Condamnation pour Diffamation : La Présomption d’Innocence en Jeu

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Condamnation pour Diffamation : La Présomption d’Innocence en Jeu

L’Essentiel : L’auteur du Blog « Stratégie » de Challenge a été condamné pour diffamation envers les Laboratoires Servier, accusés de culpabilité dans une enquête judiciaire. Les juges ont jugé que les propos tenus constituaient une atteinte à la présomption d’innocence, un droit protégé par le Code civil et la Convention européenne des droits de l’homme. La condamnation souligne que la presse doit éviter de tirer des conclusions définitives sur la culpabilité avant un jugement irrévocable. Les Laboratoires Servier ont obtenu 2 000 euros de dommages et intérêts, rappelant l’importance de préserver l’impartialité de la justice.

L’auteur du Blog « Stratégie » de Challenge a été condamné pour diffamation à l’encontre des Laboratoires Servier. Les propos publiés sur le Blog (1) affirmaient que les laboratoires Servier étaient coupable des faits sur lesquels enquêtent les juges d’instruction dans le cadre de l’information judiciaire ouverte.
Les juges ont considéré que l’auteur avait exprimé de façon péremptoire cette conclusion définitive manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité les Laboratoires Servier quant aux infractions d’obtention indue d’autorisation, d’escroquerie et de tromperie aggravée lors de la commercialisation et de la mise sur le marché du médicament Médiator. Lesdits propos constituaient une atteinte à la présomption d’innocence de la société en vertu de l’article 9-1 du Code civil. La société a obtenu l’allocation de la somme de 2 000 euros à titre de dommage et intérêts.
La présomption d’innocence qui bénéficie également aux personnes morales est un droit consacré par l’article préliminaire du Code de procédure pénale et par l’article 6-2 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les atteintes à ce droit peuvent être réparées dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 9-1 du Code civil. Ce texte suppose qu’une personne qui fait « l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire » soit présentée publiquement comme coupable des faits objets de cette enquête ou de cette instruction, la protection ainsi instituée demeurant même si l’enquête ou l’instruction ont cessé et qu’une juridiction de jugement est saisie, jusqu’à l’éventuelle intervention d’une condamnation pénale devenue irrévocable.
L’atteinte à la présomption d’innocence est caractérisée à la double condition que i) l’existence de l’enquête ou de l’instruction soit rappelée dans les écrits concernés (à moins qu’elle ne soit notoire), et que ii) les propos incriminés contiennent des conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité de la personne concernée pour les faits objets de 1’enquête ou de l’instruction.
L’atteinte à la présomption d’innocence ne doit pas être confondue avec la diffamation dès lors, qu’au delà de la protection de l’honneur et de la considération de la personne visée, la présomption d’innocence tend essentiellement à sauvegarder le caractère juste et équitable de la procédure dont la personne (physique ou morale) fait l’objet ainsi que, de façon plus générale, à préserver la sérénité et l’impartialité de l’autorité judiciaire.
Il n’est cependant pas interdit à la presse d’évoquer un fait divers ou une affaire pénale, de faire une présentation des faits strictement objective ou équilibrée, ou de mettre davantage en lumière les éléments à charge qu’à décharge. La présentation des faits reprochés ne doit simplement pas être dénaturée.
La seule contrainte imposée par le dispositif légal est de s’abstenir de toute conclusion définitive manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité de la personne visée avant que celle-ci ne soit jugée par une décision de justice irrévocable.

(1) Les Laboratoires Servier « sont des orfèvres de la surpromesse lançant molécule après molécule au bénéfice thérapeutique supplémentaire inexistant, achetant politiques ou mandarins de la médecine pour obtenir autorisations de mise sur le marché et surtout remboursement masquant délibérément les effets secondaires parfois mortels comme dans le cas du Médiator ».

Mots clés : Blogs

Thème : Blogs

A propos de cette jurisprudence : juridiction :  Tribunal de Grande instance de Paris | 4 avril 2012 | Pays : France

Q/R juridiques soulevées :

Quelle a été la décision du tribunal concernant l’auteur du Blog « Stratégie » de Challenge ?

L’auteur du Blog « Stratégie » de Challenge a été condamné pour diffamation à l’encontre des Laboratoires Servier. Le tribunal a jugé que les propos tenus sur le blog étaient péremptoires et manifestaient un préjugé quant à la culpabilité des Laboratoires Servier.

Cette décision a été fondée sur le fait que les déclarations de l’auteur portaient atteinte à la présomption d’innocence de la société, un droit protégé par l’article 9-1 du Code civil.

En conséquence, les Laboratoires Servier ont obtenu 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour cette atteinte à leur réputation.

Quelles infractions étaient reprochées aux Laboratoires Servier dans le cadre de cette affaire ?

Les Laboratoires Servier étaient accusés d’infractions graves, notamment l’obtention indue d’autorisation, l’escroquerie et la tromperie aggravée. Ces accusations étaient liées à la commercialisation et à la mise sur le marché du médicament Médiator.

Les juges d’instruction enquêtaient sur ces faits dans le cadre d’une information judiciaire ouverte. Les propos de l’auteur du blog, qui affirmaient la culpabilité des Laboratoires Servier, ont été jugés comme une atteinte à la présomption d’innocence, car ils présentaient la société comme coupable avant qu’une décision de justice ne soit rendue.

Qu’est-ce que la présomption d’innocence et comment est-elle protégée par la loi ?

La présomption d’innocence est un droit fondamental qui garantit qu’une personne, qu’elle soit physique ou morale, est considérée comme innocente tant qu’elle n’a pas été déclarée coupable par une décision de justice irrévocable.

Ce droit est consacré par l’article préliminaire du Code de procédure pénale et par l’article 6-2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Les atteintes à ce droit peuvent être réparées selon les dispositions de l’article 9-1 du Code civil, qui stipule que toute personne faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire ne doit pas être présentée publiquement comme coupable avant qu’une décision de justice ne soit rendue.

Quelles sont les conditions pour qu’une atteinte à la présomption d’innocence soit caractérisée ?

Pour qu’une atteinte à la présomption d’innocence soit caractérisée, deux conditions doivent être remplies. Premièrement, l’existence de l’enquête ou de l’instruction doit être mentionnée dans les écrits concernés, sauf si elle est notoire.

Deuxièmement, les propos incriminés doivent contenir des conclusions définitives qui manifestent un préjugé tenant pour acquise la culpabilité de la personne concernée.

Ces conditions visent à protéger le caractère juste et équitable de la procédure judiciaire, ainsi qu’à préserver l’impartialité de l’autorité judiciaire.

Comment la presse peut-elle traiter des affaires pénales sans enfreindre la présomption d’innocence ?

La presse a le droit d’évoquer des faits divers ou des affaires pénales, à condition de le faire de manière objective et équilibrée. Elle peut présenter les faits reprochés, mais doit éviter de dénaturer la réalité.

La contrainte principale est de s’abstenir de toute conclusion définitive qui pourrait manifester un préjugé quant à la culpabilité de la personne visée avant qu’elle ne soit jugée.

Ainsi, la presse peut mettre en lumière des éléments à charge ou à décharge, tant que cela ne porte pas atteinte à la présomption d’innocence.


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