Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Amiens
Thématique : Affaire Le Petit Futé
→ RésuméL’affaire Le Petit Futé met en lumière la distinction entre le statut de rédacteur auteur et celui de journaliste. Un auteur a tenté de requalifier ses contrats d’auteurs en contrat de travail de journaliste, mais sans succès. Selon le code du travail, la présomption de contrat de travail s’applique uniquement aux journalistes professionnels travaillant pour des entreprises de presse. Le Petit Futé, considéré comme une entreprise de publicité, ne répond pas aux critères d’indépendance éditoriale. Ainsi, le rédacteur n’a pas pu prouver l’existence d’un lien de subordination, ce qui a conduit à l’absence de reconnaissance d’un contrat de travail.
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Le statut de rédacteur auteur est distinct de celui de journaliste. Le rédacteur auteur ne bénéficie pas d’une présomption de contrat de travail.
Auteur ou journaliste?
Un auteur, oeuvrant pour le Petit Futé, a
tenté, sans succès, de faire requalifier ses contrats d’auteurs, en contrat à
durée indéterminée de journaliste professionnel (présomption d’existence d’un
contrat de travail au sens de l’article 7112-1 du code du travail). Par ses contrats d’auteur signés avec le Petit
Futé.com, l’auteur s’était engagé à écrire, réécrire ou mettre à jour des MIG
(minimum d’information général) et des articles conformes à la charte
rédactionnelle sur des sujets précisément définis quant à leur domaine
(actualité, consommation, tourisme, loisir…) et leur localisation (une ville ou
une région). Le nombre de MIG, articles crées ou modifiés était fixé par le
contrat et la contribution apportée dans une base de données. En rémunération
de sa contribution et pour prix de la cession, le rédacteur était rémunéré en
droits d’auteur forfaitaires bruts proportionnels au nombre de MIG et articles
produits.
Présomption de contrat de travail exclue
L’article L 7112-2 du code du travail
énonce «toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure,
moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée
être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le
monde et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la
convention par les parties». L’article L 7111-3 du même code dispose « est
journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale
régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs
entreprise de presse, publication quotidienne et périodique ou agence de presse
et qui en tire le principal de ses ressources.
Cas des éditeurs
Dans le cas où l’employeur n’est pas une
entreprise de presse ou une agence de presse, la qualité de journaliste
professionnel ne peut être retenue que si la personne exerce son activité dans
une publication de presse disposant d’une indépendance éditoriale. En l’espèce,
il appartenait au rédacteur de prouver qu’il exécutait sa prestation de travail
dans les conditions posées par les textes, tel qu’interprétés par la
jurisprudence, conditions qui sont cumulatives.
La société Le Petit futé qui ne figure
pas sur la liste officielle éditée par la commission paritaire des publications
et agences de presse des services reconnus de « presse en ligne », expose pour
activité : rédaction, composition et édition de guides de tourisme et de
consommation, vente de base de données et d’espace publicitaire. Il ressort des
pièces comptables et factures, que ces activités se partagent entre la
constitution, gestion et vente de fond documentaire et la vente d’espace
publicitaire (sur le site internet). Il est établi que la société le Petit
Futé.com est traitée sur le plan fiscal comme une entreprise de publicité,
s’acquittant d’une TVA à 20% (ne bénéficiant donc pas du régime dérogatoire de
la presse). Il n’était donc pas établi que le Petit Futé.com se livrait directement
à l’activité d’édition.
Indépendance éditoriale: un critère clef
En tout état de cause, la qualité de
journaliste professionnel ne peut être reconnue que si l’intéressé qui la
revendique exerce son activité dans une publication de presse disposant d’une
indépendance éditoriale. Or, l’activité
du Petit Futé.com qui consiste à vendre en ligne des encarts publicitaires, à
laquelle contribuait le rédacteur, par sa participation à la réalisation et
actualisation du fond documentaire dans le but d’attirer les annonceurs était
bien une activité de publicité, visant à satisfaire les intérêts économiques de
l’entreprise et, partant, ne présentant pas d’indépendance éditoriale. En conséquence, le salarié n’établissait pas
que le Petit Futé.com au sein duquel il a exercé son activité soit une
entreprise de presse ou une publication de presse disposant d’une indépendance
éditoriale. Dès lors, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la nature et
l’importance de ses activités, la présomption de salariat de l’article L 7112-1
du code du travail ne trouvait pas à s’appliquer.
Contrat de travail de droit commun
Il appartenait donc au rédacteur qui
revendiquait l’existence d’un contrat de travail, d’en apporter la preuve, à
savoir par la démonstration de l’existence d’une prestation de travail contre
rémunération effectuée dans un lien de subordination juridique. Un contrat de
travail existe lorsqu’une personne s’engage à travailler pour le compte et sous
la direction d’une autre personne ou d’une société moyennant rémunération.
L’existence d’une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté
exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur
convention mais des conditions de faits dans lesquelles est exercée l’activité.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous
l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des
directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son
subordonné.
Le rédacteur jouissait, dans le cadre des commandes passées par les contrats d’une totale liberté d’organisation, travaillait à partir de chez lui, en toute indépendance, sans horaire, sans obligation de participation à des réunions, avec son propre matériel, sur des sujets nullement imposés mais choisis, en totale liberté sur les contenus de ses articles, avec une rémunération non forfaitaire mais à la volumétrie et librement acceptée, sans soumission à une hiérarchie. Ni le décalage naturel entre la remise de l’article et le paiement des droits d’auteur, ni l’éventuel retard dans le paiement ne constituent en tant que tel des sanctions. Téléchargez la décision
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