Communication de données par Twitter : le principe du contradictoire

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Communication de données par Twitter : le principe du contradictoire
L’essentiel : L’éviction du contradictoire, principe fondamental du procès, impose au requérant de justifier concrètement la nécessité d’agir par surprise. Dans une affaire, une société a demandé à Twitter d’identifier un utilisateur suspecté d’agir avec des actionnaires minoritaires. Cependant, la requête ne présentait que des arguments généraux, sans démontrer pourquoi une procédure contradictoire était impossible. L’article 6.1.8 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique exige également que le requérant prouve la nécessité de déroger au contradictoire. Ainsi, le juge doit évaluer si les circonstances justifient cette dérogation au moment de la demande.

L’éviction du contradictoire, principe directeur du procès, nécessite que le requérant justifie de manière concrète, les motifs pour lesquels, il est impossible de procéder autrement que par surprise. Ce principe s’applique aussi à la communication de données nominatives par Twitter.

Le référé plutôt que la requête

En l’espèce la requête présentée au président du tribunal judiciaire de Paris par une société faisait état de l’existence d’un litige avec ses actionnaires minoritaires. Elle sollicitait par voie de requête qu’il soit ordonné à ‘Twitter de lui communiquer toutes les informations de nature à permettre l’identification du titulaire du compte @VincenzoBollero dont le contenu des publications laissait entendre qu’il aurait agi de concert avec certains actionnaires minoritaires de la société pour obtenir illégalement un prix de rachat d’actions dans des conditions hors marché, après avoir faire pression sur les dirigeants de la société.

Or, à l’appui de sa requête, la société ne faisait état que de considérations d’ordre général qui ne contenaient aucune circonstance exigeant que la demande de communication du titulaire du compte soit prise à l’insu de la société Twitter en dehors de tout débat contradictoire. La société n’expliquait pas en quoi il était nécessaire pour l’efficacité de la mesure sollicitée d’agir par surprise ni surtout la raison pour laquelle la mesure n’aurait pas pu être obtenue par une assignation en référé alors qu’elle indiquait elle même que le litige potentiel ne concernait pas la société Twitter.

Vainement la société a indiqué qu’en raison de l’impossibilité d’identifier l’auteur des commentaires la nature même de la demande ne permettait pas d’engager une procédure contradictoire dès lors que la requête n’était pas dirigée contre l’auteur desdits commentaires mais contre la société qui héberge le compte et qui est parfaitement identifiée.

L’article 6.1.8 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique

L’article 6.1.8 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, qui prévoit que l’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête toutes mesures propres à prévenir un dommage ou faire cesser un dommage occasionnel par le contenu d’un service en ligne, visé par sa requête, ne s’inscrit pas dans le cadre du premier alinéa de l’article 812 du code de procédure civile (le demandeur n’est pas dispensé de justifier de la nécessité de déroger au principe du contradictoire). En effet lorsque la loi aménage la possibilité d’agir en référé ou par requête, le recours à la procédure non contradictoire exige que le requérant justifie de la nécessité de déroger au principe du contradictoire.

L’article 145 du code de procédure civile

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L’article 493 prévoit que l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.

Il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d’appel, saisie de l’appel d’une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d’une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d’instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, est investie des attributions du juge qui l’a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli.

Cette voie de contestation n’étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit statuer en tenant compte de tous les faits s’y rapportant, ceux qui existaient au jour de la requête mais aussi ceux intervenus postérieurement à celle-ci. Il doit ainsi apprécier l’existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.

Dérogation au principe du contradictoire

Le juge doit également rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l’ordonnance qui y fait droit, date à laquelle la cour se situe pour apprécier la validité de la saisine.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le principe de l’éviction du contradictoire dans le cadre d’une requête ?

L’éviction du contradictoire est un principe fondamental du droit procédural qui exige que toute demande de mesure judiciaire soit justifiée par des motifs concrets. Dans le contexte d’une requête, cela signifie que le requérant doit démontrer pourquoi il est impossible de procéder par une procédure contradictoire, c’est-à-dire en informant et en impliquant la partie adverse. Ce principe est particulièrement pertinent lorsqu’il s’agit de la communication de données nominatives, comme celles hébergées par des plateformes telles que Twitter. Le requérant doit prouver que l’urgence ou la nature de la situation justifie une action sans le consentement ou la connaissance de l’autre partie, afin de préserver l’efficacité de la mesure demandée.

Pourquoi la société n’a-t-elle pas pu obtenir les informations demandées de Twitter ?

Dans l’affaire en question, la société a présenté une requête au tribunal pour obtenir des informations sur un compte Twitter, en raison d’un litige avec ses actionnaires minoritaires. Cependant, la requête était fondée sur des considérations générales et ne fournissait pas de raisons spécifiques justifiant l’absence de débat contradictoire. La société n’a pas réussi à démontrer en quoi il était nécessaire d’agir par surprise, ni pourquoi une procédure contradictoire n’aurait pas pu être engagée. De plus, le litige ne concernait pas directement Twitter, ce qui aurait pu permettre une approche plus transparente et contradictoire.

Quel est le rôle de l’article 6.1.8 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique ?

L’article 6.1.8 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique permet à l’autorité judiciaire de prescrire des mesures en référé ou sur requête pour prévenir ou faire cesser un dommage causé par le contenu d’un service en ligne. Cependant, cet article ne dispense pas le demandeur de justifier la nécessité de déroger au principe du contradictoire. Cela signifie que même si la loi permet d’agir rapidement pour protéger des droits, le requérant doit toujours prouver que les circonstances exigent une telle dérogation. En d’autres termes, la loi impose une obligation de justification pour toute demande qui cherche à contourner le processus contradictoire habituel.

Comment l’article 145 du code de procédure civile s’applique-t-il dans ce contexte ?

L’article 145 du code de procédure civile stipule que des mesures d’instruction peuvent être ordonnées avant tout procès si un motif légitime existe pour conserver ou établir la preuve de faits pouvant influencer la résolution d’un litige. Cela permet d’agir rapidement pour préserver des preuves essentielles. Dans le cadre de la requête, la société aurait dû démontrer un motif légitime pour justifier la nécessité d’une mesure non contradictoire. L’ordonnance sur requête, qui est une décision provisoire, doit être fondée sur des éléments concrets et non sur des suppositions ou des considérations vagues.

Quelles sont les implications de la dérogation au principe du contradictoire ?

La dérogation au principe du contradictoire doit être soigneusement justifiée. Le juge doit examiner si les circonstances entourant la demande nécessitent effectivement une telle dérogation. Cela implique que le requérant doit fournir des éléments précis dans sa requête ou dans l’ordonnance qui y fait droit. Les raisons justifiant cette dérogation doivent être clairement établies au moment de la saisine. Cela signifie que le juge se base sur les faits et les preuves présentés à ce moment-là pour évaluer la validité de la demande et décider si une procédure contradictoire peut être écartée.

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