Cour d’appel de Paris, 19 septembre 2014
Cour d’appel de Paris, 19 septembre 2014
Type de juridiction : Cour d’appel Juridiction : Cour d’appel de Paris Thématique :

Résumé

La copropriété sur un brevet est régie par l’article L 613-29 du code de la propriété intellectuelle. Chaque copropriétaire peut exploiter l’invention à son profit, à condition d’indemniser équitablement les autres copropriétaires non exploitants. En cas de litige, cette indemnité est fixée par le tribunal judiciaire. De plus, un copropriétaire peut agir en contrefaçon, mais doit notifier les autres copropriétaires. Pour concéder une licence d’exploitation, un projet doit être notifié, permettant aux autres de s’opposer à la concession. Une licence exclusive nécessite l’accord de tous les copropriétaires ou une autorisation judiciaire.

La Copropriété sur un Brevet est une pratique courante, elle est prévue par l’article L 613-29 du code de la propriété intellectuelle qui pose les principes suivants :

Exploitation libre sous réserve d’une indemnisation

Chacun des copropriétaires peut exploiter l’invention à son profit, sauf à indemniser équitablement les autres copropriétaires qui n’exploitent pas personnellement l’invention ou qui n’ont pas concédé de licences d’exploitation. A défaut d’accord amiable, cette indemnité est fixée par le tribunal judiciaire.

Chacun des copropriétaires peut agir en contrefaçon à son seul profit. Le copropriétaire qui agit en contrefaçon doit notifier l’assignation délivrée aux autres copropriétaires ; il est sursis à statuer sur l’action tant qu’il n’est pas justifié de cette notification.

Chacun des copropriétaires peut concéder à un tiers une licence d’exploitation non exclusive à son profit, sauf à indemniser équitablement les autres copropriétaires qui n’exploitent pas personnellement l’invention ou qui n’ont pas concédé de licence d’exploitation. A défaut d’accord amiable, cette indemnité est fixée par le tribunal judiciaire.

Notification du projet de concession

Toutefois, le projet de concession doit être notifié aux autres copropriétaires accompagné d’une offre de cession de la quote-part à un prix déterminé.

Dans un délai de trois mois suivant cette notification, l’un quelconque des copropriétaires peut s’opposer à la concession de licence à la condition d’acquérir la quote-part de celui qui désire accorder la licence. A défaut d’accord dans le délai prévu à l’alinéa précédent, le prix est fixé par le tribunal judiciaire.

Les parties disposent d’un délai d’un mois à compter de la notification du jugement ou, en cas d’appel, de l’arrêt, pour renoncer à la concession de la licence ou à l’achat de la part de copropriété sans préjudice des dommages-intérêts qui peuvent être dus ; les dépens sont à la charge de la partie qui renonce.

Unanimité en cas d’exclusivité

Une licence d’exploitation exclusive ne peut être accordée qu’avec l’accord de tous les copropriétaires ou par autorisation de justice.

e) Chaque copropriétaire peut, à tout moment, céder sa quote-part. Les copropriétaires disposent d’un droit de préemption pendant un délai de trois mois à compter de la notification du projet de cession. A défaut d’accord sur le prix, celui-ci est fixé par le tribunal judiciaire.

Les parties disposent d’un délai d’un mois à compter de la notification du jugement ou, en cas d’appel, de l’arrêt, pour renoncer à la vente ou à l’achat de la part de copropriété sans préjudice des dommages-intérêts qui peuvent être dus ; les dépens sont à la charge de la partie qui renonce.

Sanction de l’absence de notification de licence

En la cause, un copropriétaire n’a reçu aucune notification de la part de son codéposant, n’a donné aucun accord à une licence exclusive, sollicitant au demeurant du licencié la cessation de toute exploitation après que sa demande de régularisation par la signature d’une convention a été rejetée.

Il s’en déduit nécessairement une impossibilité pour la société de revendiquer une licence d’exploitation opposable au copropriétaire et l’exploitation sans droit constitue en conséquence une contrefaçon à l’encontre de ce dernier.

En sa qualité de copropriétaire des brevets déposés, l’intéressé était en droit d’obtenir le dossier de conception et de réalisation objet desdits brevets ;

Condition de l’exploitation régulière du brevet

Toutefois, l’indemnisation équitable pour le copropriétaire non exploitant d’un brevet n’est possible que dans l’hypothèse d’une exploitation régulière devant donner lieu à une juste rétribution.

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
 
COUR D’APPEL DE PARIS
ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2014
 
Pôle 5 – Chambre 2 Numéro d’inscription au répertoire général : 13/11267
 
Décision déférée à la Cour : jugement du 23 mai 2013 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3e chambre 1re section – RG n°09/07455
 
APPELANT AU PRINCIPAL et INTIME INCIDENT M. Emile C Représenté par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque L 0056 Assisté de Me Patrick K plaidant pour l’AARPI PK AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque A 596, Me Valentine R plaidant pour l’AARPI PK AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque A 596
 
INTIMES AU PRINCIPAL et APPELANTS INCIDENTS M. Jean-Pierre D
 
S.A.R.L. HEXA-DIFFUSION, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé […] 92100 BOULOGNE-BILLANCOURT Représentés par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque K 0065 Assistés de Me Jean-Philippe PIN plaidant pour l’AARPI CABINET PIN – BONNETON, avocat au barreau de PARIS, toque C 1908
 
COMPOSITION DE LA COUR : Après rapport oral, l’affaire a été débattue le 18 juin 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente Mme Sylvie NEROT, Conseillère Mme Véronique RENARD, Conseillère qui en ont délibéré
 
Greffière lors des débats : Mlle Laureline D
 
ARRET : Contradictoire Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
 
Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole T, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
 
Monsieur Emile C, chirurgien dentiste, et Monsieur Jean-Pierre D, ingénieur en électronique, ont décidé à la fin des années 1990 de mettre au point ensemble un appareil dénommé ‘CHROMATIS’, destiné à identifier les teintes pour la commande des prothèses dentaires, le premier connaissant les pratiques et besoins de la profession de dentiste, le second apportant quant à lui sa compétence technique générale.
 
Messieurs Emile C et Jean-Pierre D ont, à cette fin, signé un contrat d’association en date du 4 août 1999 aux termes duquel ils seront associés à parts égales dans le projet de conception, de réalisation et de commercialisation d’un appareil destiné à l’art dentaire.
 
Après avoir réalisé plusieurs inventions, Messieurs Emile C et Jean- Pierre D ont déposé, en copropriété et en leur qualité de co-inventeurs, les demandes de brevet suivantes :
 
— demande de brevet français n° 9711541 du 15 septe mbre 1997 relative à un procédé d’analyse colorimétrique comparative et à un dispositif correspondant ;
 
— demandes de brevets français n° 0113760 et n° 011 3761 du 24 octobre 2001 relatives à un appareil de mesure de colorimétrie dentaire qui ont donné lieu à la délivrance des brevets français FR 2381266 et FR 2831267,
 
— demande de brevet international PTT/FR/02/0363 du 26 octobre 2002 relative à un appareil de colorimétrie dentaire.
 
Messieurs Emile C et Jean-Pierre D ont également déposé ensemble, le 2 décembre 2003, la marque française ‘CHROMATIS’ pour désigner des appareils de mesure de colorimétrie dentaire, des appareils de reproduction de couleur dans le domaine de la colorimétrie dentaire et des logiciels de colorimétrie dentaire.
 
La société HEXA DIFFUSION dont Monsieur D est associé, exploite notamment les inventions susvisées.
 
A la suite de la dégradation des relations entre les parties du fait de cette exploitation, Monsieur Emile C a, dûment autorisé par ordonnance sur requête du Président du Tribunal de grande instance de Paris, fait procéder le 28 novembre 2008 à une saisie-contrefaçon au salon dentaire international de 2008 qui se tenait au Palais des Congrès de Paris avant de faire assigner devant le Tribunal de grande instance de Paris, selon acte d’huissier en date du
 
23 avril 2009, Monsieur Jean-Pierre D et la société HEXA DIFFUSION en contrefaçon de brevets et de marque.
 
A la suite d’une expertise judiciaire ordonnée le 14 décembre 2010 et du rapport de Monsieur G déposé le 31 octobre 2011, par jugement en date du 23 mai 2013, assorti de l’exécution provisoire, le Tribunal de grande instance de Paris a :
 
— condamné la société HEXA DIFFUSION à payer à Monsieur Emile C la somme de 21.870 euros HT représentant le préjudice subi du fait de l’exploitation de l’appareil CHROMATIS du 1er janvier 2004 au 30 avril 2009,
 
— dit que la société HEXA DIFFUSION devra verser 45 euros par appareil vendu à Monsieur Emile C à compter du 1er mai 2009,
 
— dit que la société HEXA DIFFUSION devra adresser un récapitulatif annuel des ventes à Monsieur Emile C,
 
— condamné Monsieur Emile C à payer à Monsieur Jean-Pierre D la somme de 260.666 euros correspondant au remboursement de la part de Monsieur Emile C dans la mise au point de l’appareil CHROMATIS,
 
— dit que Monsieur Jean-Pierre D devra adresser à Monsieur Emile C le dossier technique de mise au point et de réalisation de l’appareil CHROMATIS dès qu’il aura perçu la somme de 260.666 euros ,
 
— débouté Monsieur Emile C de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de Monsieur Jean-Pierre D ;
 
— débouté M. Jean-Pierre D et la société HEXA DIFFUSION de leur demande reconventionnelle pour procédure abusive,
 
— condamné Monsieur Emile C à payer à Monsieur Jean-Pierre D la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
 
— débouté les parties du surplus de leurs demandes,
 
— condamné Monsieur Emile C aux dépens comprenant notamment les frais d’expertise judiciaire, qui seront recouvrés par son conseil conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
 
Monsieur Emile C a formé appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 5 juin 2013.
 
Par ordonnance en date du 10 avril 2014, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation du rôle de l’affaire formée par Monsieur Jean-Pierre D et la société HEXA DIFFUSION sur le fondement de l’article 526 du code de procédure civile, et les a condamnés aux dépens de l’incident.
 
Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 21 mai 2014, auxquelles il est expressément renvoyé, Monsieur Emile C demande à la Cour, au visa des articles L. 613-29 et suivants, L. 613-8, L. 615-7, L. 716-14, L. 612-19, L. 613-22 et L. 712-1 du code de la propriété intellectuelle, et des articles 815 et suivants du code civil, de :
 
— le recevoir et le dire bien fondé en ses demandes,
 
– débouter Monsieur D et la société HEXA-DIFFUSION de l’ensemble de leurs demandes,
 
— reformer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de PARIS le 23 mai 2013 en toutes ses dispositions,
 
— juger qu’il a dépensé la somme totale de 610.155,40 euros dans le cadre du projet CHROMATIS,
 
— juger que Monsieur D a dépensé la somme totale de 304.370,59 euros dans le cadre du projet CHROMATIS,
 
— juger que les dépenses effectuées par la société HEXA- DIFFUSION ne devront pas être retenues,
 
— déclarer la société HEXA-DIFFUSION coupable d’actes de contrefaçon de brevets et de marque au préjudice de Monsieur C,
 
— déclarer l’attitude de Monsieur D fautive, en conséquence :
 
A titre principal :
 
— condamner Monsieur D à lui payer la somme de 152.892,40 euros en application de la convention en date du 4 août 1999,
 
– condamner la société HEXA-DIFFUSION à lui payer la somme de 87.480 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial,
 
— condamner la société HEXA-DIFFUSION à lui payer la somme de 87.480 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du bénéfice réalisé par celle-ci,
 
– condamner la société HEXA-DIFFUSION à lui payer la somme de 75.000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
 
— condamner Monsieur D à lui payer la somme de 87.480 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de l’absence d’indemnisation en sa qualité de copropriétaire non exploitant,
 
— condamner Monsieur D à lui payer la somme de 102.070,14 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de l’absence de communication de l’élément relatif à leur invention et du dossier de conception et de fabrication de l’appareil de colorimétrie,
 
— condamner Monsieur D à lui payer la somme de 540.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par ce dernier en raison de la dégradation de la valeur de la marque CHROMATIS,
 
A titre subsidiaire :
 
Si par extraordinaire la Cour retenait le temps passé par Monsieur C pour la somme de 500.000 euros :
 
— condamner Monsieur D à lui payer la somme de 297.284,81 euros en application de la convention en date du 4 août 1999,
 
Si par extraordinaire la Cour retenait les dépenses de la société HEXA-DIFFUSION pour l’établissement des comptes entre les parties :
 
— juger que la société HEXA-DIFFUSION a dépensé la somme de 17.053,35 euros dans le cadre du projet CHROMATIS,
 
En tout état de cause :
 
— condamner solidairement Monsieur D et la société HEXA- DIFFUSION à verser la somme de 15.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
 
— condamner solidairement Monsieur D et la société HEXA- DIFFUSION aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise, dont le recouvrement sera poursuivi, pour ceux le concernant, par son conseil dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
 
Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 9 mai 2014, auxquelles il est expressément renvoyé, Monsieur Jean-Pierre D et la société HEXA- DIFFUSION demandent à la Cour de :
 
 
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
 
* retenu que les dépenses de protection, de conception et de mise au point de l’appareil de Monsieur D et de la société HEXA- DIFFUSION se sont élevées à la somme de 604 280,90 euros,
 
* débouté Monsieur C de l’ensemble de ses demandes,
 
* condamné Monsieur C à verser à Monsieur D la somme de 260.66 euros correspondant au remboursement de sa part dans la mise au point de l’appareil CHROMATIS, 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
 
* condamné Monsieur C aux dépens comprenant notamment les frais d’expertise judiciaire.
 
— déclarer recevable et bien fondé l’appel incident,
 
Y faisant droit,
 
Et statuant à nouveau,
 
— dire que Monsieur D, associé de la société HEXA DIFFUSION a apporté le brevet et la marque en jouissance à cette société pour son exploitation,
 
— dans l’hypothèse où la Cour qualifierait de licence d’exploitation la jouissance du ou des brevets et de la marque par la société HEXA DIFFUSION :
 
* dire et juger que cette concession d’exploitation accordée à HEXA DIFFUSION a été acceptée par Monsieur C,
 
* dire et juger que cette acceptation par Monsieur C est démontrée par sa participation active à HEXA DIFFUSION, et notamment par le paiement de certains fournisseurs pour la mise au point du CHROMATIS,
 
* dire et juger qu’en application des adages nemo auditur et in pari causa, Monsieur C ne saurait utilement arguer de la nullité et/ou de l’inopposabilité de la licence d’exploitation à la société HEXA DIFFUSION,
 
* débouter par conséquent Monsieur C de ses demandes de nullité et d’inopposabilité de la licence d’exploitation concédée à HEXA DIFFUSION et de toutes les demandes subséquentes,
 
En toutes hypothèses :
 
 
– dire et juger que Monsieur C ne démontre pas l’existence des préjudices allégués,
 
— le débouter de l’ensemble de ses demandes,
 
— condamner Monsieur C à payer à Monsieur D la somme de 262.640,03 euros au titre des frais de protection, de conception et de mise au point de l’invention, les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 23 mai 2013, date du prononcé du jugement,
 
— ordonner la capitalisation des intérêts sur les sommes dues depuis plus d’un an conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil,
 
— évaluer à 20.898 euros le montant de la redevance sur les ventes d’appareils effectués entre le 1er janvier 2004 et le 30 avril 2009 devant être versé par la société HEXA DIFFUSION à Monsieur C,
 
— condamner Monsieur C à payer à Monsieur D la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
 
— le condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel, comprenant notamment les frais d’expertise judiciaire, qui seront recouvrés, pour ceux la concernant, par son conseil conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
 
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 12 juin 2014.
 
SUR CE,
 
Sur la contrefaçon commise par la société HEXA DIFFUSION
 
Sur la contrefaçon de brevets
 
Considérant que l’appelant, qui ne conteste pas la possibilité pour Monsieur D d’exploiter seul l’invention conformément aux dispositions de l’article 613-29 a) du code de la propriété intellectuelle, reproche en revanche à la société HEXA DIFFUSION d’avoir commercialisé, sans autorisation de sa part, des appareils CHROMATIS faisant l’objet des brevets précités ;
 
Qu’il poursuit en réfutant toute possibilité pour la société HEXA DIFFUSION de se prévaloir d’une licence d’exploitation concédée par Monsieur D, en raison du non-respect des dispositions de l’article L 613-29 c) et d) du code de la propriété intellectuelle ;
 
Que les intimés rétorquent que Monsieur C avait non seulement parfaite connaissance de l’exploitation de la société HEXA DIFFUSION, mais qu’il s’y était associé, ce qui l’empêcherait au regard des adages Nemo auditur et in Pari Causa de se prévaloir d’une absence de notification ou d’autorisation et partant de contrefaçon ;
 
Considérant qu’aux termes de l’article L 613-29 du code de la propriété intellectuelle : « c) Chacun des copropriétaires peut concéder à un tiers une licence d’exploitation non exclusive à son profit, sauf à indemniser équitablement les autres copropriétaires qui n’exploitent pas personnellement l’invention ou qui n’ont pas concédé de licence d’exploitation. A défaut d’accord amiable, cette indemnité est fixée par le tribunal de grande instance.
 
Toutefois, le projet de concession doit être notifié aux autres copropriétaires accompagné d’une offre de cession de la quote-part à un prix déterminé.
 
Dans un délai de trois mois suivant cette notification, l’un quelconque des copropriétaires peut s’opposer à la concession de licence à la condition d’acquérir la quote-part de celui qui désire accorder la licence. (‘)
 
d) Une licence d’exploitation exclusive ne peut être accordée qu’avec l’accord de tous les copropriétaires ou par autorisation de justice. » ;
 
Considérant qu’il n’est pas contestable, ni contesté, que Monsieur C n’a reçu aucune notification de la part de Monsieur D, ni qu’il n’a donné aucun accord à une licence exclusive, sollicitant au demeurant de la société HEXA DIFFUSION la cessation de toute exploitation après que sa demande de régularisation par la signature d’une convention a été rejetée par les intimés ;
 
Qu’il s’en déduit nécessairement une impossibilité pour la société HEXA DIFFUSION de revendiquer une licence d’exploitation opposable à Monsieur C et l’exploitation sans droit constitue en conséquence une contrefaçon à l’encontre de ce dernier ;
 
Sur la contrefaçon de marque
 
Considérant que l’appelant fait valoir que la société HEXA-DIFFUSION exploite la marque CHROMATIS sans aucune autorisation de ses propriétaires et a donc commis des actes de contrefaçon de ce chef ;
 
Qu’il estime en outre que Monsieur D, indivisaire, ne pouvait autoriser seul la société HEXA-DIFFUSION à exploiter la marque CHROMATIS, aucune autorisation tacite ne pouvant au surplus lui être opposée ;
 
Que les intimés, au regard des articles 815-9 et 815-3 alinéa 4 du code civil, considèrent au contraire que Monsieur D avait parfaitement cette possibilité et que la connaissance par Monsieur C de la situation sans manifestation expresse contraire de sa part équivaut à une acceptation tacite ;
 
Considérant ceci exposé qu’en vertu de l’article L 712-1 du code de la propriété intellectuelle, la marque peut être acquise en copropriété ;
 
Que Messieurs C et D ont déposé ensemble la marque française ‘ CHROMATIS’ le 2 décembre 2003 et en sont ainsi copropriétaires ;
 
Que ladite copropriété est soumise au régime de l’indivision institué par les articles 815 et suivants du code civil ;
 
Qu’il résulte des dispositions de l’article 815-3 du code civil que seuls le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité effectuer les actes d’administration relatifs aux biens indivis ou conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal ;
 
Que par ailleurs, le mandat tacite, d’une part suppose une absence d’opposition de la part des autres indivisaires, d’autre part ne peut couvrir que les actes d’administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux auquel pourrait s’apparenter la licence de marque ;
 
Qu’il est constant que Monsieur D ne dispose pas des deux tiers des droits indivis ;
 
Que les conditions posées par le dernier alinéa de l’article 815-3 du code civil ne sont pas plus réunies, compte tenu de l’opposition manifestée par Monsieur C et de la nature de la convention censée avoir été consentie par Monsieur D ;
 
Qu’il s’en déduit une utilisation non autorisée de la marque CHROMATIS par la société HEXA-DIFFUSION constitutive de contrefaçon ;
 
Sur les mesures réparatrices
 
Considérant qu’aux termes des articles L 615-7 et L 716-14 du code de la propriété intellectuelle, la juridiction doit, pour la fixation des dommages intérêts, prendre en considération les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, le préjudice moral causé à cette dernière et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon ;
 
Que Monsieur C sollicite la condamnation de la société HEXA- DIFFUSION au paiement des sommes de 87.480 euros au titre du manque à gagner, 87.480 euros à raison des bénéfices réalisés par le contrefacteur et 75.000 euros au titre de son préjudice moral ;
 
Considérant ceci exposé qu’il est établi que l’appareil CHROMATIS n’a connu qu’une très faible exploitation, que celle-ci ne s’est pas poursuivie au-delà de 2009 et a été mise en ‘œuvre exclusivement par la société HEXA-DIFFUSION autorisée par Monsieur D, sinon par Monsieur C, mais en pleine connaissance de celui-ci ;
 
Qu’en premier lieu, il n’est aucunement justifié par l’appelant de l’existence d’un préjudice moral lié à l’exploitation effectuée dans les conditions ci-dessus rappelées ;
 
Que par ailleurs, compte tenu de l’absence totale d’exploitation par Monsieur C, celui-ci ne peut prétendre à un manque à gagner et le mode de calcul du préjudice retenu par le jugement au regard des conclusions de l’expert, à savoir l’équivalent d’un quart de la marge brute pour les inventeurs, soit 43.740 euros à diviser par deux, doit être approuvé ;
 
Que le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a fixé à la somme de 21.870 euros le montant des dommages intérêts alloués à Monsieur C, mais infirmé en ce qu’il a considéré que cette somme devait être retenue hors taxes, s’agissant de dommages intérêts non soumis à TVA, le surplus des demandes étant par ailleurs rejeté ;
 
Sur les fautes commises par Monsieur D
 
Considérant que l’appelant reproche à Monsieur D trois types de fautes qui auraient entraîné des préjudices dont il demande réparation, à savoir le défaut d’indemnisation malgré sa qualité de copropriétaire non exploitant, le défaut de communication du dossier technique du
 
CHROMATIS et enfin la dégradation de la valeur de la marque CHROMATIS ;
 
Que Monsieur D, tout en reconnaissant avoir conservé par devers lui le dossier de conception et de réalisation de l’appareil sans le remettre à Monsieur C, estime cette rétention légitime puisque ce dernier n’aurait supporté qu’une faible partie du coût de la mise au point et n’aurait jamais sollicité ce dossier ;
 
Que s’agissant du défaut d’indemnisation, il fait valoir qu’aucun préjudice n’est subi de ce chef du fait de la réparation accordée dans le cadre de l’action formée à l’encontre de la société HEXA DIFFUSION, réfutant enfin toute dégradation fautive de la valeur de la marque ;
 
* sur le défaut de communication du dossier technique
 
Considérant qu’en sa qualité de copropriétaire des brevets déposés, Monsieur C est en droit d’obtenir le dossier de conception et de réalisation objet desdits brevets ;
 
Que toutefois, Monsieur C sollicite l’infirmation en toutes ses dispositions du jugement dont appel et ne forme devant la Cour aucune demande de remise dudit dossier ;
 
Qu’il considère en revanche qu’en refusant de communiquer le dossier technique de l’appareil CHROMATIS, Monsieur D a commis une faute et évalue son préjudice à la somme de 102.070,14 euros, somme qu’il indique avoir exposée entre 2005 et 2008 pour tenter de mettre au point un appareil de colorimétrie dénommé KOLORIS ;
 
Considérant cependant qu’il ne résulte pas de l’examen des pièces versées au débat que Monsieur C ait sollicité de Monsieur D antérieurement à la délivrance en 2009 de son assignation la communication du dossier technique et que ce dernier ait refusé expressément de procéder à cette remise, alors au surplus que depuis 2005 Monsieur C s’était investi dans le projet parallèle KOLORIS auquel Monsieur D n’avait pas été convié ;
 
Que rien ne justifie en conséquence que Monsieur C puisse ainsi réclamer le remboursement de son investissement dans ce nouveau projet ;
 
Qu’il sera débouté de ce premier chef de demande ;
 
* sur le défaut d’indemnisation en sa qualité de copropriétaire non exploitant
 
Considérant que Monsieur C fonde sa demande sur les dispositions de l’article L 613-29 du code de la propriété intellectuelle lequel prévoit une indemnisation équitable pour le copropriétaire non exploitant d’un brevet ;
 
Que cette indemnisation ne peut être considérée comme la réparation d’un préjudice résultant d’une faute commise par l’autre copropriétaire, ce dernier étant au contraire expressément autorisé par ledit article à exploiter seul ou à concéder une licence d’exploitation ;
 
Que ce faisant, la mise en ‘œuvre de ces dispositions ne peut s’inscrire que dans l’hypothèse d’une exploitation régulière devant donner lieu à une juste rétribution ;
 
Que Monsieur C ne peut dans ces conditions à la fois solliciter de la société HEXA DIFFUSION réparation d’une exploitation contrefaisante, et partant illicite, et demander à Monsieur D le paiement d’une indemnité équitable nécessairement relative à une exploitation régulière qu’il conteste ;
 
Qu’il sera donc débouté de ce deuxième chef de demande ;
 
* sur la dégradation de la marque CHROMATIS
 
Considérant que Monsieur C n’explique pas et n’établit en quoi la marque CHROMATIS aurait été dévalorisée, a fortiori du fait de Monsieur D, la perte prétendue d’une commande de 3.000 appareils étant impropre à caractériser ce fait ;
 
Que Monsieur C sera ainsi débouté de ce troisième chef de demande ;
 
Sur les comptes entre les parties
 
Considérant qu’au vu du rapport d’expertise et des pièces communiquées et vérifiées par l’expert, il y a lieu de retenir que Monsieur D et la société HEXA-DIFFUSION, autorisée par ce dernier pour ce faire, ont dépensé pour la protection, la conception et la mise au point de l’appareil la somme de 604.280,90 euros et que, parallèlement, Monsieur C a, pour les mêmes motifs, dépensé la somme de 401.655,40 euros ;
 
Que le différentiel s’établit donc à 202.625,50 euros, de sorte qu’en application de la convention unissant les parties, Monsieur C devra rembourser la moitié de cette somme et sera ainsi condamné à payer à Monsieur D la somme de 101.312,75 euros outre intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2013 tel que sollicité, avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil ;
 
Sur les autres demandes
 
Considérant qu’il y a lieu de condamner Monsieur C, partie perdante, aux dépens ;
 
Qu’en outre, il doit être condamné à verser à Monsieur D, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 10.000 euros.
 
PAR CES MOTIFS
 
Confirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 23 mai 2013 mais seulement en ce qu’il a condamné la société
 
HEXA-DIFFUSION à indemniser Monsieur Emile C du préjudice par lui subi et débouté Monsieur Emile C de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de Monsieur Jean-Pierre D.
 
Infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
 
Condamne la société HEXA-DIFFUSION à payer à Monsieur Emile C la somme de 21.870 euros à titre de dommages intérêts.
 
Condamne Monsieur Emile C à payer à Monsieur Jean-Pierre D la somme de 101.312,75 euros outre intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2013 et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil.
 
Condamne Monsieur Emile C à payer à Monsieur Jean-Pierre D la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
 
Rejette le surplus des demandes.
 
Condamne Monsieur Emile C aux dépens de première instance et d’appel qui comprendront les frais d’expertise judiciaire et qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
   

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