Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Lettre de dénonciation au Procureur de la République
→ RésuméUne lettre de dénonciation adressée au Procureur de la République ne déclenche pas automatiquement l’action publique. Sa suite dépend de l’appréciation du Procureur, qui peut décider d’ouvrir une enquête si des indices sérieux sont présents. L’auteur de la dénonciation ne peut être condamné pour dénonciation calomnieuse tant que des éléments suffisants justifient l’enquête. La liberté d’expression est protégée, sauf abus clairement défini par la loi. Ainsi, dénoncer des faits pénalement répréhensibles, même inexacts, n’est pas fautif, sauf si l’auteur savait que les faits étaient faux, ce qui constituerait une dénonciation calomnieuse.
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A la différence d’une plainte avec constitution de partie civile déposée entre les mains d’un juge d’instruction, une lettre adressée au procureur de la République, même si elle a la forme d’une plainte ou d’une dénonciation, ne met pas en mouvement l’action publique et ne déclenche pas nécessairement l’ouverture d’une information judiciaire ni même celle d’une enquête préliminaire, la suite à donner à une telle plainte ou dénonciation relevant de la seule appréciation du procureur.
L’auteur d’une lettre de dénonciation ne peut être condamné pour dénonciation
calomnieuse (même si la procédure n’aboutit pas à une condamnation) si le
Procureur a considéré qu’il existait des indices suffisamment sérieux d’enquêter.
En raison du caractère sérieux de ces indices, la dénonciation ne sera pas
considérée comme téméraire ou fautive.
La liberté d’expression est un droit dont l’exercice
ne revêt un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la
loi (1re Civ., 10 avril 2013, pourvoi n° 12-10.177, Bull. 2013, I, n° 67). Il
s’ensuit que, hors restriction légalement prévue, l’exercice du droit à la
liberté d’expression ne peut, sauf dénigrement de produits ou services, être
sanctionné sur le fondement de l’article 1382, devenu 1240 du code civil (1re
Civ., 2 juillet 2014, pourvoi n° 13-16.730, Bull. 2014, I, n° 120). La
dénonciation téméraire, constitutive d’un abus de la liberté d’expression, est
régie par les articles 91, 472 et 516 du code de procédure pénale, qui, en cas
de décision définitive de non-lieu ou de relaxe, et sans préjudice d’une
poursuite pour dénonciation calomnieuse, ouvrent à la personne mise en examen
ou au prévenu la possibilité de former une demande de dommages-intérêts à
l’encontre de la partie civile, à la condition que cette dernière ait elle-même
mis en mouvement l’action publique.
En dehors des cas visés par ces textes spéciaux, la dénonciation, auprès de l’autorité judiciaire, de faits de nature à être sanctionnés pénalement, fussent-ils inexacts, ne peut être considérée comme fautive. Il n’en va autrement que s’il est établi que son auteur avait connaissance de l’inexactitude des faits dénoncés, le délit de dénonciation calomnieuse, prévu et réprimé à l’article 226-10 du code pénal, étant alors caractérisé. Télécharger la décision
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