Cour de cassation, 4 avril 2018
Cour de cassation, 4 avril 2018

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : Publicité vinicole, petites unités géographiques et marques

Résumé

La réglementation sur les appellations d’origine impose des contraintes aux marques vinicoles. Par exemple, la société détentrice des marques « Cuvée du golfe de Saint-Tropez » et « le Grimaudin » a été contrainte de modifier ses marques suite à l’entrée en vigueur du décret du 4 mai 2012. Ce décret interdit de mentionner des unités géographiques plus petites que celles définies par l’appellation d’origine protégée. Bien que le droit de propriété soit fondamental, il doit s’adapter aux nouvelles normes pour protéger les producteurs et les consommateurs contre la concurrence déloyale et les informations trompeuses.

Les marques face aux changements de réglementation

En cas d’adoption d’une réglementation plus contraignante en matière d’appellations d’origine, le déposant d’une marque a-t-il l’obligation de modifier sa marque ? La société  titulaire des marques vinicoles « Cuvée du golfe de Saint-Tropez » et « le Grimaudin » qui avaient été enregistrées avant l’entrée en vigueur du décret du 4 mai 2012 relatif à l’étiquetage et à la traçabilité des produits vitivinicoles, a été condamnée à modifier ses marques. L’article 3 du décret interdit de mentionner le nom d’une unité géographique plus petite que la zone qui est à la base de l’appellation d’origine protégée ou de l’indication géographique protégée si cette possibilité n’est pas prévue par le cahier des charges y afférent.

Droit des marques et droit de propriété

Le droit de propriété, dont la propriété intellectuelle est une composante est un droit fondamental consacré par la Cour européenne des droits de l’homme et protégé par les articles 17 et 52 de la Charte des droits fondamentaux, l’article 1 du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, l’article 44 du règlement (CE) n 479/2008 du 29 avril 2008 et l’accord OMC sur les droits de propriété qui touchent au commerce. Toutefois, les juges du fond ont fait primer à tort ce droit de propriété sur le « nouveau » décret du 4 mai 2012.

Application du règlement du 17 décembre 2013

L’article 102, §2 du règlement UE n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles permet de continuer à utiliser et à renouveler une marque contenant ou consistant en une appellation d’origine protégée ou une indication géographique protégée qui n’est pas conforme au cahier des charges du produit concerné et qui a été déposée, enregistrée ou établie par l’usage de bonne foi (si cette possibilité est prévue dans le droit national concerné), avant la date de protection de l’appellation d’origine ou de l’indication géographique dans le pays d’origine. Néanmoins, aucune disposition ne prévoit la possibilité de poursuivre l’utilisation d’une marque contenant ou consistant en un nom d’une unité géographique plus petite que la zone qui est à la base de l’appellation ou de l’indication concernées lorsque cette marque n’est pas conforme aux règles que les États membres établissent, en application des articles 67 et 70 du règlement du 14 juillet 2009 concernant l’utilisation de ces unités géographiques.

D’autre part, l’article 5 du décret du 4 mai 2012 n’a pas pour effet d’interdire l’usage du nom d’une unité géographique plus petite que celle qui est à la base de l’appellation d’origine protégée ou de l’indication géographique protégée mais seulement d’en préciser les conditions au regard des dispositions du règlement du 14 juillet 2009, et la modification du cahier des charges, lorsqu’il ne prévoit pas une telle possibilité, peut être sollicitée par les producteurs vinicoles dans les conditions de l’article 105 du règlement du 17 décembre 2013.

Par ailleurs, à la date des faits, le cahier des charges de l’appellation d’origine protégée « Côtes de Provence » ne prévoyait pas la possibilité d’utiliser les unités géographiques plus petites « Saint-Tropez » et « Port-Grimaud » et  l’étiquetage des bouteilles mises en circulation n’était dès lors pas conforme à la réglementation.

Les  restrictions prévues, qui sont justifiées par la nécessité d’assurer la sauvegarde des intérêts des producteurs contre la concurrence déloyale et celle des consommateurs contre les indications susceptibles de les induire en erreur, ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété des titulaires de marques commerciales antérieures qui contiennent ou consistent en un nom d’une unité géographique plus petite que la zone qui est à la base de l’appellation ou de l’indication concernées.

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