L’Essentiel : L’affaire opposant Greenpeace France à l’association nationale Pommes Poires illustre le délicat équilibre entre la liberté d’expression et la protection des intérêts commerciaux. Greenpeace a été poursuivi pour dénigrement suite à la publication de son rapport « Pommes empoisonnées », qui vise à alerter sur les dangers des pesticides. Le tribunal a reconnu le droit de Greenpeace à s’exprimer, considérant que son action relevait d’un intérêt général pour la santé publique. Les termes provocateurs utilisés dans le rapport visaient à sensibiliser le public aux risques liés à l’utilisation des pesticides, sans discréditer le fruit lui-même.
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Mise en cause des pesticidesL’association Greenpeace France a remporté une première manche contre l’association nationale Pommes Poires au titre de la publication du rapport intitulé « Pommes empoisonnées, mettre fin à la contamination des vergers par les pesticides grâce à l’agriculture écologique ». Estimant que le titre de ce rapport était dénigrant en ce qu’il faisait référence à un fruit empoisonné, l’association avait poursuivi Greenpeace en référé pour dénigrement. Principe de liberté d’expressionComme par le passé dans d’autres affaires judiciaires, Greenpeace a bénéficié du principe de liberté d’expression. L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme prévoit i) que toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière ; ii) et que l’exercice de ces libertés comporte des devoirs et des responsabilités sous le contrôle de proportionnalité du juge. Contrôle de proportionnalitéLa liberté d’expression est un droit dont l’exercice ne peut être contesté sur le fondement de l’article 1382 du code civil, sauf dénigrement de produits ou services qui relève de la responsabilité civile lorsqu’il ne met pas en cause une personne physique ou morale déterminée. Il incombe alors au juge de rechercher si l’auteur a agi dans un but d’intérêt général pour l’information du public et par des moyens proportionnés, et de déterminer dans quelle mesure celui-ci a ou non dépassé les limites admissibles de la liberté d’expression. Le rapport en cause vise à décrire les pesticides le plus souvent rencontrés dans les vergers, leurs effets sur les pommes ainsi traitées et souligne l’urgence à s’orienter vers des solutions écologiques alternatives. Le but poursuivi par Greenpeace est la protection de l’environnement et de la biodiversité sous toutes ses formes, le rapport relevait bien de sa sphère d’intervention. Les termes de « pommes empoisonnées » sont destinés à attirer l’attention du lecteur par un style provocateur, illustrant la polémique entourant l’utilisation des pesticides par l’agriculture; aucun discrédit n’est ainsi jeté sur le fruit lui-même mais sur les dangers des pesticides employés pour le cultiver, dangers que tout consommateur normalement informé ne peut ignorer, de même qu’il ne peut croire que la consommation de ce fruit soit assimilable à l’absorption d’un poison. Greenpeace avait donc bien agi conformément à son objet social et dans un but de santé publique en utilisant un style proportionné au but recherché. Action en référéAux termes de l’article 809 du code de procédure civile, le président du Tribunal peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Le dommage imminent s’entend du « dommage qui n’est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer » et le trouble manifestement illicite résulte de « toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit ». Pour qu’une mesure judiciaire soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle la cour statue et avec l’évidence qui s’impose à la juridiction des référés, l’imminence d’un dommage, d’un préjudice ou la méconnaissance d’un droit, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines. Un dommage purement éventuel ne peut donc être retenu pour fonder l’intervention du juge des référés. La constatation de l’imminence du dommage suffit à caractériser l’urgence afin d’en éviter les effets. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la position de Greenpeace France concernant les pesticides ?Greenpeace France a pris une position ferme contre l’utilisation des pesticides, en particulier dans le cadre de la culture des pommes. L’association a publié un rapport intitulé « Pommes empoisonnées, mettre fin à la contamination des vergers par les pesticides grâce à l’agriculture écologique ». Ce rapport vise à sensibiliser le public aux dangers des pesticides utilisés dans l’agriculture, en mettant en lumière leurs effets néfastes sur les pommes et l’environnement. Greenpeace cherche à promouvoir des solutions écologiques alternatives, soulignant l’urgence de cette transition pour protéger la biodiversité et la santé publique. L’utilisation du terme « pommes empoisonnées » dans le titre du rapport a été critiquée par l’association nationale Pommes Poires, qui a intenté une action en référé pour dénigrement. Cependant, Greenpeace a défendu son choix de mots comme étant un moyen provocateur d’attirer l’attention sur une problématique sérieuse. Comment la liberté d’expression est-elle protégée dans ce contexte ?La liberté d’expression est un droit fondamental protégé par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Cet article stipule que toute personne a le droit de s’exprimer librement, ce qui inclut la liberté d’opinion et le droit de recevoir ou de communiquer des informations sans ingérence des autorités publiques. Dans le cas de Greenpeace, le principe de liberté d’expression a été invoqué pour justifier la publication de son rapport. Le juge a dû évaluer si l’association avait agi dans un but d’intérêt général et si les moyens employés étaient proportionnés. Il a été déterminé que le rapport visait à informer le public sur les dangers des pesticides, ce qui est en accord avec l’objet social de Greenpeace. Ainsi, l’utilisation d’un langage provocateur était considérée comme un moyen légitime d’attirer l’attention sur une question de santé publique. Qu’est-ce que le contrôle de proportionnalité dans le cadre de la liberté d’expression ?Le contrôle de proportionnalité est un principe juridique qui permet d’évaluer si l’exercice d’un droit, comme la liberté d’expression, respecte les limites établies par la loi. Dans le contexte de la liberté d’expression, il s’agit de déterminer si les actions d’un individu ou d’une organisation sont justifiées par un intérêt général et si les moyens utilisés sont appropriés et nécessaires. Dans le cas de Greenpeace, le juge a examiné si l’association avait agi dans un but d’intérêt général, c’est-à-dire pour informer le public sur les dangers des pesticides. Il a également évalué si le langage utilisé dans le rapport était proportionné à l’objectif visé. Le rapport a été jugé conforme à ces critères, car il visait à sensibiliser le public à une question de santé publique et à promouvoir des alternatives écologiques. Les termes provocateurs employés n’ont pas été considérés comme un dénigrement du fruit lui-même, mais plutôt comme une critique des pratiques agricoles. Quelles sont les conditions pour une action en référé ?L’action en référé est une procédure judiciaire qui permet d’obtenir des mesures conservatoires ou de remise en état en cas de dommage imminent ou de trouble manifestement illicite. Selon l’article 809 du code de procédure civile, le président du Tribunal peut prescrire de telles mesures même en présence d’une contestation sérieuse. Pour qu’une mesure en référé soit prononcée, il doit être établi qu’un dommage imminent est certain, c’est-à-dire qu’il n’est pas encore réalisé mais qu’il se produira sûrement si la situation actuelle perdure. De plus, le trouble manifestement illicite doit être une violation évidente de la règle de droit. Dans le cas de Greenpeace, l’association nationale Pommes Poires a tenté d’obtenir une mesure en référé pour faire cesser ce qu’elle considérait comme un dénigrement. Cependant, le juge a dû évaluer si les conditions d’urgence et d’imminence du dommage étaient remplies, ce qui n’est pas toujours le cas dans les actions en référé. |
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