Controverse sur l’interopérabilité des jeux vidéo : le cas Nintendo et les cartes R4

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Controverse sur l’interopérabilité des jeux vidéo : le cas Nintendo et les cartes R4

L’Essentiel : La controverse sur l’interopérabilité des jeux vidéo se concentre sur les cartes R4, permettant l’utilisation de jeux piratés sur la console Nintendo DS. Malgré les poursuites de Nintendo contre les revendeurs, les juges ont rejeté ses demandes, invoquant l’exception d’interopérabilité. Ils ont souligné que la décompilation du code était légale si elle était nécessaire pour l’interopérabilité. De plus, l’utilisation des logos Nintendo sur les emballages des Linkers n’a pas été considérée comme une contrefaçon, car ces produits sont compatibles et ne créent pas de confusion. Enfin, le tribunal a noté que l’éditeur n’avait pas prouvé l’efficacité de ses mesures de protection.

La société Nintendo a constaté l’importation et la commercialisation en France de dispositifs techniques (cartes dénommées R4, DS Linker) permettant d’utiliser des jeux vidéo piratés sur sa console DS. Ces cartes illicites sont commercialisées dans des boutiques spécialisées et sur certains sites Internet. La société Nintendo a poursuivi sans succès les revendeurs, toutes les demandes contentieuses de la société Nintendo ont été rejetées.
Sur le point de la contrefaçon de logiciel (le jeu vidéo ayant cette qualification), les juges ont opté pour l’exception d’interopérabilité. La conception des cartes en cause a notamment été possible par l’étude des codes des logiciels de sécurité de la carte et de la console Nintendo DS. Pour ce faire, l’autorisation de l’éditeur n’était pas requise des lors que la reproduction ou la traduction est indispensable pour obtenir les informations nécessaires a l’interopérabilité d’un logiciel crée de façon indépendante avec d’autres logiciels (article L 122-6 du code de la propriété intellectuelle). Selon les juges, « le logiciel ne peut vivre en autarcie, c’est la raison pour laquelle il a fallu organiser l’interopérabilité des programmes entre eux afin qu’ils se reconnaissent et puissent communiquer. Dans cette perspective, l’accès au code source est nécessaire ce qui implique un acte de décompilation et le législateur a permis cet acte de décompilation dans la mesure où il est limité aux seules parties du programme nécessaires à l’interopérabilité. En l’espèce, il n’est pas établi que les informations obtenues pour la mise au point du Linker (carte) destiné à être opérationnel sur la console Nintendo aient excédé les limites fixées par la loi. »
Sur la question de la contrefaçon de marque, l’apparition totale ou partielle du logo – Nintendo DS – sur les boîtes et les emballages contenant les Linkers ainsi que l’apparition du logo – Nintendo – sur l’écran de la console après mise en route du Linker, ne sont pas des actes de contrefaçon. En effet, il s’agit d’un usage autorisé de la marque pour des produits qui ne peuvent pas prêter à confusion. Il ne s’agit pas de produits ou de services identiques mais de produits compatibles entre eux ce qui explique l’usage des lettres DS Usage autorisé de la marque DS.
Sur le volet de l’atteinte à une mesure technique de protection, le tribunal a reproché à l’éditeur de n’avoir pas fait la preuve de l’efficacité des mesures mises en place (condition de la protection juridique de ces dispositifs).
De façon plus générale, les juges ont relevé que le Linker offre de nombreuses applications et rend possible mais non certaine son utilisation à des fins frauduleuses: « Dans la même situation que le revendeur de magnétoscopes qui ne peut savoir si parmi ses nombreux clients, certains vont détourner l’appareil vendu de la fonction domestique pour dupliquer à l’infini des films et les revendre, la situation étant la même pour les commerçants qui vendent des cassettes vierges, des magnétoscopes, tous objets qui peuvent très bien être détournés de leurs fonctions pour un usage frauduleux » (CA Paris, 13 octobre 1998).

Mots clés : jeux,jeu vidéo

Thème : Jeux et loteries

A propos de cette jurisprudence : juridiction :  Tribunal de Grande Instance de Paris | 3 decembre 2009 | Pays : France

Q/R juridiques soulevées :

Quels dispositifs techniques ont été importés et commercialisés en France par Nintendo ?

Nintendo a constaté l’importation et la commercialisation en France de dispositifs techniques, notamment des cartes appelées R4 et DS Linker. Ces cartes permettent aux utilisateurs de jouer à des jeux vidéo piratés sur la console Nintendo DS.

Ces dispositifs illicites sont disponibles dans des boutiques spécialisées ainsi que sur certains sites Internet. Malgré les efforts de Nintendo pour poursuivre les revendeurs, toutes les actions en justice intentées par la société ont été rejetées, ce qui souligne les défis juridiques liés à la protection de la propriété intellectuelle dans le domaine des jeux vidéo.

Quelle a été la position des juges concernant la contrefaçon de logiciel ?

Les juges ont opté pour l’exception d’interopérabilité en ce qui concerne la contrefaçon de logiciel. Ils ont déterminé que la conception des cartes R4 et DS Linker a été rendue possible grâce à l’étude des codes des logiciels de sécurité de la console Nintendo DS.

Selon l’article L 122-6 du code de la propriété intellectuelle, l’autorisation de l’éditeur n’est pas nécessaire si la reproduction ou la traduction est indispensable pour obtenir les informations nécessaires à l’interopérabilité. Les juges ont souligné que le logiciel ne peut fonctionner de manière isolée, ce qui nécessite une interopérabilité entre les programmes.

Quelles conclusions ont été tirées concernant l’utilisation des marques Nintendo ?

Concernant la contrefaçon de marque, les juges ont conclu que l’apparition totale ou partielle du logo Nintendo DS sur les emballages des Linkers, ainsi que l’affichage du logo Nintendo sur l’écran de la console après l’activation du Linker, ne constituaient pas des actes de contrefaçon.

Ils ont précisé qu’il s’agissait d’un usage autorisé de la marque pour des produits qui ne créent pas de confusion. Les produits en question ne sont pas identiques, mais compatibles, ce qui justifie l’utilisation des lettres « DS ». Cette décision souligne l’importance de la distinction entre produits compatibles et produits identiques dans le cadre de la protection des marques.

Quelles ont été les observations des juges sur les mesures techniques de protection ?

Sur le sujet de l’atteinte à une mesure technique de protection, le tribunal a noté que l’éditeur n’avait pas prouvé l’efficacité des mesures mises en place pour protéger ses dispositifs. Cette preuve est une condition essentielle pour bénéficier de la protection juridique de ces dispositifs.

Les juges ont également observé que le Linker offre de nombreuses applications, ce qui rend son utilisation à des fins frauduleuses possible, mais non certaine. Ils ont comparé cette situation à celle des revendeurs de magnétoscopes, qui ne peuvent pas savoir si leurs clients vont détourner l’appareil de sa fonction initiale pour des usages illégaux.

Quel est le contexte juridique de cette jurisprudence ?

Cette jurisprudence a été rendue par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 3 décembre 2009. Elle s’inscrit dans le cadre des débats sur la protection de la propriété intellectuelle, en particulier dans le secteur des jeux vidéo.

Le cas met en lumière les défis auxquels sont confrontées les entreprises comme Nintendo face à la piraterie et à l’utilisation non autorisée de leurs produits. La décision des juges reflète également les nuances juridiques entourant l’interopérabilité des logiciels et l’utilisation des marques, ce qui est déterminant pour les entreprises technologiques dans un environnement numérique en constante évolution.


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