Cour d’appel de Paris, 2 octobre 2018
Cour d’appel de Paris, 2 octobre 2018

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Carrefour c/ Système U

Résumé

La publicité comparative doit respecter des critères de véracité, notamment en ce qui concerne la composition des produits. Dans l’affaire opposant Carrefour à Système U, la cour a confirmé que la campagne de Système U, qui vantait des « 500 PRODUITS N°1 SUR LES PRIX », était trompeuse. Les différences significatives entre les produits, tant en qualité qu’en ingrédients, n’étaient pas clairement communiquées, induisant ainsi le consommateur en erreur. La CJUE a souligné que même si les produits répondaient aux mêmes besoins, les variations essentielles de composition pouvaient influencer le choix d’achat, rendant la comparaison inappropriée.

Ingrédients : un facteur substantiel de comparaison

En matière de publicité comparative, les produits sélectionnés doivent être comparables y compris sur le volet de la composition de leurs ingrédients. La condamnation de la coopérative SYSTEME U pour pratique commerciale trompeuse a été confirmée. Cette dernière avait diffusé, dans la presse et sur son site internet, une campagne publicitaire comparative sous le slogan « 500 PRODUITS N°1 SUR LES PRIX ». La société CARREFOUR a mis en demeure SYSTEME U de prouver sous 48 heures l’exactitude matérielle des énonciations contenues dans la publicité puis assigné cette dernière en publicité trompeuse.

Les différences relevées entre les produits comparés étaient de nature à conditionner de manière sensible le choix du consommateur entre deux produits. Le consommateur doit être informé lorsque la comparaison est réalisée sur le seul critère du prix, même si les produits présentent entre eux une substituabilité. En l’espèce, les produits n’étant pas tous identiques, et au vu des variations relevées entre eux s’agissant tant de la quantité que de la qualité ou de leur composition, l’information communiquée par les enseignes U au consommateur ne lui permettait pas d’apprécier ces différences et de déterminer son choix en toute connaissance.

Conditions de la publicité trompeuse

L’article 121-2 du code de la consommation dispose qu’une pratique commerciale est trompeuse, notamment lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants : i) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ; ii) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service.  En outre, toute publicité comparative ne doit pas être trompeuse ou de nature à induire en erreur et porter sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif. Elle doit comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie.

Position de la CJUE

A ce titre, la CJUE considère qu’une publicité peut revêtir un caractère trompeur, notamment s’il est constaté que, aux fins d’une comparaison effectuée sous l’angle exclusif du prix, ont été sélectionnés des produits alimentaires qui présentent pourtant des différences de nature à conditionner de manière sensible le choix du consommateur moyen, sans que lesdites différences ressortent de la publicité concernée.

Produits comparés bien distincts

Appliqué au cas d’espèce, la publicité comparative diffusée portait majoritairement sur des produits dont plus de la moitié étaient sous marque distributeur. Est considéré comme produit vendu sous marque de distributeur le produit dont les caractéristiques ont été définies par l’entreprise ou le groupe d’entreprises qui en assure la vente au détail et qui est le propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu. Les deux tiers des produits n’étaient donc pas strictement identiques à ceux distribués dans les magasins sous les enseignes concurrentes, et dans lesquels les relevés de prix avaient été effectués. S’agissant de produits qui n’étaient pas strictement identiques, et alors que la comparaison était effectuée sous le seul angle des prix, il revenait à la Coopérative U d’apporter au consommateur moyen toute information sur les différences entre ces produits de nature à conditionner de manière sensible son choix.

Or, en l’espèce, la comparaison a notamment porté sur des produits dont les ingrédients  étaient de nature à influencer le choix du consommateur (exemple : boîte de cassoulet à la  saucisse de Toulouse et viande de porc chez Système U contre cassoulet aux manchons de canard chez Carrefour).

De même, la comparaison a porté sur un produit gel WC dont la teneur en chlore était significativement différente, puisque de 1% dans le produit U et de 4,5% dans le produit carrefour, et cette différence de composition entre les produits peut également orienter le consommateur dans son acte d’achat.

Le besoin du consommateur non déterminant

Même si les produits en cause répondaient aux mêmes besoins, la nature des principaux ingrédients d’un plat cuisiné est de nature à déterminer l’acte d’achat d’un consommateur, comme la teneur plus ou moins importante d’un principe actif dans un produit de nettoyage. Il n’est pas contesté que ces différences qualitatives ne figuraient pas sur la liste des produits comparés qui était consultable par les consommateurs sur le site internet de la société Système U. Par ailleurs, la comparaison figurant sur le tableau accessible au consommateur entre certains produits était réalisée sans que le poids/quantité des produits U ne soit mentionné, alors que le poids du produit carrefour est indiqué.

Évaluation du préjudice

Sur le volet du préjudice, CARREFOUR n’invoquait pas un dommage économique direct se matérialisant par une baisse de son chiffre d’affaires à la suite de la campagne publicitaire en cause. Pour autant, les manquements étaient de nature à provoquer un trouble commercial.  L’importance du préjudice subi a été évaluée au vu de l’ampleur de la campagne publicitaire (120 000 euros de dommages-intérêts).

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