Cour d’appel de Paris, 5 juillet 2016
Cour d’appel de Paris, 5 juillet 2016

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Présomption d’innocence : affaire Le Monde

Résumé

Dans l’affaire Le Monde concernant les attentats de Paris, le journal a été accusé d’atteinte à la présomption d’innocence. Un individu cité dans l’article s’est estimé présenté comme un complice d’Amedy Coulibaly. Cependant, l’utilisation du conditionnel et des termes tels que « soupçonner » a permis de nuancer les affirmations, évitant ainsi une déclaration péremptoire de culpabilité. Bien que le titre de l’article soit affirmatif, il a été jugé que l’ensemble du contenu respectait la présomption d’innocence, contribuant à l’information du public sur un sujet d’intérêt général sans porter atteinte aux droits de l’individu concerné.

Enquête sur les attentats de Paris

Dans le cadre d’un dossier sur l’entourage des auteurs des attentats de Paris, le Monde a été poursuivi pour atteinte à la présomption d’innocence.  L’une des personnes citées par le journal a considéré que l’article de presse le présentait comme étant un homme de main d’Amedy Coulibaly, coupable des attentats de Paris.

Efficacité de l’usage du conditionnel

L’article de presse a fait l’emploi du conditionnel et des termes « soupçonner », ou « être intrigué » ; à sa lecture, il ne se dégage pas une affirmation manifeste de culpabilité mais une information sur des soupçons qui ressortent de l’enquête et les réponses qui y sont apportées par l’intéressé.

Tolérance sur la formulation des titres de presse

Si le titre de l’article « Révélations sur les hommes de main de Coulibaly » est formulé sans nuances, de façon affirmative et péjorative et qu’il occupe toute la largeur de la page du Monde, il est manifestement destiné à attirer l’attention du lecteur et ne peut à lui seul, caractériser l’atteinte à la présomption d’innocence.

Atteinte à la présomption d’innocence écartée

En raison des précautions de style et de fond, du développement d’informations précises, de la place accordée à la parole de l’intéressé,  de l’absence de mention de son nom dans le titre et le sous-titre, il a été jugé que l’article en cause participe bien de l’information du lectorat d’un organe de presse sur le sujet d’intérêt général que sont les attentats des 7 et 9 janvier 2015 et ne porte pas atteinte à la présomption d’innocence.

Rappel sur la présomption d’innocence

La présomption d’innocence consiste à présenter publiquement comme coupable une personne poursuivie pénalement. L’article 9-1 du code civil pose que chacun a droit au respect de la présomption d’innocence. Les abus de la liberté d’expression qui sont prévus par la loi du 29 juillet 1881 et qui portent atteinte à la présomption d’innocence, peuvent être réparés sur le fondement unique de cet article.

Selon l’article 65-1 de ladite loi, les actions civiles fondées sur une atteinte par voie de presse au respect de la présomption d’innocence se prescrivent par trois mois à compter du jour de l’acte de publicité. La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ; il en est de même lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure. En application de ce principe, l’assignation signifiée, qui constitue un acte de poursuite, interrompt valablement la prescription, sans qu’il y ait lieu de rechercher si cette assignation a été remise au greffe.

Pour être constituée, l’atteinte à la présomption d’innocence suppose la réunion des conditions qui sont : i) l’existence d’une procédure pénale en cours et non encore terminée par une condamnation irrévocable ; ii) l’imputation publique à une personne précise, d’être coupable des faits faisant l’objet de cette procédure d’enquête, d’instruction ou de poursuite, non par simple insinuation et de façon dubitative, mais par une affirmation péremptoire manifestant de la part de celui qui les exprime, un clair préjugé tenant pour acquise la culpabilité de la personne visée ; iii) la loi n’exige pas que l’information livrée au lecteur soit strictement objective ou équilibrée et ne proscrit pas le choix de mettre davantage en lumière les éléments à charge qu’à décharge si, de l’ensemble des propos, ne se dégage pas une affirmation manifeste de culpabilité.

L’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en son paragraphe premier, garantit l’exercice du droit à l’information des organes de presse dans le respect du droit des tiers, notamment le droit à la présomption d’innocence.

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