Cour d’appel de lyon, 05 septembre 2023, N° RG 21/05444
Cour d’appel de lyon, 05 septembre 2023, N° RG 21/05444

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Lyon

Thématique : Contentieux de l’Allocation aux Adultes Handicapés

Résumé

Dans l’affaire du contentieux de la protection sociale, Mme [I] a contesté le rejet de sa demande d’allocation aux adultes handicapés (AAH) et de complément de ressources par la MDPH de la Loire. Le tribunal a confirmé que son taux d’incapacité, bien qu’étant entre 50% et 79%, ne justifiait pas une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi. Malgré ses pathologies invalidantes, la cour a estimé que des aménagements étaient possibles pour un travail adapté. En conséquence, le jugement initial a été confirmé, et les demandes de Mme [I] ont été rejetées, y compris celles relatives aux frais d’appel.

AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 21/05444 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NWZ7

[I]

C/

MDPH DE LA LOIRE – MLA

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de SAINT ETIENNE

du 26 Mai 2021

RG : 19/00422

AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE D – PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2023

APPELANTE :

[N] [I]

née le 25 mars 1963 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Caroline LORTON, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/020396 du 01/07/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)

INTIMEE :

MDPH DE LA LOIRE – MLA

[Adresse 2]

[Localité 3]

non comparante, non représentée

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Avril 2023

Présidée par Nathalie PALLE, Présidente, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

– Nathalie PALLE, président

– Vincent CASTELLI, conseiller

– Françoise CARRIER, conseillère honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 05 Septembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Françoise CARRIER, conseillère honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles pour Nathalie PALLE, Présidente, et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 9 octobre 2018, Mme [I] (la requérante) a sollicité le bénéfice de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), du complément de ressources de l’AAH et de la carte mobilité inclusion; mention invalidité (CMI), auprès de la Maison départementale des personnes handicapées de la Loire (la MDPH).

Le 15 décembre 2018, le président du département a rejeté sa demande d’attribution de la CMI mention invalidité, au motif que son taux d’incapacité est inférieur à 80%.

Par décision du 4 décembre 2018, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (la CDAPH) lui a refusé le bénéfice de l’AAH et du complément de ressources de l’AAH, au motif que le taux d’incapacité est inférieur à 50%.

Le 28 décembre 2018, la requérante a formé un recours gracieux contre la décision du 4 décembre 2018.

Le 24 avril 2019, la requérante a contesté la décision implicite de rejet de la CDAPH, en saisissant d’un recours le tribunal de grande instance de Lyon, lequel s’est dessaisi, le 6 mai 2019, au profit du tribunal de grande instance de Saint-Etienne.

Par décision du 14 mai 2019, la CDAPH a confirmé la décision de rejet du 4 décembre 2018, la requérante présentant un taux d’incapacité supérieur ou égal à 50% et inférieur à 80%, en l’absence de restriction substantielle et durable pour l’accès à un emploi.

A l’audience du 26 avril 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Etienne, devant lequel la procédure s’est poursuivie, a ordonné une expertise médicale sur pièces confiée au docteur [J].

Par jugement réputé contradictoire du 26 mai 2021, le tribunal a :

– débouté la requérante de sa demande d’AAH et de complément de ressources,

– dit que les frais d’examen sur pièces réalisé à l’audience restent à la charge de la caisse,

– dit que chaque partie conserve la charge de ses dépens.

Le 25 juin 2021, la requérante a relevé appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 3 juin 2021.

Dans ses conclusions déposées au greffe le 5 avril 2022, dont elle a justifié l’envoi à la MDPH par lettre recommandée dont celle-ci a accusé réception le 8 avril 2022, oralement soutenues à l’audience des débats et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens, la requérante demande à la cour de :

– déclarer recevable son appel,

– réformer le jugement en ce qu’il a refusé de lui octroyer l’AAH et le CPR,

– dire qu’elle est bien fondée à obtenir l’AAH et le complément de ressources de l’AAH, ainsi que la CMI mention invalidité,

A titre subsidiaire,

– ordonner la désignation d’un médecin, indépendant de la MDPH, qui rendra compte de son avis devant la cour,

– surseoir à statuer sur les demandes,

– les frais d’expertise ne seront pas mis à la charge de la requérante étant donné son accès à l’aide juridictionnelle,

En tout état de cause,

– dire que le droit à l’AAH, au complément de ressources de l’AAH et la CMI mention invalidité sera rétroactif à la date de la demande initiale, soit le 9 octobre 2018,

– condamner la MDPH à payer à Maître Caroline Lorton, avocat, la somme de 1500 euros, hors taxes, sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

– condamner la caisse à verser à la requérante la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– renvoyer le dossier devant la MDPH pour le calcul de l’AAH à compter de la première demande, soit le 17 octobre 2018,

– condamner la MDPH aux dépens

A l’audience, Mme [I], représentée par son conseil, s’est désistée de sa demande relative à la contestation de la décision de rejet de l’attribution de la carte mobilité inclusion mention invalidité, celle-ci n’ayant pas fait l’objet d’un recours administratif préalable obligatoire.

Sur le fond, la requérante, partie appelante, soutient qu’elle présente tous les éléments pour bénéficier de l’AAH et du complément de ressources de l’AAH. Elle expose qu’elle souffre de multiples pathologies invalidantes qui nécessitent un traitement médical lourd, entravent sa vie sociale, portent atteinte à son autonomie dans sa vie quotidienne et la placent dans l’incapacité de pouvoir travailler. Elle indique que ses déplacements à pied ou véhiculés sont compliqués, dès lors qu’elle prend des malaises, qu’elle est essoufflées et qu’elle tombe. Son entourage familial l’aide dans les actes de la vie quotidienne et l’accompagnent aux rendez-vous médicaux. Elle n’a plus de relations sociales, vit confinée dans son logement et multiplie les soins. Depuis le dépôt de sa première demande d’allocation et de complément de ressources elle a du mal à assurer son hygiène corporelle, à s’habiller et se déshabiller de façon adaptée, à effectuer les mouvements (se lever, s’asseoir, se coucher) ainsi que ses déplacements. Elle estime que le tribunal n’a pas fait une juste évaluation de ses besoins et de son handicap, lequel nécessite des compensations.

Bien que régulièrement convoquée par courrier recommandé du 30 septembre 2021, dont elle a signé l’accusé de réception, le 4 octobre 2021, la MDPH n’a pas comparu, ne s’est pas fait représenter et n’a pas demandé à être dispensée de comparaître, de sorte que l’arrêt est réputé contradictoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’attribution de la carte mobilité inclusion, mention invalidité

Il ne ressort pas des énonciations du jugement critiqué que le tribunal était saisi du recours de la décision de rejet de la demande d’attribution de la carte mobilité inclusion mention invalidité. En tout état de cause, il convient de prendre acte du désistement de l’appelante de son recours relativement à la décision du 5 décembre 2018 lui refusant le bénéfice de la carte mobilité inclusion mention invalidité, la requérante reconnaissant n’avoir pas formé de recours administratif préalable obligatoire à l’encontre de celle-ci.

Sur la demande d’allocation aux adultes handicapés

Il résulte de l’application des articles L. 821-2, 1° et 2°, et D. 821-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable à la date de la demande, que l’allocation aux adultes handicapés est attribuée aux personnes dont le taux d’incapacité permanente est d’au moins 50 %, sans atteindre le taux de 80%, et à qui, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées reconnaît, compte tenu de leur handicap, une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi.

Selon l’article D. 821-1-2 du même code, pris pour l’application des dispositions du 2° de l’article L. 821-2, la restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi subie par une personne handicapée qui demande à bénéficier de l’allocation aux adultes handicapés est appréciée ainsi qu’il suit :

1° La restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d’accès à l’emploi. A cet effet, sont à prendre en considération :

a) Les déficiences à l’origine du handicap ;

b) Les limitations d’activités résultant directement de ces mêmes déficiences ;

c) Les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap ;

d) Les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d’activités.

Pour apprécier si les difficultés importantes d’accès à l’emploi sont liées au handicap, elles sont comparées à la situation d’une personne sans handicap qui présente par ailleurs les mêmes caractéristiques en matière d’accès à l’emploi.

2° La restriction pour l’accès à l’emploi est dépourvue d’un caractère substantiel lorsqu’elle peut être surmontée par le demandeur au regard :

a) Soit des réponses apportées aux besoins de compensation mentionnés à l’article L. 114-1-1 du code de l’action sociale et des familles qui permettent de faciliter l’accès à l’emploi sans constituer des charges disproportionnées pour la personne handicapée ;

b) Soit des réponses susceptibles d’être apportées aux besoins d’aménagement du poste de travail de la personne handicapée par tout employeur au titre des obligations d’emploi des handicapés sans constituer pour lui des charges disproportionnées ;

c) Soit des potentialités d’adaptation dans le cadre d’une situation de travail.

3° La restriction est durable dès lors qu’elle est d’une durée prévisible d’au moins un an à compter du dépôt de la demande d’allocation aux adultes handicapés, même si la situation médicale du demandeur n’est pas stabilisée. La restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi est reconnue pour une durée de un à cinq ans.

4° Pour l’application du présent article, l’emploi auquel la personne handicapée pourrait accéder s’entend d’une activité professionnelle lui conférant les avantages reconnus aux travailleurs par la législation du travail et de la sécurité sociale.

5° Sont compatibles avec la reconnaissance d’une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi :

a) L’activité à caractère professionnel exercée en milieu protégé par un demandeur admis au bénéfice de la rémunération garantie mentionnée à l’article L. 243-4 du code de l’action sociale et des familles ;

b) L’activité professionnelle en milieu ordinaire de travail pour une durée de travail inférieure à un mi-temps, dès lors que cette limitation du temps de travail résulte exclusivement des effets du handicap du demandeur ;

c) Le suivi d’une formation professionnelle spécifique ou de droit commun, y compris rémunérée, résultant ou non d’une décision d’orientation prise par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées mentionnée à l’article L. 241-5 du code de l’action sociale et des familles.

L’attribution d’un taux d’incapacité compris entre 50 et 79%, a été retenue par la CDAPH, dans sa décision du 14 mai 2019, sur le recours gracieux formé par la requérante (pièce n°8 de l’appelante), et confirmé par le médecin consultant désigné par le tribunal, de sorte qu’il convient de retenir que la condition tenant à l’existence d’un taux d’incapacité supérieur à 50% et inférieur à 80% est satisfaite et il convient de rechercher s’il existe une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi, étant rappelé qu’il convient à cet effet de se placer à la date de la demande présentée par la requérante à la MDAPH pour apprécier si elle pouvait prétendre à l’allocation demandée, soit le 9 octobre 2018.

Sur une consultation réalisée sur pièces à l’audience, le médecin consultant désigné par le tribunal a retenu que la requérante présente un taux d’incapacité compris entre 50% et 79%, sans élément médicaux permettant de conclure à une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi.

A l’appui de son recours, la requérante produit les pièces médicales précédemment produites devant le tribunal (pièces 7-1 à 7-13), lesquelles étaient, pour la plupart contemporaines de sa demande, ainsi que des pièces nouvelles, en l’occurrence le dossier médical retraçant l’évolution de son état de santé (pièce n°16), un compte rendu d’endocrinologue du 8 avril 2020 (pièce n°17), ainsi que son dossier médical depuis 2021 (pièce n°18).

Des éléments médicaux produits aux débats, contemporains de la date de la demande en litige, il ressort que le handicap de la requérante, née le 25 mars 1963, se caractérise alors par une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), un asthme sévère, un diabète non insulino dépendant de type 2, une hyper-tyroïdie, un scotome de l’oeil droit, une hernie discale, un anévrysme proximal de l’aorte descendante ainsi qu’une obésité morbide majeure (104 kg pour 150 cm) ; le certificat médical renseigné au jour de la demande en litige par le médecin traitant de la requérante (pièce n°18) ne renseignait pas la rubrique relative à l’existence d’une déficience visuelle, précisait que la requérante ne présentait pas de ralentissement moteur, qu’elle était en capacité d’utiliser le téléphone comme les autres appareils et techniques de communication sans recours à un appareillage, qu’elle présentait une capacité normale de préhension des deux mains et se déplaçait avec difficulté mais sans aide humaine à l’extérieur et qu’elle n’avait jamais travaillé.

La requérante ne précise pas quel est son niveau scolaire et/ou de formation.

Il demeure que, si au jour de la demande les caractéristiques de son handicap lui interdisent de se déplacer à l’extérieur pour l’exercice d’une activité professionnelle, pour autant elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité professionnelle depuis son domicile, de type démarchage téléphonique par exemple.

Dès lors, de l’ensemble des éléments produits aux débats, il ne ressort pas que les troubles présentés par l’intéressée du fait de son handicap caractérisent des difficultés importantes et insurmontables d’accès à l’emploi, les troubles pouvant être compensés notamment par l’exercice d’une activité adaptée ou par un aménagement de poste de travail au titre des obligations d’emploi de travailleurs handicapés, sans constituer pour l’employeur des charges disproportionnées.

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté comme étant non fondé le recours de la requérante contre la décision de refus d’attribution de l’allocation aux adultes handicapés.

Sur la demande de complément de ressources de l’allocation aux adultes handicapés

Il résulte de l’article L. 821-1-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n°2015-1268 du 14 octobre 2015, alors applicable à la date de la demande de prestation, que le complément de ressources est versé aux bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés au titre de l’article L. 821-1.

La requérante ne pouvant prétendre à l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés, sa demande d’attribution du complément de ressources, non fondée, doit être rejetée ainsi que l’ont retenu les premiers juges.

Compte tenu de l’issue du litige, l’appelante est tenue aux dépens d’appel et sa demande au titre des frais irrépétibles relevant de l’application de l’article 700, 2°, du code de procédure civile, comme tendant à voir appliquer l’article 700 du même code est rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONSTATE le désistement de Mme [N] [I] de son recours contre la décision du 5 décembre 2018 lui refusant le bénéfice de l’attribution de la carte de mobilité inclusion, mention invalidité,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

REJETTE les demandes de Mme [N] [I] au titre de l’article 700, 2°, et de l’article 700 du code de procédure civile,

LAISSE les dépens d’appel à la charge de Mme [N] [I].

Le greffier, La présidente empêchée,

La conseillère honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

 


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