Cour de cassation, 7 janvier 2020
Cour de cassation, 7 janvier 2020

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : Diffamation sur Facebook contre une commune

Résumé

La diffamation à l’encontre d’une commune nécessite une procédure spécifique, incluant une délibération du conseil municipal. Dans l’affaire d’Asnières-sur-Seine, la commune a porté plainte suite à des propos diffamatoires publiés sur Facebook. Le prévenu a été condamné à une amende et à une peine de prison avec sursis, mais cette décision a été censurée. Les juges ont souligné que la plainte devait être initiée par le maire, en tant que chef de la police municipale, et non par la commune elle-même, ce qui a conduit à l’irrecevabilité de l’action engagée.

La diffamation contre une commune est soumise à une procédure bien spécifique. La plainte avec constitution de partie civile déposée par une commune n’est régulière que si elle est précédée d’une délibération du conseil municipal, laquelle doit mentionner avec une précision suffisante les faits qu’elle entend dénoncer, ainsi que la nature des poursuites qu’elle requiert, sans que ses insuffisances puissent être réparées par ladite plainte ou par le réquisitoire introductif.

Affaire Asnières-sur-Seine

Sur délibération de son conseil municipal, la commune
d’Asnières-sur-Seine a porté plainte et s’est constituée partie civile, à la
suite de la mise en ligne, sur la page Facebook d’un administré, des passages
suivants : « La Police Manuel semble être source de tension, multipliant
les provocations pendant le ramadan. « La Police Manuel n’a pas bougé,
comme d’habitude» et «Qui a transformé la Police Municipale en
structure à son service, cherchant davantage à satisfaire la main qui la
nourrit, qu’à gérer la sécurité des habitants?».

Prison avec sursis

Le prévenu a été renvoyé devant le tribunal correctionnel et condamné à une
peine d’amende et de prison avec sursis. Cette condamnation a été censurée à plusieurs
titres. En premier lieu, au sens de l’article 111-3 du code pénal, nul ne peut
être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi. Or, en prononçant une
peine qui n’est pas prévue par l’article 30 de la loi du 29 juillet 1881 sur la
liberté de la presse, qui réprime d’une amende de 45 000 euros le délit de
diffamation publique envers un corps constitué, la juridiction a méconnu le
sens et la portée du texte susvisé.

Censure des juges suprêmes

En second lieu, lorsque les juges du fond sont saisis
par une ordonnance de renvoi du juge d’instruction en matière d’infractions à
la loi sur la liberté de la presse, ils doivent vérifier si la plainte avec
constitution de partie civile, combinée avec le réquisitoire introductif,
répond aux exigences de la loi de 1881 et, en cas d’inobservation de celle-ci,
prononcer la nullité des poursuites. Pour dire irrecevable l’exception de
nullité de la délibération du conseil municipal, la juridiction a considéré que
l’exception apportée en matière de presse aux dispositions de l’article 175 du
code de procédure pénale doit être interprétée strictement, ne peut concerner
que les éléments intrinsèques à la plainte avec constitution de partie civile et
ne saurait être étendue à la délibération du conseil municipal, qui n’est pas
un de ces éléments intrinsèques à la plainte. En se prononçant ainsi, alors que
la validité de la mise en mouvement de l’action publique par la commune
dépendait de la régularité de la délibération du conseil municipal
l’autorisant, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée de la loi.

Action mal dirigée

En troisième lieu, lorsqu’il est imputé à une administration publique un fait qui porte atteinte à son honneur ou à sa considération, la poursuite ne peut avoir lieu, si le corps concerné n’a pas d’assemblée générale, que sur la plainte du chef du corps ou du ministre duquel ce corps relève. Pour écarter l’exception d’irrecevabilité de l’action engagée par la commune d’Asnières-sur-Seine, l’arrêt énonce que les propos discutés visent expressément la police municipale de cette ville, qui est un service dépendant de la municipalité et placé sous l’autorité de la commune. Or, la police municipale est un service administratif, qui n’a pas d’assemblée générale, il est, ainsi qu’il résulte des dispositions des articles L. 2212-1 du code général des collectivités locales et L. 511-1 et L. 511-2 du code de la sécurité intérieure, placé sous l’autorité du maire, qui en nomme les agents, et ce pour exécuter des tâches qui relèvent de sa compétence propre. Il en résulte que le maire doit être regardé comme le chef de corps de la police municipale. C’est donc à lui, et non à la commune, qu’il appartenait de porter plainte et de se constituer partie civile. Télécharger la décision

 


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