L’essentiel : L’impossibilité pour un VTC de se constituer une clientèle indépendante est un critère déterminant pour requalifier son statut en salarié. Dans l’affaire Bolt, un VTC a réussi à faire requalifier sa collaboration en CDI après la fermeture de son compte, suite à des plaintes. Les conditions d’utilisation de la plateforme interdisent aux chauffeurs de traiter les données des passagers sans autorisation, ce qui contredit leur statut d’indépendant. La cour a conclu qu’un faisceau d’indices démontrait un lien de subordination, renversant ainsi la présomption de non-salariat prévue par le code du travail. |
L’impossibilité de se créer une clientèle est l’un des critères pour apprécier le statut de VTC salarié. La clause des CGU d’un service de mise en relation qui interdit au VTC de se créer toute clientèle joue en faveur d’une requalification en contrat de travail (au dam des plateformes). Affaire BoltUn VTC de la plateforme Bolt a obtenu la requalification de sa collaboration en CDI. L’intéressé avait saisi les juridictions d’une action en requalification en CDI suite à la clôture définitive de son compte Bolt au motif qu’il avait régulièrement fait l’objet de plaintes des clients pour son irrespect. Libre constitution de clientèleLa possibilité d’une libre constitution de clientèle se trouvait contredite tant par les dispositions de la politique de confidentialité pour les chauffeurs : « Vous ne pouvez pas traiter les données personnelles des passagers sans notre permission. Vous ne pouvez pas contacter un passager ou collecter, enregistrer, stocker, donner l’accès ou utiliser les données personnelles fournies par le passager ou accessibles via l’App Bolt pour toute autre raison que pour les services de transport», que par les stipulations des conditions générales selon lesquelles : «Vous (…) ne devez pas accepter de conduire des passagers dans votre véhicule autres que le Client et les personnes accompagnant le Client« , ce qui viole donc la qualité de chauffeur VTC indépendant. Requalification en CDIAu passage, la juridiction a retenu la requalification en CDI de la collaboration des parties. Le contrat de travail n’étant défini par aucun texte, il est communément admis qu’il est constitué par l’engagement d’une personne à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre moyennant rémunération, le lien de subordination juridique ainsi exigé se caractérisant par le pouvoir qu’a l’employeur de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son salarié. La qualification de contrat de travail étant d’ordre public et donc indisponible, il ne peut y être dérogé par convention. Ainsi, l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité, l’office du juge étant d’apprécier le faisceau d’indices qui lui est soumis pour dire si cette qualification peut être retenue. L’article L.8221-6 du code du travail dispose, quant à lui, que : » I.- Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription : 1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales ; 2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l’article L. 214-18 du code de l’éducation ou de transport à la demande conformément à l’article 29 de la loi n°82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs ; 3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ; L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci. (…) », instituant ainsi une présomption simple de non-salariat, qui supporte la preuve contraire. Le fait que le travail soit été effectué au sein d’un service organisé peut constituer un indice de l’existence d’un lien de subordination lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution. Enfin, sur l’intégration au sein d’un service organisé, la seule clientèle que le VTC pouvait obtenir en se connectant sur l’application Bolt était celle que celle-ci lui attribuait, sans même connaître la destination de la course, des consignes lui étaient données en ce qui concerne l’organisation des courses, des trajets, des tarifs, de la manière de se comporter avec les clients. Il s’ensuit que ces éléments, associés au pouvoir de sanction de la plateforme, caractérisaient, indépendamment des critères de lieu et d’horaire de travail, l’organisation d’un service sans lequel le chauffeur n’aurait pu convoyer des clients, dont il est d’ailleurs légitime de se demander s’ils étaient les siens ou bien ceux de la plateforme, laquelle était loin de se cantonner à un simple rôle d’intermédiation. La cour en déduit qu’un faisceau suffisant d’indices se trouvait réuni pour permettre au chauffeur de caractériser le lien de subordination dans lequel il se trouvait lors de ses connexions à la plateforme Bolt et ainsi renverser la présomption simple de non-salariat que font peser sur lui les dispositions de l’article L.8221-6 I du code du travail. |
Q/R juridiques soulevées : Quel est le critère principal pour apprécier le statut de VTC salarié ?L’impossibilité de se créer une clientèle est un critère fondamental pour évaluer le statut de VTC salarié. En effet, la clause des Conditions Générales d’Utilisation (CGU) d’un service de mise en relation, qui interdit au VTC de se constituer une clientèle, favorise la requalification de son statut en contrat de travail. Cette situation est particulièrement défavorable pour les plateformes, car elle remet en question leur modèle économique basé sur la flexibilité et l’indépendance des chauffeurs. La requalification en contrat de travail implique que le VTC bénéficie de droits et protections liés au statut de salarié, ce qui peut engendrer des coûts supplémentaires pour les entreprises.Qu’est-ce que l’affaire Bolt et quel en est le résultat ?L’affaire Bolt concerne un VTC qui a réussi à obtenir la requalification de sa collaboration avec la plateforme en un contrat à durée indéterminée (CDI). Ce VTC a saisi les juridictions compétentes après la fermeture définitive de son compte sur Bolt, en raison de plaintes répétées de clients concernant son comportement. La décision de requalification en CDI souligne l’importance de la relation de subordination entre le VTC et la plateforme. Cela signifie que le VTC était considéré comme un salarié, soumis à des directives et à un contrôle de la part de Bolt, ce qui a des implications significatives pour les droits des travailleurs dans ce secteur.Comment la libre constitution de clientèle est-elle affectée par les CGU de Bolt ?La libre constitution de clientèle est fortement limitée par les dispositions de la politique de confidentialité et les conditions générales de Bolt. Selon ces documents, les chauffeurs ne peuvent pas traiter les données personnelles des passagers sans autorisation, ni contacter directement les passagers. De plus, les chauffeurs ne sont pas autorisés à transporter des passagers autres que ceux qui ont été désignés par la plateforme. Ces restrictions contredisent l’idée d’un VTC indépendant, car elles empêchent le chauffeur de développer sa propre clientèle, renforçant ainsi le lien de subordination avec la plateforme.Quelles sont les conditions pour établir un contrat de travail selon le code du travail ?Le contrat de travail est défini par l’engagement d’une personne à travailler pour le compte d’une autre, sous sa direction, moyennant rémunération. La caractéristique principale de cette relation est le lien de subordination, qui se manifeste par le pouvoir de l’employeur de donner des ordres, de contrôler l’exécution du travail et de sanctionner les manquements. L’article L.8221-6 du code du travail précise que certaines personnes, comme celles immatriculées au registre du commerce, sont présumées ne pas être liées par un contrat de travail. Cependant, cette présomption peut être renversée si des éléments démontrent un lien de subordination juridique permanent entre le prestataire et le donneur d’ordre.Quels éléments ont conduit à la requalification du statut du VTC en CDI ?La requalification du statut du VTC en CDI repose sur plusieurs éléments. D’abord, le fait que le VTC ne pouvait obtenir de clientèle que par l’application Bolt, sans connaître à l’avance les détails des courses, montre une dépendance à la plateforme. Ensuite, les consignes données par Bolt concernant l’organisation des courses, les trajets et les tarifs, ainsi que le pouvoir de sanction exercé par la plateforme, renforcent l’idée d’une relation de subordination. Ces éléments, pris ensemble, ont permis à la cour de conclure à l’existence d’un lien de subordination, renversant ainsi la présomption de non-salariat. |
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