Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Bordeaux
Thématique : Vidéosurveillance disproportionnée : Franprix condamnée
→ RésuméLa Cour d’appel de Bordeaux a jugé que le système de vidéoprotection mis en place par la société Franprix Leader Price Holding était disproportionné. En effet, ce dispositif, qui ne visait pas la sécurité des employés mais le contrôle de leur activité, portait atteinte à leur vie privée, en violation de l’article 9 du code civil. Le salarié concerné a subi un préjudice, réparé par une indemnité de 50 euros. Bien que la société ait obtenu une autorisation préfectorale pour ce système, son utilisation ne respectait pas les principes de nécessité et de proportionnalité exigés par la loi.
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Aux termes de l’article 9 du code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée, cette protection bénéficiant au salarié dans le cadre de sa vie professionnelle et, en vertu de l’ article L.1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
Tout système de vidéoprotection installé en entreprise doit toutefois être proportionné à ses finalités. La juridiction a considéré que le système mis en place par la société Franprix Leader Price Holding était disproportionné en ce qu’il soumettait les salariés à une atteinte à leur vie privée – au sens de l’ article 9 du code civil- qui ne recherchait pas leur sécurité mais seulement à contrôler l’exécution de leur mission.
Le salarié qui a été filmé dans ces conditions a subi un préjudice qui a été réparé à hauteur de la somme de 50 euros.
A noter que dans cette affaire, il n’était pas démontré que le système de vidéo-surveillance de l’employeur ait été utilisé à des fins autres que celles qui ont été déclarées à la CNIL. En particulier, il n’était pas établi qu’un enregistrement aurait été utilisé pour apporter la preuve des motifs du licenciement, aucune image de vidéo-surveillance n’ayant été utilisée dans le cadre du licenciement du salarié.
La société a fait valoir avec succès qu’elle avait obtenu une décision préfectorale l’autorisant à installer ledit système (la finalité de ce système est la sécurité des personnes, la prévention des atteintes aux biens et la lutte contre la démarque inconnue), nommé un correspondant informatique et liberté et que les salariés étaient nécessairement informés de l’utilisation d’un système de vidéo surveillance très apparent.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
ARRÊT DU 06 AVRIL 2022
PRUD’HOMMES
N° RG 18/00251 – N° Portalis DBVJ-V-B7C-KHFO
Monsieur A X
c/
Société PERPINADIS HARD DISCOUNT
SAS FRANPRIX LEADER PRICE HOLDING venant aux droits de la SAS LEADER PRICE MAGASIN 6
Nature de la décision : AU FOND
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 décembre 2017 (R.G. n°F 16/00067) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LIBOURNE, Section Commerce, suivant déclaration d’appel du 16 janvier 2018,
APPELANT :
Monsieur A X
né le […] à […], demeurant […]
représenté par Me Stanislas LAUDET de la SELARL STANISLAS LAUDET, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
SAS Franprix Leader Price Holding siret n° 343 045 316 venant aux droits de la SAS Leader Price Magasin 6, venant elle-même aux droits de la SARL Perpinadis Hard Discount, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège social 123, […]
représentée par Me Claire LE BARAZER de la SCP CLAIRE LE BARAZER & LAURÈNE D’AMIENS, avocat au barreau de BORDEAUX,
assistée de Me Sahra CHERITI de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 janvier 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame G-H F, présidente chargée d’instruire l’affaire, et Monsieur Rémi Figerou, conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame F G-H, présidente
Madame Sophie Masson, conseillère
Monsieur Rémi Figerou, conseiller
Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-E,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur A X, né en 1970, a été engagé par 1er juillet 1998, par la société Mutant Distribution, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet 1998 en qualité d’employé puis de responsable de magasin.
Le 8 mars 2014, la SARL Perpinadis HD a repris le magasin Mutant Distribution sous l’enseigne Leader Price. Le contrat de travail de M. X a été transféré à cette date.
La société Leader Price Magasin a été dissoute le 17 février 2021 et ses actifs et passifs ont été transmis à la société Franprix Leader Price Holding qui est intervenue volontairement à la procédure.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.
M. X revendique une rémunération mensuelle moyenne de 2 733,31 euros, heures supplémentaires incluses.
M. X a été placé en arrêt de travail pour maladie non professionnelle à compter du 21 août 2015.
A l’issue de la période de suspension de son contrat de travail et par avis du 4 janvier 2016, le médecin du travail a conclu à l’inaptitude de M. X à son poste et à tous postes dans l’entreprise.
Par lettre datée du 15 février 2016, M. X a été convoqué à un entretien préalable de licenciement fixé au 26 février suivant.
M. X a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre datée du 3 mars 2016.
A la date du licenciement, M. X avait une ancienneté de plus de 17 ans et 8 mois et la société employait habituellement plus de dix salariés.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaires pour heures supplémentaires, M. X a saisi le 19 avril 2016 le conseil de prud’hommes de Libourne qui, par jugement du 15 décembre 2017, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :
– condamné la société Perpinadis prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. X les sommes suivantes :
*3.158,40 euros à titre de contrepartie financière à la clause de non-concurrence,
*1.000 euros en vertu de l’ article 700 du code de procédure civile ;
– débouté M. X de ses autres demandes,
– condamné la société Perpinadis aux entiers dépens de l’instance et frais éventuels d’exécution.
Par déclaration du 16 janvier 2019, M. X a relevé appel de cette décision.
A l’audience, avant le déroulement des débats, à la demande de M. X et avec l’accord de la partie adverse, l’ordonnance de clôture rendue le 27 janvier 2022 a été révoquée et la procédure a été à nouveau clôturée.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 28 janvier 2022, M. X demande à la cour de :
Au fond :
-confirmer le jugement attaqué sur le principe de la condamnation l’employeur au paiement de la contrepartie financière de non-concurrence ;
– r é f o r m e r l e j u g e m e n t a t t a q u é s u r l e m o n t a n t d e l a c o n t r e p a r t i e f i n a n c i è r e d e non-concurrence ;
-réformer le jugement attaqué en ce qu’il a débouté le salarié de ses autres demandes.
Statuant à nouveau :
– fixer la moyenne des douze derniers mois de salaires reconstitués en intégrant les heures supplémentaires non payées à la somme de 2 733,31 euros
– dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié
– condamner la SAS Franprix Leader Price Holding au paiement des sommes
suivantes :
*9.458,10 euros au titre des heures supplémentaires effectuées mais non payées ;
*945,81 euros au titre des heures supplémentaires effectuées mais non payées ;
*16.399,86 euros à titre d’indemnité de travail dissimulé ;
*98 399,16 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
*3.000,00 euros à titre d’indemnité de licenciement irrégulier ;
*10.500,00 euros à titre d’indemnité pour manquement à l’obligation de sécurité et de résultat ;
*7.500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales hebdomadaires de travail ;
*7.500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’amplitude
maximale de travail quotidien ;
*7.500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire,
*5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée ;
*6.559,94 euros au titre de contrepartie financière de clause de non-concurrence ;
*655,99 euros au titre des congés payés y afférents ;
*2.500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dire que les condamnations précitées porteront intérêts au taux légal, avec anatocisme, à compter de la saisine du conseil des prud’hommes pour les sommes ayant la nature de salaire, à compter du jugement à intervenir pour les sommes ayant une nature indemnitaire.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 5 janvier 2022 la société la SAS Franprix Leader Price Holding, demande à la cour de’:
In limine litis :
– déclarer recevable son intervention volontaire et lui en donner acte,
A titre principal :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Libourne du 15 décembre 2017,
– débouter M. X de l’intégralité de ses demandes,
– le condamner au paiement à la société Franprix Leader Price holding, venant aux droits de la société Leader Price magasin 6, de la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers
dépens ;
A titre subsidiaire :
-ordonner à M. X de restituer à la société Franprix Leader Price Holding, venant aux droits de la société Leader Price Magasin 6, la somme de 341,67 euros bruts au titre des jours de RTT qui lui ont été octroyés sur la période non prescrite, et la compensation de cette somme avec toutes éventuelles condamnations de la société Franprix Leader Price Holding venant aux droits de la société Leader Price Magasin 6.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
La dissolution de la société Perpinadis Hard Discount le 4 août 2020, a D transfert de ses actifs et passifs à la société Leader Price Magasin 6 qui est intervenue à la procédure. Cette dernière a été dissoute le 17 février 2021 et ses actifs et passifs ont été transmis à la société Franprix Leader Price Holding dont l’intervention à la présente instance est recevable.
A- les heures supplémentaires
a- le paiement des heures supplémentaires
M. X demande paiement de 330 heures supplémentaires pour la période du 30 juin 2014 au 15 mars 2015 et de 233,15 heures supplémentaires sur la période du 15 mars 2015 au 28 juin 2015.
M. X fait valoir pour l’essentiel qu’au regard de la superficie du magasin, de ses heures d’ouverture, du temps de travail antérieur et postérieur à ces horaires et de l’insuffisance de personnel, il devait réaliser des heures supplémentaires – mentionnées « heures à récupérer » sur le logiciel de gestion de paie à compter du 23 mars 2015 -, connues de l’employeur qui ne les a payées que pour la période du 29 juin au 20 août 2015.
La société répond qu’aux termes de son contrat de travail, M. X devait travailler 37,5 heures par semaine et bénéficier de 14 jours de RTT par an dont il n’a pas sollicité le bénéfice ; que les heures supplémentaires devaient être autorisées ; que le salarié n’établit pas la nécessité dans laquelle il était de remplacer des collaborateurs ; que les heures n’ont été enregistrées dans le logiciel de paie qu’à compter du 23 mars 2015. La société demande subsidiairement, que M. X soit condamné à lui rembourser 4 jours de RTT pris du 21 au 24 janvier 2015.
Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si la preuve des horaires effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Aux termes de ses écritures, M. X fait état :
– des horaires d’ouverture du magasin dont il était le responsable : du lundi au samedi de 8 h à 19 h 30 et le dimanche de 9 h à 12 h 45 qui ne sont pas contestés,
– le temps de travail de préparation du magasin avant son ouverture soit une heure et demi par jour dans la semaine et 1 heure le dimanche ;
– le temps de nettoyage après la fermeture du magasin soit 0 h 15 ;
dont la nécessité n’est pas contestée par l’employeur, soit un temps de travail quotidien de 13 h 15 ;
– le temps de travail nécessaire aux cinq salariés dont les horaires de travail sont précisés sans être contestés par la société qui connaissait les absences des salariés du magasin. Celle- ci produit une pièce 13 qui mentionne 6 salariés, et M. X précise sans être contredit que le sixième salarié a été embauché à l’été 2015 pour compenser les congés payés pris ; M. X indique, qu’au regard des 169 heures de travail effectuées par semaine et des 155 heures réalisées par ses collaborateurs, il devait effectuer 14 heures supplémentaires par semaine qui ne lui ont pas été payées.
Par ailleurs, M. X verse :
– des attestations de salariées dont l’une précisant que « quand M. X C en congés, j’ai dû effectuer des heures supplémentaires non payées afin que le travail journalier puisse être réalisé et ne pas pénaliser le fonctionnement du magasin » ;
– en pièces 32 et 33, des récapitulatifs de temps de travail pour la période du 23 février 2015 au 21 août 2015 ;
étant précisé que :
*le défaut de production des récapitulatifs de temps antérieurs au 23 février 2015 n’exonère pas l’employeur de son obligation de produire les horaires effectivement réalisés par M. X pour la période précédente dès lors que les horaires d’ouverture, les temps de préparation et de nettoyage du magasin étaient les mêmes que ceux de la période suivante ;
*l’employeur a autorisé implicitement les heures supplémentaires dès lors qu’il connaissait les HR ( heures à récupérer) indiquées chaque mois sur les récapitulatifs – et ne les a pas contestées – et a payé les heures supplémentaires effectuées sur la période du 29 juin au 20 août 2015 ;
*les jours de RTT – à l’exception de quatre – n’ont pas été pris de sorte qu’il ne peut être retenu que les heures supplémentaires ont été récupérées sous cette forme.
A ces éléments précis, la société n’oppose pas les horaires effectivement réalisés et, eu égard aux élément sus visés, la cour a la conviction que M. X a accompli des heures supplémentaires non rémunérées.
Compte-tenu d’une majoration du taux horaire, de 25% pour les huit premières heures supplémentaires et de 50% pour les suivantes, la société sera condamnée à payer à M. X la somme de 9 155 euros majorée des congés payés ( 915,50 euros) dont il sera déduit les 4 jours de RTT figurant au bulletin de paye du mois du janvier 2015 soit un solde dû de 8 793,53 euros majoré des congés payés afférents (879,35 euros).
b- la durée maximale hebdomadaire de travail
Eu égard au nombre d’heures supplémentaires effectuées, la durée hebdomadaire maximale prévue par le code du travail et la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire a été dépassée pendant plusieurs semaines. Cette surcharge de travail a porté un préjudice à M. X dans sa vie personnelle et la société devra lui verser des dommages et intérêts de ce chef à hauteur de 1 000 euros.
c- le repos quotidien et l’amplitude maximale de la journée de travail
Aux termes de l’article L 3131-1 du code du travail dans sa rédaction ici applicable, tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives. M. X affirme en avoir été privé lors de l’inventaire établi le 27 avril 2015 mais la lettre par lui transmise à l’employeur le 15 juillet 2015 n’établit pas la réalité de la privation de ce repos.
M. X sera débouté de ce chef.
d- le non respect des deux jours de repos hebdomadaire
M. X dit avoir été contraint de travailler de 6 à 7 jours par semaine lors de l’arrêt de travail de son adjointe à compter du 19 mars 2015. Mme Y qui atteste en pièce 26 confirme avoir été victime d’un accident du travail le 30 juin 2014 et être revenue le 28 juin 2015. M. X n’établit cependant pas qu’aucune personne n’a été recrutée en remplacement de cette dernière, de sorte que il n’aurait pas bénéficié de la règle posée par la convention collective applicable prévoyant – au delà de la journée de repos hebdomadaire- deux demi-journées ou une journée de repos.
M. X sera débouté de ce chef.
e- le travail dissimulé
Aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paye ou de mentionner un nombre d’heures inférieur à celui réellement accompli ;
Aux termes de l’ article L. 8223- 1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’ article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
M. X fait état des heures supplémentaires non réglées et la société conteste tant l’élément matériel qu’intentionnel du travail dissimulé.
Si M. X a effectué de nombreuses heures supplémentaires non réglées par l’employeur, l’intention de celui-ci d’échapper aux règles relatives à l’établissement des bulletins de paye et à la déclaration des heures de travail n’est ici pas établie.
M. X sera débouté de ce chef.
* B- l’obligation de sécurité
M. X fait état de la dégradation de ses conditions de travail résultant d’un sous -effectif chronique, des appels téléphoniques quotidiens, des prises de photographies régulières attestant de la réalisation de certaines tâches, de la modification quotidienne des prix, de la défaillance du logiciel, du retard dans la livraison de marchandises et de la gestion des stocks et de « surstocks », d’ordres et de contre ordres.
M. X a accompli des tâches inhérentes à ses fonctions et précisées en page 1 de son contrat de travail et il n’est pas établi qu’elles aient été complexifiées ou empêchées au delà des limites acceptables. Les mails versés en pièces 4 à 7 révèlent cependant le ton péremptoire voire menaçant de leur auteur, M. Z, qui dépassait les limites du pouvoir de direction de l’employeur.
La société n’a pas pris de mesure à même d’éviter un comportement managérial abusif et a manqué à son obligation à ce titre. Ces conditions de travail dégradées ont causé un préjudice moral à M. X auquel il sera versé une somme de 500 euros.
C – l’atteinte à la vie privée
M. X fait valoir qu’un système de vidéo surveillance a été mis en place sans déclaration préalable à la CNIL ni information individuelle des salariés. Il ajoute que ce système n’avait pas pour finalité d’assurer la sécurité mais de contrôler l’activité de chaque salarié et estime avoir subi un préjudice lié à l’atteinte à sa vie privée.
La société répond avoir obtenu une décision préfectorale, nommé un correspondant informatique et liberté et que les salariés étaient nécessairement informés de l’utilisation d’un système de vidéo surveillance très apparent. Selon elle, M. Z n’a pas reconnu que le système litigieux avait pour but de contrôler la présence en caisse des caissières.
Aux termes de l’ article 9 du code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée, cette protection bénéficiant au salarié dans le cadre de sa vie professionnelle et, en vertu de l’ article L.1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
L’arrêté préfectoral versé en pièce 15 est daté du 9 novembre 2015 alors que l’exploitation du système de vidéo surveillance a été mis en place avant cette date. Cet arrêté précise que la finalité de ce système est la sécurité des personnes, la prévention des atteintes aux biens et la lutte contre la démarque inconnue alors qu’aux termes d’un mail daté du 29 juin 2015, M. Z demande à M. X de l’informer « rapidement s’il y a une absence pour la sécurisation de vos caisses. Attention à respecter la présence caisse, la tenue du magasin et le rangement de la réserve ….la vidéo est lancée dans votre magasin ».
Le système mis en place était disproportionné en ce qu’il soumettait les salariés à une atteinte à leur vie privée – au sens de l’ article 9 du code civil- qui ne recherchait pas leur sécurité mais seulement à contrôler l’exécution de leur mission.
M. X qui a été filmé dans ces conditions a subi un préjudice qui sera réparé à hauteur de la somme de 50 euros.
D – le licenciement
M. X demande que son licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse, motifs pris d’une part, que son inaptitude à l’origine de ce licenciement résulte de l’inexécution par l’employeur de son obligation de sécurité et d’autre part, que l’obligation de recherche d’un reclassement n’a pas été respectée.
La société conteste avoir manqué à ses obligations.
Le licenciement fondé sur l’impossibilité de reclasser un salarié inapte est dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors que cette inaptitude résulte d’un manquement de l’employeur dans l’exécution de son obligation de sécurité.
Les avis d’arrêts de travail pour maladie simple sont vierges de toute indication relative à la pathologie ayant nécessité la suspension du contrat de travail et aucun autre élément ne permet de retenir que l’inaptitude de M. X résulte du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Le licenciement de M. X ne peut être dit dépourvu de cause réelle et sérieuse pour ce motif.
S’agissant de l’obligation de reclassement, aux termes de l’ article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction ici applicable, lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’ employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’ entreprise. L’emploi est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.
L’inaptitude du salarié à occuper tous postes dans l’entreprise n’exempte pas l’ employeur de son obligation de rechercher un poste de reclassement, dès lors qu’il peut résulter d’une transformation ou d’un aménagement d’un poste de travail.
La société estime avoir rempli son obligation en produisant en pièce 10 un mail transmis à différentes entités du groupe Casino. Aucune réponse des destinataires n’est produite. La société ne précise pas les emplois occupés en son sein et ne verse pas de registre du personnel de sorte qu’elle ne démontre pas qu’elle a recherché un poste de reclassement de manière complète et loyale.
Le licenciement de M. X est dépourvu de cause réelle et sérieuse et ce dernier doit être indemnisé du préjudice résultant de la perte de son emploi étant précisé qu’il avait une ancienneté supérieure à deux années dans une entreprise employant habituellement plus de dix salariés lors de la rupture de son contrat de travail.
M. X fait état de ce qu’il est resté sans emploi pendant 16 mois et que son nouvel emploi de chauffeur poids lourd est moins rémunéré. Il produit des attestations de paiement du Pôle Emploi, des recherches d’emploi ainsi que son contrat de travail conclu à effet du 3 juillet 2017 indiquant une rémunération mensuelle de 1 719 euros.
Au regard de son ancienneté, de son âge et de la difficulté dans laquelle il s’est trouvé d’obtenir un autre emploi, M. X recevra de la société une somme de 30 000 euros.
Dès lors que le licenciement de M. X a été dit dépourvu de cause réelle et sérieuse, ce dernier ne peut obtenir le paiement d’une indemnité pour procédure de licenciement irrégulière et sera débouté de ce chef.
E – la clause de non concurrence
Le premier juge a condamné la société au paiement d’une somme de 3 158,40 euros à titre de contrepartie financière de la clause de non concurrence. La société qui demande la confirmation du jugement, vise dans ses conclusions, le débouté de toutes les demandes présentées par son ancien salarié. Par note autorisée, reçue en cours de délibéré, la société a entendu préciser qu’elle demandait la confirmation de cette condamnation.
C’est par des motifs pertinents en droit et en fait que la cour adopte que le premier juge a dit bien fondée la demande de M. X en son principe.
Ensuite, M. X fait état d’une contrepartie représentant 10% du salaire mensuel de référence sur une période de 24 mois. Il demande de porter le montant de la contrepartie financière à hauteur de 6 559,94 euros majorée des congés payés afférents.
La société oppose la rédaction de la clause de non concurrence contractuelle.
Le contrat de travail comporte la clause de non concurrence ainsi rédigée :
« en cas de cessation du présent contrat, compte tenu de la nature de vos fonctions et des informations auxquelles vous avez accès, vous vous engagez après la rupture de votre contrat de travail ou à votre départ de l’ entreprise, à ne pas exercer sous quelque ( ..) une activité concurrente de celle de la société Mutant distribution. Cette interdiction de concurrence est applicable pour une durée de deux ans à compter du jour de la cessation effective du confirmer et limitée à un rayon de 5 km au lieu de votre dernière affectation.
Elle s’appliquera quelle que soient la nature et le motif de rupture du contrat y compris en cas de rupture de la période d’essai.
En contrepartie de l’ obligation de non concurrence prévue ci dessus, vous percevrez en cas de rupture du contrat une indemnité égale à 10% du salaire brut mensuel moyen des 12 derniers mois de salaire de présence dans la société.
En cas de violation de la clause, vous serez automatiquement recevable d’une somme fixée forfaitairement et dès à présent à 1 000 euros. La société sera pour sa part libérée de son engagement de versement de la contrepartie financière ».
L’indemnité de la clause de non concurrence est de nature salariale et mensuelle ; la société demande de limiter le montant de cette contrepartie financière à une somme forfaitaire égale à 10% du salaire brut mensuel moyen des 12 derniers mois de présence dans la société, soit 10 % de 31 585,15 euros ou 3 158,51 euros.
M. X D le calcul référence prise du salaire mensuel moyen qu’il fixe à 2 733,31 euros et de la durée de l’interdiction de 24 mois soit 2 733,31 euros /10 x 24 soit 6 559,94 euros.
Aux termes de cette clause, la référence est le 10ème du salaire mensuel brut moyen calculé sur les 12 derniers mois de présence de la société. Au regard des bulletins de paye et des heures supplémentaires, le salaire mensuel brut de M. X était de 2 701 euros.
Cette somme est due pendant 24 mois soit une indemnité égale à 6482,40 euros majorées des congés payés afférents ( 648,24 euros) . Le jugement sera réformé de ce chef.
Vu l’équité, la société sera condamnée à payer à M. X la somme complémentaire de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure d’appel.
La société supportera les entiers dépens des procédures de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
Donne acte à la SAS Franprix Leader Price Holding de son intervention volontaire au lieu et place de la société Perpinadis HD ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
– condamné la société au paiement de somme de la somme 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté M. X de ses demandes relatives :
* au repos quotidien et l’amplitude maximale de la journée de travail ;
*au non respect des deux jours de repos hebdomadaires ;
*au travail dissimulé ;
*à la régularité de la procédure de licenciement ;
L’infirme pour le surplus,
et statuant à nouveau,
Condamne la SAS Franprix Leader Price Holding à payer à M. X les sommes suivantes :
*8 793,53 euros et 879,35 euros au titre des heures supplémentaires ;
*1 000 euros au titre du dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail ;
*500 euros au titre de l’obligation de sécurité ;
*50 euros au titre de l’atteinte à la vie privée ;
*6 482,40 euros au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence majorée des congés payés afférents ( 648,24 euros) ;
*30 000 euros au titre du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts à compter du 22 avril 2016 avec anatocisme dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;
Dit que les créances de nature salariale produiront intérêts à compter de la signification de l’arrêt ;
y ajoutant,
Dit que le salaire mensuel moyen de M. X est de 2 701 euros ;
Condamne la SAS Franprix Leader Price Holding à payer à M. X la somme complémentaire 1 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure d’appel.
Condamne la SAS Franprix Leader Price Holding aux entiers dépens.
Signé par Madame F G-H, présidente, présidente et par A.-Marie Lacour-E, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-E F G-H
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