Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Nîmes
Thématique : Prolongation de rétention administrative : analyse de la décision de la Cour d’appel de Nîmes
→ RésuméLe 10 août 2022, la Cour d’Appel de Nîmes, présidée par Mme Chantal Rodier, a examiné l’appel de M. [E] [F] contre l’ordonnance de placement en rétention administrative. Ce dernier, de nationalité algérienne, avait été notifié d’une obligation de quitter le territoire national. L’appel, jugé recevable, a été fondé sur des moyens de nullité et des éléments nouveaux. La cour a confirmé la décision de prolongation de la rétention, soulignant que M. [E] [F] ne disposait d’aucun document d’identité et ne justifiait d’aucun domicile stable en France, rendant ainsi nécessaire son éloignement.
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10 août 2022
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
22/00571
Ordonnance N°22/521
N° RG 22/00571 – N° Portalis DBVH-V-B7G-IRGP
J.L.D. NIMES
08 août 2022
[F]
C/
LE PREFET DU [Localité 6]
COUR D’APPEL DE NÎMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 10 AOUT 2022
Nous, Mme Chantal RODIER, Présidente de chambre à la Cour d’Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d’Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l’Asile (CESEDA), assisté de Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale,
Vu l’arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire national en date du 20 mai 2022 notifié le 21 mai 2022, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 05 août 2022, notifiée le même jour à 20h05 concernant :
M. [E] [F]
né le 17 Décembre 1988 à [Localité 3] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne
Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 06 août 2022 à 18h27, enregistrée sous le N°RG 22/03491 présentée par M. le Préfet du [Localité 6] ;
Vu l’ordonnance rendue le 08 Août 2022 à 16h45 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES, qui a :
* Déclaré la requête rcevable ;
* Rejeté les exceptions de nullité soulevées ;
* Ordonné pour une durée maximale de 28 jours commençant 48H après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, de M. [E] [F];
* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l’expiration d’un délai de 28 jours à compter du 07 août 2022 à 20h05,
Vu l’appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [E] [F] le 09 Août 2022 à 15h37 ;
Vu l’absence du Ministère Public près la Cour d’appel de NIMES régulièrement avisé ;
Vu la présence de Monsieur [X] [Z], représentant le Préfet du [Localité 6], agissant au nom de l’Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d’Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;
Vu l’assistance de Madame [D] [G] interprète en langue arabe inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel de Nîmes,
Vu la comparution de Monsieur [E] [F], régulièrement convoqué ;
Vu la présence de Me Lucie GRANIER, avocat de Monsieur [E] [F] qui a été entendu en sa plaidoirie ;
MOTIFS
Monsieur [E] [F] a reçu notification le 21 mai 2022 à 7h50 contre émargement et avec interprète d’un arrêté de la Préfète de [Localité 2] du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour pendant 3 ans.
Monsieur [E] [F] a été placé en garde à vue à [Localité 5] le 5 août 2022 à 2h50. Au cours de celle-ci, il est apparu comme figurant au fichier des personnes recherchées pour la mise à exécution de cet arrêté.
Par arrêté du Préfet du [Localité 6] en date du 5 août 2022, qui lui a été notifié le jour même à 20h05 par le truchement d’un interprète, il a été placé en rétention administrative aux fins d’exécution de la mesure d’éloignement.
Par requête du 6 août 2022, le Préfet du [Localité 6] a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d’une demande en prolongation de la mesure.
Par ordonnance prononcée le 8 août 2022 à 10h45, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [E] [F] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.
Monsieur [E] [F] a interjeté appel de cette ordonnance le 9 août 2022 à 15h37
Sur l’audience, Monsieur [E] [F] déclare qu’il a une fille en Algérie atteinte d’un cancer et c’est pourquoi il a tout tenté, y compris plusieurs demandes d’asile, afin de l’amener pour la faire soigner. Il indique que ce n’est pas facile de faire appel à des associations d’aide aux enfants malades depuis l’Algérie.
Son avocat soutient que les moyens de la déclaration d’appel.
Monsieur le Préfet pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l’ordonnance dont appel, indiquant que les avis à Parquet ont été fait et que l’arrêté de délégation de signature figure bien au dossier.
SUR LA RECEVABILITE DE L’APPEL :
L’appel interjeté le 9 août 2022 à 15h37 par Monsieur [E] [F] à l’encontre d’une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée en sa présence le 8 août 2022 à 10h45, a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Il est donc recevable.
SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D’APPEL:
L’article 563 du code de procédure civile dispose : « Pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
L’article 565 du même code précise : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».
Sauf s’ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l’article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d’appel.
A l’inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôle d’identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d’une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.
Par ailleurs, le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d’appréciation de l’administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d’appel que s’il a fait l’objet d’une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l’article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.
En l’espèce, Monsieur [E] [F], dans sa déclaration d’appel, reprend l’un des moyen de nullités soulevés en première instance et forme le moyen nouveau d’irrégularité de la requête, moyens recevables.
SUR LES EXCEPTIONS DE NULLITÉ AU TITRE D’IRRÉGULARITÉS DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE A L’ARRÊTÉ :
L’article L.743-12 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose: « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d’une demande sur ce motif ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger »
Ainsi une irrégularité tirée de la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation de formalités substantielles ne peut conduire à une mainlevée de la rétention que si elle a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger.
En l’espèce, l’avis du placement en rétention au Procureur de [Localité 5] est intervenu par fax à 19h06, soit avant même que l’arrêté soit notifié à l’intéressé, de sorte que l’avis ne peut être tardif. Le Procureur de la République de [Localité 4] a quant à lui été avisé du placement en rétention à 23h15, soit immédiatement à son arrivée au centre de rétention, puisque la notification des droits de la rétention est intervenue de façon quasi concomitante de 23h40 à 23h50.
Il n’y a donc aucune tardiveté dans les avis à Parquet.
Il y a lieu de constater qu’aucune irrégularité portant atteinte aux droits de la personne retenue n’est relevée et il convient dès lors de déclarer la procédure régulière.
L’ordonnance déférée qui l’avait parfaitement observé, sera confirmée sur ce point.
SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE EN PROLONGATION :
– en ce que son signataire n’aurait pas compétence pour ce faire :
Monsieur [E] [F] soutient qu’il appartient au juge judiciaire de vérifier la compétence du signataire de la requête en prolongation et la mention des empêchements éventuels des délégataires de signature. En l’espèce, le signataire de la requête ne serait pas compétent.
C’est à tort qu’il est argué de l’incompétence du signataire de la requête en prolongation signée pour le Préfet du [Localité 6] le 6 août 2022 par Monsieur [S] [Y], sous-préfet, alors qu’est précisément joint à cette requête un arrêté préfectoral en date du 16 septembre 2022 lui portant délégation de signature et que celui-ci était de permanence du 5 au 7 août ainsi qu’il ressort du tableau de permanence.
Le moyen d’irrecevabilité doit donc être rejeté.
SUR LE FOND :
L’article L.611-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français et/ou l’article L.612-6 du même code d’une interdiction de retour sur le territoire français tandis que l’article L611-3 du même code liste de manière limitative les situations dans lesquelles de telles mesures sont exclues.
L’article L.741-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise qu’en tout état de cause «un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet.»
En l’espèce, Monsieur [E] [F] ne disposait au moment de son interpellation d’aucun justificatif en original de son identité ni d’aucun document de voyage et n’en a pas davantage communiqué depuis aux autorités administratives, de telle sorte qu’il est nécessaire de l’identifier formellement avant que de pouvoir procéder à son éloignement effectif.
Il s’en déduit qu’il y a lieu de dire et juger que l’administration n’ a pas failli à ses obligations.
Monsieur [E] [F], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine de telle sorte qu’une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l’article L743-13 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Il ne justifie de plus d’aucune adresse ni domicile stables en France, ne démontre aucune activité professionnelle et ne dispose d’aucun revenu ni possibilité de financement pour assurer son retour dans son pays.
Il est l’objet d’une mesure d’éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.
Il s’en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu’il puisse être procédé effectivement à son éloignement.
Il convient par voie de conséquence de confirmer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l’article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,
DÉCLARONS recevable l’appel interjeté par Monsieur [E] [F] ;
CONFIRMONS l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
RAPPELONS que, conformément à l’article R.743-20 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].
Fait à la Cour d’Appel de NÎMES,
le 10 Août 2022 à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
‘ Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 4] à M. [E] [F], par l’intermédiaire d’un interprète en langue arabe.
Le à H
Signature du retenu
Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :
– Monsieur [E] [F], par le Directeur du centre de rétention de [Localité 4],
– Me Lucie GRANIER, avocat
(de permanence),
– M. Le Préfet du [Localité 6]
,
– M. Le Directeur du CRA de [Localité 4],
– Le Ministère Public près la Cour d’Appel de NIMES
– Mme/M. Le Juge des libertés et de la détention,
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