Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Rennes
Thématique : Critiquer sa banque sur son Blog : légal ou non ?
→ Résumé
Critiquer sa banque sur un blog est légal tant que l’expression reste modérée et honnête. Cependant, un dirigeant de société a été condamné pour diffamation après avoir accusé sa banque de « tuer » des entreprises sans preuve. Ses affirmations, qualifiées de mensongères, ont porté atteinte à l’honneur de la banque. L’article, qui insinuait des manipulations malhonnêtes, a révélé une animosité personnelle de l’auteur, rendant sa défense de bonne foi irrecevable. La diffamation nécessite des faits précis, et l’absence de preuves peut entraîner des sanctions, comme la suppression de l’article incriminé.
Les critiques de sa banque relèvent de la liberté d’expression dans la mesure où l’on s’exprime avec modération et sans malhonnêteté intellectuelle en présentant les faits objectivement. Y compris en cas de diffamation, la bonne foi peut être retenue en faveur de l’auteur des propos (sous certaines conditions).
Condamnation du dirigeant d’une société
En la cause, le dirigeant d’une société et auteur d’un blog a été condamné pour diffamation envers sa banque. Accusant celle-ci d’avoir «tué» des entreprises, rien n’établissait que les pratiques de la banque aient conduit à des difficultés financières / dépôts de bilans de commerçants.
Propos mensongers et diffamatoires
Il avait donc mensongèrement insinué dans l’article litigieux qu’il a risqué la perte de chiffre d’affaires, le dépôt de bilan et le licenciement de ses salariés, tout en suggérant par l’emploi du pluriel («’derrière les entreprises que vous tuez par le cumul de vos maladresses’») que d’autres entreprises pourraient aussi être victimes des agissements de sa banque.
Ces affirmations mensongères et insinuations conduisaient le lecteur à penser que la société BPGO était une banque peu sérieuse et malhonnête. Ils étaient bien de nature à porter atteinte à l’honneur de la société BPGO.
Il était donc établi que l’article intitulé : «’Banque : la BPGO [toujours] au centre de manipulations suspectes’» présentait un caractère diffamatoire.
Existence d’une animosité personnelle
Les mots et expressions utilisés, soit « La BPGO [toujours] au centre de manipulations suspectes’», «’La BPGO semble s’affranchir de toute éthique, probité et sérieux dans ses actions’», «’manoeuvres déloyales’», «’manipulations suspectes’», «’manoeuvres malhonnêtes’», comme le choix du verbe «’tuer’» et le ton de l’article révèlent une animosité personnelle de l’auteur à l’encontre de la société BPGO à la suite de la réunion de janvier 2022, où il a insulté un des salariés de la banque, et de la décision de celle-ci de rompre leurs relations contractuelles «’suite à votre comportement menaçant et insultant envers les collaborateurs de notre banque’».
Il ne ressortait pas de l’article que l’auteur des propos a agi à des fins légitimes dans le cadre d’un débat d’intérêt général sur le comportement des établissements bancaires alors que les propos qu’il tient et leur ton montrent qu’il s’agit essentiellement de dénoncer le comportement de la société BPGO à son égard.
Dans un article publié sur son blog, il évoquait d’ailleurs l’action engagée par lui contre la banque et rapportait dans le détail et sur un ton qui n’était pas neutre la teneur de ses relations personnelles avec la banque
Conditions de la diffamation
Pour être diffamatoire, une imputation doit se présenter sous la forme d’une articulation précise de faits de nature à être, sans difficulté, l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire. Si l’imputation n’est que l’expression d’une opinion ou d’un jugement de valeur, elle n’est pas diffamatoire.
Il ressort de l’emploi des termes « même si elle est faite sous forme dubitative’» dans l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 que la diffamation peut être constituée par une insinuation ou un propos usant d’une forme déguisée ou dubitative.
Notion de diffamation
L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 dispose : «’Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation.
La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.
Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure.’»
Attention aux mentions de l’assignation pour diffamation
L’article 53 alinéas 1 et 3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose : « La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite. Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité ». La citation doit renseigner le défendeur sur les faits qui lui sont reprochés et le mettre en mesure de préparer utilement sa défense.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES ARRÊT DU 10 MAI 2022 1ère Chambre
ARRÊT N°188/2022
N° RG 21/05879 – N° Portalis DBVL-V-B7F-SBB4
BANQUE POULAIRE GRAND OUEST
C/
M. [F] [V]
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre entendue en son rapport,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 15 Février 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Mai 2022 par mise à disposition au greffe, après prorogation du délibéré annoncé au 03 mai 2022 à l’issue des débats
APPELANTE :
La Société BANQUE POULAIRE GRAND OUEST, société coopérative de banque populaire à forme anonyme, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Erwan PRIGENT de la SELARL ACTAVOCA, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Marie-Pierre L’HOPITALIER, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉ :
Monsieur [F] [V]
né le [Date naissance 5] 1982 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Benoît RIVAIN, avocat au barreau de NANTES
FAITS ET PROCÉDURE
Le 17 mai 2001, M. [F] [V] a publié sur son «’blog’» un article titré : «’Banque : la BPGO [toujours] au centre de manipulations suspectes’»,accessible par l’URL : https://www.[07].com/banque-la-bpgo-au-centre-de-manipulations-suspectes/.
Dans cet article il est écrit :
«’La BPGO semble s’affranchir de toute éthique, probité et sérieux dans ses actions.
«’Savez-vous, chers agents de la BPGO, que derrière les entreprises que vous tuez par vos manoeuvres déloyales, se trouvent des salariés »»
En effet, nous constatons de nouvelles manipulations suspectes de la parte des agents de la BPGO qui ressemblent à des manoeuvres malhonnêtes.
Le 14 mai 2021, nous recevons un courrier en LRAR de la BPGO (Banque Populaire Grand Ouest).
Ce courrier a été adressé par des agents de la banque en question le 11 mai 2021 : (photographie de l’enveloppe du courrier recommandé avec encadré en rouge de la date du 11 mai 2021).
Or, le courrier qui s’y trouve est daté du ‘ 3 février 2021 : (photographie de l’entête d’un courrier adressé à la SASU DOTNET, avec encadre en rouge de la date du 3 février 2021)
En outre, ce courrier était MAJEUR car il concernait l’arrêt du TEPV Banque Populaire.
Si le TEPV n’était plus en service, l’entreprise ne pouvait plus encaisser de C.A. et elle était inéluctablement condamnée à déposer le bilan.
Savez-vous, chers agents de la BPGO, que derrière les entreprises que vous tuez par le cumul de vos maladresses, se trouvent des salariés »
Puis que dire de l’adresse renseignée par leurs services ‘ ‘ «'[Adresse 4]’» au lieu de «'[Adresse 3]’» ‘
La BPGO c’est terminé, tant personnellement que professionnellement.
A déconseiller.’»
Le 23 juin 2021, la société BPGO (Banque populaire du grand ouest) a assigné M. [V] en suppression de cet article à l’audience du 8 juillet 2021 du juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes.
Par ordonnance du 9 juillet 2021, le juge des référés a constaté la caducité de la procédure, en application de l’article 754 du code de procédure civile, au motif que l’assignation n’a pas été remise au greffe au moins 15 jours avant la date de l’audience.
Le 13 juillet 2021, la société BPGO a assigné à nouveau M. [V] en suppression de l’article à l’audience du 29 juillet 2021 du juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes.
Par ordonnance du 9 septembre 2021, le juge des référés a :
— prononcé la nullité de l’assignation au motif que les prétentions de la société BPGO sont insuffisamment précises et ne satisfont pas aux exigences de l’article 53 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1980 (lire 1881),
— laissé les dépens à la charge de la demanderesse,
— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
La société BPGO a fait appel le 16 septembre 2021 de l’ensemble des chefs de la décision.
Elle expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 17 janvier 2022 auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Elle demande à la cour de :
— infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a prononcé la nullité de l’assignation,
— juger que l’assignation respecte les conditions posées par l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881.
Elle demande à la cour de :
— juger que l’article du blog titré « Banque : La BPGO [toujours] au centre de manipulations suspectes » accessible via l’URL suivant : https://www.[07].com/banque-la-bpgo-au-centre-de-manipulations-suspectes/ publié le 17 mai 2021 est diffamatoire,
— ordonner à M. [V], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision, de procéder à la suppression totale de l’article concerné,
— le débouter de l’ensemble de ses demandes,
— le condamner aux dépens et à lui payer la somme de 8000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [V] expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 19 octobre 2021 auxquelles il est renvoyé en application de l’article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Il demande à la cour de :
— confirmer l’ordonnance en ce qu’elle prononce la nullité de l’assignation,
— à titre subsidiaire, débouter la société BPGO de toutes ses demandes,
— en tout état de cause, infirmer l’ordonnance en ce que sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile a été rejetée et condamner la société BPGO aux entiers dépens et à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par avis du 26 novembre 2021, le ministère public a fait valoir que l’appel est recevable et qu’il s’en remet, sur le fond, à la sagesse de la cour.
MOTIFS DE L’ARRÊT
1) Sur la demande de nullité de l’assignation
L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 dispose : «’Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.
Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure.’»
L’article 53 alinéas 1 et 3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose : «’La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite.
(‘) Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité’»
La citation doit renseigner le défendeur sur les faits qui lui sont reprochés et le mettre en mesure de préparer utilement sa défense.
L’assignation signifiée le 13 juillet 2021 cite dans son intégralité le texte publié sur le blog de M. [V] le 17 mai 2021, sous l’intitulé «’L’identification du contenu diffamatoire : l’article du blog’», énonce en page 8 que les propos litigieux identifiés en partie I peuvent être qualifiés de diffamation publique envers la société BPGO, clairement citée, rappelle en page 10 et en caractères gras les propos diffamatoires et les analyse en pages 9 à 14, reprenant les circonstances dans lesquelles le courrier du 3 février 2021 a été adressé à M. [V].
En page 14 de l’assignation elle conclut, avant le dispositif, qu’en considération de ce qui précède, les propos relatés relèvent de la qualification de diffamation.
Il en ressort que la société BPGO entend soutenir que l’ensemble de l’article, écrit à partir du courrier du 3 février 2021 adressé à M. [V] pour lui notifier l’arrêt du TPEV, est diffamatoire, en ce qu’il repose sur des informations mensongères.
Par ailleurs, le fondement légal de la demande est visé en ce que les dispositions de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sont rappelées.
En prenant connaissance de l’assignation, M. [V] a bien été mis en mesure d’appréhender les faits qui lui sont reprochés et de préparer utilement sa défense, ce qu’il a d’ailleurs pu faire dans ses conclusions en invoquant l’absence de diffamation ainsi que sa bonne foi.
2) Sur la diffamation
Pour être diffamatoire, une imputation doit se présenter sous la forme d’une articulation précise de faits de nature à être, sans difficulté, l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire. Si l’imputation n’est que l’expression d’une opinion ou d’un jugement de valeur, elle n’est pas diffamatoire.
Il ressort de l’emploi des termes « même si elle est faite sous forme dubitative’» dans l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 que la diffamation peut être constituée par une insinuation ou un propos usant d’une forme déguisée ou dubitative.
Il n’est contesté ni que M. [V] est responsable des propos tenus sur son blog éponyme, sur le site internet de la société Dotnet capital dont il est le représentant légal, ni que ces propos sont accessibles en ligne par tout internaute et constituent une publication au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, ni que la société BPGO est visée expressément et identifiable.
M. [V] rapporte, dans l’article litigieux, que la société BPGO lui a adressé un courrier qu’il a reçu le 14 mai 2021, que ce courrier était daté du 3 février 2021, qu’il avait une importance majeure parce qu’il l’informait de l’arrêt du TPEV (terminal de paiement électronique). Il insinue que cet arrêt implique que l’entreprise aurait pu ne plus recevoir les paiements de ses prestations, qu’elle aurait été en difficultés financières et condamnée à déposer le bilan.
Il rapporte également que la société BPGO s’est trompée d’adresse.
Il qualifie l’envoi tardif du courrier de manipulations suspectes, déloyales et malhonnêtes et laisse penser que la société BPGO s’est, en plus de l’envoi tardif du courrier, volontairement trompé d’adresse. Il insinue que la société BPGO a voulu ou a mis son entreprise en difficulté en la privant de recettes et qu’en agissant ainsi elle tue des entreprises.
La société BPGO établit que M. [V] savait, avant la réception du courrier le 14 mai 2021, que le TPEV allait être arrêté dès la clôture de ses comptes.
En effet, M. [V] dirige la société Dotnet capital, qui a pour objet la fourniture de services et logiciels en ligne destinés à l’établissement des salaires et des déclarations sociales d’employeurs professionnels, ainsi que la société Dotnet. Ces sociétés, et lui-même à titre personnel, sont titulaires de plusieurs comptes auprès de la société BPGO.
Au début de l’année 2021 un échange houleux a eu lieu entre M. [V] et des salariés de la société BPGO. Par courriers recommandés du 15 janvier 2021, la société BPGO a notifié à M. [V] et ses sociétés la dénonciation de leurs relations contractuelles et la clôture des comptes dans un délai de deux mois.
Il ressort des courriels échangés entre les avocats des parties, notamment du 22 février 2021 et du 3 mars 2021, que M. [V] savait que la clôture des comptes entraînait l’arrêt du système de paiement en ligne de la société BPGO et qu’il avait pris ses dispositions pour mettre en oeuvre le système de paiement en ligne de sa nouvelle banque.
Quant à l’adresse de la société Dotnet capital, le registre du commerce indique qu’il s’agit du 26 bis rue du marché commun, et non avenue du marché commun comme le soutient M. [V]. Ceci étant, il y a bien erreur sur l’adresse, le «’bis’» étant omis.
Enfin, M. [V] ne conteste pas que la société Dotnet n’a pas connu de difficultés financières et n’a pas risqué le dépôt de bilan, à la suite de la fermeture du système TPEV et ne cite pas de noms d’entreprises qui auraient déposé le bilan (été tuées) suite à la fermeture du système TPEV.
Il a donc mensongèrement insinué dans l’article litigieux qu’il n’avait pas été informé, avant le 14 mai 2021, de l’arrêt du TPEV, et qu’il a risqué la perte de chiffre d’affaires, le dépôt de bilan et le licenciement de ses salariés, tout en suggérant par l’emploi du pluriel («’derrière les entreprises que vous tuez par le cumul de vos maladresses’») que d’autres entreprises pourraient aussi être victimes des agissements de la société BPGO autour de la fermeture du TPEV.
Ces affirmations mensongères et insinuations conduisent le lecteur à penser que la société BPGO est une banque peu sérieuse et malhonnête. Ils sont bien de nature à porter atteinte à l’honneur de la société BPGO.
Il est établi que l’article intitulé : «’Banque : la BPGO [toujours] au centre de manipulations suspectes’» présente un caractère diffamatoire.
3) Sur l’exception de bonne foi
L’exception de bonne foi suppose la réunion de quatre critères cumulatifs, la légitimité du but poursuivi, l’absence d’animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l’expression, ainsi que l’existence d’une enquête sérieuse.
M. [V] soutient qu’il est de bonne foi parce que ses propos doivent être resitués dans leur contexte, que la coupure volontaire du TPEV l’a laissé dans une position délicate, qu’il a lui même assigné la société BPGO en réparation pour fautes dans la tenue des comptes et rupture abusive des relations commerciales et qu’il a été prudent dans son expression. Il ajoute qu’il a initié un débat d’intérêt général sur le pouvoir des établissements bancaires face aux entreprises.
Mais l’article litigieux ne vise que la société BPGO et a été écrit sur la base d’un fait mensonger, puisque M. [V], dès le mois de janvier 2021, était informé de la clôture du système TPEV et avait pris les dispositions nécessaires pour changer de banque et de système de paiement monétique. Il n’a pas été mis en difficulté et n’a pas risqué le dépôt de bilan, alors qu’il insinue qu’il aurait pu l’être.
Les mots et expressions utilisés, soit « La BPGO [toujours] au centre de manipulations suspectes’», «’La BPGO semble s’affranchir de toute éthique, probité et sérieux dans ses actions’», «’manoeuvres déloyales’», «’manipulations suspectes’», «’manoeuvres malhonnêtes’», comme le choix du verbe «’tuer’» et le ton de l’article révèlent une animosité personnelle de M. [V] à l’encontre de la société BPGO à la suite de la réunion de janvier 2022, où il a insulté un des salariés de la banque, et de la décision de celle-ci de rompre leurs relations contractuelles «’suite à votre comportement menaçant et insultant envers les collaborateurs de notre banque’».
Il ne ressort pas de l’article que M. [V] a agi à des fins légitimes dans le cadre d’un débat d’intérêt général sur le comportement des établissements bancaires alors que les propos qu’il tient et leur ton montrent qu’il s’agit essentiellement de dénoncer le comportement de la société BPGO à son égard. Dans un article publié sur son blog le 19 janvier 2021, il évoquait d’ailleurs l’action engagée par lui contre la banque et rapportait dans le détail et sur un ton qui n’était pas neutre la teneur de ses relations personnelles avec la banque. La réception tardive, le 14 mai 2021, du courrier daté du 3 février 2021, lui a donné l’occasion d’une nouvelle publication destinée à porter atteinte à l’image de la société BPGO.
M. [V] ne peut donc soutenir qu’il était de bonne foi en publiant l’article litigieux le 17 mai 2021 et que la diffamation n’est pas constituée.
4) Sur la demande de suppression de l’article publié le 17 mai 2021
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
La diffamation résultant de la publication de l’article du 17 mai 2021 n’est pas sans conséquence pour la société BPGO et lui cause un trouble manifestement illicite. Est d’ailleurs versée au dossier la page d’un site internet www.magenea.com qui rapporte les frais dénoncés par M. [V] et en conclut que «’la conséquence inévitable de l’arrêt du TPEV est la fermeture prochaine de la BPGO qui est certainement en difficultés financières’».
Afin de faire cesser le trouble dénoncé, il sera fait droit à la demande de suppression de l’article, dans les conditions fixées au dispositif du présent arrêt.
5) Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Après infirmation de l’ordonnance de ce chef, les dépens de première instance seront mis à la charge de M. [V], comme les dépens exposés en appel.
La demande de M. [V] au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
Il n’est pas équitable de laisser à la charge de la société BPGO la totalité des frais qu’elle a exposés, qui ne sont pas compris dans les dépens, et il sera fait droit à sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 3000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Rejette l’exception de nullité portant sur l’assignation signifiée le 13 juillet 2021 à M. [F] [V],
Ordonne à M. [F] [V] de supprimer l’article du blog titré « Banque : La BPGO [toujours] au centre de manipulations suspectes », publié le 17 mai 2021, accessible via l’URL suivant : https://www.[07].com/banque-la-bpgo-au-centre-de-manipulations-suspectes/, dans le délai de 15 jours à compter du présent arrêt, puis sous astreinte de 200 euros par jour de retard pendant un délai de deux mois,
Déboute M. [F] [V] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Le condamne aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la société BPGO la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
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