Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Dijon
Thématique : Taxe locale sur la publicité extérieure : les supports concernés
→ RésuméLa taxe locale sur la publicité extérieure s’applique à trois types de supports : dispositifs publicitaires, enseignes et préenseignes, sans distinction. Elle est calculée sur la superficie exploitée, hors encadrement, du support, indépendamment de l’occupation effective par les inscriptions ou images. En 2021, le tribunal judiciaire de Dijon a débouté les sociétés Espace Premium et Espace Premium Sport de leurs demandes de décharge concernant cette taxe, confirmant ainsi la légalité des titres de recette émis par la commune de [Localité 3] pour l’année 2016, s’élevant respectivement à 7 120 euros et 1 192 euros.
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La taxe locale sur la publicité extérieure frappe les trois types de supports que sont les dispositifs publicitaires, les enseignes et les préenseignes, sans aucune distinction entre eux. est assise sur la superficie exploitée, hors encadrement, du support, soit la superficie utilisable du support, peu important que les inscriptions, formes ou images y figurant n’occupent pas toute cette superficie.
COUR D’APPEL DE DIJON
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022
N° RG 21/00581 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FV3T
VCF/LL
SAS ESPACE PREMIUM
SAS ESPACE PREMIUM SPORT
C/
COMMUNE DE [Localité 3]
Décision déférée à la Cour : jugement du 29 mars 2021,
rendu par le tribunal judiciaire de Dijon – RG : 18/00202
APPELANTES :
SAS ESPACE PREMIUM, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié de droit au siège :
[Adresse 2]
[Localité 3]
SAS ESPACE PREMIUM SPORT, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié de droit au siège :
[Adresse 2]
[Localité 3]
assistées de Me Michaël ALLOUCHE, avocat au barreau de COLMAR, plaidant, et représentées par Me Jean-Vianney GUIGUE, membre de la SELAS ADIDA & ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE, postulant
INTIMÉE :
COMMUNE DE [Localité 3], représentée par son Maire en exercice dûment habilité à cet effet par délibération du conseil municipal, domicilié en cette qualité :
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
assistée de Me Delphine TARDIEU, avocat au barreau de LYON, plaidant, et représentée par Me Marie CHAGUE-GERBAY, avocat au barreau de DIJON, postulant, vestiaire : 24
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 septembre 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et Sophie DUMURGIER, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, Président,
Michèle BRUGERE, Conseiller,
Sophie DUMURGIER, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 15 Novembre 2022,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
I. L’article 171 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a institué à compter du 1er janvier 2009, la taxe locale sur la publicité extérieure en modifiant les articles L. 2333-6 et suivants du code général des collectivités territoriales jusqu’alors consacrés à la taxe sur la publicité frappant les affiches, réclames et enseignes lumineuses.
Ces articles ont été modifiés en premier lieu par la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 et en dernier lieu à ce jour par l’ordonnance n°2014-1335 du 6 novembre 2014.
Par décision n°2013-351 QPC du 25 octobre 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les articles L. 2333-6 à L. 2333-14 du code général des collectivités territoriales, ainsi que les paragraphes A et D de l’article L. 2333-16 du même code, dans leur rédaction issue de l’article 171 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.
Il a précisé que la déclaration d’inconstitutionnalité prenait effet à compter de la publication de sa décision, dans les conditions prévues au considérant 18 de sa décision ainsi rédigé : Considérant que les dispositions déclarées contraires à la Constitution le sont dans leur rédaction antérieure à leur modification par l’article 75 de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 susvisée ; que la déclaration d’inconstitutionnalité, qui prend effet à compter de la publication de la présente décision, ne peut être invoquée qu’à l’encontre des impositions contestées avant cette date.
II. Par délibération de son conseil municipal en date du 22 septembre 2008, la commune de [Localité 3] a décidé d’appliquer sur son territoire à compter du 1er janvier 2009, la taxe locale sur la publicité extérieure.
Cette délibération a été modifiée à plusieurs reprises notamment par délibérations du 14 mai 2012 et 27 juin 2016.
Par déclarations du 15 novembre 2016, les sociétés Espace Premium et Espace Premium Sport, exploitant des commerces automobiles sous les marques Honda – Mazda pour la première et Porsche pour la seconde, ont listé les supports publicitaires au titre desquels elles étaient redevables de la taxe locale sur la publicité extérieure.
Au titre de l’année 2016, la commune de [Localité 3] réclame à la société Espace Premium la somme de 7 120 euros et à la société Espace Premium Sport la somme de 1 192 euros, deux titres de recette ayant été émis le 21 novembre 2017.
Contestant ces titres, les sociétés Espace Premium et Espace Premium Sport ont, par acte du 12 janvier 2018, fait citer la commune de [Localité 3] devant le tribunal de grande instance de Dijon, afin d’être déchargées du paiement des sommes réclamées.
III. Par jugement du 29 mars 2021, non assorti de l’exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Dijon a :
‘ au visa des articles L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales et 49 du code de procédure civile, dit que les moyens de légalité soulevés par les sociétés requérantes ne sont pas sérieux et les a écartés,
‘ au visa des articles L. 2333-7 et L. 2333-9 du code général des collectivités territoriales et L. 581 3 du code de l’environnement,
— débouté les SAS Espace Premium et Espace Premium Sport de leurs demandes,
— condamné les SAS Espace Premium et Espace Premium Sport :
. aux dépens, dont distraction au profit de Maitre Ines PAINDAVOINE, avocat au barreau de Dijon, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
. à payer à la commune de [Localité 3] la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
— débouté les parties de leurs plus amples demandes.
Par déclaration du 28 avril 2021, les SAS Espace Premium et Espace Premium Sport ont interjeté appel de ce jugement.
Aux termes du dispositif de leurs conclusions notifiées le 22 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens développés au soutien des prétentions, les sociétés Espace Premium et Espace Premium Sport demandent à la cour, au visa de l’article 62 de la Constitution et de la décision du Conseil constitutionnel du 25 octobre 2013, et des articles L. 199 du livre des procédures fiscales, L. 1617-5 et L. 2333-6 et suivants et R. 2333-10 et suivants du code général des collectivités territoriales, et 49 et 378 du code de procédure civile, d’infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau de :
— prononcer l’annulation des délibérations de la commune de [Localité 3] compte tenu de l’illégalité soulevée,
— déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,
— dire et juger que le silence gardé par la commune de [Localité 3] suite à leur recours administratif du 25 septembre 2017, valant rejet, n’est pas fondé et encore moins motivé, et repose en tout état de cause sur les délibérations illégales de la commune et sur des dispositions déclarées inconstitutionnelles,
— constater que l’instauration de la taxe locale sur la publicité extérieure par la ville de [Localité 3] ainsi que les adaptations de son tarif ne sont pas légales,
— en conséquence, annuler les titres de recette émis à leur encontre le 21 novembre 2017 au titre de cette taxe pour l’année 2016 et dire et juger qu’elles ne sont redevables d’aucune taxe locale sur la publicité extérieure au titre de l’année 2016,
— à titre subsidiaire, fixer le montant de la taxe locale sur la publicité extérieure 2016 à la somme de 942,40 euros à parfaire pour la société Espace Premium et à la somme de 348,40 euros à parfaire pour la société Espace Premium Sport,
— condamner la commune de [Localité 3] aux dépens et à leur payer une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 1er septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens développés au soutien des prétentions, la commune de [Localité 3] demande à la cour de :
— confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de débouter les appelantes de leurs demandes, fins et conclusions,
— à titre subsidiaire, et sous réserve que les sociétés Espace Premium et Espace Premium Sport apportent la preuve de leurs allégations, ordonner une décharge partielle de la taxe contestée,
— en tout état de cause, ajoutant au jugement déféré, condamner les appelantes :
. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Marie Chagué-Gerbay, avocate au barreau de Dijon, conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
. au paiement d’une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture est intervenue le 8 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la régularité formelle des titres de recette
Se fondant sur les dispositions de l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration selon lesquelles Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci, les appelantes soutiennent que les titres de recette émis à leur encontre sont irréguliers dès lors qu’ils ne comportent aucune signature.
La commune de [Localité 3] invoque pour sa part les dispositions de l’article L. 1617-5, 4° du code général des collectivités territoriales selon lesquelles Quelle que soit sa forme, une ampliation du titre de recettes individuel ou de l’extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable. (…) / Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation.
Il résulte de ces dispositions que, même en admettant qu’un titre de recette puisse être qualifié de décision administrative au sens de l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration, les dispositions spéciales de l’article L. 1617-5, 4° du code général des collectivités territoriales dérogent pour les titres de recettes individuels à l’exigence générale de signature.
Ainsi, en l’espèce, ainsi que l’a justement retenu le premier juge, la production par la commune de [Localité 3], en pièce 12 de son dossier, du bordereau du 21 novembre 2017 recensant 25 titres dont ceux émis à l’encontre des appelantes, signé par le maire de la commune en qualité d’ordonnateur, suffit à rendre réguliers les titres de recettes individuels litigieux.
Sur le bien fondé des titres de recettes
‘ Sur l’exception d’illégalité des délibérations de la commune de [Localité 3]
A titre liminaire, il convient de rappeler les dispositions du second alinéa de l’article 49 du code de procédure civile selon lesquelles Lorsque la solution d’un litige dépend d’une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente (…).
L’exception d’illégalité soulevée par les appelantes se fonde sur la décision du Conseil constitutionnel du 25 octobre 2013 rappelée ci-dessus et elle a pour objet la délibération de la commune de [Localité 3] du 22 septembre 2008 ayant institué la taxe locale sur la publicité extérieure et les délibérations modificatives, antérieures à la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 fondant les titres de recettes litigieux.
C’est à bon droit que le premier juge a considéré qu’elle ne soulevait aucune difficulté sérieuse et n’a pas saisi la juridiction administrative d’une question préjudicielle, dès lors que :
— il résulte du considérant 18 de la décision du Conseil constitutionnel du 25 octobre 2013 que la déclaration d’inconstitutionnalité des articles du code général des collectivités territoriales relatifs à la taxe locale sur la publicité extérieure, dans leur rédaction initiale issue de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, ne peut pas être invoquée en l’espèce, puisque les taxes réclamées sont dues au titre de l’année 2016,
— contrairement à ce que prétendent les appelantes, les titres de recettes du 21 novembre 2017 ne visent pas que des délibérations de la commune de [Localité 3] antérieures à la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, puisqu’ils sont expressément fondés notamment sur la délibération n°41 du 14 mai 2012.
En conséquence, il n’y a pas lieu d’annuler les titres de recettes du 21 novembre 2017.
‘ Sur le montant des taxes
Se fondant d’une part sur les dispositions des articles L. 2333-7 et L. 2333-9 du code général des collectivités territoriales et L. 581-3 du code de l’environnement, et d’autre part sur la note d’information établie par la direction générale des collectivités locales le 13 juillet 2016, les appelantes soutiennent que :
— il convient de distinguer 2 types de supports publicitaires : les dispositifs publicitaires au sens du 1° de l’article L. 581-3 du code de l’environnement / les enseignes et les préenseignes, y compris celles visées par les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 581-19 du code de l’environnement,
— pour les secondes, la surface à considérer pour déterminer le montant de la taxe locale sur la publicité extérieure n’est pas celle du panneau hors encadrement, mais seulement celle du rectangle formé par les points extrêmes de l’inscription, forme ou image.
S’agissant de la note du 13 juillet 2016, l’intimée fait justement observer que les sociétés Espace Premium et Espace Premium Sport ne peuvent pas s’en prévaloir, eu égard aux dispositions des articles L. 312-2, L. 312-3 et R. 312-8 du code des relations entre le public et l’administration, dans leur version en vigueur en 2016, faute de publication de cette note sur le site internet relevant du Premier ministre ou sur un autre site désigné dans les conditions de l’article R. 312-9 du même code.
S’il résulte des dispositions du code de l’environnement et du code général des collectivités territoriales que les supports publicitaires peuvent être soit des dispositifs publicitaires au sens du 1° de l’article L. 581-3 du code de l’environnement, soit des enseignes, soit des préenseignes, force est de constater que l’article L. 2333-7 du code général des collectivités territoriales dispose que la taxe locale sur la publicité extérieure frappe les trois types de supports, sans aucune distinction entre eux, et qu’elle est assise sur la superficie exploitée, hors encadrement, du support, soit la superficie utilisable du support, peu important que les inscriptions, formes ou images y figurant n’occupent pas toute cette superficie.
En conséquence, la société Espace Premium n’est pas fondée à soutenir que les surfaces retenues par la commune de [Localité 3] pour les dispositifs publicitairesréférencés dans sa déclaration du 15 novembre 2016 sous les numéros 2 à 5 et 8 à 12 sont erronées, étant précisé que le dispositif portant le numéro 2 n’est pas exclusivement dédié à la signalisation directionnelle et ne peut donc pas être exonéré de la taxe.
La société Espace Premium Plus n’est pas davantage fondée à soutenir que les surfaces retenues par la commune de [Localité 3] pour les dispositifs publicitairesréférencés dans sa déclaration du 15 novembre 2016 sous les numéros 2 et 3 sont erronées.
Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté les appelantes de leurs demandes tendant à être, au moins partiellement, déchargées des sommes mises à leur charge au titre de la taxe locale sur la publicité extérieure pour l’année 2016, soit 7 120 euros pour la société Espace Premium et 1 192 euros pour la société Espace Premium Sport.
Sur les frais de procès
En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, il convient de :
— confirmer les dispositions du jugement déféré ayant statué sur les dépens et alloué à la commune de [Localité 3] une indemnité procédurale de 1 000 euros,
— mettre les dépens d’appel à la charge des appelantes, avec application de l’article 699 du code de procédure civile au profit du conseil de la commune de [Localité 3],
— condamner les appelantes à payer à la commune de [Localité 3] la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SAS Espace Premium et la SAS Espace Premium Sport :
— aux dépens d’appel, Maître Marie Chagué-Gerbay étant autorisée à recouvrer directement à leur encontre ceux dont elle a fait l’avance sans en avoir reçu provision,
— à payer à la commune de [Localité 3] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Le Greffier, Le Président,
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