Cour d’appel de Versailles, 22 février 2019
Cour d’appel de Versailles, 22 février 2019

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Versailles

Thématique : Cession d’illustrations publicitaires 

Résumé

Le contrat de cession d’illustrations publicitaires doit respecter les exigences du Code de la propriété intellectuelle, incluant la durée, le support et l’étendue géographique. Dans l’affaire Havas, un illustrateur a vu sa cession de droits invalidée en raison d’une clause imprécise. La société Havas a reproduit ses œuvres sans autorisation, entraînant une nullité du protocole d’accord. La juridiction a accordé au salarié 20 000 euros en dommages et intérêts, tenant compte de son manque à gagner et de la notoriété de ses dessins, soulignant l’importance d’une rédaction claire et précise des contrats de cession.

Le contrat de cession d’illustrations publicitaires doit stipuler l’ensemble des mentions impératives du Code de la propriété intellectuelle (durée, support, étendue géographique …), toute ambiguïté pouvant emporter la nullité de la cession. 

Affaire Havas

Un dessinateur-illustrateur de la société Havas (ancien directeur artistique de la société Euro RSCG & Cie) a obtenu la condamnation de son ancien employeur. Les parties avaient conclu un accord transactionnel confidentiel dont la clause de cession de droits d’auteur a été invalidée.

Validité du protocole transactionnel

Selon l’article L 131-3 du code de la propriété intellectuelle, la transmission des droits d’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits créés fassent l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à sa durée.  C’est vainement que la société Havas a limité les exigences susdites aux contrats énumérés par l’article L131-2 du CPI alors que l’article précité ne distingue pas et que l’exigence d’un écrit concernant la cession des droits d’auteur a été généralisée à tous les contrats.

Le contrat de cession est d’interprétation stricte et l’auteur d’une oeuvre peut exiger que celle-ci ne soit pas utilisée à d’autres fins que celle qu’il a autorisées. Ses clauses ne doivent pas être rédigées en termes généraux.

Application pratique

Le salarié avait réalisé les illustrations publicitaires, suivant une commande précise de la part de l’agence Havas, pour le client Essilor et en vue de leur exposition au festival de Cannes Lions. Le salarié a donné son accord pour la reproduction et la représentation de ses illustrations à titre gracieux, pour les « opérations visées ci-dessus ».  L’expression visant à interdire la reproduction ou la représentation des illustrations « pour d’autres opérations que celles visées ci-dessus » et en outre à des fins commerciales est générale et imprécise et de nature à créer une ambiguïté.

Il apparaît ainsi que la cession consentie par le salarié de ses droits à titre gracieux, sans précision sur la nature exacte des droits cédés d’une part, ni sur la destination exacte de l’utilisation cédée, rend nulle le protocole d’accord conclu entre le salarié et l’agence Havas  pour non-respect des dispositions du CPI qui tend, par les mentions strictes qu’il impose, à la protection du droit des auteurs.  Il résulte de la nullité du protocole que l’agence Havas a reproduit et représenté sans autorisation de leur auteur les illustrations publicitaires en cause.

Préjudice subi par l’auteur

L’article L331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dans sa nouvelle rédaction issue de la loi du 11 mars 2014 applicable au litige, prévoit que pour fixer les dommages et intérêts la juridiction prend en considération distinctement :

— les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée,

— le préjudice moral causé à cette dernière,

— et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.

Toutefois la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances et droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

En l’espèce, la juridiction a attribué forfaitairement au salarié, en considération de sa notoriété, de la qualité de ses dessins, de l’enseigne au service de laquelle ils ont été mis, et de leur diffusion, tous éléments qui permettent de considérer son manque à gagner et les économies réalisées par la société Havas, la somme de 20 000 euros.

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