L’Essentiel : Un présentateur pigiste a été engagé par LCI pour 184 contrats à durée déterminée, de septembre 2004 à juillet 2008, en tant que journaliste au service « Talk Show ». Sa mission consistait à préparer et enregistrer une émission hebdomadaire sur l’actualité boursière. Après avoir cessé de travailler pour LCI, il a réclamé le statut de salarié en CDI. Selon le code du travail, un journaliste rémunéré à la pige peut revendiquer ce statut, car il a exercé une activité régulière et déterminante pour ses ressources. Les juges ont conclu que LCI avait abusé des contrats à durée déterminée, enfreignant ainsi la législation.
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Contrat de pigiste Un présentateur / pigiste a été recruté par la société LCI dans le cadre de 184 contrats à durée déterminée successifs espacés d’une semaine, à chaque fois pour une journée, sur la période de septembre 2004 à juillet 2008, en qualité de journaliste au service «Talk Show». La prestation ainsi confiée au journaliste consistait plus précisément à préparer et à enregistrer pour le compte de la chaîne de télévision LCI une émission sur l’actualité boursière d’une durée de 15 minutes sous la forme dite d’un «talk show», avec plusieurs diffusions programmées chaque fin de semaine – samedi et dimanche – sous le titre «La bourse et votre argent». Le présentateur / pigiste n’ayant plus ultérieurement enregistré d’émission avec la SA LCI qui le lui avait annoncé par un courrier, a poursuivi la chaîne pour obtenir le statut de salarié en CDI. Contrat de pigiste et relation salariée L’article L.7111-3, alinéa premier, du code du travail précise qu’ : «Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse ‘ et qui en tire le principal de ses ressources». L’article L.7112-1 du même code dispose que : «Toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail (et que) cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties». Il s’en déduit qu’un journaliste, même rémunéré à la pige, peut revendiquer le statut de journaliste professionnel bénéficiant comme tel de la présomption simple de salariat instituée à l’article L.7112-1 précité, peu important en définitive le mode de rémunération retenu par les parties. En l’occurrence, en fournissant du travail au présentateur / pigiste durant 4 années sans interruption sauf pendant les périodes estivales, travail qui portait sur la préparation, l’enregistrement et la présentation d’une émission hebdomadaire diffusée sur ses ondes, la SA LCI a fait de ce dernier un collaborateur régulier intégré dans une structure organisée avec des impératifs à respecter en interne concernant la durée de l’émission – une quinzaine de minutes -, sa structuration en trois parties distinctes – actualité macro économique, actualité boursière, gestion d’un portefeuille virtuel – ainsi que le lieu et l’heure de l’enregistrement – dans les studios au siège de l’entreprise à Boulogne Billancourt, chaque vendredi à 17H30 -, points sur lesquels l’appelant devait se conformer aux directives reçues. Au surplus, à l’examen de ses avis d’impôt sur les revenus et des déclarations annuelles émanant de sa caisse de retraite (AUDIENS), sur la période considérée, il ressort que le présentateur / pigiste tirait de cette activité auprès de la SA LCI une part déterminante de ses ressources globales. Les parties étaient donc bien liées par un contrat de travail salarié de type CDI. Contrat de pigiste en CDI Les contrats de travail à durée déterminée conclus successivement entre les parties mentionnaient tous l’ancien article L.122-1-1. 3° du code du travail sur le recours au contrat à durée déterminée dit d’usage. S’il résulte des articles L.1242-2 et D.1242-1 du code du travail que dans les secteurs définis par décret ou par voie conventionnelle, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces mêmes emplois, ce qui rend alors possible la conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié, l’accord-cadre du 18 mars 1999 mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives s’entendant de l’existence d’éléments concrets qui établissent le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné. Si en l’espèce l’audiovisuel fait partie des secteurs professionnels mentionnés à l’article D.1242-1 du code du travail «pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée», il n’apparaît pas que cette activité journalistique confiée au présentateur / pigiste au sein de la SA LCI, une entreprise de presse dans le domaine télévisuel et radiophonique, présentait objectivement un caractère temporaire, s’agissant d’une émission durable dans la grille des programmes pour rester liée à l’activité normale et permanente de cette chaîne d’informations, émission qui a été reprise à la rentrée par une autre équipe de journalistes. Les juges ont conclu que la SA LCI a, sous couvert d’un recours au contrat à durée déterminée d’usage, contrevenu aux dispositions générales de l’article L.1242-1 du code du travail en vertu desquelles un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir un emploi lié à son activité normale et permanente. Mots clés : Présentateur TV Thème : Présentateur TV A propos de cette jurisprudence : juridiction : Cour d’appel de Paris | Date. : 4 decembre 2013 | Pays : France |
Q/R juridiques soulevées :
Quel était le rôle du présentateur/pigiste chez LCI ?Le présentateur/pigiste a été engagé par la société LCI pour préparer et enregistrer une émission hebdomadaire sur l’actualité boursière, d’une durée de 15 minutes, sous la forme d’un « talk show ». Cette émission, intitulée « La bourse et votre argent », était diffusée chaque week-end, le samedi et le dimanche. Le travail du journaliste consistait à structurer l’émission en trois parties distinctes : l’actualité macroéconomique, l’actualité boursière et la gestion d’un portefeuille virtuel. Il devait également respecter des impératifs internes concernant le lieu et l’heure d’enregistrement, qui se déroulait chaque vendredi à 17h30 dans les studios de l’entreprise à Boulogne-Billancourt. Quelles étaient les bases juridiques du statut de pigiste ?Le statut de pigiste est encadré par le code du travail français, notamment par l’article L.7111-3, qui définit le journaliste professionnel comme une personne dont l’activité principale est l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse. L’article L.7112-1 précise que toute convention entre une entreprise de presse et un journaliste est présumée être un contrat de travail, indépendamment du mode de rémunération ou de la qualification donnée à la convention. Ainsi, même un journaliste rémunéré à la pige peut revendiquer le statut de salarié, bénéficiant de la présomption de salariat. Dans le cas du présentateur/pigiste, son travail régulier et rétribué pour LCI sur une période de quatre ans a renforcé cette présomption. Comment la relation entre le présentateur et LCI a-t-elle été qualifiée ?La relation entre le présentateur/pigiste et la SA LCI a été qualifiée de contrat de travail salarié de type CDI. Cela découle du fait que le journaliste a fourni un travail régulier et continu, intégrant une structure organisée avec des impératifs à respecter. Les éléments tels que la durée de l’émission, sa structuration et les horaires d’enregistrement témoignent d’une intégration dans l’organisation de LCI. De plus, les avis d’impôt et les déclarations de retraite ont montré que le présentateur tirait une part déterminante de ses ressources de cette activité, renforçant ainsi l’idée d’un lien de subordination. Quels étaient les enjeux des contrats à durée déterminée (CDD) successifs ?Les contrats à durée déterminée (CDD) successifs entre le présentateur et LCI étaient basés sur l’ancien article L.122-1-1. 3° du code du travail, qui permet le recours à des CDD dans certains secteurs. Cependant, la législation impose que l’utilisation de CDD successifs soit justifiée par des raisons objectives, prouvant le caractère temporaire de l’emploi. Dans ce cas, bien que l’audiovisuel soit un secteur où les CDD sont courants, l’activité journalistique du présentateur ne présentait pas un caractère temporaire. L’émission qu’il animait était durable et faisait partie intégrante de l’activité normale de LCI, ce qui a conduit les juges à conclure que la chaîne avait contrevenu aux dispositions du code du travail. Quelle a été la conclusion des juges concernant la situation du présentateur ?Les juges ont conclu que la SA LCI avait abusé des contrats à durée déterminée en ne respectant pas les dispositions du code du travail. Ils ont estimé que le recours à des CDD successifs n’était pas justifié par des raisons objectives, car l’activité du présentateur était liée à l’activité normale et permanente de la chaîne. En conséquence, le présentateur/pigiste avait droit à un statut de salarié en CDI, ce qui lui permettait de bénéficier des protections associées à ce statut. Cette décision souligne l’importance de la régularité et de la continuité dans les relations de travail, même dans le cadre de contrats à la pige. |
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