→ RésuméLa présomption de salariat du pigiste repose sur plusieurs critères : une collaboration régulière avec un journal, une rémunération principale provenant de cette activité, et un lien de subordination. Si la collaboration est occasionnelle, la condition d’activité principale n’est pas remplie. Selon l’article L7112-1 du Code du travail, toute convention entre une entreprise de presse et un journaliste est présumée être un contrat de travail, indépendamment de la rémunération. Cependant, cette présomption peut être renversée. Dans le cas de Madame Z X, les éléments fournis ne justifient pas une relation de travail salarié, confirmant ainsi son statut de pigiste. |
La présomption de salariat suppose que le pigiste rende régulièrement des travaux au journal, qu’il tire l’essentiel de sa rémunération de sa collaboration régulière et permanente à une publication, et enfin qu’il exerce son activité dans le cadre d’un lien de subordination sans bénéficier d’une indépendance totale dans la rédaction des articles, ou le choix de ses sujets.
Dès lors que la collaboration entre un pigiste et son employeur est très occasionnelle, la condition exigée par l’article L7111-3 d’une activité principale, et régulière (conditions du statut de journaliste) n’est pas remplie.
Selon l’article L7111-1 les dispositions du code du travail sont applicables aux journalistes professionnels et assimilés sous réserve des dispositions particulières du présent titre consacré aux journalistes professionnels.
Le journaliste professionnel est défini par l’article L7111-3 comme étant toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse publication quotidienne et périodiques, ou agences de presse, et qui en tire le principal de ses ressources. Le correspondant qu’il travaille sur le territoire français à l’étranger est un journaliste professionnel s’il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au présent alinéa.
Suivant l’article L 7112-1 du Code du travail, toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soit le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties. Il est désormais de jurisprudence ancienne, et constante que le journaliste pigiste, quoi que journaliste indépendant, bénéficie de cette présomption.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
ARRET DU 04 Janvier 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 20/03069
N° Portalis DBVW-V-B7E-HNJR
Décision déférée à la Cour : 30 Septembre 2020 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG
APPELANTE :
Madame Z X
Représentée par Me Mathieu WEYGAND, avocat au barreau de STRASBOURG
bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/004289 du 10/11/2020
INTIMEES :
Association L’UNEDIC, DELEGATION AGS/CGEA D’ILE DE FRANCE EST Association déclarée, représentée par sa Directrice Nationale,
Représentée par Me Patrick TRUNZER, avocat au barreau de STRASBOURG
S.E.L.A.R.L. S21Y prise en la personne de son représentant légal. Représentée par Me Sophie TCHERNIAVSKY, es qualité de mandataire liquidateur chargé de suivre les instances en cours de la société WILD PUBLISHING, en liquidation judiciaire.
94700 MAISONS-ALFORT
Représentée par Me Pégah HOSSEINI SARADJEH, avocat au barreau de COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 19 Octobre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. EL IDRISSI, Conseiller
Mme PAÜS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Madame Z X, née le […], est journaliste photographe.
Elle déclare avoir a été employée par la SARL Wild Publishing en qualité de pigiste 2012 à 2014 rémunérée en droits d’auteur, puis en qualité de journaliste professionnel, catégorie pigiste, à compter de mai 2014 rémunérée en salaire.
Affirmant que les salaires d’août et novembre 2017 pour un montant de 1.080 € ne lui ont pas été payés, elle a saisi le conseil des prud’hommes de Strasbourg courant 2018 pour voir prononcer la résiliation du contrat de travail, et obtenir 10.000 € de dommages et intérêts.
Le 04 décembre 2018 les parties ont conclu une transaction au terme de laquelle la société Wild Publishing lui payait une somme de 2.200 € en six mensualités.
Les mensualités n’ont été que partiellement payées, et avec retard.
Par jugement du Tribunal de Commerce de Créteil en date du 24 avril 2019 la société a été placée en liquidation judiciaire, et la SELARL S21y, prise en la personne de Maître Sophie TCHERNIAVSKY, désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 04 juin 2019 Madame Z X a saisi le conseil des prud’hommes de Strasbourg afin de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur, et obtenir fixation de sa créance à 5.391,05 € pour l’indemnité légale de licenciement, 2.310,45 € pour l’indemnité de préavis outre les congés payés afférents, 4.620,90 € de dommages et intérêts, et enfin de 2.000 € de frais irrépétibles, le jugement devant être déclaré opposable au CGEA.
Par jugement du 30 septembre 2020 le Conseil des Prud’hommes a débouté Madame Z X de l’ensemble de ses demandes, et l’a condamnée aux entiers frais et dépens de l’instance.
Madame Z X a interjeté appel de ce jugement le 22 octobre 2020.
Par conclusions transmises par voie électronique le 20 janvier 2021, Madame Z X demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Wild Publishing, et de fixer sa créance au passif de la société aux sommes suivantes :
Les intérêts légaux sur les salaires réglés avec retard,
– 1.000 € de dommages et intérêts en raison du préjudice subi,
– 5.391,05 € bruts à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 2.310,45 € bruts au titre de l’indemnité de préavis,
– 231,05 € bruts pour les congés payés afférents,
– 4.620,90 € bruts de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Elle demande également de dire que l’ensemble de ces sommes sont assorties des intérêts légaux depuis l’introduction de la demande devant le conseil des prud’hommes.
Par conclusions transmises par voie électronique le 15 avril 2021 le liquidateur judiciaire de la société Wild Publishing forme un appel incident, et demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté pour le surplus, à savoir sa demande tendant à voir juger que Madame X n’a pas la qualité de salarié. Il demande à la cour, statuant à nouveau, de dire et juger qu’elle n’a pas la qualité de salarié, et de la débouter de toutes ses demandes. À titre subsidiaire il conclut à la confirmation, et à titre infiniment subsidiaire demande de fixer la date de la résiliation judiciaire au 04 décembre 2018.
Par conclusions transmises par voie électronique le 1er avril 2021 l’Unedic, délégation AGS/CGEA Île-de-France Est conclut à la confirmation du jugement, et rappelle les limites légales et réglementaires de sa garantie.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 05 octobre 2021.
Il est en application de l’article 455 du CPC renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur la présomption de salariat du journaliste pigiste
Selon l’article L7111-1 les dispositions du code du travail sont applicables aux journalistes professionnels et assimilés sous réserve des dispositions particulières du présent titre consacré aux journalistes professionnels.
Le journaliste professionnel est défini par l’article L7111-3 comme étant toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse publication quotidienne et périodiques, ou agences de presse, et qui en tire le principal de ses ressources. Le correspondant qu’il travaille sur le territoire français à l’étranger est un journaliste professionnel s’il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au présent alinéa.
Suivant l’article L 7112-1 du Code du travail, toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soit le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.
Il est désormais de jurisprudence ancienne, et constante que le journaliste pigiste, quoi que journaliste indépendant, bénéficie de cette présomption.
Il est ainsi acquis que Madame X, journaliste pigiste ayant travaillé pour le compte de la société Wild Publishing, bénéficie de la présomption de salarié. Il s’agit néanmoins d’une présomption simple qui peut être renversée.
2. Sur le renversement la présomption
La présomption de salariat suppose que le pigiste rende régulièrement des travaux au journal, qu’il tire l’essentiel de sa rémunération de sa collaboration régulière et permanente à une publication, et enfin qu’il exerce son activité dans le cadre d’un lien de subordination sans bénéficier d’une indépendance totale dans la rédaction des articles, ou le choix de ses sujets.
En l’espèce Madame X affirme avoir été embauchée par la société Wild Publishing en qualité de pigiste 2012 à 2014 rémunérée en droits d’auteur, puis en qualité de journaliste professionnel, catégorie pigiste, à compter de mai 2014 rémunérée en salaire.
Pourtant, et alors qu’elle affirme être salariée au moins depuis mai 2014 elle ne produit aucun bulletin de paye pour les années 2014, 2015, et 2016, ni au demeurant aucune pièce relative à des piges qu’elle aurait effectuées durant cette période. Elle produit trois bulletins de paye de mars, mai et juillet 2017, puis deux bulletins intitulés « bulletin clarifié » de mars et avril 2018.
Ces éléments sont insuffisants à établir une collaboration régulière depuis mai 2014 avec la société Wild Publishing. Madame X qui invoque la qualité de salarié depuis mai 2014 ne justifie de l’exécution d’aucune prestation pour le compte de cette société avant mars 2017 payée à hauteur de 500 €. Il apparaît que la collaboration entre Madame X et la société intimée est très occasionnelle de sorte que la condition exigée par l’article L7111-3 d’une activité principale, et régulière n’est pas remplie.
Les échanges de mails (pièce 2 à 8) ne permettent pas de caractériser un lien de subordination et concerne pour l’essentiel le décompte des sommes dues, et le paiement des piges pour Madame X elle-même, et des factures émises par son compagnon qui au demeurant a saisi le tribunal d’instance de Strasbourg du litige l’opposant à la société (pièce 10).
Dans le mail très complet du 19 juin 2017 c’est Madame X qui propose au journal de couvrir l’interview d’un tatoueur « Léon Lam » en exposant son parcours ; interview acceptée en retour par Madame A B qui mentionne simplement le nombre de pages, et de caractères, puis conclut « rendu fin juillet ‘ » Cet échange ne caractérise nullement l’exécution de cette prestation sous un lien de subordination.
Enfin le protocole transactionnel signé le 04 décembre 2018, ne mentionne à aucun moment la qualité de salarié de Madame X, et fait état de « collaboration », ou encore de « l’exécution de ses missions ». Par ailleurs la transaction ne mentionne aucune date de rupture des relations contractuelles, ce qui confirme encore l’absence d’un contrat de travail dont le sort aurait nécessairement été réglé dans le cadre de ce protocole dont l’objet est de « mettre un terme définitif à tout litige né de leur collaboration ».
Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de faire droit à l’appel incident, de compléter le jugement déféré en ce qu’il a débouté la liquidation judiciaire pour le surplus, et de dire et juger que Madame Z X n’a pas la qualité de salarié.
Pour le surplus le jugement est confirmé en toutes ses dispositions, y compris les frais irrépétibles et les dépens, les demandes de l’appelante fondées sur l’existence d’un contrat de travail ne pouvant qu’être rejetées, tout comme la demande à l’encontre de l’AGS qui dans ces conditions ne doit pas sa garantie.
3.Sur le surplus
Madame Z X qui succombe en l’intégralité de ses prétentions est condamnée aux dépens de la procédure d’appel, et sa demande de frais irrépétibles est par voie de conséquence rejetée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant publiquement et contradictoirement
Confirme le jugement prononcé le 30 septembre 2020 par le Conseil des Prud’hommes de Strasbourg en toutes ses dispositions, SAUF en ce qu’il déboute pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur ce chef, et Y ajoutant,
Dit et juge que Madame Z X n’a pas la qualité de salarié ;
Condamne Madame Z X aux entiers dépens de la procédure d’appel ;
LEDIT ARRÊT a été prononcé par mise à disposition au greffe le 04 janvier 2022, et signé par Mme Christine K.DORSCH, Président de Chambre, et par Mme Martine THOMAS, Greffière.
Le Greffier, Le Président
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