Idée d’émission : une protection juridique incertaine 

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Idée d’émission : une protection juridique incertaine 

L’Essentiel : Une société de production a vu son action en contrefaçon de format d’émission contre France Télévisions rejetée. Le format, intitulé « Drôle d’endroit pour une rencontre », inspiré d’un film des années 1980, avait été envoyé à plusieurs chaînes. France 3 a ensuite diffusé un programme similaire animé par Nicolas Demorand. La question de la titularité des droits s’est posée, la société Spinnaker Productions ne pouvant revendiquer la qualité d’auteur. Le projet a été jugé insuffisamment original, car il manquait de détails concrets et utilisait des procédés déjà connus des téléspectateurs, rendant le concept non protégeable.

Affaire France Télévisions

Une société de productions a vu rejeté son action en contrefaçon de format d’émission contre le groupe France Télévisions. Ledit format d’émission intitulé «Drôle d’endroit pour une rencontre », inspiré du titre d’un film de François Dupeyron de la fin des années 1980, avait été adressé par courrier électronique à plusieurs chaînes de télévision. Par la suite, France 3 avait diffusé un programme animé par Nicolas Demorand, intitulé «Drôle d’endroit pour une rencontre», où des invités étaient reçus « dans des lieux insolites ayant un rapport avec la vie, l’œuvre, l’actualité de ces personnalités ».

Titularité des droits sur un synopsis

En l’absence de divulgation et d’exploitation du concept d’émission, s’était posée la délicate question de la titularité des droits. En application de l’article L113-1 du code de la propriété intellectuelle, « la qualité d’auteur appartient sauf preuve contraire à celui ou à ceux, sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée ». La personne morale qui exploite une oeuvre sous son nom bénéficie à l’égard des tiers recherchés en contrefaçon, en l’absence de revendication de l’auteur, d’une présomption simple de titularité des droits sur l’oeuvre, sous réserve que la commercialisation soit non équivoque, c’est à dire que la réalité de la divulgation ne fasse aucun doute et que la divulgation ait date certaine. A défaut, la société doit justifier des conditions dans lesquelles elle est investie de droits patrimoniaux.

En l’occurrence, le synopsis portant sur le format d’émission portait en entête et en pied de page, la mention « © Spinnaker Productions ». Le document indiquait également le nom des auteurs du concept.  La société Spinnaker ne pouvait avoir la qualité d’auteur, laquelle est réservée aux personnes physiques et elle ne pouvait donc prétendre être titulaire des droits de propriété intellectuelle qui lui auraient été consentis par les auteurs précités, à défaut de justifier d’une quelconque cession de droits.

Pirouette des juges : la société de production ayant divulgué sous son nom, le synopsis, en le diffusant auprès de plusieurs chaînes de télévision et ce aux fins de le commercialiser auprès de celles-ci, cet acte constituait un début d’exploitation qui a donné à son projet une valeur économique potentielle lui permettant de prétendre à bénéficier de la présomption prétorienne précitée. La société a donc été considérée comme titulaire des droits privatifs sur le synopsis et recevable en son action.

Originalité insuffisante du format d’émission

Sur le fond, le projet d’émission a été jugé insuffisamment original. Le concept était suggéré trop succinctement dans le document diffusé auprès des chaires de télévision, il dressait les grandes lignes et les caractéristiques générales souhaitées du magazine télévisuel, mais demeurait au final à l’état de projet et d’idée : aucune indication n’était fournie sur le déroulé de l’ émission, les décors, l’ambiance recherchée, la personnalité de l’animateur ….de sorte, que ce projet maintenu à l’état d’idée non formalisée n’était pas protégeable au titre du droit d’auteur.

En outre, le titre même de l’émission (« Drôle d’endroit pour une rencontre ») et l’économie générale de l’ émission proposée (la rencontre d’une personnalité et d’un lieu, découvert par le biais de déambulations) ont déjà été précédemment utilisés, tant à la radio (France Inter), qu’à la télévision ( interviews hors studio : émissions « Envoyé Spécial », « Un soir à la Tour Eiffel », « Bibliothèque Médicis », « Complément d’enquête » ou découverte d’un lieu par déambulation : émissions « Paris Dernière », « Conversations secrètes », « Ronde de nuit », « 21 centimètres », « secrets d’histoire », « Des racines et des ailes », « Visites privées »…). Prises isolément les suggestions du format étaient banales. Le concept utilisait donc des procédés auxquels les téléspectateurs sont désormais habitués et les chaines de télévision coutumières.

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Q/R juridiques soulevées :

Quelle est l’affaire France Télévisions mentionnée dans le texte ?

L’affaire France Télévisions concerne une action en contrefaçon de format d’émission intentée par une société de production contre le groupe France Télévisions. Cette société avait proposé un format d’émission intitulé « Drôle d’endroit pour une rencontre », inspiré d’un film de François Dupeyron.

Ce format a été envoyé par courrier électronique à plusieurs chaînes de télévision. Par la suite, France 3 a diffusé un programme portant le même titre, animé par Nicolas Demorand, où des invités étaient reçus dans des lieux insolites liés à leur vie ou leur actualité.

La société de production a donc contesté la légitimité de France Télévisions à utiliser ce format, ce qui a conduit à un jugement sur la titularité des droits et l’originalité du format d’émission.

Quels sont les enjeux de la titularité des droits sur un synopsis ?

La titularité des droits sur un synopsis est un enjeu déterminant dans le domaine de la propriété intellectuelle. Selon l’article L113-1 du code de la propriété intellectuelle, la qualité d’auteur appartient, sauf preuve du contraire, à celui sous le nom duquel l’œuvre est divulguée.

Dans cette affaire, le synopsis du format d’émission portait la mention « © Spinnaker Productions », mais la société Spinnaker, en tant que personne morale, ne pouvait pas revendiquer la qualité d’auteur, qui est réservée aux personnes physiques.

Cependant, les juges ont reconnu que la diffusion du synopsis par la société Spinnaker auprès de plusieurs chaînes de télévision constituait un début d’exploitation, ce qui lui a permis de bénéficier d’une présomption de titularité des droits. Cela a conduit à la reconnaissance de la société comme titulaire des droits privatifs sur le synopsis, lui permettant ainsi d’agir en justice.

Pourquoi le format d’émission a-t-il été jugé insuffisamment original ?

Le format d’émission a été jugé insuffisamment original car le projet était présenté de manière trop succincte dans le document diffusé aux chaînes de télévision.

Bien que le document esquisse les grandes lignes et les caractéristiques générales du magazine, il ne fournit aucune indication sur le déroulement de l’émission, les décors, l’ambiance recherchée ou la personnalité de l’animateur.

En conséquence, le projet est resté à l’état d’idée non formalisée, ce qui ne le rendait pas protégeable au titre du droit d’auteur. De plus, le titre même de l’émission et le concept général avaient déjà été utilisés dans d’autres programmes, tant à la radio qu’à la télévision, ce qui a renforcé l’argument selon lequel les suggestions du format étaient banales et ne constituaient pas une innovation suffisante pour justifier une protection.

Quels éléments ont été considérés comme banals dans le format d’émission ?

Les éléments considérés comme banals dans le format d’émission incluent le titre « Drôle d’endroit pour une rencontre » et l’idée générale de la rencontre entre une personnalité et un lieu, explorée par le biais de déambulations.

Ces concepts avaient déjà été largement utilisés dans diverses émissions de télévision et de radio, telles que « Envoyé Spécial », « Un soir à la Tour Eiffel », et d’autres programmes qui explorent des lieux à travers des interviews ou des découvertes.

Les juges ont conclu que les suggestions du format étaient trop communes et que le concept n’apportait rien de nouveau ou d’original, ce qui a conduit à la décision de ne pas reconnaître la protection au titre du droit d’auteur.


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