Cour d’appel de Paris, 27 novembre 2019
Cour d’appel de Paris, 27 novembre 2019

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Affaire Society : accusations de « bidonnages »

Résumé

La société SO PRESS, éditrice du magazine Society, a obtenu gain de cause dans une affaire de diffamation contre l’auteur d’une biographie non autorisée de Cyril Hanouna. Ce dernier avait affirmé que 85 % des contenus de Society étaient « bidonnés », une accusation jugée diffamatoire. Selon la loi, la diffamation implique une allégation portant atteinte à l’honneur d’une personne, et dans ce cas, les propos de l’auteur ont été considérés comme sans fondement factuel suffisant. L’absence de preuve a conduit à la condamnation de l’auteur, soulignant l’importance de la rigueur et de la bonne foi dans le journalisme.

Accuser un titre de presse de « bidonner des trucs » est une diffamation. L’auteur d’une enquête / biographie sur Cyril Hanouna l’a appris à ses dépens.     

Action en diffamation de Society

La société SO PRESS (Society) a obtenu
la condamnation pour diffamation de l’auteur d’une «Biographie non
autorisée» de Cyril Hanouna. Ce dernier avait donné une interview dans
laquelle il avait précisé «Quand j’ai commencé mon enquête, je me suis
renseigné sur l’affaire de Society et il y a 85 % de trucs bidonnés».

Notion de diffamation

L’article 29 alinéa 1 de la loi
du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme ‘toute allégation ou imputation
d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne
ou du corps auquel le fait est imputé’. Il doit s’agir d’un fait précis,
susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa
vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une part, de l’injure
-caractérisée, selon le deuxième alinéa de l’article 29, par ‘toute expression
outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun
fait’- et, d’autre part, de l’expression subjective d’une opinion ou d’un
jugement de valeur, dont la pertinence peut être librement discutée dans le
cadre d’un débat d’idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée ;

L’honneur et la considération de
la personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et
subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la
réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait imputé
soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales
communément admises.

La diffamation, qui peut se
présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant
compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir
tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.

Ni les parties, ni les juges ne
sont tenus par l’interprétation de la signification diffamatoire des propos
incriminés proposée par l’acte initial de poursuite et il appartient aux juges
de rechercher si ceux-ci contiennent l’imputation formulée par la partie civile
ou celle d’un autre fait contenu dans les propos en question.

Par ailleurs, il n’est pas
nécessaire, pour que la diffamation publique soit caractérisée, que la personne
visée soit nommée ou expressément désignée, mais il faut que son identification
soit rendue possible par les termes du discours ou de l’écrit ou par des
circonstances extrinsèques qui éclairent et confirment cette désignation de
manière à la rendre évidente.

Intégrité des journalistes

Les propos de l’auteur imputaient
à la société SO PRESS, éditrice du magazine SOCIETY, d’avoir publié à
l’occasion de son article de mars 2016 un reportage manipulé et truqué (‘trucs
bidonnés’) dans sa quasi-totalité (85 %), ce qui est contraire à la déontologie
journalistique s’agissant d’une enquête. Cette affirmation précise, qui est
susceptible d’un débat probatoire sur la preuve de sa vérité, et qui porte
atteinte à l’honneur et à la considération de la société SO PRESS, est donc
diffamatoire envers cette société.

Les imputations diffamatoires
sont réputées, de droit, faites avec intention de nuire, mais elles peuvent
être justifiées lorsque leur auteur établit sa bonne foi, en prouvant qu’il a
poursuivi un but légitime, étranger à toute animosité personnelle, et qu’il
s’est conformé à un certain nombre d’exigences, en particulier de sérieux de
l’enquête, ainsi que de prudence dans l’expression, étant précisé que la bonne
foi ne peut être déduite de faits postérieurs à la diffusion des propos.

Ces critères s’apprécient
différemment selon le genre de l’écrit en cause et la qualité de la personne
qui s’y exprime et, notamment, avec une moindre rigueur lorsque l’auteur des
propos diffamatoires n’est pas un journaliste qui fait profession d’informer,
mais une personne elle-même impliquée dans les faits dont elle témoigne.

Lorsque les propos incriminés
concernent un sujet d’intérêt général, leur auteur doit établir qu’ils reposent
sur une base factuelle suffisante.

Dans le cadre d’une interview, le
journaliste qui se borne à reproduire les propos de la personne interviewée,
sans les déformer ni les reprendre à son compte, peut bénéficier du fait
justificatif personnel de la bonne foi sans avoir à justifier d’une enquête
sérieuse. Le contenu de l’interview doit avoir été livré sans déformation,
cette exigence d’exactitude comprenant en grande partie la bonne foi dans ce
domaine.

En l’espèce, l’auteur n’a fait état d’aucune base factuelle suffisante pour justifier ses propos tenus lors de l’interview donnée. Le bénéfice de la bonne foi n’a pu ainsi lui être accordé.  Télécharger la décision

 


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