Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Interdiction de sortie du territoire d’un enfant : enjeux de la radicalisation et droits parentaux
→ RésuméLe 13 juin 2019, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de M. R… contre l’arrêt de la cour d’appel de Besançon, confirmant l’interdiction de sortie du territoire national de l’enfant J… R… sans l’autorisation des deux parents. La décision s’appuie sur des craintes légitimes de radicalisation et de risque d’enlèvement, en raison de la pratique religieuse croissante de M. R… et des inquiétudes exprimées par Mme W… concernant l’éducation de leur fils. La cour a également condamné M. R… aux dépens et à verser 3 000 euros à Mme W… au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
|
13 juin 2019
Cour de cassation
Pourvoi n°
18-18.869
CIV. 1
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 juin 2019
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10363 F
Pourvoi n° H 18-18.869
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. X… R…, domicilié […] ,
contre l’arrêt rendu le 26 avril 2018 par la cour d’appel de Besançon (2e chambre civile), dans le litige l’opposant à Mme L… W…, domiciliée […] ,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 14 mai 2019, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. R…, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de Mme W… ;
Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. R… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme W… la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. R…
IL EST FAIT GRIEF A L’ARRET ATTAQUE d’avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé l’interdiction de sortie du territoire national de l’enfant J… R… né le […] à VESOUL sans l’autorisation de ses deux parents et ordonné l’inscription de cette interdiction au fichier des personnes recherchées par le Parquet du tribunal de grande instance de VESOUL,
AUX MOTIFS QUE :
« Aux termes de l’article 373-2-6 du code civil, le juge aux affaires familiales peut prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l’effectivité du maintien des liens de l’enfant avec chacun de ses parents et qu’il peut notamment ordonner l’interdiction de sortie de l’enfant du territoire français sans l’autorisation des deux parents.
Il est admis que cette mesure préventive, attentatoire à la liberté de déplacement d’un parent avec son enfant, ne trouve sa justification que dans l’existence d’un risque avéré d’enlèvement de l’enfant en direction d’un autre État, et que les juges doivent concilier la respect des droits des deux parents avec le droit pour l’enfant de maintenir des liens avec ses origines culturelles.
Or, en l’espèce, il ressort du dossier que l’ordonnance de non conciliation prononcée le 16 mars 2015 fait déjà apparaître qu’au soutien de ses prétentions, l’épouse mentionne le fait que son époux s’est radicalisé dans la pratique de la religion depuis quelque temps et entraine l’enfant sur cette voie.
Un courrier adressé par Madame L… W… le 7 mai 2015 à Monsieur X… R… rappelle à celui-ci son désaccord sur la religion et les habitudes alimentaires qu’il inculque à son fils, et s’inquiète de son repli religieux ; elle dénonce notamment la présence dans la chambre de J… d’un tapis de prière et d’un Coran en arabe posé sur un meuble de rangement, qui n’ont selon elle rien à faire dans la chambre d’un enfant.
Un message électronique du 13 février 2017 renouvelle les inquiétudes et le désaccord de la mère sur le fait que l’enfant soit inscrit dans une école de la mosquée et sur les questions que lui pose l’enfant sur le choix des aliments qu’il peut manger.
Si Monsieur X… R… justifie par plusieurs témoignages qu’il a toujours été un musulman pratiquant notamment le ramadan, Madame L… W… verse au dossier des attestations faisant état d’un changement d’attitude de son mari vers une pratique plus importante de la religion, se manifestant notamment par une fréquentation assidue de la mosquée et des restrictions alimentaires, qui sont aussi imposées à l’enfant.
Monsieur X… R… précise quant à lui que son épouse partageait ses convictions religieuses puisque le couple aurait fait précéder mariage civil par une cérémonie religieuse, mais n’en justifie pas ; les photos qu’il produit ne font que montrer un rituel du henné dans la salle des fêtes du mariage et ne démontrent pas qu’il s’agit d’une cérémonie religieuse ; il ne verse aux débats qu’un seul témoignage en ce sens, qui est contredit par de nombreux témoignages produits par l’épouse qui n’évoquent d’un seul mariage civil.
Enfin, Monsieur X… R… indique être parfaitement inséré en France et occuper un poste à responsabilité au sein de l’entreprise Peugeot, mais ne justifie pas de ses conditions de vie actuelles, notamment par la production de bulletins de salaires actualisés. Il ne produit pas non plus de témoignages justifiant de son implication éventuelle dans la vie de la cité.
La manifestation ainsi caractérisée chez Monsieur X… R… d’une pratique religieuse plus démonstrative et éloignée de la pratique antérieure, le fait que ces rites et ses contraintes soient imposés à son fils âgé de 7 ans, et ce malgré l’opposition de la mère manifestée à plusieurs reprises, sont de nature à nourrir des craintes légitimes de radicalisation et d’un risque de déplacement illicite de l’enfant vers un autre pays.
Dans ce contexte, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé l’interdiction de sortie du territoire national de l’enfant J… R…, né le […] , sans l’autorisation de ses deux parents, et ordonné l’inscription de cette interdiction au fichier des personnes recherchées par le parquet du tribunal de grande instance de VESOUL, étant précisé que cette interdiction n’est pas absolue puisqu’elle n’interdit la sortie du territoire de l’enfant que faute d’accord de l’autre parent et que, pouvant faire l’objet d’un réexamen à tout moment par le juge, elle n’est pas illimitée dans le temps. » ;
1- ALORS QUE le jugement doit être motivé à peine de nullité ; Que ne satisfait pas aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile le jugement qui se détermine au simple visa d’éléments de preuve non précisément identifiés et n’ayant fait l’objet d’aucune analyse ; Qu’en énonçant que Madame W… verse au dossier des attestations faisant état d’un changement d’attitude de son mari vers une pratique plus importante de la religion se manifestant notamment par une fréquentation assidue de la mosquée et des restrictions alimentaires qui sont aussi imposées à l’enfant, d’une part, et que de nombreux témoignages produits par l’épouse n’évoquent qu’un seul mariage civil, d’autre part, sans jamais identifier les rédacteurs de ces différents témoignages ni résumer succinctement les faits auxquels leurs auteurs ont assisté ou qu’ils ont personnellement constatés et sans examiner les critiques formulées à leur encontre par Monsieur R… dans ses écritures d’appel (prod.2 p.7 et 8), la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2- ALORS QUE le jugement doit être motivé à peine de nullité ; Que le défaut de réponse aux conclusions équivaut au défaut de motifs ; Que Monsieur R… soulignait en page 11 de ses conclusions d’appel (prod.2), preuves à l’appui, qu’il avait démontré de manière avérée et suffisante qu’il n’avait aucune intention d’enlever son fils en Algérie ; Qu’en s’abstenant totalement de s’expliquer sur ce moyen opérant et d’examiner les éléments de preuve produits à son soutien la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
3- ALORS QUE, ainsi que le rappelait Monsieur R… en pages 11 in fine à 13 de ses conclusions d’appel, d’une part, en vertu des articles 8 et 10 de la Convention Internationale relative aux droits de l’enfant de 1989, l’application de l’article 373-2-6 du code civil doit prendre en compte la nécessité pour l’enfant de pouvoir connaître le pays d’origine de chacun de ses parents, et d’autre part, en vertu des dispositions de la convention franco-algérienne du 21 juin 1988, aucun enfant de nationalité française ou de double nationalité dont la nationalité française n’est susceptible de rester bloqué en Algérie, des mesures étant prévues pour assurer son retour en France ; Qu’en confirmant le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé l’interdiction de sortie de l’enfant J… R… du territoire national sans l’autorisation de ses deux parents et ordonné l’inscription de cette interdiction au fichier des personnes recherchées au seul motif que la manifestation chez Monsieur R… d’une pratique religieuse plus démonstrative et éloignée de la pratique antérieure, le fait que ces rites et leurs contraintes soit imposés à son fils âgé de sept ans malgré l’opposition de la mère manifestée à plusieurs reprises, sont de nature à nourrir des craintes légitimes de radicalisation et d’un risque de déplacement illicite de l’enfant vers un autre pays, sans s’expliquer sur les dispositions de la Convention Internationale des droits de l’enfants et de la convention franco-algérienne du 21 juin 1988 invoquées par Monsieur R… au soutien de ses prétentions, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 373-2-6 du code civil.
Laisser un commentaire