Protection stratégique des algorithmes de recherche

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Protection stratégique des algorithmes de recherche

L’Essentiel : L’affaire Wuha c/ Editions Francis Lefebvre illustre la protection juridique des algorithmes de recherche. Wuha, éditeur de logiciels, a dénoncé des manquements contractuels et des actes de concurrence déloyale de la part des sociétés du groupe ELS. En effet, un plugin développé par Wuha a été imité par la filiale espagnole, créant un moteur de recherche similaire, « Goolex ». Le tribunal a jugé que les éléments présentés justifiaient une mesure d’instruction pour prouver la concurrence déloyale, soulignant l’importance de protéger le savoir-faire et les engagements contractuels dans le domaine des technologies numériques.

Un algorithme de recherche est un actif incorporel stratégique qui bénéficie d’une protection juridique multiple, entre autres, par le droit d’auteur, la concurrence déloyale et le contrat de licence.    

Affaire Wuha c/ Editions Francis Lefebvre

La société Wuha, spécialisée dans l’activité d’édition de logiciels applicatifs, a obtenu la confirmation d’une ordonnance de constat dirigée contre les sociétés Editions Francis Lefebvre et Dalloz.

Contexte du litige

La société Wuha a signé un contrat de prestations de services et de partenariat avec la société Editions Francis Lefebvre, filiale du groupe ELS ainsi qu’un contrat intitulé contrat de commercialisation Plugin Wuha. Le plug in permet de disposer de résultats de recherche mêlant les données internes de l’utilisateur, celles propres au groupe ELS, et les données externes.

La société Wuha considérant que les filiales du groupe ELS ont manqué à leurs obligations contractuelles et commis des agissements déloyaux a fait réaliser un constat d’huissier décrivant une solution, dénommée ‘Goolex’ de la filiale espagnole, accessible sur le web présentant des fonctionnalités identiques à la solution ‘Wuha’. Considérant que cette solution contrevenait à leur accord exclusif, la société Wuha a poursuivi les sociétés Editions Francis Lefebvre, Editions Législatives et Editions Dalloz, faisant état de manquements flagrants aux engagements contractuels.

Efficacité de l’article 145 du code de procédure civile

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. Les mesures d’instruction nécessaires à la manifestation de la vérité visées à l’article 145 du code de procédure civile doivent, en principe, suivre une procédure contradictoire, en référé.

Ce n’est que par exception, lorsque les circonstances exigent que la mesure demandée ne soit pas prise contradictoirement, qu’elle peut l’être sur requête en application de l’article 493 du code de procédure civile.

Il en résulte que la requête et l’ordonnance doivent exposer les circonstances propres au cas d’espèce susceptibles de justifier qu’il soit procédé non contradictoirement. En l’occurrence, l’ordonnance qui visait la requête a pu alors légitimement retenir que ‘l’efficacité de la mesure est conditionnée à l’effet de surprise’, le risque de dépérissement des preuves résultant d’ailleurs des éléments mis en évidence pour suspecter des actes de concurrence déloyale.

Portée de la licence consentie

Les cocontractants de Wuha ont pris l’engagement au titre du contrat de commercialisation, de ne pas décompiler le produit et notamment à des fins de conception, réalisation, diffusion ou commercialisation d’une application/logiciel/solution numérique similaire, équivalente ou de substitution, et de ne pas transcrire ou traduire dans d’autres langues informatiques le produit, la documentation ou les codes-sources et de ne pas autoriser un tiers à copier ou reproduire le produit en tout ou partie. La société Wuha en contrepartie, s’engageait à ne pas participer directement ou indirectement à la conception, l’élaboration, le développement de produits similaires au plug in auprès d’éditeurs de bases de données juridiques situées sur le territoire.

La société Wuha a découvert que la filiale espagnole des éditions Francis Lefebvre a mis en place un moteur de recherche Goolex permettant d’effectuer les recherches professionnelles sans quitter Google, avec un affichage des résultats Google et ceux de la base de données Lefebvre à droite, soit de façon identique à celui résultant du plug in Wuha.

Le premier juge a considéré à bon droit que ces éléments constituaient un faisceau d’indices suffisant pour justifier une mesure d’instruction pour obtenir la preuve de la commission d’actes de concurrence déloyale, au regard du possible détournement du savoir-faire spécifique développé par la société Wuha et de la possible décompilation et du fait que la limitation territorialement prévue contractuellement n’autorisait pas pour autant les licenciés à détourner le savoir-faire de la société Wuha dans un pays étranger. Affaire à suivre …Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Qu’est-ce qu’un algorithme de recherche et comment est-il protégé ?

Un algorithme de recherche est un actif incorporel stratégique qui joue un rôle déterminant dans le traitement et l’analyse des données. Sa protection juridique est essentielle pour préserver les droits de son créateur et éviter la concurrence déloyale.

Cette protection se manifeste principalement par le droit d’auteur, qui protège les œuvres originales, y compris les logiciels et algorithmes. De plus, la concurrence déloyale peut être invoquée lorsque des pratiques commerciales déloyales nuisent à l’entreprise qui a développé l’algorithme.

Enfin, un contrat de licence peut également être établi pour définir les conditions d’utilisation de l’algorithme, garantissant ainsi que les droits de l’auteur sont respectés et que l’algorithme n’est pas utilisé de manière abusive par des tiers.

Quel est le contexte du litige entre Wuha et les Editions Francis Lefebvre ?

La société Wuha, spécialisée dans l’édition de logiciels, a engagé un litige contre les sociétés Editions Francis Lefebvre et Dalloz. Ce conflit découle d’un contrat de partenariat et de commercialisation signé entre Wuha et Editions Francis Lefebvre.

Wuha a développé un plug-in qui permet d’intégrer des résultats de recherche à partir de données internes et externes. Cependant, Wuha a constaté que les filiales du groupe ELS, dont fait partie Editions Francis Lefebvre, avaient manqué à leurs obligations contractuelles.

En particulier, Wuha a découvert une solution concurrente, dénommée ‘Goolex’, qui offrait des fonctionnalités similaires à son propre produit. Cela a conduit Wuha à poursuivre les sociétés concernées pour manquements aux engagements contractuels et agissements déloyaux.

Comment l’article 145 du code de procédure civile s’applique-t-il dans ce cas ?

L’article 145 du code de procédure civile permet à une partie de demander des mesures d’instruction avant un procès, afin de conserver ou d’établir des preuves essentielles à la résolution d’un litige.

Dans le cas de Wuha, cet article a été invoqué pour justifier la demande d’un constat d’huissier. La procédure doit, en principe, être contradictoire, mais des exceptions existent lorsque des circonstances particulières l’exigent.

Dans cette affaire, le juge a reconnu que l’efficacité de la mesure dépendait de l’effet de surprise, ce qui justifiait une procédure non contradictoire. Cela était particulièrement pertinent en raison du risque de destruction des preuves, lié aux soupçons d’actes de concurrence déloyale.

Quelles sont les obligations contractuelles des parties dans le contrat de commercialisation ?

Le contrat de commercialisation signé entre Wuha et ses cocontractants impose plusieurs obligations. Les parties se sont engagées à ne pas décompiler le produit, ni à créer des applications similaires ou équivalentes.

De plus, il est stipulé qu’aucune transcription ou traduction du produit, de sa documentation ou de ses codes-sources ne doit être effectuée. Les cocontractants ne doivent pas non plus autoriser des tiers à copier ou reproduire le produit, en tout ou en partie.

En contrepartie, Wuha s’est engagée à ne pas participer à la conception ou au développement de produits similaires auprès d’autres éditeurs de bases de données juridiques. Ces engagements visent à protéger le savoir-faire et les innovations de Wuha contre toute forme de détournement.

Quelle a été la décision du premier juge concernant les actes de concurrence déloyale ?

Le premier juge a considéré que les éléments présentés par Wuha constituaient un faisceau d’indices suffisant pour justifier une mesure d’instruction. Cela visait à prouver la commission d’actes de concurrence déloyale, notamment en raison du possible détournement du savoir-faire spécifique de Wuha.

Le juge a également noté que la limitation territoriale prévue dans le contrat ne permettait pas aux licenciés de détourner le savoir-faire de Wuha dans d’autres pays. Cette décision souligne l’importance de protéger les droits de propriété intellectuelle et de garantir le respect des engagements contractuels.

Ainsi, la situation reste à suivre, car les implications de cette affaire pourraient avoir des répercussions significatives sur la protection des algorithmes de recherche et des innovations dans le secteur.


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