Cour d’appel d’Aix-en-provence, 28 avril 2022, RG n° 22/00392
Cour d’appel d’Aix-en-provence, 28 avril 2022, RG n° 22/00392

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Aix-en-Provence

Thématique : Rétention Administrative : Décision de Prolongation par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence

Résumé

Le 28 avril 2022, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a rendu une ordonnance concernant la rétention administrative de Monsieur [G] [D] [K], de nationalité tunisienne. L’appel a été interjeté par le préfet des Alpes-Maritimes suite à une décision du juge des libertés et de la détention de Nice, qui avait ordonné la mainlevée de la mesure de rétention. La Cour a jugé recevable la demande préfectorale de prolongation de la rétention, rejetant les contestations de la défense. La mesure de rétention a été prolongée pour une durée maximale de vingt-huit jours, prenant fin au plus tard le 24 mai 2022.

28 avril 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/00392

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 28 AVRIL 2022

N° 2022/0392

Rôle N° RG 22/00392 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJJRO

Copie conforme

délivrée le 28 avril 2022 par courriel à :

– CRA

– l’avocat

-le préfet

-le JLD de Nice

-le retenu

-le MP

Signature,

le greffier

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Nice en date du 26 avril 2022 à 13h56.

APPELANT

Monsieur le Préfet des Alpes-Maritimes

Représenté par Maître Grégory ABRAN, avocat choisi au barreau de Nice

INTIME

Monsieur [G] [D] [K]

né le 21 septembre 1985 à [Localité 1] (TUNISIE)

de nationalité tunisienne

Non comparant, représenté par Maître Amélie BENISTY, avocate commise d’office au barreau d’Aix-en-Provence,.

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé non représenté

DÉBATS

L’affaire a été débattue en audience publique le 28 avril 2022 devant, Madame Catherine LEROI, Conseillère à la cour d’appel déléguée par le premier président, assistée de Mme Lydia HAMMACHE, greffière.

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022 à 15h20.

Signée par Madame Catherine LEROI, Conseillère et Mme Lydia HAMMACHE, greffière,

PROCEDURE ET MOYENS

Vu les articles L. 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu l’arrêté pris le 24 avril 2022 par le préfet des Alpes-Maritimes mettant à exécution l’interdiction judiciaire du territoire français d’une durée de 10 années prononcée par jugement du tribunal correctionnel de Nice en date du 8 novembre 2016, notifié le même jour à 10h40 ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 24 avril 2022 par le préfet des Alpes- Maritimes, notifiée le même jour à 10h40;

Vu l’ordonnance du 26 avril 2022 à 13h56 rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nice saisi d’une contestation de l’arrêté de placement en rétention et d’une requête préfectorale en prolongation de la rétention, ayant déclaré irrecevable cette dernière requête et ordonné la mainlevée de la mesure de placement en rétention de M. [G] [K]  ;

Vu l’appel interjeté le 27 avril 2022 à 12h01 par le préfet des Alpes-Maritimes ;

Monsieur [G] [D] [K] n’a pu être joint en dépit des diligences effectuées par le greffe en vue de sa convocation (appel par téléphone et demande de convocation par les services de police) et n’a pas comparu.

Le représentant du préfet sollicite l’infirmation de la décision déférée et la prolongation de la rétention de M. [K].

Il fait valoir que la liste des pièces utiles devant être annexées à la requête préfectorale n’est pas prévue par le CESEDA et doit être appréciée au cas par cas, qu’en l’occurrence, étaient jointes à la requête, une fiche d’interdiction judiciaire du territoire français signée par le greffier et le procureur de la République , une fiche de recherche au FPR mentionnant cette interdiction ainsi que l’audition de M. [K] dans laquelle ce dernier reconnaissait en avoir eu connaissance. Il précise en outre que M. [K] ne justifie pas avoir déposé une requête en relèvement de cette interdiction ni encore moins avoir obtenu ce relèvement alors que, par arrêt en date du 10 juillet 2019, le Conseil d’Etat a jugé que l’interdiction du territoire restait exécutoire tant qu’elle n’avait pas été annulée par une décision définitive.

Il ajoute que les éléments produits par la préfecture en cause d’appel confirment l’absence de recours ou de demande d’aménagement de la peine d’interdiction et qu’il n’appartient pas à la préfecture de rapporter la preuve du relevé de cette interdiction.

Sur les éléments de contestation de la procédure, il fait valoir que le moyen tenant à l’absence d’habilitation de l’agent ayant consulté le fichier Visabio n’est pas justifié, au vu de la pièce figurant au dossier indiquant que les agents ayant consulté les fichiers étaient tous habilités.

Enfin, s’agissant de l’arrêté de placement en rétention, il soutient que la base légale de la rétention résulte de l’interdiction judiciaire du territoire laquelle n’est pas contestée par le retenu.

Il s’oppose à une assignation à résidence, M. [K] étant domicilié dans un CCAS et ayant refusé de donner l’adresse à laquelle il réside sans doute avec sa femme et ses deux enfants.

L’avocat de Monsieur [G] [D] [K] a été régulièrement entendu ; il sollicite la confirmation de la décision déférée, la seule fiche d’interdiction judiciaire du territoire ne permettant pas le contrôle du juge et ce d’autant plus qu’elle concerne un certain [K] et non [K] et ajoute que les jurisprudences citées par l’appelant concernant les pièces justificatives utiles, portent sur une fiche pénale et un soit-transmis du parquet, et non sur une fiche d’interdiction du territoire.

Il se réfère pour le surplus aux moyens invoqués par M. [K] dans son mémoire de contestation de l’arrêté de placement en rétention et de la procédure portant sur l’incompétence du signataire de l’arrêté de placement en rétention, la notification simultanée de l’arrêté de placement en rétention et de la décision d’éloignement et le défaut de base légale de l’arrêté de placement en rétention ainsi qu’à l’audience , s’agissant du défaut d’habilitation de certains agents ayant consulté le VISABIO.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention n’est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.

* Sur la recevabilité de la demande préfectorale en prolongation de la rétention :

En application de l’article R. 743-2 du CESEDA, à peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, signée et accompagnée de toutes pièces justificatives utiles.

En l’occurrence, la requête préfectorale en prolongation de la rétention de M. [K] était accompagnée d’une fiche d’interdiction du territoire français émanant du greffe du tribunal de grande instance de Nice reproduisant toutes les mentions du jugement de condamnation à une peine complémentaire d’interdiction du territoire français de 10 années prononcée contradictoirement par le tribunal de grande instance de Nice statuant en matière correctionnelle le 8 novembre 2016 et comportant les signatures et cachets du greffier et du procureur de la République après vérification des mentions de la fiche, d’un extrait du fichier des personnes recherchées mentionnant l’interdiction judiciaire du territoire de M. [K] et d’un procès-verbal d’audition de l’intéressé en retenue dans lequel ce dernier ne fait état d’aucun recours contre la condamnation pénale.

Le premier juge a estimé la requête irrecevable en l’absence de production du jugement de condamnation lui permettant de s’assurer du caractère définitif de la condamnation ; toutefois, le jugement ne permet pas de justifier du caractère définitif d’une condamnation et il ne peut être demandé à la préfecture de s’enquérir systématiquement dans le temps limité qui lui est imparti pour présenter une requête en prolongation de la rétention, de l’existence d’un recours ou d’une décision postérieure ne permettant pas l’exécution de la mesure d’interdiction du territoire. En l’occurrence, le caractère contradictoire du jugement permet d’établir que ce dernier a bien été porté à la connaissance de M. [K] et il lui appartient dès lors , de justifier qu’il a demandé le relèvement de cette condamnation, ce qu’il ne fait pas, les éléments fournis en appel par la préfecture des Alpes-Maritimes à savoir la réponse apportée par le greffe du tribunal judiciaire de Nice le 25 avril 2022 contredisant l’existence d’une telle demande.

Dès lors, la requête préfectorale se trouvant accompagnée des pièces justificatives utiles, doit être déclarée recevable ; la décision déférée sera infirmée de ce chef.

* Sur la régularité de la procédure :

Il résulte de la procédure et notamment du procès-verbal de police en date du 23 avril 2022 à 19h15 que le fichier VISABIO a été consulté par un agent expressément habilité des services du Ministère de l’Intérieur.

* Sur la contestation de l’arrêté de placement en rétention :

La mesure d’éloignement doit être notifiée préalablement ou au plus tard en même temps que l’arrêté de placement en rétention, seule la notification de cette mesure la rendant exécutoire à l’égard de l’étranger et donc susceptible de fonder son placement en rétention.

En l’occurrence, il ressort du dossier de la procédure que l’arrêté portant exécution de la mesure d’interdiction judiciaire du territoire français et l’arrêté de placement en rétention ont été notifiés en même temps à la même heure. Dès lors, il ne peut être conclu à une absence de fondement légal de la rétention.

Au surplus, dans le cas d’espèce, le fondement du placement en rétention résulte de la décision judiciaire ayant prononcé une peine d’interdiction du territoire français d’une durée de 10 ans dont il n’est pas contesté qu’elle a été notifiée à M. [K] bien avant son placement en rétention.

Enfin , s’agissant de la différence d’orthographe du nom de M. [K], il apparaît que la fiche d’interdiction du territoire reprend l’identité mentionnée dans le jugement en date du 8 novembre 2016, soit [K], la consultation du FAED ayant fait apparaître que le même individu était connu indifféremment des services de police sous les noms de [K] et [K] sans que nul ne puisse contester qu’il s’agit bien de la même personne.

L’arrêté de placement en rétention de M. [K] est signé par Mme [T] [Z] cheffe du bureau de la formation titulaire d’une délégation de signature en application de l’article 6 de l’arrêté préfectoral n° 2022-328 du 19 avril 2022 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial.

Il comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et M. [K] a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu’il se soustraie à l’obligation de quitter le territoire. C’est donc sans méconnaître le principe de proportionnalité et de nécessité et en procédant à un examen de la situation de l’étranger que la décision de placement en rétention a été prise.

Il convient, dans ces conditions, de rejeter la contestation de l’arrêté de placement en rétention et la procédure apparaissant régulière, de prolonger la mesure de rétention.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par décision contradictoire, en dernier ressort, après débats en audience publique,

Infirmons l’ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 26 avril 2022 en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande de prolongation de la rétention et mis fin à la rétention de Monsieur [G] [D] [K] ;

Statuant à nouveau,

Déclarons recevable la demande préfectorale de prolongation de la rétention de Monsieur [G] [D] [K] ;

Rejetons la contestation de l’arrêté de placement en rétention ;

Ordonnons pour une durée maximale de vingt-huit jours commençant à l’expiration du délai de 48 heures après la décision de placement en rétention, soit à compter du 26 avril 2022 à 10h40, le maintien dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire de Monsieur [G] [D] [K] ;

Disons que la mesure de rétention prendra fin au plus tard le 24 mai 2022 à 10h40;

Rappelons à Monsieur [G] [D] [K] que, pendant toute la période de la rétention, il peut demander l’assistance d’un interprète, d’un conseil ainsi que d’un médecin, et communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix et qu’un espace permettant aux avocats de s’entretenir confidentiellement avec les étrangers retenus est prévu au centre de rétention ;

Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.

La greffière,La présidente,

 


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