consacrés à la lutte contre la haine en ligne pendant la période visée sur la plateforme française (le nombre, la localisation, la nationalité, la langue des personnes affectées dans les services de communication au public en ligne au traitement des signalements provenant des utilisateurs de la plate-forme française) – s’agissant des informations données sur les contenus haineux de manière générale, alors que l’arrêt exige la communication de données relatives aux seuls domaines de l’apologie des crimes contre l’humanité et de l’incitation à la haine raciale, s’agissant du nombre de signalements, les critères et le nombre de retraits subséquents – dès lors que, s’agissant de l’obligation de fournir le nombre de signalement provenant des utilisateurs de la plate-forme française de ses services, en matière d’apologie des crimes contre l’humanité et d’incitation à la haine raciale, la société qui prétend ne pas détenir ces informations, fournit pourtant des pourcentages qui ont été nécessairement obtenus sur la base du recensement des signalements qu’il lui serait possible de donner. En conséquence de l’insuffisance des informations communiquées au regard des exigences de l’arrêt pour la part non contestée par la société au regard de son obligation légale de rendre publics les moyens qu’elle consacre à la lutte contre les activités illicites, il ne peut être valablement allégué par la société Twitter International Unlimited Company une atteinte à son droit d’accès au juge.
* * * Cour de cassation, Première présidence (Ordonnance), 23 mars 2023, 22-13.600 COUR DE CASSATION Pourvoi n° : N 22-13.600 ORDONNANCE ENTRE : l’association Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, ayant la SCP Spinosi pour avocat à la Cour de cassation, l’union des étudiants juifs de France, ayant la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia pour avocat à la Cour de cassation, l’association SOS racisme, ayant la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia pour avocat à la Cour de cassation, l’association J’Accuse !… Action internationale pour la justice, ayant la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia pour avocat à la Cour de cassation, l’association La ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, ayant Me Laurent Goldman pour avocat à la Cour de cassation, ET : la société Twitter International Unlimited Company, ayant la SCP Célice, Texidor, Périer pour avocat à la Cour de cassation, Jean Rovinski, conseiller délégué par le premier président de la Cour de cassation, assisté de Océane Gratian, greffier lors des débats du 2 mars 2023, a rendu l’ordonnance suivante : Vu les requêtes des 21 mai 2022, 4 août 2022 et 24 novembre 2022 par lesquelles l’association Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, l’union des étudiants juifs de France,l’association SOS racisme, l’association J’Accuse !… Action internationale pour la justice et l’association La ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme demandent, par application de l’article 1009-1 du code de procédure civile, la radiation du pourvoi numéro N 22-13.600 formé le 18 mars 2022 par la société Twitter International Unlimited Company à l’encontre de l’arrêt rendu le 20 janvier 2022 par la cour d’appel de Paris ; Vu les observations présentées oralement par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia ; Vu les observations présentées oralement par la SCP Célice, Texidor, Périer ; Vu l’avis de Renaud Salomon, avocat général, recueilli lors des débats ; En raison de leur connexité les trois requêtes seront jointes ; La ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme sollicite la radiation de l’affaire initiée par le pourvoi de la société Twitter International Unlimited Company à l’encontre de l’arrêt du 20 janvier 2022 de la cour d’appel de Paris, en raison de sa non-exécution. L’Union des étudiants juifs de France, J’accuse !…Action internationale pour la justice et SOS Racisme-Touche pas à mon pote ont présenté requête connexe aux mêmes fins. Le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) sollicite également la radiation de l’affaire. La ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme fait valoir essentiellement que la cour d’appel de Paris a ordonné à la société Twitter International Unlimited Company (la société) de lui communiquer, notamment, dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement, sur la période écoulée entre la date de délivrance de l’assignation soit le 18 mai 2020 et celle du prononcé de ce jugement : Elle précise que les justificatifs fournis par la société pour justifier de l’exécution de l’arrêt ne sont pas satisfaisants, s’agissant d’une lettre de son conseil et non de documents internes à l’entreprise, contenant des informations insuffisantes et d’un document interne esseulé, constitutif d’un support de présentation non informé sur ses destinataires donnant des informations générales, sans que l’on sache si les données chiffrées qui y figurent concernent le monde entier ou seulement la France. Elle ajoute que les indications figurant dans la lettre d’avocat ne constituent même pas un début d’exécution, s’agissant d’affirmations générales, imprécises et invérifiables faute de documents internes à l’appui (s’agissant notamment des signalements, faute de chiffres sur leur nombre en provenance des utilisateurs de la plate-forme française et sur celui des retraits subséquents) ; que les informations données concernent, sans autre forme de précision, les contenus haineux, alors que l’arrêt exige la communication de données aux seuls domaines de l’apologie des crimes contre l’humanité et de l’incitation à la haine raciale ; qu’aucune référence à la LCEN ou à des transmissions au Parquet n’est faite dans les éléments communiqués, contrairement à ce qui était demandé. L’Union des étudiants juifs de France, l’assocaition J’accuse !…Action internationale pour la justice et l’association SOS Racisme-Touche pas à mon pote font valoir essentiellement : La société Twitter International Unlimited Company rétorque qu’elle a pleinement exécuté l’arrêt attaqué en sorte que la requête en radiation ne saurait prospérer, expliquant : SUR CELa cour d’appel a ordonné, par arrêt confirmatif, à la société Twitter International Unlimited Company de communiquer aux demanderesses et aux intervenants volontaires dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, sur la période écoulée entre la date de délivrance de l’assignation soit le 18 mai 2020 et celle du prononcé de la présente ordonnance : La société Twitter international Unlimited Company ne saurait s’exonérer de son obligation d’exécution de l’arrêt au seul motif que le pourvoi porterait notamment sur la détermination du périmètre de l’obligation de communication et que l’exécution de la condamnation aurait pour conséquence de vider le pourvoi de sens, dès lors que, s’agissant des informations communiquées entrant sans contestation dans le périmètre de l’obligation légale, il peut être constaté leur insuffisance au regard des exigences de l’arrêt. En effet, la lettre du conseil de la société Twitter International Unlimited Company ne peut être considérée satisfaisante, au regard de l’exigence de production, aux termes de l’arrêt, de documents administratif, contractuel, technique, ou commercial internes à l’entreprise, relatifs aux moyens matériels et humains mis en oeuvre dans le cadre du service Twitter pour lutter contre la diffusion des infractions d’apologie de crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle, l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine. Par ailleurs, le document fourni sous la forme de support de présentation sans indication de son ou de ses destinataires ne peut répondre aux exigences définies dans l’arrêt, en ce qu’il contient des informations générales, imprécises, parcellaires et insuffisantes ainsi que des données chiffrées dont on ne sait si elles concernent le monde entier ou seulement la France, en tout cas non corroborées par des documents internes concernant la plateforme française sur la période concernée du 18 mai 2020 au 9 juillet 2021. Cette insuffisance peut être constatée : En conséquence de l’insuffisance des informations communiquées au regard des exigences de l’arrêt pour la part non contestée par la société au regard de son obligation légale de rendre publics les moyens qu’elle consacre à la lutte contre les activités illicites, il ne peut être valablement allégué par la société Twitter International Unlimited Company une atteinte à son droit d’accès au juge. Dès lors, la requête doit être accueillie. EN CONSÉQUENCE : Les requêtes 607/22, 914/22 et 1399/22 tendant à la radiation du pourvoi n° N 22-13.600 au rôle de la Cour sont jointes sous le numéro 607/22. L’affaire enrôlée sous le numéro N 22-13.600 est radiée. En application de l’article 1009-3 du code de procédure civile, sauf constat de la péremption, l’affaire pourra être réinscrite au rôle de la Cour de cassation sur justification de l’exécution de la décision attaquée. Fait à Paris, le 23 mars 2023 Le greffier, [N] [D] |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle décision a été prise par la cour d’appel concernant Twitter International ?La cour d’appel a ordonné à la société Twitter International Unlimited Company de communiquer divers documents aux demanderesses et aux intervenants volontaires dans un délai de deux mois. Cette décision concerne la période allant du 18 mai 2020 au prononcé de l’ordonnance. Les documents requis incluent des éléments administratifs, contractuels, techniques ou commerciaux relatifs aux moyens matériels et humains déployés par Twitter pour lutter contre la diffusion d’infractions telles que l’apologie des crimes contre l’humanité et l’incitation à la haine raciale. De plus, Twitter doit fournir des informations sur le nombre de signalements reçus, la localisation et la nationalité des personnes traitant ces signalements, ainsi que le nombre d’informations transmises aux autorités publiques, notamment au Parquet, en vertu de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). Quelles sont les insuffisances relevées dans les informations communiquées par Twitter ?Les insuffisances des informations fournies par Twitter sont multiples. Tout d’abord, il a été constaté un manque de chiffres concernant le nombre de signalements provenant des utilisateurs de la plateforme française, ainsi que sur le nombre de retraits subséquents. Ensuite, la justification des moyens matériels et humains consacrés à la lutte contre la haine en ligne pendant la période concernée est jugée insuffisante. Twitter n’a pas fourni de détails sur le nombre, la localisation, la nationalité et la langue des personnes affectées au traitement des signalements. De plus, les informations fournies sur les contenus haineux sont jugées trop générales et ne répondent pas aux exigences spécifiques de l’arrêt, qui demandait des données précises sur l’apologie des crimes contre l’humanité et l’incitation à la haine raciale. Comment Twitter a-t-il justifié son obligation de communication des informations ?Twitter a tenté de justifier son obligation de communication en affirmant avoir fourni tous les documents pertinents relatifs aux moyens mis en œuvre pour lutter contre la diffusion de contenus haineux. La société a mentionné avoir communiqué un document intitulé « Modération en ligne », qui détaille la formation des modérateurs. Elle a également précisé que sur les 2 200 employés et contractuels dédiés à la modération, une équipe était spécifiquement affectée aux signalements de contenus haineux en France, et que ses membres parlaient couramment français. Cependant, Twitter a soutenu qu’il n’existait aucune obligation légale de conserver ou de communiquer certaines informations, notamment celles relatives aux signalements adressés aux autorités publiques, ce qui a été contesté par les demanderesses. Quelles conséquences a eu cette décision sur le pourvoi de Twitter ?La décision de la cour d’appel a conduit à la radiation du pourvoi de Twitter, car la société n’a pas réussi à démontrer qu’elle avait pleinement exécuté l’arrêt. La cour a jugé que les informations fournies étaient insuffisantes et ne répondaient pas aux exigences légales. En conséquence, les requêtes des associations demandant la radiation du pourvoi ont été accueillies. La cour a également précisé que l’affaire pourrait être réinscrite au rôle de la Cour de cassation sur justification de l’exécution de la décision attaquée, ce qui signifie que Twitter pourrait avoir une seconde chance de se conformer aux exigences de communication. |
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