Compétence des juridictions françaises en matière de contrefaçon de noms de domaine

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Compétence des juridictions françaises en matière de contrefaçon de noms de domaine

L’Essentiel : La compétence des juridictions françaises en matière de contrefaçon de noms de domaine repose sur l’existence de liens suffisants avec le territoire français, même si le déposant est établi hors de l’Union européenne. Selon le règlement CE n° 44/2001, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle où le dommage a été subi. Dans une affaire, le nom de domaine litigieux, proche de celui d’une société française, était accessible en français et destiné au public français, justifiant ainsi la compétence des juridictions françaises. De plus, la loi française a été retenue comme applicable en raison des dommages potentiels sur le territoire.

La compétence du juge français sur un litige portant sur un nom de domaine supposé contrefaisant et dont le déposant est établi hors de l’union européenne est fondée dès lors qu’il existe des liens suffisants entre le nom de domaine et le territoire français.

Matière délictuelle

En vertu de l’article 4 § 1 du règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 dit « Bruxelles I » : « Si le défendeur n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre, la compétence est, dans chaque Etat membre, réglée par la loi de cet Etat membre, sous réserve de l’application des dispositions des articles 22 et 23 ». En matière de contrefaçon, le litige ne relève pas des articles 22 et 23 du règlement Bruxelles I, il convient donc de déterminer la juridiction compétente au regard des règles de droit françaises, lesquelles posent le principe d’extension à l’ordre international des règles internes de compétence territoriale. En matière délictuelle, le demandeur peut donc à son choix saisir la juridiction du lieu où demeure le défendeur, celle du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort duquel le dommage a été subi.

En l’espèce, il était établi que lorsque l’adresse URL correspondant au nom de domaine supposé contrefaisant (ventreprivee.com) était inscrite dans la barre d’adresse, l’internaute est une première fois dirigée vers le site internet « voyages.groupon.fr » et une deuxième fois vers le site « ebay.fr » lesquels sont rédigés en langue française et proposent des produits ou services en euros, ce qui, outre leur extension en « .fr » permet en conséquence de retenir qu’ils sont destinés au public français.

Le nom de domaine « www.vente-privee.com » était également proposé à la vente sur le site internet « www.sedo.fr » qui est une place de marché dédiée aux noms de domaine, sur laquelle ceux-ci peuvent être achetés ou vendus mais également « parqués ». Ce site, s’il est édité par la société de droit allemand SEDO GmbH domiciliée en Allemagne et s’il propose les noms de domaine à la vente en dollars US est néanmoins entièrement accessible en langue française et présente une extension en «.fr » de sorte qu’il doit être considéré destiné au public français.

Compte tenu de la grande proximité du nom de domaine litigieux avec celui du site internet « vente-privee.com » que la société VENTEPRIVEE. COM justifie exploiter auprès d’un public français depuis plusieurs années pour des volumes d’affaires importants, l’utilisation du nom de domaine en cause est susceptible de causer un dommage à la demanderesse sur le territoire français. En conséquence, les juridictions françaises ont été déclarées compétentes pour statuer sur le litige.

Contrefaçon de marque communautaire

L’action en contrefaçon en cause portant notamment sur une marque communautaire, le tribunal de grande instance de Paris est seul compétent en sa qualité de tribunal des marques communautaires en vertu des dispositions de l’article L717-4 et R717-11 du code de la propriété intellectuelle et de l’article R211-7 du code de l’organisation judiciaire pris ensemble.

Loi applicable

Le règlement CE n° 864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles dit «Rome II», applicable à compter du 11 janvier 2009 pour les faits générateurs de dommages survenus après son entrée en vigueur, institue des règles de conflit de loi se substituant entièrement à celles jusque là existantes dans les différents Etats membres. Aux termes de l’article 4 de ce texte :

« 1. Sauf dispositions contraires du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent. 2. Toutefois, lorsque la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage, la loi de ce pays s’applique. 3. S’il résulte de l’ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé aux paragraphes 1 ou 2, la loi de cet autre pays s’applique. Un lien manifestement plus étroit avec un autre pays pourrait se fonder, notamment, sur une relation préexistante entre les parties, telle qu’un contrat, présentant un lien étroit avec le fait dommageable en question ».

Son article 6 § 2 dispose que « lorsqu’un acte de concurrence déloyale affecte exclusivement les intérêts d’un concurrent déterminé, l’article 4 est applicable ».

Les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale allégués étant susceptibles de produire des dommages sur le territoire français, pour les raisons sus exposées, les juges ont retenu que la loi française était applicable (le droit communautaire produisant ses effets en France).


Mots clés : Noms de domaine

Thème : Noms de domaine

A propos de cette jurisprudence : juridiction :  Tribunal de grande instance de Paris | 31 janvier 2014 | Pays : France

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence du juge français concernant les litiges sur les noms de domaine ?

La compétence du juge français sur un litige relatif à un nom de domaine supposé contrefaisant, lorsque le déposant est établi hors de l’Union européenne, repose sur l’existence de liens suffisants entre le nom de domaine et le territoire français.

Cela signifie que même si le déposant n’est pas domicilié en France, si le nom de domaine en question a des connexions avec le marché français, les juridictions françaises peuvent être saisies.

En matière délictuelle, le demandeur a le choix de saisir la juridiction du lieu où demeure le défendeur, celle du lieu du fait dommageable, ou celle dans le ressort duquel le dommage a été subi.

Quelles sont les règles de compétence en matière de contrefaçon selon le règlement Bruxelles I ?

Selon l’article 4 § 1 du règlement CE n° 44/2001, dit « Bruxelles I », si le défendeur n’est pas domicilié dans un État membre, la compétence est régie par la loi de cet État membre.

En matière de contrefaçon, les articles 22 et 23 ne s’appliquent pas, ce qui implique que la détermination de la juridiction compétente doit se faire selon les règles de droit françaises.

Ces règles prévoient que la compétence territoriale peut être étendue à l’international, permettant ainsi au demandeur de choisir la juridiction appropriée en fonction des circonstances du litige.

Comment le tribunal a-t-il justifié sa compétence dans l’affaire de contrefaçon ?

Dans l’affaire en question, le tribunal a constaté que le nom de domaine litigieux, lorsqu’il était saisi, redirigeait vers des sites en langue française, tels que « voyages.groupon.fr » et « ebay.fr », qui sont destinés au public français.

De plus, le nom de domaine « www.vente-privee.com » était proposé à la vente sur un site accessible en français, ce qui a renforcé l’idée que le nom de domaine était destiné à un public français.

La proximité entre le nom de domaine litigieux et celui de la société VENTEPRIVEE.COM, qui opère en France depuis plusieurs années, a également été un facteur déterminant pour établir la compétence des juridictions françaises.

Quelle est la loi applicable en matière de contrefaçon selon le règlement Rome II ?

Le règlement CE n° 864/2007, dit « Rome II », établit des règles de conflit de lois pour les obligations non contractuelles, y compris les actes de contrefaçon.

Selon l’article 4, la loi applicable est celle du pays où le dommage survient, indépendamment du lieu où le fait générateur a eu lieu.

Si les parties ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment du dommage, la loi de ce pays s’applique.

En cas de liens manifestement plus étroits avec un autre pays, la loi de ce pays peut également être appliquée.

Comment les juges ont-ils déterminé l’application de la loi française dans cette affaire ?

Les juges ont retenu que les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale allégués étaient susceptibles de produire des dommages sur le territoire français.

Étant donné que le droit communautaire produit ses effets en France, cela a conduit à l’application de la loi française dans cette affaire.

L’article 6 § 2 du règlement Rome II stipule que, lorsqu’un acte de concurrence déloyale affecte exclusivement les intérêts d’un concurrent déterminé, la loi applicable est celle du pays où le dommage survient.

Ainsi, la loi française a été jugée applicable en raison des circonstances entourant le litige.


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