L’Essentiel : Un laboratoire a été condamné pour avoir utilisé le sigle du CNRS dans une publicité pour un gel antidouleur, ce qui a été jugé comme une pratique commerciale trompeuse. Malgré les arguments du laboratoire, affirmant avoir été induit en erreur par un chercheur, la cour a estimé que la société aurait dû vérifier les pouvoirs de ce dernier. L’utilisation inappropriée du sigle a pu créer une confusion sur l’indépendance du CNRS, nuisant à sa réputation. En conséquence, le CNRS a obtenu 10 000 € de dommages-intérêts pour le préjudice d’image causé par cette communication trompeuse.
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Bonne foi exclueUn laboratoire qui commercialise un gel antidouleur a été condamné pour pratiques commerciales trompeuses pour avoir utilisé le sigle du CNRS à titre publicitaire. Le laboratoire a fait valoir en vain que le chercheur avec lequel elle avait collaboré pour la mise au point de son gel lui avait fait croire qu’il agissait au nom et pour le compte du CNRS. Cette croyance légitime avait été entretenue en faisant mention de l’acronyme du CNRS sur le papier à en-tête du chercheur, ses rapports de recherche et ses factures et en annonçant, par email au laboratoire, avoir contacté la direction du CNRS pour valider le message publicitaire à destination des consommateurs. Absence de mandat apparentL’appréciation de la croyance légitime doit s’effectuer tant en fonction de la personnalité, des compétences et de l’expérience professionnelle de celui qui l’invoque, que du comportement et de la position occupée par le mandataire apparent vis-à-vis du supposé mandant. La société était suffisamment rompue à la vie des affaires pour savoir que l’engagement d’un établissement public dans les liens d’un contrat avec une société commerciale obéissait à des règles exorbitantes du droit commun et devait respecter un formalisme spécifique, auxquelles l’envoi d’un simple courriel par l’un de ses agents, fut-il directeur de recherche, ne pouvait satisfaire. De même, la mention à soi seule sur les documents reçus de l’acronyme CNRS, n’autorisait pas la société, en dehors de toute vérification des pouvoirs du chercheur auprès de son employeur, à croire légitimement qu’il en était le représentant. La thèse selon laquelle elle aurait pu, sans rien payer au CNRS, croire de bonne foi disposer de ces droits à titre gratuit n’était pas crédible. Les conditions requises pour retenir l’existence d’un mandat apparent n’étaient donc pas réunies. Garantie d’éviction du chercheurLa garantie d’éviction du chercheur n’a pas été retenue. Celui-ci avait contracté avec le laboratoire et encaissé des honoraires rémunérant l’étude qu’il avait réalisée ; il avait agi seul, en marge de ses activités de chercheur, en dehors de tout lien de préposition au sens de l’article 1384 ancien du Code civil. Le dol a également été exclu. Le dol se définit comme une manœuvre ayant pour but et pour résultat de surprendre le consentement d’une partie à un contrat. La loi ne fait du dol un vice du consentement que si il a été commis par le cocontractant, de façon malhonnête, et si il a déterminé le consentement de celui qui s’en plaint. Le dol peut être invoqué pour conclure seulement à une réparation sous forme de dommages-intérêts. Le chercheur a incontestablement fait preuve de légèreté en avisant la société qu’il disposait d’assurances du CNRS sur l’utilisation de son sigle, ainsi qu’en validant les publicités du laboratoire et en se prévalant sur son propre papier à en-tête de l’acronyme de son employeur, alors qu’il intervenait à titre privé et indépendant. Pour autant ces agissements, n’ont pas constitué des manœuvres malhonnêtes préalables à la conclusion des contrats de recherche entre les parties. Il n’a pas été fait droit à la demande de condamnation du chercheur pour dol. Droits de propriété intellectuelle des personnes publiquesToute personne morale de droit public, dotée de la personnalité juridique, dispose d’un droit exclusif sur son nom et au respect de sa réputation et de son image. Toute atteinte à ceux-ci oblige leur auteur à réparer le préjudice causé. Au cas présent, la communication publicitaire a pu faire croire aux consommateurs, aux laboratoires pharmaceutiques, à la communauté scientifique et médicale que le CNRS procédait à des études et à des essais comparatifs sur l’efficacité de médicaments à des fins commerciales et qu’il concédait le droit à l’utilisation de son sigle, alors qu’il n’en était rien. Cette communication inappropriée a été de nature à mettre en cause, dans l’esprit du public, l’indépendance et l’impartialité du CNRS et à faire naître la suspicion sur un lien d’intérêt entre cet établissement public, gérant une activité scientifique présentant un caractère d’intérêt général, et l’industrie du médicament. Cette diffusion a été également trompeuse en ce qu’elle s’est recommandée indument de la caution scientifique du CNRS. Préjudice d’image du CNRSLa société a donc, en procédant de la sorte, nécessairement porté atteinte à la réputation et à l’image du CNRS. Le CNRS était habilité à solliciter la réparation du dommage qui s’en est suivi (10 000 € à titre de dommages-intérêts). |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles pratiques commerciales ont conduit à la condamnation du laboratoire ?Le laboratoire a été condamné pour pratiques commerciales trompeuses en raison de l’utilisation du sigle du CNRS dans sa publicité pour un gel antidouleur. Cette utilisation a induit en erreur les consommateurs, leur faisant croire que le CNRS était impliqué dans la validation du produit. Le laboratoire a tenté de justifier son action en affirmant que le chercheur avec qui il avait collaboré lui avait fait croire qu’il agissait au nom du CNRS. Cependant, cette défense a été jugée insuffisante, car le laboratoire aurait dû vérifier les pouvoirs du chercheur avant de se fier à ses affirmations. Quelles sont les conditions pour établir un mandat apparent ?L’appréciation de la croyance légitime repose sur plusieurs critères, notamment la personnalité, les compétences et l’expérience professionnelle de la personne qui l’invoque. Il est également essentiel de considérer le comportement et la position du mandataire apparent par rapport au supposé mandant. Dans ce cas, le laboratoire, en tant qu’entité expérimentée dans le domaine des affaires, aurait dû être conscient des règles spécifiques régissant les engagements d’un établissement public. L’envoi d’un simple courriel par un directeur de recherche ne suffisait pas à établir un mandat apparent, et la mention du sigle CNRS sur des documents ne pouvait pas justifier une croyance légitime sans vérification préalable. Pourquoi la garantie d’éviction du chercheur n’a-t-elle pas été retenue ?La garantie d’éviction du chercheur n’a pas été retenue car celui-ci avait agi de manière indépendante, en dehors de ses fonctions de chercheur. Il avait contracté avec le laboratoire et perçu des honoraires pour l’étude réalisée, ce qui le plaçait dans une position de cocontractant et non de représentant du CNRS. Le dol, qui implique des manœuvres malhonnêtes pour tromper le consentement d’une partie, n’a pas été établi dans ce cas. Bien que le chercheur ait agi avec légèreté en affirmant avoir des assurances du CNRS, ses actions n’ont pas constitué des manœuvres malhonnêtes préalables à la conclusion des contrats. Quels sont les droits de propriété intellectuelle des personnes publiques ?Les personnes morales de droit public, comme le CNRS, disposent d’un droit exclusif sur leur nom, leur réputation et leur image. Toute atteinte à ces droits engage la responsabilité de l’auteur de l’atteinte, qui doit réparer le préjudice causé. Dans cette affaire, la communication publicitaire du laboratoire a pu induire en erreur le public, laissant croire que le CNRS était impliqué dans des études commerciales. Cela a mis en cause l’indépendance et l’impartialité du CNRS, créant une suspicion de lien d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique. Quel préjudice d’image a subi le CNRS et quelle réparation a été demandée ?Le CNRS a subi un préjudice d’image en raison de la communication trompeuse du laboratoire, qui a porté atteinte à sa réputation. Cette atteinte a conduit le CNRS à demander réparation pour le dommage subi, qui a été évalué à 10 000 € à titre de dommages-intérêts. La décision de justice a reconnu que la diffusion inappropriée des informations par le laboratoire avait des conséquences néfastes sur la perception du CNRS par le public. Ainsi, le CNRS était en droit de solliciter une réparation pour le préjudice causé par cette communication trompeuse. |
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