L’Essentiel : La destruction par un salarié de documents sensibles, le téléchargement d’un logiciel de piratage et l’accès non autorisé à la messagerie de sa supérieure hiérarchique constituent une faute grave. Ces actes, accompagnés de comportements inappropriés, rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La cour d’appel a erronément qualifié le licenciement de cause réelle et sérieuse, alors que les faits établis démontrent une intention de nuire à l’employeur. En ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations, elle a violé les dispositions du code du travail relatives à la qualification de la faute.
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La destruction par le salarié de documents particulièrement sensibles concernant un projet de partenariat, le téléchargement d’un logiciel de violation de mots de passe de messagerie, la copie sur son propre poste des messages et pièces jointes, y compris à caractère privé, se trouvant dans la messagerie de sa supérieure hiérarchique et leur dépôt dans un dossier électronique intitulé « baise la pute », constituent une faute grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise.C’est à tort que la cour d’appel a retenu le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse. Constitue une faute grave celle qui rend impossible la poursuite du contrat de travail. SOC. LG COUR DE CASSATION Audience publique du 13 avril 2022 Cassation partielle Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen Arrêt n° 479 F-D Pourvois n° R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2022 I. M. [D] [G], domicilié [Adresse 2], II. La société Crédit Mutuel Arkea, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], ont formé respectivement les pourvois n° N 20-14.926 et K 20-16.028 contre l’arrêt rendu le 5 février 2020 par la cour d’appel de Rennes (7e chambre prud’homale), dans le litige les opposant. Le demandeur au pourvoi n° N 20-14.926 invoque, à l’appui de son recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt. La demanderesse au pourvoi n° K 20-16.028 invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [G], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Crédit Mutuel Arkea, après débats en l’audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, M. Ricour, conseiller, M. Desplan, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° N 20-14.926 et K 20-16.028 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 5 février 2020), M. [G] a été engagé le 1er novembre 2011 par la société Crédit Mutuel Arkea en qualité de responsable études conseil au sein du département gestion des participations. 3. Mis à pied à titre conservatoire, il a été licencié pour faute lourde le 3 juillet 2015. Examen des moyens Sur les quatre moyens du pourvoi n° N 20-14.926 et le premier moyen du pourvoi n° K 20-16.028, ci-après annexés 4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le second moyen du pourvoi de l’employeur n° K 20-16.028, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 5. L’employeur fait grief à l’arrêt de dire que le licenciement pour motif disciplinaire, s’il est exclusif d’une faute lourde, repose sur une cause réelle et sérieuse et de le condamner en conséquence à payer au salarié des sommes au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement, de l’indemnité compensatrice conventionnelle de préavis et de l’incidence congés payés, alors « que constitue une faute grave celle qui rend impossible la poursuite du contrat de travail ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que M. [G] avait ‘‘détruit ou cherché à détruire des données appartenant à son employeur » et ‘‘téléchargé un ensemble de documents particulièrement sensibles concernant un projet de partenariat dénommé Projet Windsor », qu’il avait par ailleurs ‘‘téléchargé sur son poste de travail un logiciel de violation de mots de passe de messagerie pratique formellement interdite par le règlement intérieur de l’entreprise » et que ‘‘Au moyen de ce logiciel de piratage, [D] [G] a pu se connecter à la boîte de messagerie de sa responsable hiérarchique, [P] [W], accédant à l’ensemble de sa correspondance y compris personnelle » ; que la cour d’appel a encore constaté que le salarié avait ‘‘procédé à la copie sur son propre poste de travail de messages et de pièces jointes se trouvant dans la messagerie de [P] [W]. Il a déposé l’ensemble de ces éléments, appartenant à sa responsable hiérarchique, dans un dossier électronique, conservé sur son poste de travail et portant un intitulé à caractère pornographique : Baise la pute », étant précisé que parallèlement il avait adressé à sa supérieure hiérarchique ‘‘une série de mails particulièrement déplacés et allusifs », cette dernière faisant état d’un »malaise ressenti [qui] s’est transformé en angoisse » dans ses rapports avec M. [G] ; qu’il s’évinçait de ses constatations que le salarié avait adopté un comportement gravement fautif rendant impossible la poursuite de son contrat de travail, en collectant des données auxquelles il ne devait pas avoir accès et en détruisant d’autres fichiers, et plus encore en constituant un dossier concernant sa supérieure hiérarchique en portant atteinte à sa vie privée, et en adoptant à son encontre un comportement angoissant empreint de sexisme ; qu’en jugeant cependant que le licenciement était fondé sur une simple cause réelle et sérieuse, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail dans leur version applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, le dernier pris dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 : 6. Il résulte de ces textes que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. 7. Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de diverses sommes à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement et d’indemnité compensatrice de préavis, l’arrêt retient que les deux types de griefs reprochés au salarié et matériellement établis constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif disciplinaire. 8. En statuant ainsi, alors qu’elle avait retenu qu’étaient établis la destruction par le salarié de documents particulièrement sensibles concernant un projet de partenariat, le téléchargement d’un logiciel de violation de mots de passe de messagerie, la copie sur son propre poste des messages et pièces jointes, y compris à caractère privé, se trouvant dans la messagerie de sa supérieure hiérarchique et leur dépôt dans un dossier électronique intitulé « baise la pute », ce dont il résultait que le salarié avait commis une faute grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre grief, la Cour : REJETTE le pourvoi n° N 20-14.926 ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, condamne la société Crédit Mutuel Arkea à payer à M. [G] les sommes de 14 381 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, 15 690 euros à titre d’indemnité compensatrice conventionnelle de préavis, 1 659 euros à titre d’incidence congés payés avec intérêts au taux légal partant de la réception par l’employeur de sa convocation en bureau de conciliation, ordonne à la société Crédit Mutuel Arkea de délivrer à M. [G] tous documents sociaux de fin de contrat conformes à l’arrêt, et condamne la société Crédit Mutuel Arkea aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 5 février 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ; Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Angers ; Condamne M. [G] aux dépens ; En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [G], demandeur au pourvoi n° N 20-14.926 PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral. AUX MOTIFS propres QUE M. [D] [G] verse aux débats : – plusieurs échanges de courriels en interne sur la période janvier 2013/janvier 2014 –ses pièces 24, 36, 37, 39 à 43, 46, 48, 49, 50– dont certains avec Mme [W], sa supérieure hiérarchique, et à l’examen desquels il n’apparaît spécialement de la part de cette dernière aucun comportement déviant dans l’exercice légitime de son pouvoir de direction ; – ses entretiens annuels d’évaluation –ses pièces 2, 3, 4 et 6–, entretiens menés et renseignés par Mme [W], lesquels s’inscrivent dans le cadre d’un suivi régulier de son activité, sachant qu’il n’y a rien d’anormal dans le fait que l’on ait pu lui adresser certaines remarques d’ordre purement professionnel, précisément en 2013 (« [D] fait preuve d’un savoir-faire correspondant largement à celui pour lequel il a été recruté… il s’implique beaucoup, mais parfois sans tenir suffisamment compte de la culture Interne de notre groupe, ce qui a pu provoquer des incompréhensions, voire une perte de confiance. Son comportement récent a été beaucoup plus adapté que par le passé… », page 4 de la pièce 3 précitée), et 2015 (« En termes techniques, [D] satisfait pleinement aux attentes. Je fais pleinement confiance à ses capacités techniques et à la qualité de son travail lorsqu’il prend en charge un dossier. Son comportement ne m’a pourtant pas permise d’être en confiance quant au bon fonctionnement du département. Il a donné lieu à un avertissement en janvier dernier », page 4 de la pièce précitée 6) ; que c’est donc de manière totalement infondée, pour ne pas correspondre à la réalité même du présent litige tel que soumis à la cour, que M. [D] [G] prétend que face à sa volonté de progresser au sein de l’entreprise, « Madame [W] s’est très tôt sentie menacée par son subordonné », et que rapidement « elle a donc tout mis en oeuvre pour [lui] porter préjudice » ; AUX MOTIFS adoptés QUE pour dire qu’il a été victime de harcèlement moral, Monsieur [G] s’appuie sur une multitude d’éléments, en particulier : – la mise en place d’une surveillance constante, – des réflexions, des dénigrements, – des tentatives de sanction répétées, – des discriminations en matière de formation et d’évolution salariale, – un isolement physique et professionnel, – une exécution déloyale du contrat de travail, – la mise en place d’une stratégie du découragement, – un avertissement injustifié, – des tâches sans rapport avec son contrat du travail, qu’aucun de ces éléments n’est étayé par des faits concrets et précis ou par des témoignages ; que le Conseil dit que Monsieur [G] ne présente aucun élément de fait suffisamment précis et étayé pouvant laisser supposer qu’il était victime de harcèlement moral. ALORS QUE lorsqu’il est saisi d’un litige relatif à un harcèlement moral, le juge doit examiner l’intégralité des éléments invoqués par le salarié à l’appui de ses allégations, sans pouvoir en écarter aucun ; qu’en ne se prononçant pas sur l’intégralité des éléments dont le salarié se prévalait, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul. AUX MOTIFS propres QUE dès lors que pour les raisons venant d’être exposées par la cour, M. [D] [G] n’établit matériellement aucun fait permettant de présumer l’existence à son égard d’un harcèlement moral au sens des textes précités, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul (63 000 €) ; AUX MOTIFS adoptés QUE Monsieur [G] n’a pas été victime de harcèlement moral. 1° ALORS QUE le salarié qui dénonce des faits qui lui paraissent répréhensibles ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ; que pour débouter le salarié de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement, la cour d’appel retient qu’il n’établit aucun fait permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral ; qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le salarié n’avait pas été licencié pour avoir contesté son avertissement du 20 janvier 2015 et dénoncé le harcèlement moral dont il estimait être victime, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, et de l’article 10 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. 2° ALORS, en tout cas, QUE les motifs aux termes desquels la cour d’appel a débouté le salarié de sa demande au titre du harcèlement moral étant eux-mêmes viciés, la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen s’étendra au chef de dispositif ici querellé, par application de l’article 624 du code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité. AUX MOTIFS propres QUE si M. [D] [G] entend se prévaloir au plan des principes de l’indépendance des préjudices indemnisables pour harcèlement moral proprement dit et pour absence de prévention de celui-ci, en ce que, rappelle-t-il, un salarié victime de harcèlement moral peut obtenir une indemnisation spécifique au titre du défaut par l’employeur de son obligation légale de le prévenir, il sera observé par la cour, qu’indépendamment du fait que ce dernier n’a pas satisfait à la règle probatoire issue de l’article L. 1154-1 précité, sa dénonciation de supposés tels agissements n’a en l’espèce été formellement actée qu’à l’occasion de son dernier entretien d’évaluation de mars 2015, en sorte qu’il ne peut être reproché à l’employeur un défaut de réponse appropriée en temps utile, cela avant de le licencier seulement moins de quatre mois après pour motif disciplinaire. AUX MOTIFS adoptés QUE Monsieur [G] n’a pas subi de harcèlement moral ; que le Conseil le déboute de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité de la part de son employeur. 1° ALORS QU’informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, l’employeur doit prendre les mesures immédiates propres à le faire cesser ; qu’en retenant, pour dire qu’il ne pouvait être reproché à l’employeur un défaut de réponse appropriée, que la dénonciation d’agissements de harcèlement n’avait été formellement actée qu’à l’occasion du dernier entretien d’évaluation de mars 2015, soit moins de quatre mois avant le licenciement du salarié, la cour d’appel a violé les articles L. 1152-4, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. 2° ALORS QUE la circonstance que tout harcèlement moral soit écarté ne s’oppose pas à ce qu’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité soit caractérisé ; qu’en se basant également sur le fait que le salarié n’avait pas subi de harcèlement moral, la cour d’appel a violé les articles L. 1152-4, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. 3° ALORS, en tout cas, QUE les motifs aux termes desquels la cour d’appel a débouté le salarié de sa demande au titre du harcèlement moral étant eux-mêmes viciés, la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen s’étendra au chef de dispositif ici querellé, par application de l’article 624 du code de procédure civile. QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que le licenciement pour motif disciplinaire du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse. AUX MOTIFS QUE le déroulement de la procédure disciplinaire dont M. [D] [G] a fait l’objet, contrairement à ce qu’il prétend, est conforme en tous points aux garanties conventionnelles ainsi prévues dès lors, sera-t-il rappelé, qu’il a été convoqué dans les formes requises le 22 mai 2015 à un entretien préalable le 3 juin, entretien auquel il ne s’est pas présenté, qu’informé le 9 juin 2015 de la possibilité qu’il avait de saisir le conseil de discipline conformément à la convention collective dont relève l’entreprise il a entendu user de cette faculté par un courrier du 12 juin 2015 adressé au service des ressources humaines, que cette même instance s’est régulièrement réunie le 2 juillet suivant, et que conformément à l’article 9.4 précité son licenciement lui a été notifié le 3 juillet 2015 dans le délai conventionnel maximum d’un mois à compter de l’entretien préalable du 3 juin. ALORS QUE l’article 9-4 de la convention collective des salariés de l’UES Arkade prévoit que toute sanction du second degré comme un licenciement avec ou sans préavis et indemnités peut donner lieu à la saisine pour avis du conseil de discipline, que tous les documents, à charge ou à décharge, apparaissant pendant la période d’instruction, ou postérieurement à celle-ci, doivent être versés au dossier expédié à l’ensemble des membres du conseil de discipline, et que la direction doit attendre l’avis de cette instance avant de prendre sa décision et de la notifier au salarié ; qu’en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la direction avait transmis aux membres du conseil de discipline l’ensemble des documents, à charge et à décharge, nécessaires pour prendre position dans le dossier, et si sa décision n’avait pas été définitivement prise avant l’avis de cette instance, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article précité. Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Crédit Mutuel Arkea, demanderesse au pourvoi n° K 20-16.028 PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à la décision attaquée d’AVOIR dit que le licenciement pour motif disciplinaire de M. [D] [G] était exclusif d’une faute lourde, d’AVOIR en conséquence, condamné la société Crédit Mutuel ARKEA à lui régler les sommes de 14 381 € d’indemnité conventionnelle de licenciement, 15 690 € d’indemnité compensatrice conventionnelle de préavis, 1 569 € d’incidence congés payés, et 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, d’AVOIR ordonné la remise de tous documents sociaux de fin de contrat, d’AVOIR condamné la société Crédit Mutuel ARKEA aux entiers dépens de première instance et d’appel ; AUX MOTIFS QUE « Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement, et les demandes indemnitaires y étant liées : ALORS QUE constitue une faute lourde celle commise par un salarié avec l’intention de nuire à son employeur ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que M. [G] avait « détruit ou cherché à détruire des données appartenant à son employeur » et « téléchargé un ensemble de documents particulièrement sensibles concernant un projet de partenariat dénommé Projet Windsor », qu’il avait par ailleurs « téléchargé sur son poste de travail un logiciel de violation de mots de passe de messagerie pratique formellement interdite par le règlement intérieur de l’entreprise » et que « Au moyen de ce logiciel de piratage, [D] [G] a pu se connecter à la boîte de messagerie de sa responsable hiérarchique, [P] [W], accédant à l’ensemble de sa correspondance y compris personnelle » ; que la cour d’appel a encore constaté que le salarié avait « procédé à la copie sur son propre poste de travail de messages et de pièces jointes se trouvant dans la messagerie de [P] [W]. Il a déposé l’ensemble de ces éléments, appartenant à sa responsable hiérarchique, dans un dossier électronique, conservé sur son poste de travail et portant un intitulé à caractère pornographique : BAISE LA PUTE », étant précisé que parallèlement il avait adressé à sa supérieure hiérarchique « une série de mails particulièrement déplacés et allusifs », cette dernière faisant état d’un « malaise ressenti [qui] s’est transformé en angoisse » dans ses rapports avec M. [G] ; qu’il s’évinçait de ces constatations que le salarié avait adopté un comportement fautif avec la volonté de nuire à son employeur, en collectant des données auxquelles il ne devait pas avoir accès, en détruisant d’autres fichiers, en constituant un dossier concernant sa supérieure hiérarchique, en portant atteinte à sa vie privée et en adoptant à son encontre un comportement angoissant ; qu’en écartant cependant la qualification de faute lourde bien que ses constatations relevaient un comportement volontairement nuisible du salarié pour l’entreprise, le salarié ayant lui-même fait état de son intention de nuire à la bonne marche de l’entreprise en intitulant le dossier recueillant le fruit de ses manoeuvres « BAISE LA PUTE », la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l’article L. 1235-1 du code du travail, ensemble l’article L. 1221-1 du code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à la décision attaquée d’AVOIR dit que le licenciement pour motif disciplinaire de M. [D] [G], s’il est exclusif d’une faute lourde, repose sur une cause réelle et sérieuse, d’AVOIR en conséquence, condamné la société Crédit Mutuel ARKEA à lui régler les sommes de 14 381 € d’indemnité conventionnelle de licenciement, 15 690 € d’indemnité compensatrice conventionnelle de préavis, 1 569 € d’incidence congés payés, et 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile d’AVOIR ordonné la remise de tous documents sociaux de fin de contrat, d’AVOIR condamné la société Crédit Mutuel ARKEA aux entiers dépens de première instance et d’appel ; AUX MOTIFS QUE « Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement, et les demandes indemnitaires y étant liées : 1) ALORS QUE lorsqu’un salarié est licencié pour faute lourde, il incombe au juge, s’il estime devoir écarter cette qualification, de rechercher si le comportement du salarié ne caractérisait pas à tout le moins une faute grave, et dans la négative seulement, une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu’en l’espèce, la cour d’appel se borne à affirmer que si en l’espèce les éléments recueillis contre M. [D] [G] constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif disciplinaire, ils ne peuvent toutefois recevoir la qualification de faute lourde ; qu’en omettant de rechercher si le comportement du salarié, qui avait détruit des fichiers appartenant à l’entreprise, accédé frauduleusement à la messagerie de sa supérieure hiérarchique, et adopté à son encontre un comportement ressenti par elle comme inadapté et menaçant, ne caractérisait pas une faute grave, la cour d’appel a méconnu son office et violé les articles des articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail dans leur version applicable au litige ; 2) ALORS à tout le moins QUE constitue une faute lourde celle qui rend impossible la poursuite du contrat de travail ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que M. [G] avait « détruit ou cherché à détruire des données appartenant à son » et « téléchargé un ensemble de documents particulièrement sensibles concernant un projet de partenariat dénommé Projet Windsor », qu’il avait par ailleurs « téléchargé sur son poste de travail un logiciel de violation de mots de passe de messagerie pratique formellement interdite par le règlement intérieur de l’entreprise » et que « Au moyen de ce logiciel de piratage, [D] [G] a pu se connecter à la boîte de messagerie de sa responsable hiérarchique, [P] [W], accédant à l’ensemble de sa correspondance y compris personnelle » ; que la cour d’appel a encore constaté que le salarié avait « procédé à la copie sur son propre poste de travail de messages et de pièces jointes se trouvant dans la messagerie de [P] [W]. Il a déposé l’ensemble de ces éléments, appartenant à sa responsable hiérarchique, dans un dossier électronique, conservé sur son poste de travail et portant un intitulé à caractère pornographique : BAISE LA PUTE », étant précisé que parallèlement il avait adressé à sa supérieure hiérarchique « une série de mails particulièrement déplacés et allusifs », cette dernière faisant état d’un « malaise ressenti [qui] s’est transformé en angoisse » dans ses rapports avec M. [G] ; qu’il s’évinçait de ses constatations que le salarié avait adopté un comportement gravement fautif rendant impossible la poursuite de son contrat de travail, en collectant des données auxquelles il ne devait pas avoir accès et en détruisant d’autres fichiers, et plus encore en constituant un dossier concernant sa supérieure hiérarchique en portant atteinte à sa vie privée, et en adoptant à son encontre un comportement angoissant empreint de sexisme ; qu’en jugeant cependant que le licenciement était fondé sur une simple cause réelle et sérieuse, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail dans leur version applicable au litige. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de la faute commise par le salarié dans cette affaire ?La faute commise par le salarié, M. [G], est qualifiée de faute grave. Cette qualification est fondée sur plusieurs actes répréhensibles, notamment la destruction de documents sensibles liés à un projet de partenariat, le téléchargement d’un logiciel de piratage de mots de passe de messagerie, ainsi que la copie et le stockage de messages et pièces jointes de sa supérieure hiérarchique dans un dossier à caractère pornographique. Ces actions ont été jugées suffisamment graves pour rendre impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La cour d’appel a cependant initialement considéré que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, ce qui a été contesté par la Cour de cassation, qui a souligné que les actes du salarié constituaient une faute grave. Quelles ont été les conséquences de ces actes sur la relation de travail ?Les actes de M. [G] ont eu des conséquences significatives sur la relation de travail, notamment en créant un climat de malaise et d’angoisse pour sa supérieure hiérarchique, Mme [W]. Cette dernière a exprimé que son rapport avec M. [G] était devenu angoissant, ce qui a affecté son bien-être au travail. De plus, les actions de M. [G] ont porté atteinte à la vie privée de sa supérieure, en accédant à sa correspondance personnelle et en stockant des informations dans un dossier à caractère pornographique. Ces comportements ont non seulement violé les règles de l’entreprise, mais ont également gravement compromis la confiance nécessaire à une relation de travail saine. Comment la Cour de cassation a-t-elle réagi à la décision de la cour d’appel ?La Cour de cassation a cassé partiellement la décision de la cour d’appel, en soulignant que cette dernière n’avait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations. En effet, bien que la cour d’appel ait reconnu les actes fautifs de M. [G], elle a qualifié le licenciement de cause réelle et sérieuse, ce qui a été jugé inapproprié par la Cour de cassation. La Cour a affirmé que les actes de M. [G] constituaient une faute grave, rendant impossible son maintien dans l’entreprise. Par conséquent, elle a annulé la décision de la cour d’appel concernant la qualification du licenciement et a ordonné à la société Crédit Mutuel Arkea de délivrer les documents sociaux de fin de contrat au salarié. Quels articles du code du travail ont été mentionnés dans cette affaire ?Plusieurs articles du code du travail ont été cités dans cette affaire, notamment : – **Article L. 1234-1** : qui traite des conditions de licenciement. Ces articles ont été utilisés pour établir que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, et pour justifier la décision de la Cour de cassation de qualifier les actes de M. [G] comme tels. |
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