L’Essentiel : Les publicités de LIDL, qui créaient un sentiment d’urgence en présentant des produits en stock limité, ont été jugées contraires à l’article 8 du décret n°92-280 du 27 mars 1992. Cette réglementation interdit les publicités audiovisuelles pour des ventes promotionnelles dans le secteur de la distribution. En conséquence, LIDL a été condamné à verser 3 millions d’euros à Carrefour pour concurrence déloyale. Les pratiques de LIDL, visant à inciter les consommateurs à acheter rapidement, ont été qualifiées d’opérations promotionnelles illégales, altérant ainsi le comportement des clients et violant les normes de publicité en vigueur.
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Les publicités audiovisuelles du secteur de la distribution présentant des produits en stock limité et tendant à faire naître un sentiment d’urgence chez le consommateur constituent des opérations promotionnelles prohibées au sens de l’article 8 du décret n°92-280 du 27 mars 1992. 3 millions d’euros de dommages et intérêtsLa société LIDL a été condamnée à payer aux sociétés Carrefour Hypermarchés, la somme de 3 millions d’euros pour concurrence déloyale. La publicité audiovisuelle LIDL était contraire à l’article 8 du décret n°92-280 du 27 mars 1992 prohibant les publicités télévisuelles pour des ventes promotionnelles (secteur de la distribution). Publicité télévisée du secteur de la distributionAu vu des constats réalisés, les sociétés Carrefour prétendaient que, très rapidement après le début annoncé de la mise en rayon des produits ayant fait l’objet des publicités télévisées litigieuses, la quasi-totalité d’entre eux était indisponible dans les rayons des magasins LIDL. Ces opérations de « ventes éphémères » constituaient des opérations promotionnelles qui, d’une part, ne pouvaient donner lieu à une publicité télévisée conformément à la réglementation en vigueur et, d’autre part, étaient constitutives de pratiques commerciales déloyales. Décret n°92-280 du 27 mars 1992Pour rappel, l’article 8 du décret n°92-280 du 27 mars 1992 interdit la publicité concernant, d’une part, les produits dont la publicité télévisée fait l’objet d’une interdiction législative et, d’autre part, les produits et secteurs économiques suivants : distribution pour les opérations commerciales de promotion se déroulant entièrement ou principalement sur le territoire national. Au sens du décret, on entend par opération commerciale de promotion toute offre de produits ou de prestations de services faite aux consommateurs ou toute organisation d’événements qui présente un caractère occasionnel ou saisonnier, résultant notamment de la durée de l’offre, des prix et des conditions de vente annoncés, de l’importance du stock mis en vente, de la nature, de l’origine ou des qualités particulières des produits ou services ou des produits ou prestations accessoires offerts. L’article 8 prohibe donc les opérations commerciales de promotion télévisuelle dans le secteur de la distribution. L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) a édicté en juin 2006 une note de doctrine explicitant cet article. Il y est notamment précisé que : « Pour pouvoir communiquer en publicité télévisée sur le prix des produits et services, le distributeur doit déclarer au BVP que le prix pratiqué et la disponibilité du produit (stock) ne sont pas promotionnels, à savoir que le prix est normal, stable, qu’il s’inscrit, avec la disponibilité du produit ou du service correspondant, dans la durée. Ainsi pourra constituer une période de référence, une durée de 15 semaines de maintien du prix annoncé et des stocks disponibles. Toutefois, cette durée pourra être appréciée après examen par le BVP en tenant compte de la nature des produits ou services » Selon le rapport au Premier Ministre, la limitation à la publicité de l’article 8 vise à sauvegarder le pluralisme des médias en évitant que la télévision ne constitue le support essentiel de publicité au détriment des autre supports : « La limitation de la publicité portant sur les promotions permettra de contribuer à la sauvegarde du pluralisme en évitant un impact non maîtrisé de l’ouverture sur les ressources globales des médias à moindre potentiel de collecte publicitaire que la télévision, comme la presse écrite régionale ou locale ou les radios locales et généralistes. Cette évolution maîtrisée permettra d’éviter des transferts brutaux de ressources de la presse et de la radio vers la télévision, contribuant à l’objectif d’intérêt général de réservation du pluralisme et de la diversité des médias ». La pratique interdite ne constitue donc pas une pratique commerciale déloyale au sens de l’article 4 de la directive. En effet, l’interdiction de ventes promotionnelles de la grande distribution sur les chaînes de télévision ne vise pas directement à protéger le consommateur, celui-ci pouvant en être informé par d’autres médias, mais à préserver l’attractivité des différents médias par rapport à la télévision, au regard de la publicité des annonceurs. Au regard de cet objectif, la publicité de la grande distribution qui constitue une source de revenus publicitaires importante ne doit pas se concentrer sur les régies publicitaires des chaînes de télévision. Il n’y avait donc pas lieu de vérifier la conformité de l’article 8 à la directive n° 2005/29 du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales, ni de poser une question préjudicielle à la Cour de justice. Le sentiment d’urgence à acheterIl a été jugé que LIDL mettait délibérément un nombre limité de produits en rayon afin de créer chez le client un « sentiment d’urgence à acheter » : le client, sachant que les produits seraient rapidement en rupture, se pressait d’aller l’acheter, après avoir vu la publicité sur les chaînes télévisées. La diffusion des publicités en cause constituait, au regard de l’importance du stock mis en vente et de la limitation de l’offre commerciale dans la durée, une opération commerciale de promotion interdite par l’article 8 du Décret du 27 mars 1992. L’altération du comportement du consommateur était démontrée, la durée limitée de l’offre en magasin étant caractéristique d’une opération promotionnelle. Pratiques trompeusesPour rappel, selon l’article L. 121-4 du code de la consommation : « Sont réputées trompeuses, au sens des articles L. 121-2 et L. 121-3, les pratiques commerciales qui ont, entre autres, pour objet de proposer l’achat de produits ou la fourniture de services à un prix indiqué sans révéler les raisons plausibles que pourrait avoir le professionnel de penser qu’il ne pourra fournir lui-même ou faire fournir par un autre professionnel, les produits ou services en question ou des produits ou services équivalents au prix indiqué, pendant une période et dans des quantités qui soient raisonnables compte tenu du produit ou du service, de l’ampleur de la publicité faite pour le produit ou le service et du prix proposé ». Sont également réputées trompeuses, les pratiques tendant à proposer l’achat de produits ou la fourniture de services à un prix indiqué, et ensuite : i) De refuser de présenter aux consommateurs l’article ayant fait l’objet de la publicité ; ii) Ou de refuser de prendre des commandes concernant ces produits ou ces services ou de les livrer ou de les fournir dans un délai raisonnable ; iii) Ou d’en présenter un échantillon défectueux, dans le but de faire la promotion d’un produit ou d’un service différent. L’article L. 121-4 5° du code de la consommation répute aussi trompeur le fait de proposer l’achat de produits à un prix indiqué « sans révéler les raisons plausibles que pourrait avoir le professionnel de penser qu’il ne pourra fournir lui-même ». En diffusant sur les chaînes télévisées des publicités pour des produits dont les stocks mis à disposition des clients étaient très faibles, la société LIDL avait conscience qu’elle ne pourrait pas fournir lesdits produits pendant une période raisonnable. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conséquences de la condamnation de LIDL ?La société LIDL a été condamnée à verser 3 millions d’euros de dommages et intérêts à Carrefour Hypermarchés pour concurrence déloyale. Cette décision a été prise en raison de la violation de l’article 8 du décret n°92-280 du 27 mars 1992, qui interdit les publicités télévisées pour des ventes promotionnelles dans le secteur de la distribution. Cette condamnation souligne l’importance de respecter les réglementations en matière de publicité, en particulier dans un secteur aussi concurrentiel que la grande distribution. Les pratiques commerciales déloyales, comme celles mises en œuvre par LIDL, peuvent entraîner des sanctions financières significatives et nuire à la réputation de l’entreprise. En outre, cette affaire met en lumière la nécessité pour les entreprises de s’assurer que leurs campagnes publicitaires respectent les lois en vigueur afin d’éviter des litiges coûteux. Quelles sont les restrictions imposées par le décret n°92-280 ?Le décret n°92-280 du 27 mars 1992, et plus particulièrement son article 8, impose des restrictions strictes concernant la publicité dans le secteur de la distribution. Il interdit la publicité télévisée pour les opérations commerciales de promotion qui se déroulent principalement sur le territoire national. Les opérations commerciales de promotion sont définies comme toute offre de produits ou de services faite aux consommateurs, qui présente un caractère occasionnel ou saisonnier. Cela inclut des éléments tels que la durée de l’offre, les prix, les conditions de vente, et l’importance du stock mis en vente. Cette réglementation vise à protéger le pluralisme des médias en évitant que la télévision ne devienne le principal support de publicité, au détriment d’autres médias comme la presse écrite ou les radios locales. En conséquence, les entreprises doivent être prudentes dans la manière dont elles communiquent sur leurs promotions. Comment LIDL a-t-il créé un sentiment d’urgence chez les consommateurs ?LIDL a été jugé coupable d’avoir délibérément limité le nombre de produits disponibles en rayon pour créer un « sentiment d’urgence à acheter » chez les consommateurs. Cette stratégie visait à inciter les clients à se précipiter pour acheter les produits, en sachant qu’ils seraient rapidement en rupture de stock. La diffusion de publicités sur les chaînes télévisées, combinée à la limitation de l’offre, a été considérée comme une opération commerciale de promotion interdite par l’article 8 du décret du 27 mars 1992. L’importance du stock mis en vente et la durée limitée de l’offre ont été des éléments clés qui ont démontré l’altération du comportement des consommateurs. Cette pratique soulève des questions éthiques sur la manière dont les entreprises peuvent influencer les décisions d’achat des consommateurs, en jouant sur leurs émotions et leur perception de la disponibilité des produits. Quelles sont les pratiques commerciales considérées comme trompeuses ?Selon l’article L. 121-4 du code de la consommation, plusieurs pratiques commerciales sont considérées comme trompeuses. Cela inclut la proposition d’achat de produits à un prix indiqué sans révéler les raisons plausibles pour lesquelles le professionnel pourrait ne pas être en mesure de fournir ces produits. Les pratiques trompeuses incluent également le refus de présenter les articles annoncés, le refus de prendre des commandes, ou la présentation d’échantillons défectueux dans le but de promouvoir un produit différent. Ces actions peuvent induire les consommateurs en erreur et fausser leur jugement sur la disponibilité et la qualité des produits. Dans le cas de LIDL, la diffusion de publicités pour des produits dont les stocks étaient très limités a été jugée trompeuse, car l’entreprise savait qu’elle ne pourrait pas fournir ces produits dans un délai raisonnable. Cela souligne l’importance de la transparence dans les pratiques commerciales pour maintenir la confiance des consommateurs. |
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